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Le lit de Procuste


Messages recommandés

Posté
  Etienne a dit :
Le processus d'émergence des opinions et des croyances est sans influence sur leur validité. Que la pluralité des opinions s'explique de manière dynamique n'a aucun rapport avec le fait que certaines soient fondées et d'autres non.

Ah, mais si tu veux finalement débattre, je te suis volontiers. Qu'est-donc que la "validité" d'une croyance, sur quoi se fonde-t-elle et en quoi cette fondation condamne-t-elle le relativisme ? Et tout cela plus précisément lorsque la croyance est juridique (ou morale) ?

Sinon, j'en profite pour signaler que je ne comprends pas le sens de la phrase "le droit est irréductible au fait", plus haut, donc que je ne peux pas répondre sur ce point.

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  Ronnie Hayek a dit :
Au fait, je me demandais si notre ami pensait la même chose à propos des questions du type "réchauffement climatique"…

Les jugements de fait et les jugements de valeur n'ont pas le même registre. Dire "le CO2 est la seule cause du réchauffement" est un jugement de fait, observable et démontrable ou non (tout le monde est d'accord sur ce qu'est le CO2, ce qu'est un réchauffement, ce qu'est une causalité physique et sa validation). Dire "l'embryon a la dignité d'une personne humaine", cela fait appel à des concepts qui ne sont ni observables ni démontrables (la dignité, la personne), sur lesquels il n'existe pas de définition partagée ni de méthode véritable pour parvenir à une définition partagée.

En revanche, si mon pays décide de telle ou telle mesure climatique, je respecte cette décision quand bien même je militerai le cas échéant pour une décision contraire.

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  CMuller a dit :
Mais j'espère que l'on aura l'occasion de débattre du relativisme dans une discussion appropriée, puisque j'en défends une version un peu spéciale, un relativisme biologique et non seulement culturel, un relativisme niché à la base dans la grande diversité des cerveaux humains et dans certaines contraintes innées faisant diverger la formation des croyances au cours du développement individuel, au-delà de quelques règles basiques et triviales appartenant au répertoire comportemental de l'espèce.

Vous feriez bien par commencer à lire ce petit ouvrage sur le relativisme.

Vous y apprendrez que le relativisme normatif qui caractérise votre discours n'a rien à voir avec la tolérance à l'égard de l'opinion d'autrui dont vous prétendez faire preuve.

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  CMuller a dit :
Les jugements de fait et les jugements de valeur n'ont pas le même registre. Dire "le CO2 est la seule cause du réchauffement" est un jugement de fait, observable et démontrable ou non (tout le monde est d'accord sur ce qu'est le CO2, ce qu'est un réchauffement, ce qu'est une causalité physique et sa validation). Dire "l'embryon a la dignité d'une personne humaine", cela fait appel à des concepts qui ne sont ni observables ni démontrables (la dignité, la personne), sur lesquels il n'existe pas de définition partagée ni de méthode véritable pour parvenir à une définition partagée.

En revanche, si mon pays décide de telle ou telle mesure climatique, je respecte cette décision quand bien même je militerai le cas échéant pour une décision contraire.

"L'embryon est un être humain" constitue un jugement de fait. "Chacun sa morale, et libre à ceux qui le veulent d'éliminer les embryons" est un jugement de valeur (puant).

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  Largo Winch a dit :
Vous feriez bien par commencer à lire ce petit ouvrage sur le relativisme.

Vous y apprendrez que le relativisme normatif qui caractérise votre discours n'a rien à voir avec la tolérance à l'égard de l'opinion d'autrui dont vous prétendez faire preuve.

(…)

Alors je ne dois pas être relativiste, après tout je n'ai fait que reprendre ce mot de celui que me l'adressait. Disons pluraliste ou minimaliste moral ou je ne sais quoi, de toute façon les étiquettes en "-iste" sont rarement intéressantes en soi, c'est le raisonnement les sous-tendant qui l'est. Cela dit, j'avais lu un article de Boudon sur le relativisme, il ne m'avait pas semblé très convaincant. Sauf qu'il défendait une version vaguement évolutionniste, selon laquelle certains préceptes ou jugements moraux se répliquent plus facilement de cerveaux en cerveaux, mais ce genre d'observation me convient bien, tout évolution est un processus contingent et la domination quantitative d'une certaine hiérarchie de valeurs sur les autres ne signifie pas que la pluralité des hiérarchies de valeurs disparait, ni que la dominante doit interdire les dominées, ni que les dominées n'ont pas les meilleures raisons d'exister dans leur contexte et dans le cerveau de ceux qui les défendent. Mais bon, à l'occasion, je vais acheter ce livre.

Sinon, je peux décrire objectivement Boudon comme le dernier en date d'une très longue liste de penseurs s'étant attachés à résoudre la question des fondements de nos jugements moraux. Je peux aussi constater objectivement que 2000 ans de réflexions ardues chez les meilleurs penseurs, bien plus intelligents que moi et bien plus experts en la matière, n'ont pas abouti à un quelconque consensus sur la fondation de la morale, puisqu'un communautarien héritier d'Aristote, un conséquentialiste héritier de Bentham et un déontologiste héritier de Kant continuent d'exprimer leur désaccord dans les meilleures revues (sans parler des minimalistes, des post-modernistes, des nihilistes, des relativistes, des évolutionnistes et de toute une kyrielle de positions diverses). Cela m'incite à la prudence lorsque j'entends dire qu'untel ou untel a résolu la question, car la corporation des philosophes moraux est sans doute la première à être en désaccord avec sa prétention.

Bref, que de nombreux penseurs se consacrent au fondement de la morale et que ces penseurs ne soient pas d'accord entre eux sont deux jugements de fait sur lesquels on devrait déjà pouvoir s'accorder. Après tout, cela doit être plus significatif que l'autre jugement de fait selon lequel les hommes divergent sur toutes sortes de problèmes d'éthique pratique et expliquent "naïvement" leur divergence par toutes sortes de justifications.

Posté
  Ronnie Hayek a dit :
"L'embryon est un être humain" constitue un jugement de fait. "Chacun sa morale, et libre à ceux qui le veulent d'éliminer les embryons" est un jugement de valeur (puant).

"L'embryon est un être humain" est un jugement de fait erroné au sens commun de l'expression "être humain" (d'ailleurs, on prend soin au minimum de préciser "en devenir" dans la littérature tentant d'imposer le respect de cet embryon comme personne, or ce qui est en devenir n'est pas présentement).

"Il existe des morales différentes" est un autre jugement de fait.

"Ma morale est la seule valable et doit s'imposer à tous" est un jugement de valeur (dangereux, je ne sais pas s'il "pue", je n'ai pas ton odorat).

Posté

CMuller défend une position relativiste qui n'est pas cohérente avec elle même.

Elle se décompose en trois étapes:

1) le "bien" ne signifie que "bien" d'une personne donnée.

2) le "bien" d'une personne donnée ne peut être défini que dans un sens fonctionnaliste.

3) par conséquent il n'est pas juste qu'une personne donnée condamne ou cherche à influencer les valeurs d'une autre personne.

Le raisonnement est incohérent dans le sens où la 3e proposition énonce, quant à ce qui est bien ou mal dans les relations entre les personnes, un principe qui repose sur un sens absolu du bien qui n'est pas permis par la 1ere proposition.

Le principe que l'avortement est un "bien pour" certains couples finit par vouloir dire que l'avortement est une bonne chose chez ces couples et de là que l'avortement est un bien, c'est à dire que les opposants à cette pratique n'ont pas à s'en mêler.

Mais ce dernier point (selon lequel on n'a pas à se mêler de l'avortement s'il a été décidé par un couple) n'est certainement pas la conclusion qu'il est permis de tirer du raisonnement.

Le maximum que nous autorise la théorie, c'est de dire que c'est un bien pour les opposants à l'avortement de ne pas se mêler de l'avortement. Mais d'une part ce n'était pas la conclusion qui était souhaitée et d'autre part c'est douteux.

L'erreur de ce type de raisonnement, c'est donc construire un principe moral absolu de tolérance à partir d'une vision relative du monde. C'est donc incohérent.

Par conséquent la confusion majeure du relativisme, c'est de vouloir tirer du fait que les personnes ont des morales distinctes un principe absolu et a priori pour déterminer l'attitude d'une personne vis à vis d'une autre.

Si CMuller envisage de dire qu'il existe des désaccords fondamentaux entre les personnes, il faut aussi inclure les désaccords fondamentaux sur les attitudes à adopter quant à des points de vue moraux divergents.

Autrement dit, son relativisme moral n'est pas compatible avec son jugement moral absolu selon lequel personne n'a le droit de s'immiscer dans "la liberté procréative des parents".

Bref même si ma remarque ne permet pas de trancher en faveur ou en défaveur de l'avortement, elle permet au moins de souligner les faiblesses du raisonnement de CMuller en faveur de l'avortement.

Posté
  CMuller a dit :
Je croyais, si. Pour être plus précis, à part le nazisme qui qualifiait de "sous-homme" certaines populations, les autres systèmes totalitaires n'ont pas eu besoin de cette distinction d'humanité. Le communisme se contente de distinguer bourgeois/prolétaire, le monothéisme fidèle/infidèle, etc. Et tous ont toujours trouvé d'excellentes raisons de persécuter ou d'éliminer ceux qui avaient la malchance d'être dans la mauvaise catégorie.

:doigt: Le monothéisme n'est intrinsèquement ni totalitaire, ni meurtrier.

  CMuller a dit :
Sinon, le débat ne concerne pas un être humain déjà né, mais un embryon de quelques dizaines à quelques milliers de cellules, embryon n'étant pas encore doté de système nerveux (donc de sensation, de perception et de cognition). […]

Là, je suis fondamentalement d'accord.

  Etienne a dit :
De vraies questions maintenant : quels sont les caractères propres qui permettent de qualifier un être vivant de "personne de droit" ? En quoi ces caractères ne s'appliquent pas à un embryon, à un foetus, à un enfant en bas-âge, etc ?

:icon_up: Autrement dit : qu'est-ce qu'un homme ?

  CMuller a dit :
Sinon, j'en profite pour signaler que je ne comprends pas le sens de la phrase "le droit est irréductible au fait", plus haut, donc que je ne peux pas répondre sur ce point.

En gros : Ce n'est pas parce qu'une chose se fait qu'elle est pour autant juste ou bonne.

Exemple : jadis (et naguère), la plupart de nos concitoyens souhaitaient l'élimination et la disparition des Juifs. Etait-ce suffisant pour légitimer leur meurtre ?

Posté

Puisque tu parles de respect des droits fondamentaux de l'individu, comment peux-tu les justifier autrement qu'en faisant appel à des concepts normatifs que, par ailleurs, tu rejettes ?

Sinon, je te ferai remarquer que le relativisme, à partir du moment où il nie tout fondement aux concepts normatifs, ne peut justifier aucun principe général visant à guider l'exercice du pouvoir politique, ne serait-ce que parce que la nécessité de suivre un tel principe est un jugement d'ordre normatif. Qui plus est, le domaine politique est un domaine où règnent les jugements de valeurs, dire que ces jugements n'ont pas de sens expose nécessairement au fait que l'on puisse faire n'importe quoi dans ce domaine. Autrement dit, en politique, le relativisme ne mène qu'à l'exercice du pouvoir, dénué de tout garde-fou.

Enfin, personne n'a jamais prétendu que les jugements de valeur et les jugements de fait existaient et se justifiant de la même manière. C'est une évidence. La question est de savoir si on donne un sens ou non aux premiers, sachant que, pour les individus, les concepts de justice, de morale ont un sens presque intuitif, même s'ils ne recouvrent pas la même chose pour deux individus différents.

Posté
  Friedrich a dit :
CMuller défend une position relativiste qui n'est pas cohérente avec elle même.

(…)

Comme je l'ai dit un peu plus haut, je ne suis pas très attaché à l'étiquette "relativiste". En fait, je me sens plutôt proche du minimalisme d'Ogien, c'est ce que j'ai trouvé de plus convaincant pour refléter mon état d'esprit dans la philosophie morale contemporaine. Je suis loin d'être fixé là-dessus, volontiers ouvert au débat.

Sinon, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ta description. Ma position n'est pas absolue, au sens où je ne pense pas qu'elle existait voici 10 siècles, je doute qu'elle existe dans 10 siècles, je ne la défends pas comme supérieure par essence à toutes les autres et destinée à les faire disparaître, etc. Simplement

a- c'est la mienne :icon_up: ;

b- elle me semble susceptible de recevoir le plus large consensus dans les sociétés modernes compte-tenu de leur pluralité interne et de l'évolution des mentalités individuelles ;

c- elle me semble à peu près conforme à l'esprit de la déclaration des droits de l'homme et autres textes constitutionnels formant le socle normatif des démocraties libérales ;

d- elle me semble accessible à des gens raisonnables et paisibles ;

e- ne me paraissent susceptibles de la refuser que des croyances autoritaires et sectaires que je désigne volontiers comme des adversaires de toute façon (et faire ressortir leur caractère autoritaire et sectaire est un moyen de les rendre un peu moins désirables par mes contemporains).

Bref, c'est assez pragmatique, ce n'est pas tant une morale qu'une réflexion métamorale sur le thème : à quelles conditions peut-on faire co-exister des morales différentes en minimisant les conflits ? Mais bien sûr, s'il existe une morale particulière dont le propos est "Dieu nous a ordonné de rétablir la justice sur terre en brûlant les femmes qui avortent et les médecins qui les avortent", mon pluralisme trouve ses limites (et la prison devrait trouver de nouveaux locataires). On pourrait d'ailleurs se demander si une morale qui nuit à autrui est une morale (devant être défendue comme telle, parmi d'autres), ou une nuisance (devant être combattue comme telle)

J'ajoute que l'on peut être un relativiste descriptif sans être un relativiste prescriptif (enfin, je ne sais pas si ce sont les bons termes). Je puis très bien dire que l'homme est biologiquement et culturellement destiné à avoir des morales différentes à un moment donné ou des morales changeantes dans le temps (relativisme descriptif) tout en affirmant que telle morale ou métamorale me paraît la meilleure du moment et devrait être partagée par le plus grand nombre d'hommes (non-relativisme prescriptif, je fais un choix parmi les morales existantes dans les conditions existantes et je justifie mon choix par une argumentation).

Posté
  Etienne a dit :
Puisque tu parles de respect des droits fondamentaux de l'individu, comment peux-tu les justifier autrement qu'en faisant appel à des concepts normatifs que, par ailleurs, tu rejettes ?

(…)

Ce n'est pas que je les rejette, ces fondements normatifs. C'est que je considère comme appartenant au domaine de la morale toutes sortes de justifications que les hommes produisent pour qualifier de bon ou mauvais certains comportements, même si ces justifications relèvent de la superstition, de la tradition, etc. Rien ne m'est sans doute plus étranger que la morale défendue par des religions chrétiennes ou musulmanes, que ce soit le fondement de leurs normes ou leur choix d'éthique pratique, mais pour autant je pense que ce sont des morales à part entière. Et pareil pour une tribu de chasseurs-cueilleurs amazoniens.

Si les droits de l'homme s'imposent, ce n'est pas seulement en raison de leur évidence normative s'universalisant d'elle-même, c'est aussi parce que les démocraties ont envoyé beaucoup de bombes sur la gueule des pays ne respectant pas les droits de l'homme ou bien encore parce que le pouvoir politique est entré en conflit direct avec le pouvoir religieux. Et les droits de l'homme ne pourront persister que s'ils ne se laissent pas grignoter par toutes sortes de revendications finissant par limiter tellement les libertés individuelles qu'elles deviendront un formalisme vide d'effet. Bref, la question est aussi politique en l'occurence, pas seulement morale.

Mais il est tard, le sujet est complexe. En tout cas, je reconnais volontiers que je ne dois pas être un pur relativiste au sens où je défends certaines conditions de co-existence entre les positions morales et que ces conditions elles-mêmes me paraissent non discutables par une position morale particulière (concrètement, une position morale qui estimerait que la co-existence des morales différentes est mauvaise). Mais j'ignore si ces conditions sont politiques, juridiques ou morales.

Posté
  Citation
En gros : Ce n'est pas parce qu'une chose se fait qu'elle est pour autant juste ou bonne.

Exemple : jadis (et naguère), la plupart de nos concitoyens souhaitaient l'élimination et la disparition des Juifs. Etait-ce suffisant pour légitimer leur meurtre ?

Certes mais cela n'a rien à voir avec mon propos. La plupart des actes discutés ici (avortement, euthanasie, thérapie génique, etc.) se justifient chez ceux qui les acceptent par le principe de bienveillance (je ne veux pas faire souffrir un être / je souhaite donner les meilleurs atouts à un être dans son existence) et non par la haine ou le mépris ou l'avilissement ou n'importe quel principe malveillant. Par ailleurs, ce sont des actes qui engagent une personne ou un couple et sa descendance, mais qui ne sont pas dirigés contre un autre groupe et qui ne prétendent pas être imposées à toute la société (elles valorisent le libre-choix des individus, pas l'universalisation d'un choix particulier). Enfin, je fais de la non-nuisance à autrui le principe de base de la co-existence des individus et de leurs croyances.

Inversement, je puis te faire remarquer que plein de choses qui allaient de soi hier ne vont plus de soi aujourd'hui (l'esclavage est légitime, les pauvres ou les femmes ne doivent pas voter, les homosexuels sont des malades mentaux et des pervers, le mariage est indissoluble, la masturbation est immorale, une jeune fille doit être vierge à son mariage, la publication des oeuvres de Sade est une menace pour la jeunesse, etc.) et que l'évolution des moeurs tend à s'accélérer plutôt qu'à ralentir, car nos sociétés sont de plus en plus individualistes et communicantes*. Ce n'est pas un argument d'autorité pour dire que tout ce qui est nouveau est bon (je n'en crois rien), simplement un rappel de la… relativité des jugements moraux ou politiques dominants, capables de se modifier assez vite en deux ou trois générations pour devenir minoritaires dans une population.

* Je veux dire par communicantes que dans une société où le média dominant devient Internet (many-to-many) et où la numérisation permet l'explosion de médias de niche (200 chaînes de radio, 300 chaines de télé, etc.), la formation des croyances collectives va devenir très différente de celle des sociétés où il existait quelques médias de masse influents en one-to-many (période radio-télé hertzienne), a fortiori des sociétés où l'imprimé changeait doucement les mentalités d'une minorité cultivée, a fortiori des sociétés où les masses n'avaient pas accès à l'écriture, a fortiori des sociétés où l'écriture n'existait pas, etc. Bref, la cohérence normative interne d'un discours est une chose qui passionne quelques-uns (dont moi je le précise), mais les moeurs et les comportements et ce qui passe dans le cerveau des individus est une autre chose, et cette autre chose influence aussi l'évolution de la morale.

Posté
  CMuller a dit :
[…] Ce n'est pas un argument d'autorité pour dire que tout ce qui est nouveau est bon, simplement un rappel de la… relativité des jugements moraux ou politiques dominants, capables de se modifier assez vite en deux ou trois générations pour devenir minoritaires dans une population.

Relatifs jusqu'où ? Existe-t-il des choses qui sont toujours mauvaises et doivent être empêchées, même si elles deviennent populaires ?

Posté
  Rincevent a dit :
Relatifs jusqu'où ? Existe-t-il des choses qui sont toujours mauvaises et doivent être empêchées, même si elles deviennent populaires ?

Je ne connais aucune morale fondée sur les préceptes "tu tueras ton voisin", "tu voleras ses biens", "tu violeras sa femme", "tu emprisonneras ses enfants", "tu ne respecteras aucune règle de ton groupe". En revanche, certaines circonstances historiques ont vu la tentative de justification de ce genre de pratiques, mais ces justifications ont été balayées et il ne reste que de très mauvais souvenirs de ces errements. Je suppose donc qu'il existe un répertoire moral de base de l'espèce humaine, plutôt inné, répertoire que l'on doit pouvoir rationaliser en quelques principes simples. C'est d'ailleurs ce qu'ont essayé de faire les utilitaristes et les déontologistes.

Un des principaux problèmes à mon sens, et c'est là où je trouve Ogien intéressant, c'est le rapport minimaliste/maximaliste. Il y a des gens qui recherchent une morale minimale avec beaucoup de libertés individuelles, et des gens qui recherchent une morale maximale, avec peu de libertés individuelles. Il y a des gens qui pensent que seul le rapport aux autres fait l'objet de la réflexion morale, d'autres qui pensent que le rapport à soi (les vertus) est aussi un problème moral, même si les autres ne sont pas concernés, etc. Et je pense pour ma part que ces différentes perceptions doivent beaucoup à des traits innés de personnalité, pas seulement à un exercice de rationalité pure-pratique où l'on pourrait tous tomber d'accord par la seule logique.

Je suis par exemple frappé d'avoir croisé des "types autoritaires" dans tous les milieux, avec toutes les croyances, toutes les idéologies, tous les niveaux de revenus, etc. Leur point commun est qu'ils étaient tous persuadés qu'un groupe ne peut pas exister sans une "morale forte" qui contraint les individus, même s'ils mettaient des choses différentes dans la morale en question. Au-delà de ce genre d'expériences, que d'autres ont dû faire, on sait que certains traits de personnalité sont assez héritables (la prosocialité, le neuroticisme, l'ouverture d'esprit, etc.) et qu'ils influent la manière dont on se comporte vis-à-vis des autres, la manière dont on perçoit un comportement interpersonnel comme normal ou anormal. Un hyperaltruiste va qualifier plein d'attitudes comme égoïstes, parce que sa conception hyperbolique de la prosocialité lui fait considérer que l'on doit se sacrifier sans réserve pour les autres. Enfin, la porosité de l'esprit humain aux croyances inculquées dans l'enfance et l'adolescence est une réalité (sans elle, les religions auraient bien du mal à se répliquer depuis si longtemps) et cela conditionne bien sûr nos manières de voir le monde à l'âge adulte. C'est ce genre de chose qui me fait douter de la possibilité de mettre tout le monde d'accord sur le contenu d'une morale, mais aussi sur l'extension de la morale dans la vie, les choses sur lesquelles elle doit ou ne doit pas se prononcer.

Posté

Quand je lis les dénis de réalité de quelques liborgiens (ils se reconnaîtront et je ne vise évidemment pas Etienne), je me demande franchement à quoi ça sert qu'on s'amuse à donner des définitions (faisant autorité) de l'embryon montrant clairement que ce dernier est un être humain.

Et après, certains osent se plaindre qu'on n'arrive pas à avoir de "vrais" débats ici.

  Etienne a dit :
Oui, mais ça n'est pas de ça dont Bob parlait de toute façon.

Oui, j'ai bien compris mais, de toute façon, premièrement, il est difficile de déterminer exactement à quel moment l'embryon est doté d'une activité cérébrale, les scientifiques n'arrivant pas à s'accorder sur les dates.

Deuxièmement, je ne vois pas au nom de quoi l'activité cérébrale serait le critère fondamental pour déterminer le moment à partir duquel l'embryon/foetus deviendrait sujet de droits.

Je crois surtout que certains veulent introduire les critères qui arrangent leur petite morale (et tu as compris que je ne parlais évidemment pas de toi) alors qu'il est quand même beaucoup plus simple et prudent de fixer comme point de départ, la fécondation.

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  CMuller a dit :
Un des principaux problèmes à mon sens, et c'est là où je trouve Ogien intéressant, c'est le rapport minimaliste/maximaliste. Il y a des gens qui recherchent une morale minimale avec beaucoup de libertés individuelles, et des gens qui recherchent une morale maximale, avec peu de libertés individuelles.

Le maximalisme peut conduire à l'arbitraire le plus complet et justifier in fine un pouvoir total de quelques individus. Je pense au communisme. Les tendances les plus basiques de l'individu, de nature à agir un peu plus pour soi que pour autrui, y sont présentées comme des crimes. Comme tout le monde est coupable, c'est la légitimation de tous les abus : au vu de ces données, chacun peut-être un coupable qui mérite d'être puni ou celui qui punira autrui pour leurs fautes.

Bien évidemment, ce sont les plus vicieux et les plus implacables ( Mao, Staline, Lénine, Pol pot) qui deviennent les punisseurs du reste de l'humanité.

Je ne suis pas forcément minimaliste en matière de morale, mais en matière de droit, c'est le minimalisme qui doit l'emporter. Je ne peux pas être puni parce que je n'en aurais pas assez fait pour autrui.

Le maximalisme est du domaine du choix individuel.

Posté
  Roniberal a dit :
Quand je lis les dénis de réalité de quelques liborgiens (ils se reconnaîtront et je ne vise évidemment pas Etienne), je me demande franchement à quoi ça sert qu'on s'amuse à donner des définitions (faisant autorité) de l'embryon montrant clairement que ce dernier est un être humain.

Et après, certains osent se plaindre qu'on n'arrive pas à avoir de "vrais" débats ici.

Oui, j'ai bien compris mais, de toute façon, premièrement, il est difficile de déterminer exactement à quel moment l'embryon est doté d'une activité cérébrale, les scientifiques n'arrivant pas à s'accorder sur les dates.

A nouveau, définir scientifiquement ou médicalement un embryon ne change rien à la manière dont on le définit juridiquement ou moralement ou philosophiquement. Les dates légales pour l'avortement sont par exemple des conventions, elles varient d'un pays à l'autre. L'Eglise elle-même a varié sur la date à partir de laquelle le foetus se voit insuffler une âme (avec toutes les conséquences que cela représente pour un croyant). Etc.

Cela me semble donc non pertinent de se dire qu'un élément biologique va définir de manière substantielle la naissance de la personne, il n'y a pas solution de continuité dans le développement depuis l'oeuf fécondé jusqu'à l'adulte, tout au plus des étapes à partir desquelles certaines structures physiologiques deviennent fonctionnelles, parfois après la naissance (le système nerveux achève son développement à l'adolescence).

Quant aux définitions ontologiques de la personne, elles posent autant de problème. L'autonomie de la volonté, la capacité de souffrir, la viabilité… tout cela diffère et le choix parmi l'un ou l'autre de ces critères dépend de nos conceptions particulières du sujet moral et du rapport moral.

  Citation
Je crois surtout que certains veulent introduire les critères qui arrangent leur petite morale (et tu as compris que je ne parlais évidemment pas de toi) alors qu'il est quand même beaucoup plus simple et prudent de fixer comme point de départ, la fécondation.

C'est ce que tu fais en posant la fécondation sous prétexte qu'elle est "simple" et "prudente", alors qu'elle convient surtout à ta vision des choses.

Mais comme on vit dans un monde compliqué, cela pose des problèmes.

Par exemple les chercheurs français travaillent depuis 2006 sur des embryons abandonnés sans projet parental, pour créer des lignées de cellules souches. Donc je suppose que dans ta vision, ces chercheurs manipulent de véritables êtres humains. Ce qu'ils n'ont pas le sentiment de faire bien sûr.

Autre exemple, les couples ayant des antécédents de maladies graves ou ayant des problèmes de fertilité recourent à la PMA. Dans ce cas, plusieurs embryons sont créés par FIV et seuls quelques-uns sont réimplantés. Les autres sont congelés ou détruits ou donnés à la recherche. A nouveau, tu penses que l'on détruit ou congèle des êtres humains.

Bref, une application cohérente de ta définition reviendrait à interdire la FIV, le DPI et la sélection embryonnaire, le recherche sur les CS, etc. Mais ce faisant, tu vas bien sûr priver certains couples de descendance, limiter le progrès de la médecine, imposer des naissances non souhaités, mettre au monde des enfants atteints de maladies graves… toutes sortes de choses qui ne sont pas perçues comme morale par une partie de la population, qui semblent même immorales. Donc ce n'est certainement pas "simple".

Invité jabial
Posté
  Rothbard a dit :
We have now established each man's property right in his own person and in the virgin land that he finds and transforms by his labor, and we have shown that from these two principles we can deduce the entire structure of property rights in all types of goods. These include the goods which he acquires in exchange or as a result of a voluntary gift or bequest. There remains, however, the difficult case of children. The right of self-ownership by each man has been established for adults, for natural self-owners who must use their minds to select and pursue their ends. On the other hand, it is clear that a newborn babe is in no natural sense an existing self-owner, but rather a potential self-owner.* But this poses a difficult problem: for when, or in what way, does a growing child acquire his natural right to liberty and self-ownership? Gradually, or all at once? At what age? And what criteria do we set forth for this shift or transition? First, let us begin with the prenatal child. What is the parent's, or rather the mother's, property right in the fetus? In the first place, we must note that the conservative Catholic position has generally been dismissed too brusquely. This position holds that the fetus is a living person, and hence that abortion is an act of murder and must therefore be outlawed as in the case of any murder. The usual reply is simply to demarcate birth as the beginning of a live human being possessing natural rights, including the right not to be murdered; before birth, the counter-argument runs, the child cannot be considered a living person. But the Catholic reply that the fetus is alive and is an imminently potential person then comes disquietingly close to the general view that a newborn baby cannot be aggressed against because it is a potential adult. While birth is indeed the proper line of demarcation, the usual formulation makes birth an arbitrary dividing line, and lacks sufficient rational groundwork in the theory of self-ownership. The proper groundwork for analysis of abortion is in every man's absolute right of self-ownership. This implies immediately that every woman has the absolute right to her own body, that she has absolute dominion over her body and everything within it. This includes the fetus. Most fetuses are in the mother's womb because the mother consents to this situation, but the fetus is there by the mother's freely-granted consent. But should the mother decide that she does not want the fetus there any longer, then the fetus becomes a parasitic "invader" of her person, and the mother has the perfect right to expel this invader from her domain. Abortion should be looked upon, not as "murder" of a living person, but as the expulsion of an unwanted invader from the mother's body.2 Any laws restricting or prohibiting abortion are therefore invasions of the rights of mothers. It has been objected that since the mother originally consented to the conception, the mother has therefore "contracted" its status with the fetus, and may not "violate" that "contract" by having an abortion. There are many problems with this doctrine, however. In the first place, as we shall see further below, a mere promise is not an enforceable contract: contracts are only properly enforceable if their violation involves implicit theft, and clearly no such consideration can apply here. Secondly, there is obviously no "contract" here, since the fetus (fertilized ovum?) can hardly be considered a voluntarily and consciously contracting entity. And thirdly as we have seen above, a crucial point in libertarian theory is the inalienability of the will, and therefore the impermissibility of enforcing voluntary slave contracts. Even if this had been a "contract," then, it could not be enforced because a mother's will is inalienable, and she cannot legitimately be enslaved into carrying and having a baby against her will. Another argument of the anti-abortionists is that the fetus is a living human being, and is therefore entitled to all of the rights of human beings. Very good; let us concede, for purposes of the discussion, that fetuses are human beings-or, more broadly, potential human beings-and are therefore entitled to full human rights. But what humans, we may ask, have the right to be coercive parasites within the body of an unwilling human host? Clearly no born humans have such a right, and therefore, a fortiori, the fetus can have no such right either. The anti-abortionists generally couch the preceding argument in terms of the fetus's, as well as the born human's, "right to life." We have not used this concept in this volume because of its ambiguity, and because any proper rights implied by its advocates are included in the concept of the "right to self-ownershipf'-the right to have one's person fiee from aggression. Even Professor Judith Thomson, who, in her discussion of the abortion question, attempts inconsistently to retain the concept of "right to life" along with the right to own one's own body, lucidly demonstrates the pitfalls and errors of the "right to life" doctrine: In some views, having a right to life includes having a right to be given at least the bare minimum one needs for continued life. But suppose that what in fact is the bare minimum a man needs for continued life is something he has no right at all to be given? If I am sick unto death, and the only thing that will save my life is the touch of Henry Fonda's cool hand on my fevered brow, then all the same, I have no right to be given the touch of Henry Fonda's cool hand on my fevered brow. It would be frightfully nice of him to fly in from the West Coast to provide it. . . . But I have no right at all against anybody that he should do this for me. In short, it is impermissible to interpret the term "right to life," to give one an enforceable claim to the action of someone else to sustain that life. In our terminology such a claim would be an impermissible violation of the other person's right of self-ownership. Or, as Professor Thomson cogently puts it, "having a right to life does not guarantee having either a right to be given the use of or a right to be allowed continued use of another person's body-even if one needs it for life itself.'
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  Roniberal a dit :
Déjà, la définition donnée par le Larousse médical fait autorité, ne t'en déplaise. De ce fait, le débat est définitivement clos, je crois.

Pour le reste, tu devrais lire ceci:

http://www.nytimes.com/2007/11/21/science/21stem.html

Ca répond à ta question sur les recherches sur les cellules souches.

Discute donc des cellules iPS avec des chercheurs, tu verras que les choses sont loin d'être aussi simples. On aura de toute façon besoin de travailler sur des cellules ES humaines et animales, pour comprendre les capacités d'autorenouvellement et de différenciation, et le comparer avec les cellules iPS. Lesquelles posent d'ailleurs d'autres problèmes, puisque la totipotence est obtenue par modification génétique (4 gènes, différents dans ls équipes japonaises et américaines ayant publié en 2007) et que la bio-éthique interdit dans la plupart des cas l'introduction de cellules génétiquement modifiées dans l'organisme humain. On verra si l'on parvient à restaurer la totipotence autrement, mais on a pour l'instant échangé un problème contre un autre.

Par ailleurs, il faut se méfier des effets d'annonce. Pendant 15 ans, les personnes hostiles au travail sur les cellules ES embryonnaires humaines ont mis en avant qu'il existe des cellules souches adultes et que celles-ci ne leur posent pas de problème particulier. Mais aujourd'hui, il y a consensus chez les chercheurs pour dire que l'on ne pourra pas faire grand chose des cellules souches adultes, car elles sont déjà différenciées et difficiles à manipuler, même chez les modèles animaux bien maîtrisés les résultats sont médiocres. C'est une chose de se ruer sur la moindre annonce scientifique satisfaisant ses convictions éthiques personnelles ; une autre d'avancer sur la paillasse pour voir si l'enjeu thérapeutique est réel ou non.

Mais je te suis sur un point, et je l'avais signalé plus haut : la question de l'avortement n'est certainement pas l'enjeu principal des décennies à venir. La science nous dote progressivement de moyens de modifier l'humain (soit directement ses gènes, soit l'expression de ses gènes) et c'est cela qui fera débat, bien au-delà du "meurtre" ou non des bourgeons cellulaires de l'embryon.

PS : le Larousse médical ne règle aucune question de fond, j'exposais justement qu'une définition médicale n'est pas une définition sociale, morale, philosophie, juridique, bref ce autour de quoi les hommes s'accordent ou ne s'accordent pas sur ce qu'ils doivent faire.

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Jabial : merci pour ce texte de Rothbard (quelle source ?)

Le problème est sans doute le droit de propriété sur son corps, posé au départ par l'auteur mais qui n'est pas du tout établi ni reconnu aujourd'hui. S'il l'était, on pourrait en effet voir cela comme le respect de la volonté de la mère de faire ce qu'elle veut de ce qu'elle héberge dans son corps (impossibilité d'avancer la "volonté" de l'embryon ou du foetus à s'opposer à la volonté de la mère et à occuper son corps contre son gré). Mais le statut du corps est un autre casse-tête juridique et moral, que je trouve d'ailleurs très intéressant et très prometteur pour l'avenir.

Invité jabial
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  CMuller a dit :
Jabial : merci pour ce texte de Rothbard (quelle source ?)

Ethique de la Liberté.

  Citation
Le problème est sans doute le droit de propriété sur son corps, posé au départ par l'auteur mais qui n'est pas du tout établi ni reconnu aujourd'hui. S'il l'était, on pourrait en effet voir cela comme le respect de la volonté de la mère de faire ce qu'elle veut de ce qu'elle héberge dans son corps (impossibilité d'opposer la "volonté" de l'embryon ou du foetus à s'opposer à la volonté de la mère et à occuper son corps contre son gré). Mais le statut du corps est un autre casse-tête juridique et moral, que je trouve d'ailleurs très intéressant et très prometteur pour l'avenir.

A titre personnelle j'appelle ça "liberté" plutôt que "propriété du corps", ce qui règle pas mal de problèmes, mais c'est sujet à débat même entre libertariens "axiomatiques".

Posté
  CMuller a dit :
Mais le statut du corps est un autre casse-tête juridique et moral, que je trouve d'ailleurs très intéressant et très prometteur pour l'avenir.

Aaah, la fausse humilité des "chercheurs", jamais aussi heureux devant de faux problèmes et jamais aussi scandalisés que lorsque des réponses existent déjà.

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@Cmuller: je regrette mais les définitions ne dépendent pas du bon-vouloir du peuple. Si un embryon est objectivement un être humain, on se fiche éperdument de savoir si, oui ou non, les hommes s'accordent sur une telle définition.

Pour le reste, je ne suis pas scientifique et ne sais donc pas si ces annonces de chercheurs japonais doivent être prises au sérieux ou pas mais, même en admettant que leurs recherches débouchent sur des résultats médiocres, et bien ça ne donne pas le droit aux scientifiques de se servir de certains embryons comme cobayes.

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  Roniberal a dit :
@Cmuller: je regrette mais les définitions ne dépendent pas du bon-vouloir du peuple. Si un embryon est objectivement un être humain, on se fiche éperdument de savoir si, oui ou non, les hommes s'accordent sur une telle définition.

(…)

Aucun scientifique ne définira abruptement un embryon comme un être humain, cela n'a aucun sens. Et cela rejoint le sens commun, si vous regardez un embryon au microscope, vous ne voyez pas un être humain, mais un amas cellulaire (et vous seriez incapable de distinguer un embryon humain d'un autre embryon mammifère). Que ces cellules soient destinées à former un être humain quelques mois plus tard, c'est autre chose : au moment où vous les observez, elles sont une potentialité d'être humain. Au passage, rien ne garantit d'ailleurs qu'elle se réalisera : l'embryon que vous observez est peut-être atteint d'une malformation génétique ou chromosomique grave qui entraînerait une fausse couche quelques semaines plus tard, cela peut donc être une potentialité de rien du tout.

Cette casuistique de la définition ne mène nulle part, c'est une évidence. On peut prendre cinquante traités de médecine, de biologie ou d'embryologie et comparer, mais à quoi bon cela ? L'important est la manière dont on qualifie cet embryon quand on se pose la question de la conduite à son égard. La question est récente dans l'histoire humaine. Et même si cela vous désole, sa réponse relève de la volonté et de la liberté des individus, il y en a qui le qualifient de personne humaine à part entière, d'autres non, c'est ainsi. Certaines croyances appuient avec force leur propre définition, mais ces croyances n'ont plus d'autorité pour s'imposer dans les lois, qui renvoient finalement à la conscience de chacun.

Je pense que l'on a bien compris vos positions, et les miennes aussi j'espère. Vous êtes dans un système de droit et de bio-éthique qui vous déplaît, car il autorise des actes que vous jugez illégitimes ou immoraux, il faut donc oeuvrer à le réformer en faisant partager vos définitions et qualifications au législateur (à défaut du bon peuple). Nous sommes dans la même situation, remarquez bien, sauf que je milite dans le sens opposé au vôtre et que je considère le système en question comme bien trop inspiré de croyances métaphysiques étrangères à ma pensée et comme bien peu respectueux des libertés individuelles. La révision des lois de bio-éthique en 2009 sera l'occasion d'exprimer nos désaccords de façon plus circonstanciée et plus précise.

Invité jabial
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En fait, comme le disait Mélodius au début de cette discussion il y a un an ou deux, la question n'est pas tant de savoir si un embryon est un être humain que s'il est une personne (avec des droits). A cette question, Rothbard ajoute celle de savoir si une personne adulte qui dépendrait du corps d'autrui pour survivre aurait le droit de s'opposer à son expulsion ou pas. A partir d'ici, je suis biaisé puisque j'ai choisi mon camp : enfin, on en arrive à la question de savoir si le "droit à la vie" est un droit aux moyens de la vie.

C'est là que, selon moi, une fissure s'est créée pour devenir un gouffre, certains refusant d'accepter qu'on ne peut sacrifier la liberté d'une personne à la vie d'une autre, mettant ainsi en balance ce qui appartient à deux êtres humains différents, alors que chaque homme ne peut appliquer ses valeurs qu'à ses propres moyens. De là, on en est arrivé à la relativité des droits naturels, qui ne constitueraient plus la loi naturelle mais seraient subordonnés à celle-ci, cette dernière étant un principe collectif - j'oserais presque dire un principe de répartition des droits. "Si le libéralisme conduit à ça, alors merde au libéralisme" ; ça a été pensé, puis écrit ici à plusieurs reprises.

On a donc sur ce forum un groupe de personnes qui appellent l'avortement, l'euthanasie volontaire et la non-assistance à personne en danger un meurtre, probablement à moitié parce qu'ils le pensent et à moitié pour énerver ceux qui refusent que la justice (et donc la force) s'en mêle. Certains sont anciens, d'autres moins ; d'une manière ou d'une autre, il serait utile d'éviter de commencer ton activité ici par une entrée dans la bagarre entre l'aile droite et l'aile gauche du forum, sans quoi tu seras vite dégoûté. Apprend à ignorer les propos outranciers, et concentre toi sur ce qui est intéressant. Tu pourras te mêler de ce type de discussions quand tu auras un peu lu l'historique et que tu connaîtras les arguments des uns et des autres, histoire d'éviter de les répéter.

Notez au passage que si vous espérez mettre tout le monde d'accord par le principe démocratique, vous ne convaincrez qu'une petite partie des membres du forum - beaucoup d'entre nous ne sont plus démocrates.

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  jabial a dit :
Tu pourras te mêler de ce type de discussions quand tu auras un peu lu l'historique et que tu connaîtras les arguments des uns et des autres, histoire d'éviter de les répéter.

Dixit quelqu'un qui, dans ce message, vient de s'amuser à caricaturer et déformer les arguments de ses contradicteurs.

Invité jabial
Posté
  Ronnie Hayek a dit :
Dixit quelqu'un qui, dans ce message, vient de s'amuser à caricaturer et déformer les arguments de ses contradicteurs.

D'une part,

  jabial a dit :
A partir d'ici, je suis biaisé puisque j'ai choisi mon camp

D'autre part, on peut discuter de l'endroit où je carricature et où je déforme ; ceci dit il est évident que je ne perçois pas ta position comme toi, sinon je la partagerais. Il est donc normal que ma compréhension de celle-ci diffère ; bien entendu, un seul de nous deux a raison et l'autre se goure lamentablement.

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Ce serait bien de ne pas effacer ma réponse en y répondant…

Sinon, ce n'est pas parce que des gens ont des opinions opposées que leur perception des raisons de leur différend diverge. Sur le fond, il ne s'agit pas "pour moitié" d'énerver ceux d'en face, mais simplement de montrer que leur conception du droit naturel est farfelue. Ensuite, kesako le principe de "répartition des droits" auquel tu fais allusion ?

Invité jabial
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Au vu des logs c'est Lucilio qui a effacé ton message, et je ne comprend pas pourquoi, d'ailleurs. :icon_up:

Attend 3 secondes.

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