Aller au contenu

Le communautarisme


Messages recommandés

Posté

Pour info j'écris en ce moment un livre (ce sera mon premier livre) sur comment être à l'aise en Afrique, et notamment dans un cadre de fonctionnements communautaires. Je m'appuie sur des livres d'ethnologie (dont Marshall Sahlins) ainsi que sur mon vécu au Tchad et au Burkina Faso. Puis sur des bouquins au sujet de l'exclusion sociale (Patrick Declerck surtout), puis Taylor et bientôt Michéa. En ce qui concerne l'Afrique, plusieurs ici ont déjà constaté que je nage en plein relativisme. Voici de quoi tenter de faire comprendre pourquoi. C'est un peu brut de fonderie, j'ai fait ce que j'ai pu.

~~~

EDIT : Suite aux remarques qui suivent ce post, j'ai tout reformulé ici.

~~~

Il existe deux conceptions de l'individu dans la société. Dans la conception individualiste, l'individu est vu comme un atome, la société est l'ensemble de ces atomes qui coopèrent plus ou moins librement. A l'opposé de cette vision, dans la conception communautaire, l'individu est l'un des noeuds du grand réseau de liens sociaux qu'est la société. Dans les pays développés, l'idéal de société est individualiste. Dans les pays moins développés les sociétés sont communautaires.

L'individualisme est l'idéal selon lequel chacun devrait pouvoir s'accomplir en fonction de ses valeurs, propres à lui-même. Cela implique une société construite sur des contrats librement consentis. Cela implique l'égalité de chacun (au moins par défaut) en dignité, et donc l'égalité devant le droit.

Le communautarisme est l'idéal qui défend la cohésion de la société. Cette cohésion est assurée par les liens sociaux entre les individus. Selon Ferdinand Tönnies dont Schnappi m'a donné tout à l'heure une référence et que je reprends derechef, la première des communautés -la plus parfaite, la plus spontanée et celle qui sert de brique aux autres communauté- est la famille. Autant la société individualiste repose sur des contrats librement consentis, autant la société communautaire repose sur le consensus de ce qui est moral. La morale est ce qui permet de juger de ce qui est bien et de ce qui est mal. La morale d'une communauté est ce qui fait consensus sur ce qui est bien et mal. Notez en passant que la morale a toujours été associée à des croyances. Même si cela changera peut-être.

Revenons sur le lien social. Un lien social est la relation qui attache deux individus l'un à l'autre d'une façon communautaire. Ce n'est pas un contrat, la relation est par nature inéquitable, les deux individus ne sont pas considérées comme égaux devant le lien. Le lien social a en effet un sens (une direction), il est en faveur de l'une des deux parties. Il en existe deux types : les liens du sang d'abord. Ce sont ceux de la famille, ils existent d'office à la naissance de l'individu. Le sens du lien social est en faveur de critères définis par la tradition, il est souvent fonction de l'âge et du sexe. Au delà de la famille, un lien social est la contrepartie des transferts de richesse entre deux individus. Le sens du lien social est en faveur du donateur. Etre lié, c'est en fait être redevable. La valeur du lien n'est pas quantifiable rationnellement, il s'agit d'une évaluation subjective du besoin de celui qui reçoit conjugué à l'effort de celui qui donne.

Un niveau social est une position dans l'échelle sociale, son évaluation est intuitive, elle dépend du nombre et de la valeur des liens sociaux en faveur de la personne. Un transfert de richesse se fait toujours de l'individu qui a le niveau social le plus haut, vers celui de niveau inférieur. Chaque transfert renforce donc le niveau social du donateur, et renforce du même coup, dans le cadre du lien social avec la personne, sa position de donateur plutôt que de receveur. Si l'on ajoute que dans les sociétés communautaires dans lesquelles j'ai vécu, le transfert de richesse est initié par celui qui reçoit, cela donne que le plus riche est nécessairement celui de niveau social le plus haut et partage forcément. Ce sont ces mécanismes de création de liens sociaux et de « chacun paye en fonction de ce qu'il a », qui font que, entre autres, les prix dans les pays communautaires sont tous négociés plutôt qu'affichés. On peut afficher les prix pour des futures transactions impersonnelles, donc dans un cadre individualiste. Alors que le lien social implique au contraire une transaction personnalisée. Notons que le service impersonnel est aussi ce qui caractérise les administrations (assurances, banques, associations, services publics) chères aux systèmes individualistes. Un lien social entre un salarié d'une administration et un bénéficiaire est perçu comme de la corruption, c'est à dire moralement condamnable (il y a une morale même dans un fonctionnement individualiste, cf plus bas). Et à propos de corruption, les mécanismes communautaires de paiement en fonction du niveau social obligent les dirigeants et autres responsables à se corrompre pour trouver l'argent nécessaire aux coups durs endurés par les membres de la famille. La corruption est une caractéristique du fonctionnement communautaire (primitif).

Autre chose : si un idéal de société est plus individualiste que communautaire ou l'inverse, cela n'empêche pas que chaque individu est lui-même à la fois un atome qui pense et qui choisit en fonction de ses valeurs propres, et à la fois un noeud dans un grand réseau de liens sociaux. Au fur et à mesure que se déroule la vie quotidienne, chacun opte pour un fonctionnement un coup communautaire, un coup individualiste, suivant la situation. L'idéal de la société n'est qu'une incitation, une inclinaison vers l'un des deux fonctionnements. Taylor montre par exemple que l'individu se construit lui-même dans le dialogue, par rapport à l'image que lui renvoient les « autres qui comptent ». C'est ce qu'il appelle la reconnaissance. Je pense qu'on a là une clef, à l'échelle individuelle, sur pourquoi il y a tant de sans-abris désociabilisés dans les pays riches. Ce n'est pas la richesse qui provoque l'exclusion, ce sont les logiques individualistes qui engendrent un risque d'exclusion par manque de reconnaissance. Le manque de reconnaissance arrive lors d'un coup du sort dans lequel l'entourage proche disparaît (accident) ou devient inaccessible (licenciement). J'avais développé ces idées dans ce papier sur l'exclusion.

Il existe des paradoxes.

On peut remarquer que pour exister, une société individualiste, avec son consensus sur ses principes d'égalité devant le droit et de liberté individuelle, est avant tout une société communautaire. En effet, s'il n'y avait pas de soubassement communautaire, même minimal, il n'y aurait pas de consensus et l'individualisme tournerait au combat de chacun contre chacun, à l'égoïsme. Il y aurait donc intrinsèquement un paradoxe à vouloir créer une société purement individualiste. Vouloir casser jusqu'au bout les logiques communautaires, dont la morale, reviendrait à scier la branche sur laquelle on est assis.

Autre paradoxe : à mon sens, les individualistes qui sont en même temps anarchistes sont incohérents. L'absence d'Etat qu'ils espèrent mène à la fin de la chose commune, de la république. La république est la communauté qui a été construite pour protéger les individus des autres communautés, donc pour limiter les fonctionnements communautaires. La perte d'un Etat fort engendrerait un retour en force des logiques communautaires. Et les logiques communautaires, avec leur morale qui juge autrui, vont à l'encontre de l'accomplissement de soi en fonction de ses propres valeurs personnelles, c'est à dire, de l'individualisme. Le système espéré par les individualistes anarchistes est incohérent, il ne tient pas compte de la facette communautaire des êtres humains.

Posté

génial, mais sur le dernier paragrafe, tu te goure.

L'absence d'Etat qu'ils espèrent mène à la fin de la chose commune, de la république. La république est la communauté qui a été construite pour protéger les individus des autres communautés, donc pour limiter les fonctionnements communautaires

Primo l'état n'est pas la seule forme de communautés de se type

Secondo il y a d'autre moyens de limiter le fonctionnement communautaire

Tertio je ne pense pas que qui que se soit souhaite vraiment de se passer totalement de toutes les formes de communautarisme, juste se passer de l'état. mais il est 4 heures du mat et je n'ai pas l'esprit assez clair pour m'assurer du sens de cette dernière phrase.

Le reste du texte est vraiment interessant, Schnappi me disait justement hier soir que tu avais des choses (sous-entendu interressantes) à dire.

Je constate qu'il a raison.

Posté

Je réponds ici à un mp de librekom, comme ça ce sujet pourrait s'appeler "la cohérence de l'Affreux". :icon_up:

??? pourquoi decroissant ???

Je suis très attiré et influencé par l'idéologie des écolos radicaux tels que Pierre Rabhi. Et contrairement à beaucoup de libéraux et étatistes de droite et de gauche, je ne pense pas que la croissance perpétuelle soit envisageable. Et même si elle l'était, je ne pense pas qu'elle puisse mener à une société meilleure. Le mode de vie proposé par les décroissants (relocalisation de l'économie, recherche d'équilibre avec la nature et l'entourage) revient à plus de liens sociaux dans les échanges de la vie quotidienne. Ce mode de vie est cohérent avec le libéralisme (pas besoin d'Etat, ou juste local) et avec le communautarisme (plus de liens sociaux).

Posté
Le mode de vie proposé par les décroissants (relocalisation de l'économie, recherche d'équilibre avec la nature et l'entourage) revient à plus de liens sociaux dans les échanges de la vie quotidienne.

Cela reviendra surtout à plus de tyrannie car ton utopie idyllique ne verra jamais le jour que via la coercition la plus atroce. La croissance et la recherche de la croissance ont toujours été naturellement recherchées par l'homme, ce dernier ne se satisfera de la décroissance que contraint et forcé. Bref, à mille lieues du libéralisme.

Posté

Ben non, "mon" utopie existe déjà et la coercition étatique (permis de construire, contrôles des écoles hors-contrat, normes sanitaires, normes d'hygiène sur la production de bouffe, concurrence déloyale par les agriculteurs subventionnés) ne fait que poser des problèmes.

La croissance et la recherche de la croissance ont toujours été naturellement recherchées par l'homme (…)

Croyance individualiste. Et même si c'était vrai, cela ne prouverait pas la suite.

Posté

Bon, j'attaque le gros morceau de la journée.

Thomas, rien de personnel, hein, bien sûr ! :icon_up:

J'appelle "norme sociale" la règle décrivant, dans une certaine situation, un comportement prévisible devant être ou ne pouvant pas être réalisé sous peine d'une sanction sociale (ne serait-ce qu'un froncement de sourcil)

J'appelle "structure sociale" un ensemble de normes ayant une certaine stabilité dans le temps et une certaine extension dans l'espace.

J'appelle "système social" la distribution momentanée des êtres et des ressources à travers la société.

Il existe deux conceptions de l'individu dans la société.

Non, il existe deux archétypes de structures sociales, le modèle communautaire et le modèle sociétaire. Les sociétés réelles sont toujours quelque part entre les deux avec une transformation historique des systèmes vers un modèle plus sociétaire.

La notion même d'individu est profondément liée à la structure sociétaire. Le modèle communautaire ne se pense pas à partir de l'individu mais à partir des lignages. Il n'y a donc qu'une seule conception de l'individu, celle qu'on retrouve dans la société. Par contre, il y a bien opposition entre deux types de structures sociales, mais ce ne sont pas des "conceptions", ce sont des réalités pratiques.

Dans la conception individualiste, l'individu est vu comme un atome, la société est l'ensemble de ces atomes qui coopèrent plus ou moins librement. A l'opposé de cette vision, dans la conception communautaire, l'individu est l'un des noeuds du grand réseau de liens sociaux qu'est la société.

Faut faire gaffe à l'usage du mot "réseau". La notion de réseau se développe aujourd'hui pour dépasser l'atomicisme social, mais elle reste tributaire de la conception individualiste. Un réseau décrit les liens tissés par un individu, c'est bien l'individu qui reste central. Dans le modèle communautaire, l'individu n'est tout simplement pas pensé. Les unités pertinentes sont les groupes sociaux, lignages, tribus, ordres, etc… Ces éléments ne correspondent pas à des réseaux.

Dans les pays développés, l'idéal de société est individualiste. Dans les pays moins développés les sociétés sont communautaires.

Attention, encore un fois, ce ne sont pas des idéaux parce que ce ne sont pas des représentations mais des réalités.

Evidemment, si on part sur le terrain politique, ces deux modèles peuvent être convoqués pour justifier des positions et alros, on peut les qualifiés d'idéaux. Mais il faut faire gaffe à la société dans laquelle s'exprime ses idéaux. Ce que défent un communautarsite vivant dans une société individualiste n'a que peu avoir avec un véritable système communautaire. Tout simplement parce qu'il ne peut pas faire table rase de l'évolution historique et qu'il part d'une situation où les liens communautaires réels ont disparus.

L'individualisme est l'idéal selon lequel chacun devrait pouvoir s'accomplir en fonction de ses valeurs, propres à lui-même. Cela implique une société construite sur des contrats librement consentis. Cela implique l'égalité de chacun (au moins par défaut) en dignité, et donc l'égalité devant le droit.

Le communautarisme est l'idéal qui défend la cohésion de la société. Cette cohésion est assurée par les liens sociaux entre les individus. Selon Ferdinand Tönnies dont Schnappi m'a donné tout à l'heure une référence et que je reprends derechef, la première des communautés -la plus parfaite, la plus spontanée et celle qui sert de brique aux autres communauté- est la famille. Autant la société individualiste repose sur des contrats librement consentis, autant la société communautaire repose sur le consensus de ce qui est moral. La morale est ce qui permet de juger de ce qui est bien et de ce qui est mal. La morale d'une communauté est ce qui fait consensus sur ce qui est bien et mal. Notez en passant que la morale a toujours été associée à des croyances. Même si cela changera peut-être.

Il y a surtout une différence dans la conception de la morale. La morale dans les structures communautaires est concue comme substancielle, c'est-à-dire qu'on s'attache au contenu des règles. Au contraire, la morale sociétaire sera plus procédurale, c'est-à-dire qu'on s'attache à la façon dont les règles ont été émises. Et, de fait, une morale substencielle s'accorde mieux avec une justification de type religieuse. Cependant, les formes religieuses sont partie prenante de le structure sociale globale. Et il existe des formes religieuses plus communautaires, d'autres plus sociétaires. Par exemple, l'idée d'un Dieu qui a organisé le social et qui est garant de l'ordre de la société est communautaire. L'idée d'un Dieu avec qui l'on entretient un rapport personnel est plus sociétaire.

Revenons sur le lien social. Un lien social est la relation qui attache deux individus l'un à l'autre d'une façon communautaire. Ce n'est pas un contrat, la relation est par nature inéquitable, les deux individus ne sont pas considérées comme égaux devant le lien. Le lien social a en effet un sens (une direction), il est en faveur de l'une des deux parties. Il en existe deux types : les liens du sang d'abord. Ce sont ceux de la famille, ils existent d'office à la naissance de l'individu. Le sens du lien social est en faveur de critères définis par la tradition, il est souvent fonction de l'âge et du sexe. Au delà de la famille, un lien social est la contrepartie des transferts de richesse entre deux individus. Le sens du lien social est en faveur du donateur. Etre lié, c'est en fait être redevable. La valeur du lien n'est pas quantifiable rationnellement, il s'agit d'une évaluation subjective du besoin de celui qui reçoit conjugué à l'effort de celui qui donne.

Un niveau social est une position dans l'échelle sociale, son évaluation est intuitive, elle dépend du nombre et de la valeur des liens sociaux en faveur de la personne. Un transfert de richesse se fait toujours de l'individu qui a le niveau social le plus haut, vers celui de niveau inférieur. Chaque transfert renforce donc le niveau social du donateur, et renforce du même coup, dans le cadre du lien social avec la personne, sa position de donateur plutôt que de receveur. Si l'on ajoute que dans les sociétés communautaires dans lesquelles j'ai vécu, le transfert de richesse est initié par celui qui reçoit, cela donne que le plus riche est nécessairement celui de niveau social le plus haut et partage forcément. Ce sont ces mécanismes de création de liens sociaux et de « chacun paye en fonction de ce qu'il a », qui font que, entre autres, les prix dans les pays communautaires sont tous négociés plutôt qu'affichés. On peut afficher les prix pour des futures transactions impersonnelles, donc dans un cadre individualiste. Alors que le lien social implique au contraire une transaction personnalisée. Notons que le service impersonnel est aussi ce qui caractérise les administrations (assurances, banques, associations, services publics) chères aux systèmes individualistes. Un lien social entre un salarié d'une administration et un bénéficiaire est perçu comme de la corruption, c'est à dire moralement condamnable (il y a une morale même dans un fonctionnement individualiste, cf plus bas).

Très juste. Lire à ce propos tout ce qui tourne autour du don de Mauss à Godbout.

Ceci étant, il faut rappeler qu'un échange de type communautaire reste subordonné à la connaissance qu'on les gens les uns des autres. Il est justement impossible d'avoir un échange de ce type entre inconnus. Le passage du communautaire au sociétaire permet donc une augmentation des échanges, une meilleure allocation des ressources et une division du travail accrue.

Et à propos de corruption, les mécanismes communautaires de paiement en fonction du niveau social obligent les dirigeants et autres responsables à se corrompre pour trouver l'argent nécessaire aux coups durs endurés par les membres de la famille. La corruption est une caractéristique du fonctionnement communautaire (primitif).

Là encore, il faut faire gaffe. La notion de corruption économique n'est possible que lorsqu'est acquise l'idée d'une distinction entre les biens personnels et les biens de l'entreprise/Etat. Idée qui ne s'impose qu'avec la rationalisation de l'économie donc avec le passage au modèle sociétaire.

Autre chose : si un idéal de société est plus individualiste que communautaire ou l'inverse, cela n'empêche pas que chaque individu est lui-même à la fois un atome qui pense et qui choisit en fonction de ses valeurs propres, et à la fois un noeud dans un grand réseau de liens sociaux. Au fur et à mesure que se déroule la vie quotidienne, chacun opte pour un fonctionnement un coup communautaire, un coup individualiste, suivant la situation. L'idéal de la société n'est qu'une incitation, une inclinaison vers l'un des deux fonctionnements.

Là, je ne suis plus du tout d'accord. Les normes d'une société ne sont pas des choix individuels. Or les deux modèles représentent des structures sociales, càd des ensembles de normes. Il n'y a donc pas de choix individuels entre ces deux modèles.

Taylor montre par exemple que l'individu se construit lui-même dans le dialogue, par rapport à l'image que lui renvoient les « autres qui comptent ». C'est ce qu'il appelle la reconnaissance. Je pense qu'on a là une clef, à l'échelle individuelle, sur pourquoi il y a tant de sans-abris désociabilisés dans les pays riches. Ce n'est pas la richesse qui provoque l'exclusion, ce sont les logiques individualistes qui engendrent un risque d'exclusion par manque de reconnaissance. Le manque de reconnaissance arrive lors d'un coup du sort dans lequel l'entourage proche disparaît (accident) ou devient inaccessible (licenciement). J'avais développé ces idées dans ce papier sur l'exclusion.

La notion d'exclusion est la pauvreté perçue au prisme d'une théorie des réseaux. Or, cette théorie des réseaux est elle-même impensable hors du cadre sociétaire. Donc, si tu veux aborder le problème de l'exclusion dans une réflexion plus large sur communauté/société, il va falloir retravailler cette partie. Encore une fois, un communautariste comme Taylor parle depuis une société et ce qu'il propose ne se confond pas avec une structure communautaire.

Il existe des paradoxes.

On peut remarquer que pour exister, une société individualiste, avec son consensus sur ses principes d'égalité devant le droit et de liberté individuelle, est avant tout une société communautaire. En effet, s'il n'y avait pas de soubassement communautaire, même minimal, il n'y aurait pas de consensus et l'individualisme tournerait au combat de chacun contre chacun, à l'égoïsme. Il y aurait donc intrinsèquement un paradoxe à vouloir créer une société purement individualiste. Vouloir casser jusqu'au bout les logiques communautaires, dont la morale, reviendrait à scier la branche sur laquelle on est assis.

Autre paradoxe : à mon sens, les individualistes qui sont en même temps anarchistes sont incohérents. L'absence d'Etat qu'ils espèrent mène à la fin de la chose commune, de la république. La république est la communauté qui a été construite pour protéger les individus des autres communautés, donc pour limiter les fonctionnements communautaires. La perte d'un Etat fort engendrerait un retour en force des logiques communautaires. Et les logiques communautaires, avec leur morale qui juge autrui, vont à l'encontre de l'accomplissement de soi en fonction de ses propres valeurs personnelles, c'est à dire, de l'individualisme. Le système espéré par les individualistes anarchistes est incohérent, il ne tient pas compte de la facette communautaire des êtres humains.

Bof. Tes paradoxes ne sont pas très convaiquants parce que la pensée sur laquelle ils s'appuient n'est pas encore assez claire. Travaille d'abord les bases du système, tu verras ensuite si il y a lieu de parler de paradoxe ou pas. J'ai l'impression que pour l'instant, l'inverse du modèle communautaire, c'est l'anomie. Hors, ca, c'est faux.

Posté
Un lien social est la relation qui attache deux individus l'un à l'autre d'une façon communautaire.

Non. Je l'ai déjà dit plusieurs fois sur ce forum. Cette définition est trop restrictive : le lien social ne se limite pas au lien communautaire, surtout au sens fort que tu lui donnes.

Etre lié, c'est en fait être redevable.

C'est discutable, ça. On peut être lié le temps d'un échange et tant que l'échange dure. Une fois l'échange terminé, le lien disparaît. Il s'agit d'un acte coopératif, véritable forme de lien social autre que le lien communautaire, mais dont la durée de vie est plus courte car suspendue à l'expression de la libre volonté des deux parties.

On peut afficher les prix pour des futures transactions impersonnelles, donc dans un cadre individualiste. Alors que le lien social implique au contraire une transaction personnalisée. Notons que le service impersonnel est aussi ce qui caractérise les administrations (assurances, banques, associations, services publics) chères aux systèmes individualistes.

Là, je trouve que les relations de causes à effets s'enchaînent bien trop vite pour arriver à une conclusion discutable et un peu contre-intituive : un individualiste qui aurait une préférence pour la dé-individuation…?!?

Taylor montre par exemple que l'individu se construit lui-même dans le dialogue, par rapport à l'image que lui renvoient les « autres qui comptent ». C'est ce qu'il appelle la reconnaissance.

Selon qu'on adopte une perspective individualiste ou communautaire, la reconnaissance ne sera pas la même : reconnaissance dans son identité sociale (identification aux valeurs de la communauté) ou individuelle (individuation).

Sinon, comme Schnappi, je ne suis vraiment pas convaincu par tes paradoxes.

Posté
Non, il existe deux archétypes de structures sociales, le modèle communautaire et le modèle sociétaire. Les sociétés réelles sont toujours quelque part entre les deux avec une transformation historique des systèmes vers un modèle plus sociétaire.

La notion même d'individu est profondément liée à la structure sociétaire. Le modèle communautaire ne se pense pas à partir de l'individu mais à partir des lignages. Il n'y a donc qu'une seule conception de l'individu, celle qu'on retrouve dans la société. Par contre, il y a bien opposition entre deux types de structures sociales, mais ce ne sont pas des "conceptions", ce sont des réalités pratiques.

(…)

Dans le modèle communautaire, l'individu n'est tout simplement pas pensé. Les unités pertinentes sont les groupes sociaux, lignages, tribus, ordres, etc…

ça me semble discutable ce que tu dis ici. J'ai l'impression que tu donnes là la perception individualiste de ce qu'est un individu. Un peu comme quand les adeptes de la perspective holiste disent a contrario que le collectif n'existe pas chez les individualistes - ou qu'il n'existe qu'une seule forme de lien social, le lien communautaire, un peu comme Thomas ici.

L'individu est bien "pensé" également dans une perspective communautaire, mais comme subordonné à la communauté.

Ceci étant, il faut rappeler qu'un échange de type communautaire reste subordonné à la connaissance qu'on les gens les uns des autres. Il est justement impossible d'avoir un échange de ce type entre inconnus. Le passage du communautaire au sociétaire permet donc une augmentation des échanges, une meilleure allocation des ressources et une division du travail accrue.

… et l'expression de formes différentes et renouvelées de liens sociaux.

Posté

je suis content de ne pas être le seul à avoir lu le texte en entier, le feedback c'est une sorte de rémunération. (attention, ne faites pas dire ce que je n'ai pas dis, ça ne remplacera jamais un revenu pécunier, mais bon ça récompense l'effort, ça fait plaisir).

Posté

Et moi je suis content d'avoir des retours de Schnappi et Largo Winch. Avec les lectures en sociologie de Schnappi, celles sur les groupes de travail de Largo Winch, et les miennes en ethnologie, ça devrait pouvoir donner quelque-chose.

Je m'aperçois effectivement que je n'oppose pas individualisme et communautarisme en tant que systèmes, puisque pour (Tönnies comme pour) moi le communautarisme est un socle et l'individualisme est une construction. Il n'existe donc pas de système "inverse" à celui du communautarisme. Mais au niveau de l'être humain c'est différent, les deux fonctionnements (faire des choix pour s'accomplir, créer des liens) existent et peut-être s'opposent. Je vais réfléchir à ce changement de plan système / individu.

Un point de vocabulaire : l'utilisation opposée des mots "société" et "communauté" (pour traduire les notions de Tönnies "Gesellschaft" et "Gemeinschaft") ne me va pas. Je vais prendre le temps de voir dans le Robert ce que signifie "société". Je souhaite utiliser ce mot dans le sens de "l'ensemble des individus vivant dans le cadre d' (…) une civilisation donnée" (Wikipedia). Pour le moment j'utilise donc les termes "société individualiste" et "société communautaire". Mais il faudra que je vérifie ce point. Pour la notion de réseau, euh, par quoi je remplace ? Et est-ce que cette notion est réellement de nature différente que ce que je veux dire ? Le réseau qu'un individu développe dans Facebook est-il, pour toi, un exemple de réseau dérivé de la conception individualiste ?

Le point que soulève Largo Winch sur le fait que les administrations sont de plus en plus capables de fournir un service personnalisé (et que ça répond à une demande des individus) n'empêche pas que le service administratif est selon moi "impersonnel". Dans le sens où il y a un organisme contre un être humain. Et pas un être humain contre un autre être humain. Par exemple, quand tu vas acheter un paquet de chips dans un distributeur, tu peux choisir le type de paquet de chips et sa taille. Un jour peut-être même la couleur. Le choix est personnel, le produit personnalisé, mais la transaction est impersonnelle. Ou bien je suis à côté de ce que tu expliques ?

Et puis c'est intéressant aussi, de quelle sorte est le lien social qui lie deux salariés d'un groupe de projet ? Car il y a plus que du contractuel, il y a de la collaboration, de la création collective. Il faut que je creuse, ça demande réflexion et lecture.

Je n'aurai peut-être pas Internet jusqu'à demain soir. Mais je suis content d'avoir lancé ce sujet. Comme je l'expliquais à Largo Winch hier, il s'agit du socle théorique de mon travail. Je développe dans le livre à partir de ce socle, comment gérer diverses situations en Afrique Noire (négociation de prix, sentiments, être invité chez des amis etc) puis un peu sur les notions plus politisées de développement etc. Ce sera mieux si la théorie sous-jacente se tient :icon_up:

Posté
Je réponds ici à un mp de librekom, comme ça ce sujet pourrait s'appeler "la cohérence de l'Affreux". :icon_up:

Je suis très attiré et influencé par l'idéologie des écolos radicaux tels que Pierre Rabhi. Et contrairement à beaucoup de libéraux et étatistes de droite et de gauche, je ne pense pas que la croissance perpétuelle soit envisageable. Et même si elle l'était, je ne pense pas qu'elle puisse mener à une société meilleure. Le mode de vie proposé par les décroissants (relocalisation de l'économie, recherche d'équilibre avec la nature et l'entourage) revient à plus de liens sociaux dans les échanges de la vie quotidienne. Ce mode de vie est cohérent avec le libéralisme (pas besoin d'Etat, ou juste local) et avec le communautarisme (plus de liens sociaux).

C'est la position des "anarchistes" d'extrême gauche qui recréent l'Etat sous formes locales et donc forcément tyranniques puisqu'elles émanent des communautés. Autrement dit: tu intègres la communauté ou tu meures. C'est effectivement ce qui se passe en Afrique et c'est d'ailleurs LA raison pour laquelle ma femme a fuit ce continent.

Tout comme elle, je ne recherche pas et je ne veux pas plus de liens sociaux. Je veux qu'on me foute la paix.

Posté
ça me semble discutable ce que tu dis ici. J'ai l'impression que tu donnes là la perception individualiste de ce qu'est un individu.

Tu as raison, dis comme ça, c'est faux. Je me suis mal exprimé.

Ce que je voulais dire, c'est que dans le modèle communautaire, la personne n'est pas conçue comme un individu. L'individu est une notion théorique qui nait avec et qui accompagne le passage du communautaire au sociétaire.

Pour la notion de réseau, euh, par quoi je remplace ? Et est-ce que cette notion est réellement de nature différente que ce que je veux dire ? Le réseau qu'un individu développe dans Facebook est-il, pour toi, un exemple de réseau dérivé de la conception individualiste ?

Oui, assurément. Le facebook est à la société individualiste ce que l'arbre généalogique est à la société communautaire.

Quand à remplacer la notion de réseau, ca n'a pas bcp de sens. Soit la réalité que tu décris relève du réseau et c'est un bon mot, soit elle n'en relève pas et il faut trouver le concept qui correspond. En tous cas, confondre les communautés et les réseaux, c'est une faute théorique.

Comme je l'expliquais à Largo Winch hier, il s'agit du socle théorique de mon travail. Je développe dans le livre à partir de ce socle,

Dans un autre fil, Rincevent faisait la différence entre les inductifs et les déductifs. Je te sens plutot inductif. Quand tu nous racontes tes expériences, c'est toujours passionnant. Par contre tes théories pour les expliquer sont plutot foireuses.

Peut-être aurais-tu intérêt pour ton livre à ne pas donner dans la théorie, mais à consigner tes expériences et les "leçons" à en tirer.

Ce sera mieux si la théorie sous-jacente se tient :icon_up:

:doigt: de fait, c'est toujours mieux.

Posté

@Rocou : Ce ne sont pas les décroissants qui te prennent la tête. Tu te trompes de cible. Quant à moi j'hésite sur où m'installer justement parce que le côté impersonnel du monde individualiste me pèse. Il ne faut pas croire que le mode de fonctionnement qui te plaît puisse satisfaire tout le monde. Et puis il me paraît toujours incohérent de vouloir la fin d'un Etat fort tout en refusant les liens sociaux. Mécaniquement, la fin de la République reviendrait au début de la famille forte…

Dans un autre fil, Rincevent faisait la différence entre les inductifs et les déductifs. Je te sens plutot inductif. Quand tu nous racontes tes expériences, c'est toujours passionnant. Par contre tes théories pour les expliquer sont plutot foireuses.

Peut-être aurais-tu intérêt pour ton livre à ne pas donner dans la théorie, mais à consigner tes expériences et les "leçons" à en tirer.

Wouah t'es dur ! Vendredi j'ai passé l'après-midi avec une copine sociologue de formation, on a discuté vocabulaire. De toute manière dans mon travail je pensais mettre la théorie tout à la fin et en abrégé (effectivement pour ce qui est des comportements humains, l'inductif, ça me paraît plus sage). Mais ce sont quand même ces histoires de liens sociaux qui sont ma manière de comprendre ce qui se passe là-bas. Après, les développements individualisme / communautarisme, pour moi, c'est vrai, c'est assez nouveau. Mais j'y retravaille.

Posté

Peut-on dire que la morale est de nature communautaire ?

Voici l'introduction de l'article de Wikipédia :

La morale (du Latin moralitas " façon, caractère, comportement approprié") se rapporte au concept de l'action humaine qui concerne les sujets du juste et de l'injuste, également désignés sous le nom " bien et mal ", utilisés dans deux contextes : la distinction individuelle et les systèmes de principes parfois appelés "conduite morale" partagée au sein d'une communauté culturelle, religieuse, civile ou philosophique. Les morales personnelles définissent et distinguent parmi de bonnes et mauvaises intentions, motivations ou actions qui ont été apprises, engendrées, ou autrement développées par les individus composants ces communautés.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Morale

Selon ce texte, il existe une morale personnelle et des "systèmes de principes". La deuxième est communautaire par nature. La morale personnelle a un sens mais dans le cadre d'une communauté. Le point de vue de ce texte revient donc à dire que la morale est de nature communautaire.

Est-ce que ce point de vue est exact ?

Invité jabial
Posté

Je n'ai pas du tout compris par quel artifice de prestidigitation laffreuxthomas réussit à opposer individualisme et intégration sociale. Bien au contraire, il ne peut exister de société qu'entre individus libres, et les communautés sont l'expression de la discrimination individuelle : d'abord moi, ensuite ma famille, ensuite mes amis, ensuite mes relations, ensuite mon quartier, ensuite mon pays, enfin l'humanité.

Posté
Bien au contraire, il ne peut exister de société qu'entre individus libres…

Et la réciproque est également vraie. Il ne peut exister d'individus libres sans société.

Invité jabial
Posté
Et la réciproque est également vraie. Il ne peut exister d'individus libres sans société.

Disons que la seule situation où les individus ne se réuniront pas en société est celle où on les en empêche.

Posté
Je n'ai pas du tout compris par quel artifice de prestidigitation laffreuxthomas réussit à opposer individualisme et intégration sociale. Bien au contraire, il ne peut exister de société qu'entre individus libres, et les communautés sont l'expression de la discrimination individuelle : d'abord moi, ensuite ma famille, ensuite mes amis, ensuite mes relations, ensuite mon quartier, ensuite mon pays, enfin l'humanité.

Si l'on définit l'individualisme comme l'idéal de réalisation de soi, d'accomplissement personnel, alors des liens sociaux forts et nombreux impliquent des logiques (communautaires) qui s'y opposent en partie. Demande à Rocou.

A part ça, effectivement, Schnappi et Largo Winch m'ont fait observer qu'individualisme et communautarisme, au moins dans ce que j'ai écrit, ne sont pas des opposés. Et donc qu'il y a une incohérence dans mon texte.

Invité jabial
Posté
Si l'on définit l'individualisme comme l'idéal de réalisation de soi, d'accomplissement personnel, alors des liens sociaux forts et nombreux impliquent des logiques (communautaires) qui s'y opposent en partie.

Je ne vois pas pourquoi.

Demande à Rocou.

Rocou?

Posté

@Jabial :

Autrement dit: tu intègres la communauté ou tu meures. C'est effectivement ce qui se passe en Afrique et c'est d'ailleurs LA raison pour laquelle ma femme a fuit ce continent.

Tout comme elle, je ne recherche pas et je ne veux pas plus de liens sociaux. Je veux qu'on me foute la paix.

Si ce n'est pas un exemple d'opposition entre la liberté individuelle et les liens sociaux, il faut m'expliquer.

~~~

Bon, je viens de mettre en ligne une première version du texte retravaillé : ici.

Posté

En fait, plus les liens sociaux sont distendus, plus l'individu isolé est peu autonome. Inversement, plus les liens sociaux sont serrés et plus l'individu est autonome. La fonction du lien social est d'assurer la cohésion de la société.

Dans nos sociétés, la cohésion de la société est assurée par le fait que les individus isolés ne peuvent quasiment rien, chaque individu dépend d'un grand nombre d'individus, c'est cela qui assure la cohésion de la société.

Dans une société où chaque individu est capable de vivre sans les autres, il est nécessaire que les liens sociaux soient forts, sinon la société est menacée.

Posté

Euh, on ne doit pas parler de la même chose… Qu'appelles-tu "isolé" ? As-tu un exemple de société "où chaque individu est capable de vivre sans les autres" ? Par nature, si l'individu est "isolé", il n'a pas de lien sociaux, non ? Ou bien tu réagis à propos de quoi ?

Invité jabial
Posté

Les liens sociaux et les liens communautaires, ce n'est pas la même chose, les seconds sont un cas particulier. Par exemple, dans Atlas Shrugged, les seuls liens sociaux qui sont exhibés sont des liens non communautaires. Une famille est une communauté, c'est-à-dire une société solidaire, au sens propre du terme - les gens, naturellement, sont amenés à s'aider les uns les autres, et c'est considéré comme normal. Une société qui fonctionne n'a pas besoin de liens communautaires "par défaut" autres que ceux de la famille.

Posté
Euh, on ne doit pas parler de la même chose… Qu'appelles-tu "isolé" ? As-tu un exemple de société "où chaque individu est capable de vivre sans les autres" ? Par nature, si l'individu est "isolé", il n'a pas de lien sociaux, non ? Ou bien tu réagis à propos de quoi ?

Plus la société est primitive, plus l'individu peut "en théorie" vivre sans les autres dans le sens où il peut vivre par la chasse, l'élevage, ou l'agriculture. Il ne le fait pas car les sociétés primitives demandent une forte adhésion des individus (rites, mythes, traditions…).

Inversement, dans les sociétés industrielles et post-industrielles, aucun individu n'a les moyens de vivre seul, il dépend fortement du reste de la société, et parallèlement à cette forte dépendance, les liens sociaux sont moins forts et la société ne demande pas une forte adhésion.

C'est très schématique, mais je pense que ce schéma est une des raisons pour lesquelles la religion, les traditions n'ont plus de place, de rôle important dans nos sociétés : la cohésion de la société est désormais assurée par autre chose. Manifestement, de nombreux pays n'ont pas ce modèle de fonctionnement universel, mais il semble qu'ils y cheminent.

Je ne sais pas si cela a un rapport avec le sujet. C'est juste une réflexion.

Posté
Peut-on dire que la morale est de nature communautaire ?

Voici l'introduction de l'article de Wikipédia :

Selon ce texte, il existe une morale personnelle et des "systèmes de principes". La deuxième est communautaire par nature. La morale personnelle a un sens mais dans le cadre d'une communauté. Le point de vue de ce texte revient donc à dire que la morale est de nature communautaire.

Est-ce que ce point de vue est exact ?

Je reviens sur mon opposition entre morale substancielle et morale procédurale. La première est communautaire, la seconde sociétaire.

Dans un autre fil, on citait les 600 et des impératifs moraux qui s'imposent aux juifs. Typiquement, un inventaire à la Prévert où le lien logique entre les commandements n'est pas évident.

Compare-ça avec la forme que peut prendre les principes moraux chez nous. en gros, ca se résume à "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse". Tu as une règle, et tu déclines en fonction des situations et des cas particuliers.

Ce sont deux logiques tout à fait différentes mais on ne peut pas dire que la morale est évidente dans la première et absente de la seconde.

Il parait qu'on a fait des études qui attestent que les peuples primitifs sont incapables de comprendre notre règle tout en ayant des comportements parfaitement cohérents avec celle-ci, bien que fondé sur des énoncés plus riche en contenu.

Posté
@Rocou : Ce ne sont pas les décroissants qui te prennent la tête. Tu te trompes de cible. Quant à moi j'hésite sur où m'installer justement parce que le côté impersonnel du monde individualiste me pèse. Il ne faut pas croire que le mode de fonctionnement qui te plaît puisse satisfaire tout le monde.

Et vice versa. Comme je l'écrivais plus haut, c'est justement ce côté impersonnel de notre monde individualiste qui a beaucoup plu à ma femme. En Afrique, il n'y a aucune intimité, tout le monde est au courant de tout. Horrible! La pression est telle que tu dois fuir ou entrer dans le moule.

Et puis il me paraît toujours incohérent de vouloir la fin d'un Etat fort tout en refusant les liens sociaux. Mécaniquement, la fin de la République reviendrait au début de la famille forte…

Les liens sociaux, tels que tu les définis, sont antinomiques avec la liberté, c'est pour cela que je hais cette façon de voir les choses. Attention, ce n'est nullement un rejet de l'autre ou de l'indifférence; par exemple, les africains ne connaissent pas la notion de "don", ils rendent service, aident parce qu'ils se disent qu'ils pourraient avoir besoin d'aide en retour et le moment venu, ils te le font comprendre.

Ce n'est pas du tout ma façon de voir les choses, quand je rends service, je n'attends rien en retour. Par conséquent, le lien social existe, il peut être fort mais il n'est pas imposé, il est choisi et il peut se rompre sans conséquence.

Posté
Comme je l'écrivais plus haut, c'est justement ce côté impersonnel de notre monde individualiste qui a beaucoup plu à ma femme.

J'ai eu droit à mes quinze minutes de gloire et, franchement, l'anonymat et l'impersonalité, ca a aussi du bon.

Posté
J'ai eu droit à mes quinze minutes de gloire et, franchement, l'anonymat et l'impersonalité, ca a aussi du bon.

Ah oui c'est vrai, tu nous a raconté. Je me souviens mettre bien marré ce soir là.

Posté
Et vice versa. Comme je l'écrivais plus haut, c'est justement ce côté impersonnel de notre monde individualiste qui a beaucoup plu à ma femme. En Afrique, il n'y a aucune intimité, tout le monde est au courant de tout. Horrible! La pression est telle que tu dois fuir ou entrer dans le moule.

Les liens sociaux, tels que tu les définis, sont antinomiques avec la liberté, c'est pour cela que je hais cette façon de voir les choses. Attention, ce n'est nullement un rejet de l'autre ou de l'indifférence; par exemple, les africains ne connaissent pas la notion de "don", ils rendent service, aident parce qu'ils se disent qu'ils pourraient avoir besoin d'aide en retour et le moment venu, ils te le font comprendre.

J'ai vécu cette absence d'intimité et de liberté pendant six mois en 2004. L'anonymat m'a manqué. Je crois que dans la vie "au quartier", l'anonymat manquerait à n'importe quel Occidental. Il y a aussi le côté non-intellectuel, l'alcool abusif qui abrutit et qui ruine, les sujets tabous qui pourtant pourraient sauver, la violence potentielle qui surgit à la moindre occasion, le trop peu d'affection… J'avais mis quelques temps à m'en remettre.

A l'opposé, ce qui me pèse en Occident est le côté impersonnel, bureaucratique, administratif. On se désociabilise tous. Un bon emblème de notre société est les caisses automatiques qui fleurissent dans les supermarchés. Ou bien les "mini-casinos" dans lesquels l'achat est entièrement automatisé. La fuite dans la bureaucratie et le côté impersonnel vont de paire. Le lien social perd du terrain. De plus en plus de familles se disloquent. De plus en plus d'êtres humains vivent presque sans contacts, ni avec "les autres", ni même avec tout ce qui comporte des risques. Un jour un type est tombé d'un chemin dans les petites Alpes : le chemin se retrouve fermé. Ce comportement (non libéral ici) va avec notre morale de non-nuisance, de gestion impersonnelle par la bureaucratie. Les gamins sont tristes dans les voitures : chacun à sa place, avec sa ceinture, personne ne bouge. On refuse le risque de mourir, on ne prend plus le risque de vivre.

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×
×
  • Créer...