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Vilfredo

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Messages postés par Vilfredo

  1. à l’instant, Johnathan R. Razorback a dit :

     

    Ce qui est injuste c'est de violer le principe de non-agression, fusse pour des motifs de redistribution et d'achat de la paix sociale.

     

    Je ne sais pas si c'est à dessein mais tu nous ré-invente les thèses du liberal Lippmann:

     

    « Un libéral comme Lippmann s'appuie sur Aristote pour montrer le caractère politiquement funeste de fortes inégalités. »

    -Serge Audier, Machiavel, conflit et liberté, Librairie philosophique J. Vrin, coll. Contextes, 2005, p.26.

     

    « Lippmann était un ami très proche de Keynes. [...] C'est d'ailleurs en grande partie Lippmann qui introduira auprès d'un large public américain la pensée de Keynes. [...] A partir de 1919, Keynes commence en effet à collaborer à la revue de Lippmann, The New Republic, pointe avancée de la gauche progressiste américaine. Et c'est aussi dans une collection de The New Republic, alors toujours dirigée par Lippmann, que l'économiste anglais publie un texte en 1926, Laissez-faire and Communism, qui reprend des passages entiers de son célèbre essai, La Fin du laissez-faire, pour dresser un bilan négatif du libéralisme économique du XIXe-XXe siècle, auquel il ajoute certaines analyses mitigées de l'expérience communiste en URSS. [...] Tout indique que la sorte de troisième voie qu'esquissait alors ce membre éminent du Parti libéral anglais séduisait son correspondant américain. [...]
    Brillant étudiant socialiste dans sa jeunesse -il devait s'impliquer aussi, brièvement, dans le Parti socialiste américain- il est d'abord profondément marqué par le socialiste fabien Graham Wallas, par George Santayana et par le philosophe du pragmatisme William James. Intellectuel phare de l'ère du progressisme (progressivism), il contribue à formuler les "quatorze points" du président Wilson pour la Société des Nations. C'est alors un intellectuel situé très à gauche, militant du progrès social: avec Herbert Croly et Walter Weyl, il fonde en 1914
    The New Republic, journal qui attirera de nombreux esprits proches du socialisme, comme John Dewey, et qui formulera un certain nombre de perspectives et de projets qui anticipent l'interventionnisme économique et social sans précédent du New Deal. » (p.72-73)

     

    "Dans les années 1960, [Lippmann] sera dans l'ensemble, et précocement, un soutien de la "nouvelle frontière" puis de la "nouvelle société" de Kennedy et de Johnson -des expériences socio-économiques audacieuses des démocrates que nombre de membres de la Société du Mont Pèlerin exécraient comme autant de résurgences dangereuses de l'esprit du New Deal. On le voit même parmi les principaux invités de Kennedy lors de la cérémonie d'inauguration, le 20 janvier 1961, de sa présidence." (p.209)

     

    "[Entre Walter Lippmann d'un côté, Hayek et Mises de l'autre] nous avons affaire à deux visions de l'économie et du social." (p.214)

    -Serge Audier, Néo-libéralisme(s). Une archéologie intellectuelle, Paris, Éditions Grasset et Fasquelle, 2012, 631 pages.

    Je suis vexé (je plaisante) que vous croyiez que je les reprends malgré moi (je n'habite pas La Cité libre pour rien !). Non, non, c'est en connaissance de cause. Je remets le nez dedans en débattant à flux tendu avec vous. Le principe de non-agression n'a pas grand-chose à voir, à première vue, avec l'excessive pauvreté qui empêche de participer au jeu du marché. À moins que vous ne considériez comme une "agression" la redistribution minimale nécessaire à ce que les pauvres ne se remettent pas à mourir. Ce qui me fait penser à Rothbard… Merci pour vos citations. Vous devez sans doute connaître celle de Mises sur le fascisme dans Le Libéralisme (ça vaut bien les hésitations de Pareto).

     

     

     

  2. il y a 22 minutes, F. mas a dit :

    Aristote vous fusille du regard depuis sa tombe : la Cité n'est pas l'Etat, c'est même une organisation politique sans Etat (sur le sujet par ex vidal naquet ou castoriadis, mais bon), ce phénomène purement moderne, et qui marque la rupture entre l'ancien monde et le nouveau (avec le gvt représentatif). Dans la notion de P, mais plus encore dans le Nomos, Schmitt dissocie Politique et Etat : le critère ami/ennemi, c'est justement pour rompre avec la vieille tradition positiviste qui réduit le Politique à l'étatique, alors que justement, celui-ci peut se loger dans d'autres lieux/organisations sociales, genre les grands espaces (cf le nomos).

    Encore sur Aristote, comme l'explique bien Tricot, l'État est l'unité politique, la Cité l'unité organique. La Cité comme l'État est l'association en vue du Souverain Bien. Aristote dit même que la famille est un petit État. Qu'il ne faille pas confondre État au sens de Cité-État et l'État moderne, je vous le concède : mais ses prérogatives économiques d'ajustement pour ceux qui sont "par trop malchanceux" comme écrit Hayek posent la même question. C'est d'ailleurs dans ce sens que Popper conduit son analyse si désastreuse de Platon : il commet le même genre d'anachronisme idiot.

  3. Il y a 22 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

     

    Hum hum...

     

    "This reversal, really apostasy — from radical liberalism to support of authoritarian government — might be called the "Pareto syndrome," after its most famous exemplar. [...]
    In Italy, liberals like Pareto, Alberto de Stefani, and Luigi Einaudi supported Mussolini's seizure of power.
    "

    -Ralph Raico, Authentic German Liberalism of the 19th Century, 20 avril 2005.

    J'ai l'impression que nous allons débattre de tout ensemble ! Mais Raico ne prend pas en compte l'article que publia en 1923 (peu avant sa mort) Pareto, adressé aux fascistes, et qui leur conseillait de maintenir la liberté d'expression, de la presse, de ne pas toucher au libéralisme économique… bref, de ne pas être fascistes ! Sur ce plan-là, je vous avoue ne pas avoir lu de biographie de Pareto mais je me fie comme vous à Wikibéral.

    Merci à tous de votre charmant accueil.

  4. il y a 5 minutes, F. mas a dit :

    Sur le totalitarisme L'idéologie et la terreur, c'est au contraire très arendtien ce que je dis ! Gauchet parle d'idéocratie : un régime guidé par l'idéologie et qui se sert de la terreur pour effacer la réalité et la remplacer par la propagande. L'origine des systèmes totalitaires dans les systèmes coloniaux oui, mais ces systèmes ne contenaient pas déjà l'intégralité, en eux-même, le système totalitaire (c'est une source...). La relative anarchie au sommet des systèmes totalitaires n'est pas voulue, même si elle est réelle (cf le nazisme)

     

    Aristote vous fusille du regard depuis sa tombe : la Cité n'est pas l'Etat, c'est même une organisation politique sans Etat (sur le sujet par ex vidal naquet ou castoriadis, mais bon), ce phénomène purement moderne, et qui marque la rupture entre l'ancien monde et le nouveau (avec le gvt représentatif). Dans la notion de P, mais plus encore dans le Nomos, Schmitt dissocie Politique et Etat : le critère ami/ennemi, c'est justement pour rompre avec la vieille tradition positiviste qui réduit le Politique à l'étatique, alors que justement, celui-ci peut se loger dans d'autres lieux/organisations sociales, genre les grands espaces (cf le nomos).

     

    Merci de l'éclairage pour Nisbet. Mais je voudrais des précisions sur Aristote (que faites-vous de la Cité-État ?) et sur Schmitt : bien sûr que Schmitt distingue le politique de l'État (puisque l'État présuppose le concept de politique), et j'ajouterais à vos "autres lieux" celui de la guerre de partisans, mais en quoi cela change-t-il quoi que ce soit à mon propos ? Le problème de la thèse de Nisbet telle que vous la présentiez, en termes schmittiens, n'est-il pas précisément de dépolitiser l'État, bien que l'État ne soit pas le seul "lieu" du politique ?

     

     

     

  5. il y a 22 minutes, Rincevent a dit :

    Arendt sur le totalitarisme, c'est très, très surfait (pour dire le moins).

     

    Le passage n'a plus de sens dans le monde moderne, parce que la politique à l'ère moderne a radicalement changé de buts et de moyens par rapport à ce que l'humanité avait connu avant. Un État moderne n'a, par nature, plus rien à voir avec une cité de par son extension démo-géographique (quelques milliers de citoyens se croisant tous les jours sur l'Agora, ça n'a rien à voir avec des millions de personnes distantes de centaines de kilomètres), ni avec l'extension de son pouvoir (un indice : l'idée de "gouverner" est récente, mais quelle est son origine lexicale ?).

    Votre jugement sur Arendt est péremptoire. Au moins m'accordez-vous la référence à Aristote : mais il s'agit d'une génétique de la Cité et d'une analyse des dispositions naturelles de l'homme, je ne vois pas comment l'évolution historique pourrait les influencer. Aristote écrit d'ailleurs les Politiques au moment de l'émergence des grands empires et de la perte hégémonique d'Athènes sans le moins du monde que cela ne remette en cause ses principes et ses distinctions politiques. Sa préoccupation d'un juste équilibre économique, d'un ajustement de l'ordre spontané (ce qui est un oxymore en termes hayékiens, j'en ai bien conscience, mais je n'ai jamais prétendu être un hayékien parfait) quand celui-ci est "par trop injuste" comme le dit en gros Hayek dans l'extrait que je vous ai cité de Droit, législation et liberté.

  6. Il y a 22 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

     

    1): C'est malheureusement un fait bien établi (notamment par Serge Audier dans Néolibéralisme(s) ) qu'Aron était un fait partisan d'un Etat social-démocrate light (ce qui l'apparente à un certain type de conservatisme social).

     

    « L'Etat peut et doit assurer à tous, par les lois sociales, le minimum de ressources qui rend possible une vie décente, au niveau que tolère la richesse collective. […] Il est en droit de prélever sur les privilégiés une contribution aux dépenses publiques qui croît avec le niveau des revenus. Il peut et doit amortir les échecs ou les déclins relatifs des groupes, des individus, des régions, malheureux dans la course au progrès. » -Raymond Aron, Essai sur les libertés.

     

    2): Voilà ce qui arrive lorsqu'on base sa défense du libéralisme sur des arguments épistémologiques plutôt que moraux*.

     

    Personne n'est parfait. Du reste Hayek a fait pas mal de concessions aux sociaux-démocrates dans La Route de la Servitude, mais je ne sais pas si on en retrouverait tant que ça dans son œuvre ultérieure.

     

     

     

    1) Ce que vous appelez un "État social-démocrate light", si j'en juge par la citation d'Aron que vous joignez, n'a rien de fondamentalement différent des revendications de justice sociale dans Rawls (contre Hayek bien sûr, quoiqu'il se soit surtout frité avec Nozick) ni n'empêche la concurrence. Car tout est là : Aristote montre lui-même dans Les Politiques que non seulement un État aristocratique devra davantage imposer les plus aisés (sous peine de sombrer dans l'oligarchie) et la démocratie devra "traiter les gens aisés avec modération" (V, 8) ; les héritages doivent être faits par filiation et non donation : le but, on le voit, dans l'État social-démocrate light d'Aron ou dans la Cité d'Aristote, est justement moral (vous qui reprochiez à Hayek son aveuglement moral par l'épistémologie) : l'agrégation politique a pour but le Souverain Bien, hors il ne peut être atteint si certaines conditions ne sont pas respectées faute de quoi, même si le système politique est irréprochable économiquement (puisqu'auto-régulé), il s'effondrera politiquement, ou déchoira (d'aristocratie en oligarchie, de monarchie en tyrannie etc.) Il s'agit donc de s'assurer que le plus grand nombre puisse parvenir à l'aisance (≠ faire parvenir le plus grand nombre à l'aisance : on énonce simplement des conditions de possibilité). Qu'y a-t-il à reprocher à cette anthropologie ?

     

    2) Pour Hayek, vous tombez mal en incriminant à tort La Route, parce que la légitimation du revenu minimal est dans Droit, législation et liberté : « Il n'y a  pas de raison pour que le gouvernement d'une société libre doive s'abstenir d'assurer à tous une protection contre un dénuement extrême, sous la forme d'un revenu minimum garanti, ou d'un niveau de ressources au-dessous duquel personne ne doit tomber. Souscrire une telle assurance contre l'infortune excessive peut assurément être dans l'intérêt de tous; ou l'on peut estimer que c'est clairement un devoir moral pour tous, au sein de la communauté organisée, de venir en aide à ceux qui ne peuvent subsister par eux-mêmes. » (tome 2, trad. Audouin, éd. PUF, p. 105). Il s'agit donc ici d'une légitimation morale et non épistémologique de surcroît.

  7. il y a 38 minutes, F. mas a dit :

     1) Non je ne confonds pas décisionnisme et totalitarisme. Ce qui intervient dans/pour établir la situation d'exception, c'est le souverain politique, celui dont la décision ne se subsume d'aucune norme, parce qu'il est à la fois celui qui pose la norme, qui peut l'abolir et s'y soustrait car Princeps legibus solutus est. Contrairement au positivisme, il n'y a pas de rupture entre pouvoir constituant originaire et dérivé, entre décision politique créatrice qui pose les institutions et son fonctionnement ordinaire. L'exécutif, c'est le lieu constitutionnel de la souveraineté concrète (par opposition à celle abstraite de la constitution écrite libérale-bourgeoise), où pour les décisionnistes, le souverain agit de façon délié des lois ordinaires (ou qui peut se délier lui-même des lois ordinaires au nom de par exemple, l'état d'exception). D'ou les réflexions de capitant sur l'article 16 ou celle de Schmitt sur l'art 48 de la constitution de Weimar.

     

     2) Il y a une raison à la non formalisation de l'exécutif,  qui par ailleurs, dans la tradition libérale, est toujours subordonnée au législatif ou au judiciaire, c'est que sont histoire longue le fait plutôt appartenir à la tradition monarchie (voire despotique, si on en croit L Strauss toujours). Son intégration au constitutionnalisme moderne se fait de manière chaotique, et se fixe grâce aux crises économiques et à la guerre (cf de Jouvenel).

    Aujourd'hui, le triomphe absolu de l'exécutif correspond aussi à celui de l'état bureaucratique moderne, devenu tellement dominant qu'il a largement obsolétisé le droit libéral d'avant guerre (Cf N Roussellier sur le pouvoir exécutif)

     

    3) Le totalitarisme ce n'est pas tant l'acceptation de l'arbitraire au sens premier du terme au beau milieu de l'ordre constitionnel que sa subordination à l'idéologie + l'emploi de la terreur.

    4) Sur le 'libéral conservatisme' : on peut soutenir la thèse inverse, comme le fait par exemple Robert Nisbet (thèse que je fais mienne au passage) : l'Etat, avec son exécutif fort ses technocrates et sa bureaucratie, est profondément révolutionnaire : il détruit systématiquement les communautés naturelles et les corps intermédiaires (mais aussi la monnaie, le droit commun, la morale et les coutumes établies) pour proposer sa version propre afin s'assouplir l'échine de ses administrés.

    Je ne mets pas en doute le libéralisme d'Aron, je rappelle seulement qu'il est meilleur politologue qu'économiste :)  Et que sur ce plan là, je ne le trouve pas totalement convaincant.

    J'ai donné la réf sur Raynaud plus haut, c'est un article de Commentaire.

    1) Je suis d'accord sur votre résumé mais, vous vous en doutez, là où nous ne tombons pas d'accord est au sujet de l'extension que vous accordez au totalitarisme (ce que j'ai rassemblé en (2) et en (3) pour faciliter ma réponse) : tout d'abord il me semble que votre thèse est peu arendtienne : dans Le Système totalitaire, Arendt montre que l'organisation coloniale jette les bases du gouvernement totalitaire, en ceci précisément qu'elle est laissée à l'arbitraire des bureaucrates colons, à leur discrétion (le pouvoir discrétionnaire si bien analysé par Schmitt dans La Dictature) qui ne suffit pas à fonder l'ordre concret schmittien, puisque, dans la mesure où le Princeps est la source de la norme (ce qui suppose donc un autre système juridique que l'arbitraire pur, qui est l'anormal (dans le sens que Canguilhem donne à ce terme, c'est-à-dire une norme appauvrie et une vie pathologique ou "contrariée"), il donne rétrospectivement à la communauté son sens, sa direction, son unité. Vous réduisez l'ordre concret à une idéologie, ce qu'elle n'est pas. Ou j'ai mal compris comment vous passiez du (2) au (3).
    4) Je ne connais pas bien Nisbet (seulement de nom son livre sur Durkheim) ; pour un aristotélicien comme moi, difficile de penser l'État détruisant les communautés naturelles : au contraire, selon l'entéléchie aristotélicienne, l'État (ou plutôt la Cité et vous n'auriez pas tort de dire que je passe un peu facilement de l'un à l'autre) est logiquement et naturellement premier. L'État présuppose le concept de politique (comme l'écrit Schmitt au début de la Notion de politique) en ceci qu'il donne la plus intense unité agonistique qui crée le lieu du politique, i.e. : un lieu d'affrontement, hors, si je vous suis bien, pour Nisbet, l'État au contraire neutraliserait tout conflit en "assouplissant l'échine de ses administrés" et construirait une loi par-dessus les coutumes et la morale (ce qui n'est vrai que d'un certain type d'État (forcément, avec des considérations aussi larges…) et nombreux sont les théoriciens politiques qui ont fait de la coutume le fondement de l'État (je ne vous renvoie pas encore à Schmitt, mais le triple rapport à la terre (prendre/partager/paître) d'où dérive la véritable coutume (nomos) est le fondement du Nomos de la Terre et par extension de tout le Droit des gens)). Donc je ne saisis pas bien Nisbet dans le résumé que vous en donnez.

    Merci pour Raynaud et je vous abandonne Aron, qui n'a d'ailleurs jamais eu la prétention d'être un "économiste" (tout juste sociologue).

     

     

     

  8. il y a 50 minutes, Mégille a dit :

    Bienvenue !

    Von Wieser, il n'était pas socialiste celui là ? Je ne l'ai pas lu, mais Mises, Rothbard et Huerta de Soto n'ont pas l'air d'en penser que du bien ! Quels sont tes points de désaccord avec le "mainstream" autrichien ?

    Connais tu Huemer ? C'est un philosophe analytique actuel, anarcap, avec des développements intéressants en éthique.

    Merci de votre accueil (merci à tous d'ailleurs). Von Wieser a rejoint le nazisme dans son dernier livre, Das Gesetz der Macht (1926), non traduit. En effet, il occupe un peu la situation opposée à celle de Böhm-Bawerk, que les Mises et Rothbard glorifient ou reprennent (Hayek et sa théorie du taux d'intérêt naturel et du taux d'intérêt monétaire lui doivent beaucoup il me semble. Wieser ne fut rien de moins que le prof de Hayek.) alors que Menger le désapprouvait. Pour Wieser, c'est le contraire. Socialiste, oui, dans le sens que Hayek donne à ce terme dans La Route de la servitude, c'est-à-dire que Hitler est socialiste. Mais son apport à l'économie libérale (théorie de l'imputation) m'empêche en tout cas de le considérer comme socialiste. Le problème des conclusions de Wieser est qu'elles sont normativistes et interventionnistes. Je ne vous cacherai cependant pas que je m'intéresse beaucoup plus à sa théorie de l'évolution sociale qu'à la résolution des problèmes posés par la théorie de l'imputation, plus tard retranscrite sous forme matricielle

     

    v . K = p . X

     

    avec v = vecteur des valeurs imputées des facteurs de production

    K = matrice des coeff. techniques

    p = vecteur des valeurs attendues des biens de premier rang

    X = vecteur des qualités produites des biens de premier rang,

     

    qu'à sa théorie de l'évolution sociale dans laquelle (est-ce monomanie ?) je crois retrouver la semence de la circulation des élites parétienne (Pareto ayant eu, je le précise, une relation beaucoup plus distante vis-à-vis du fascisme). Les institutions économiques (et les institutions en général) cristallisent le pouvoir de leurs leaders (je crois que c'est le terme employé par Sandye Gloria-Palermo), mais ceux-ci ne font en fait qu'enclencher un processus organique qui les dépasse : Wieser, avant Hayek, imagine donc ce troisième terme de l'opposition de la philosophie libérale entre nature et convention, qui est ce que Hayek nommera l'ordre spontané.

     

     

     

     

  9. il y a 2 minutes, Rincevent a dit :

    Le problème, c'est qu'aussi bien pour les défenseurs en théorie de l'état d'exception que pour ses praticiens en politique, l'état d'exception a systématiquement tendance à être justifiable en permanence. La critique est donc assez bien fondée (car informée à la fois par l'histoire et le Public Choice).

     

    En quoi la puissance de l'exécutif n'est-elle pas réductible, in fine, à la bonne vieille dictature ?

    Le cas de la Ve République et de la "plupart des constitutions des démocraties libérales" selon la citation de Monod faite par Jonathan R. Razorback, montre pour l'instant le contraire. Il n'est pas justifiable en permanence, ses prérogatives sont limitées, avec des dérogations distinctes des suspensions (seuls les art. 114, 115, 117, 118, 123, 124 et 153 sont suspendus selon l'art. 48 de la Constitution de Weimar) et de surcroît limitées dans le temps. La puissance de l'exécutif garantit simplement qu'un véritable État puisse continuer à exister, car l'État donne des raisons de vivre et non des moyens d'exister (selon l'apophtegme d'Alain de Benoist qui ne doit pas avoir bonne presse ici mais c'est tant pis).

  10. Bonsoir chers amis libéraux,

     

    Je me présente : Vilfredo Pareto, en toute simplicité. Je suis de tendance libéral-conservatrice, mes sympathies vont vers les néoclassiques (Jevons, Menger plus que Walras) et certains marginaux de l'école autrichienne (von Wieser) dont je suis un lecteur assidu. En philosophie, j'épouse la tendance du courant analytique. J'ai l'esprit de contradiction. Et je suis ravi de participer à ce forum.

    Très vôtre et en l'attente de débats riches,

  11. Il y a 7 heures, Johnathan R. Razorback a dit :

     

    Cette thèse de Schmitt est quand même un très gros homme de paille, hein.


    "Il est faux d'affirmer que le libéralisme "ne veut rien savoir de l'exception" et de l'état d'exception: la plupart des Constitutions de démocraties libérales contemporaines sont dotées d'articles prévoyant la possibilité de promulguer des mesures exceptionnelles ou un état d'exception."
    -Jean-Claude Monod, introduction à Carl Schmitt, La Dictature. Des débuts de la conception moderne de la souveraineté à la lutte des classes prolétarienne, Seuil, coll. "Essais Points", 2000 (1921 pour la première édition allemande), 427 pages, p.46.

     

    "On oublie trop facilement le caractère tragique du libéralisme alors que la question du mal se trouve à son origine."

    -Frédéric Boily & Natalie Boisvert, Le libéralisme de l’inquiétude : Friedrich Hayek et Judith Shklar, Politique et Sociétés, Volume 33, numéro 3, 2014, p. 3-29.

     

    Ce serait cool que tu ailles te présenter dans la section dédiée, aussi ;)

    Je serais ravi d'aller me présenter "dans la section dédiée" mais je ne sais pas ce que c'est :wacko:

    Je ne vois pas trop en quoi l'extrait de Monod contredit mon argument : il me semble au contraire l'appuyer : le libéralisme est tout à fait compatible avec une législation décisionniste ou schmittienne. Sa phrase ne fait qu'enfoncer la porte ouverte du concept de superlégalité développé par Schmitt dès La dictature du président du Reich d'après l'article 48 de la Constitution de Weimar (v. en particulier la section « Différence avec le droit public de nécessité », éd. Seuil, coll. Points, p. 310sq.).

     

     

  12. Il y a 7 heures, F. mas a dit :

    Pour Schmitt, il n'y a pas de politique libérale, seulement une critique libérale de la politique, qui en gros à ses yeux peut se réduire à l'économie et à la morale (et au droit > cf la critique du normativisme), donc pas d'opposition possible entre lib pol et lib éco. On pourra lire par exemple sur le sujet la Notion de politique.

     

    Schmitt n'envisage pas l'état libéral bourgeois 'centré sur ses fonctions régaliennes' comme un modèle politique, son truc, c'est rééquilibrer le pouvoir pour donner à l'exécutif la prééminence absolue. Aron n'a jamais pensé en termes de recentrage sur les fonctions régaliennes (il est plutôt keynésien), et de mémoire, Freund non plus. C'est d'ailleurs, à mon avis le problème commun à ces auteurs, malgré leurs grands talents en sc politique.

     

    Je ne vois pas bien pourquoi on parle des anarcaps ici : entre le décisionnisme et sa tentation permanente de l'intervention politique dans tous les domaines de l'existence et l'anarcapie, il y a le libéralisme classique, hein.

    Vous confondez apparemment décisionnisme et totalitarisme : le décisionnisme intervient dans une situation exceptionnelle (Ausnahmezustand) et pas en permanence (les deux sont d'ailleurs un peu antithétiques, car vous voyez bien que si la situation exceptionnelle est permanente, nous sombrons dans une contradiction manifeste), contrairement au totalitarisme, qu'il faudrait aussi distinguer de l'État total de Schmitt. Freund partage la vision politico-historique de Pareto sur la circulation des élites donc il me semble plutôt que si (i.e. : qu'il envisage ce recentrement régalien (à propos de votre réponse sur les fonctions régaliennes)). Même remarque pour Aron : ses fructueux travaux sur la géopolitique et le droit international (voire la polémologie pour son excellent Clausewitz) le conduisent justement à une revalorisation de l'État régalien et sa puissance sur la scène internationale, qu'il définit comme « la capacité d’une unité politique d’imposer sa volonté aux autres unités. En bref, la puissance n’est pas un absolu, mais une relation humaine. » (Paix et guerre entre les nations, éd. Calmann-Lévy, p. 58). En quoi la puissance de l'exécutif contredit-elle le libéralisme économique ? Cette combinaison est pourtant le ciment du national-libéralisme comme du libéralisme-conservateur… Enfin, vous en venez à mettre en doute le libéralisme d'Aron, ce qui est un peu étonnant : je pense que vous vous référez à la préface de L'Opium des intellectuels mais il faut nuancer : les doutes d'Aron, sa tendance à synthétiser, à équilibrer, à chercher l'excellente médiété éthique n'en fait pas un keynésien ! Le non-régulationnisme n'est pas un dogme dont le non-respect devrait suffire à bouter hors du club libéral le premier hérésiarque supposé. Il suffit d'ailleurs de relire les textes qu'Aron consacre à Hayek, en particulier dans le 2e chapitre d'Essai sur les libertés. Je viens de relire le chapitre pour vous répondre, et le passage qu'il consacre à l'analyse hayékienne de l'impôt progressif est très symptomatique de sa vision de Hayek : «J'aimerai aussi indiquer, sans prendre une position catégorique, la condamnation que porte Hayek sur le principe et, en tout cas, sur les excès de l'impôt progressif.» Je vous renvoie à la citation de Marc Crapez (v. ci-dessous). Aron ne pourrait jamais devenir keynésien car, encore sur la question de l'impôt, quoiqu'il ne soit pas complètement hostile à certains prélèvements (là encore, Aron est plutôt un de ces "correcteurs" des excès du libéralisme que j'évoquais en mentionnant, comme vous l'avez relevé, les anarcho-capitalistes (et loin de moi l'idée de les discréditer pour autant, cependant, il me paraît évident qu'ils incarnent une frange disons extrême du libéralisme)), Aron accepte et prend acte d'une certain irréductibilité des inégalités, ce qui est un point de vue typiquement libéral. Son seul crime pour un libéral classique serait de réclamer l'existence d'un salaire minimum (car il assimile, sans doute indûment il est vrai, la méritocratie au racisme (1)) mais il me semble que Hayek soutenait également cette mesure. La "correction" d'Aron sur la question du libéralisme se fait dans les cadres de pensée, au sein même du libéralisme, ce n'est pas une "critique" au sens d'un tribunal qui se placerait à l'extérieur précisément du libéralisme pour l'attaquer (comme dans une optique keynésienne). Je ne peux que vous recommander la lecture de ce chapitre si vous ne l'avez déjà faite et en retour, je vous serais reconnaissant de m'indiquer s'il vous plaît la référence de l'article de Raynaud, que je vous avoue méconnaître.

     

    (1) « L'opinion publique ne se montre pas toujours hostile aux inégalités puisque les cachets des chanteurs ou des vedettes de cinéma ne choquent personne. L'inégalité choque quand le riche passe pour n'avoir pas mérité la richesse. Mais qui est juge des mérites ? Et, si scandaleuse que l'idée puisse paraître, un ordre où chacun serait rétribué selon ses mérites subsisterait le hasard de l'hérédité biologique à celui de l'héritage social. Quant à un ordre social où chacun aurait droit au meilleur en fait de médecine ou d'enseignement, par définition, il est impossible puisque le meilleur se définit comme ce qui est réservé à quelques-uns. » (Essai sur les libertés, "libertés formelles et libertés réelles")

     

     

    Citation

    «Qu’Aron se soit distingué des vues d’Hayek comme d’une sorte d’utopie déterministe est une chose. Mais camper un « Aron face au néolibéralisme », c’est oublier que celui-ci considérait Hayek comme un auteur puissant, duquel il différait en degré plus qu’en nature. Qu’Aron se soit distingué du libéralisme intégral d’Hayek et du conservatisme absolu de Monnerot n’empêche pas qu’il ait été à leurs côtés contre deux régimes totalitaires. » Marc Crapez, "Aron, Weber et Hayek" in Controverses (revue), mars 2009

     

     

     

     

  13. Il y a 11 heures, F. mas a dit :

    Non, Schmitt ne distingue pas entre libéralisme économique et politique. Il a dans le viseur le gouvernement représentatif (parlementarisme et démocratie, théorie de la constitution), le libéralisme bourgeois qui a à sa tête la classe discutante et prétendument rationnelle (parlementarisme et démocratie) et défend un droit déterritorialisé typique des thalassocraties (le nomos de la terre).

     

    Sur Hobbes : la critique adressée à Schmitt par Leo Strauss repose d'ailleurs sur son usage radicalisé de l'auteur du Leviathan : il cherche à fonder un pensée illibérale en s'appuyant sur l'un des auteurs fondateurs du libéralisme (ou du moins de ses concepts clefs), ce qui ne peut aboutir qu'à un échec dans sa tentative de sortie de la philosophie moderne.

     

    Aron et Freund font une lecture sélective de Schmitt. Aron n'est même pas au courant que Schmitt a été kronjurist du reich, il est surtout influencé par sa vision des relations internationales (sur le sujet, https://www.commentaire.fr/boutique/achat-d-articles/raymond-aron-lecteur-de-carl-schmitt-9592), tandis que Freund est plus conservateur (wébérien, néoaristotélicien, etc), mais très modérément libéral (ce qui par ailleurs n'enlève rien à ce dernier. Je le trouve très intéressant, peut être même par certains côtés plus de Schmitt). Perroux était corporatiste, pas libéral, et Capitant décisionniste tendance gaulliste de gauche.

     

    Il ne me semble pas que l'on puisse dire que Schmitt ne distingue pas le libéralisme économique du libéralisme politique : le politique et l'économique sont rigoureusement distincts de toute façon. Le problème du libéralisme politique est de n'envisager aucun conflit existentiel mais au contraire de chercher à les dissoudre dans les relations commerciales. En revanche, le libéralisme économique n'est nullement inséparable du libéralisme politique (difficile de considérer Pinochet comme un libéral politique) et je serais curieux de savoir où vous avez bien pu lire que Schmitt prétendait le contraire. Tout État fort n'est pas illibéral : quoi de plus libéral que les privatisations de Poutine ? Vous innocentez Aron à peu de frais : dans ses Mémoires, il montre plutôt qu'il est parfaitement au courant mais ne veut pas y croire : « Homme de haute culture, il ne pouvait pas être un hitlérien et ne le fut jamais. » (éd. Julliard, 1983, p. 650) : Aron a eu vent des sympathies nazies de Schmitt (comme Ricœur dès que Freund le lui donne à lire, cf. le livre de Taguieff, qui qualifie Freund de "libéral-conservateur insatisfait" pour rebondir sur votre remarque) et mais décide de les ignorer. Les dénonciations de Freund du libéralisme reposent sur celle d'une dépolitisation de l'État. Le libéralisme maintient une distinction indiscutable de l'État et de la société civile, simplement, Freund comme Schmitt ou Aron appellent à une repolitisation de l'État qui ne saurait avoir trop de pouvoir dans ses sphères d'attribution, i.e. : les fonctions régaliennes. Aron est le premier à rejeter les anarcho-capitalistes, arguant qu'une société dans État est impossible ; ce n'est d'ailleurs pas pour rien qu'Aron a popularisé Pareto (que vous devez, si j'en crois vos critères, rejeter complètement hors de la sphère libérale) en France. Cet axe de lecture s'étend à l'interprétation schmittienne du Léviathan, qui n'a jamais eu dans l'esprit de Schmitt vocation à être une explication ou un commentaire littéral (contrairement à ce que répète Zarka). Il me semble d'ailleurs que ce souci de correction du libéralisme n'est pas non plus étranger à l'œuvre d'un Bertrand de Jouvenel.

     

     

  14. Le 08/04/2017 à 18:50, Johnathan R. Razorback a dit :

    C'est ce que dit Schmitt (entre autres) pour faire l'éloge des philosophies politiques reposent sur une anthropologie pessimiste (en particulier, selon lui, celle du catholicisme) contre l' "optimisme" des libéraux et des anarchistes. Sauf que c'est faux, un seul contre-exemple suffisant à invalider cette opposition simpliste.

    Oui c'est vrai mais Schmitt distingue il me semble libéralisme politique et libéralisme économique, qu'il ne blâme pas particulièrement, la sphère économique ne répondant pas au critère fondamental du politique (l'intensité de la lutte à mort entre l'ami et l'ennemi). Donc Schmitt ne se prive nullement de mentionner Hobbes comme référence et de citer Pareto (en particulier dans Le Nomos de la Terre, reprenant la terminologie des "dérivations"). Schmitt est aussi un grand lecteur de Tocqueville (cf. Ex Captivitate Salus), qu'il considérait comme le plus grand historien du XIXe siècle. Il ne faut pas oublier qu'il a vécu comme juriste dans la très libéral-conservatrice république de Weimar, qu'il a défendue. Il existe même un bouquin de Renato Cristi, Le Libéralisme conservateur, trois essais sur Schmitt, Hayek et Hegel (éd. Kimé, 1993, v. https://www.erudit.org/en/journals/ltp/1993-v49-n3-ltp2147/400808ar.pdf) qui pousse le bouchon encore plus loin et sans remporter complètement mon adhésion, je dois dire, en assimilant le combat de Schmitt contre le normativisme juridique à celui de Hayek contre le constructivisme : l'ordre émanant de la communauté elle-même et non d'une rationalité extérieure dont Schmitt fait l'alpha et l'oméga de sa pensée juridique à partir de la Verfassungslehre (Théorie de la constitution) et des Trois types de pensée juridique et qu'il appelle "ordre concret" serait l'équivalent de l'"ordre spontané". À mon avis, la mise en rapport est caduque (bien que Cristi n'omette pas la critique hayékienne de Schmitt dans Droit, législation et liberté) mais elle a le mérite de sortir Schmitt de l'ornière d'un antilibéralisme aveugle et systématique. Qui sont les plus grands lecteurs de Schmitt ? Aron, Freund, Capitant, Perroux… des libéraux en somme. La critique de Schmitt est plutôt salutaire pour le libéralisme politique.

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