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Aron : Opium des intellectuels


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Posté
Quand on fait de la science, on s'intéresse simplement à ce qui dans l'univers suit des lois compréhensibles et une chaine de cause à effet, le reste est ignoré mais cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas.

Dans cette conception, il n'y a pas de nécessité de cause première et on peut même renverser complétement la proposition.

Perspective intéressante. Ça correspond un peu à ce que je voulais dire quand j'ai écrit :

"L'autre solution, je crois, c'est de dire qu'aucun phénomène n'a de cause. L'univers est apparu spontanément par pur hasard (il pourrait donc tout aussi bien disparaître dans l'instant), il se maintient tel qu'il est par pur hasard et il n'obéit à aucune règle constante si ce n'est de manière contingente."

C'est à dire que nous ne ferions que profiter d'un sous ensemble de lois existant par hasard (et de manière précaire) dans un univers chaotique. Et c'est vrai, je suis le premier à l'admettre, que nos perception et notre logique sont limités, qu'il y a potentiellement une infinité de choses qui se passent sans que nous puissions y accéder, que nous ne pouvons accéder à la réalité que dans les limites imposées par notre condition d'êtres humains.

Mais il reste que, du point de vue de l'espèce humaine, ces lois existent bel et bien, ont toujours existé et nous sommes bien obligés (par nature) de croire qu'elles existeront toujours.

Si on part du principe que l'univers est fondamentalement chaotique, comment est-il possible que cette permanence d'ordre (et toujours le même ordre, sans interruption) existe et se soit maintenue, à tel point que nous ayons pu apparaître, nous qui en sommes totalement dépendants pour survivre ? Un vrai miracle :icon_up:

Posté
Il n'existe pas de conscience humaine, ou de société sans Dieu défini comme principe (peut importe la forme qu'on lui donne). On peut discuter de ces formes à l'infini il n'empeche que sans principe il n'y aurait que du vide indéfini, ce que l'existence de la conscience humaine semble contredire. D'où la nécessité du concept de Dieu.

Que les gens croient ou non n'a pas d'importance car pour qu'ils croient ou pas il faut déjà qu'ils le puissent.

C'est marrant dès que l'on parle de philosophie ou religion cela devient vite incompréhensible, c'est mon côté rationnaliste ça :icon_up:

Une observation ou un fait ne sont connaissables que par la raison, qui est fondé sur un acte de foi. La vérification d'une hypothèse se fonde bien sur la croyance d'un monde cohérent, organisé et connaissable.

Si tu crois pouvoir évacuer Dieu parce qu'un verre se brise en tombant sur le sol, tu erres malement.

Excellent exemple, la gravité, elle existe, elles est observable par la raison humaine, mais qui diable a dit qu'une planète devait avoir un noyau et recréer la gravité? est-ce démontrable scientifiquement ou simplement est-ce Dieu le petit malin dans cette histoire?

Posté
J'aime bien cette phrase : imaginons que les bactéries dans nos intestins ont une conscience : pour elle, Dieu, ce serait nous :icon_up:

Mais si elles s'imaginent que nous sommes omniscient ou omnipotent - voir même que nous sommes seulement capable de donner un sens à leur existence, elles se trompent.

J'ai beau réflechir, je ne vois pas comment ceci peut être une réponse à cela :

Sauf que personne n'affirme que Dieu est son propre créateur. La théologie parle de Dieu comme l'être dont l'essence (ce qu'il est) est l'existence (le fait d'être), ce qui n'est pas tout à fait la même chose.
Posté
C'est marrant dès que l'on parle de philosophie ou religion cela devient vite incompréhensible, c'est mon côté rationnaliste ça :icon_up:

si tu remonte mes post tu verras que j'ai explicité ma pensée, exprimée ici synthétiquement. Je ne vais pas recommencer indéfiniment.

Posté
Une observation ou un fait ne sont connaissables que par la raison, qui est fondé sur un acte de foi..

Heu, ou est ton argument pour la partie en italique ? Ce n'est certainement pas ici :

La vérification d'une hypothèse se fonde bien sur la croyance d'un monde cohérent, organisé et connaissable.

Considérer que le monde dans sa totalité est cohérent, organisé et connaissable est une hypothèse qui n'a rien de démontrer (au contraire). Le faire, c'est effectivement un acte de foi. Et effectivement, les croyants considèrent au minimum que le monde est cohérent. Ce n'est pas mon cas.

Si on part du principe que l'univers est fondamentalement chaotique, comment est-il possible que cette permanence d'ordre (et toujours le même ordre, sans interruption) existe et se soit maintenue, à tel point que nous ayons pu apparaître, nous qui en sommes totalement dépendants pour survivre ? Un vrai miracle :icon_up:

Non, pas forcement. Pour faire une analogie, gagner au loto, c'est rare. Mais chaque semaine, il y a un gagnant au loto. Et pour lui, c'est un évenement exceptionnel. Mais pas pour la française des jeux.

Pour en revenir à la question initiale, l'ordre dans lequel nous vivons à l'air effectivement très exceptionnel. Mais l'univers est très grand. Vraiment très grand. Le connu à une taille de 40 milliards d'année lumière. Et on peut même tirer argument du fait qu'il est très grand pour dire que l'ordre dans lequel nous vivons est exceptionnel.

Posté

je rappele que la question initiale est :

Aron pose la question suivant à la fin d'un de ses chapitres, intitulé "l'illusion de la nécessité" : De qui l'humanité sans Dieu exigerait-elle l'assurance de son salut collectif ?

Je ne suis jamais sorti de ce cadre. Je défends et tente de démontrer qu'une humanité sans Dieu, ou d'un principe équivalent, n'a pas de sens et que donc il ne peut, de mon point de vue, y avoir de réponse satisfaisante à cette question posée en ces termes.

En outre je prétends n'être ni sceptique, ni croyant ni athées. Qu'il n'est pas nécessaire de se limiter à ces catégories.

Posté
En outre je prétends n'être ni sceptique, ni croyant ni athées. Qu'il n'est pas nécessaire de se limiter à ces catégories.

Sado-maso?

Posté
t'es libre ce soir ? '-)

Je préviens, je fais ça en plantant des couteaux, Dieu décidera de ton sort, le fouet c'est pour les tarlouses. :icon_up:

Posté
Je préviens, je fais ça en plantant des couteaux, Dieu décidera de ton sort, le fouet c'est pour les tarlouses. :icon_up:

:doigt:

Posté
J'ai beau réflechir, je ne vois pas comment ceci peut être une réponse à cela : La théologie parle de Dieu comme l'être dont l'essence (ce qu'il est) est l'existence (le fait d'être), ce qui n'est pas tout à fait la même chose

Et bien, j'ai essayé d'appliquer cette définition à une bactérie qui penserait au corps qui constitue son biotope. Pour cette bactérie, l'essence de ce corps est l'existence puisqu'elle ne peut percevoir que ce corps lui-même est soumis à des contingences matérielles.

Je suis prêt à reconnaitre que cette phrase ne se limite pas à cette interprétation, mais dans ce cas développe là. Que l'on puisse en discuter.

Posté
Mais en fait, il s'agit d'un "piège" que tendent les croyants aux non-croyants. L'espace des propositions et des concepts est infini et notre temps de discussion limité. C'est donc à ceux qui introduisent un concept (dans le cas qui nous occupe : dieu) qui ont la charge d'expliquer en quoi ce concept est intéressant et important. Ne renversez pas la charge de la preuve.

Erreur, personne n’a demandé la moindre démonstration ou preuve que Dieu n’existe pas, c’est une exigence ridicule car il est impossible de prouver la non existence de quoi que ce soit, et en particulier d’une entité métaphysique…

C’est également ridicule d’essayer de prouver son existence, la notion de preuve formelle est juste complètement inadaptée au sujet.

Donc non, les croyants n’inversent pas la charge de la preuve, la plupart d’entre eux (enfin ceux qui ont deux ou trois neurones dont ils se servent…mais c’est le cas des croyants présents içi) ne demandent pas de preuve de non existence et n’avancent pas de preuves d’existences, en fait, la question ne se pose pas pour eux dans ces termes.

Imposer une méthodologie et un formalisme qui ne mène a rien pour ensuite parler d’inversion de l’exigence de la preuve, ça eu marché au XIXeme siècle quand les croyants étaient aussi scientistes que leurs contradicteurs, mais ça ne marche plus, je suis désolé, ces croyants la, s’imaginant démontrer dieu par la logique, les mathématiques, et la physique, dans une incohérence grossière et évidente, ils étaient bien pratiques comme hommes de paille, mais il n’y en a plus des masses.

Posté
Pour en revenir à la question initiale, l'ordre dans lequel nous vivons à l'air effectivement très exceptionnel. Mais l'univers est très grand. Vraiment très grand. Le connu a une taille de 40 milliards d'année lumière. Et on peut même tirer argument du fait qu'il est très grand pour dire que l'ordre dans lequel nous vivons est exceptionnel.

Mais un ordre spontané et précaire qui se maintient à ce point dans un système par ailleurs chaotique, c'est très improbable. Vraiment très improbable. Quelques ordres de grandeurs plus improbable que gagner au loto. Et ce multiplié par le nombre de temps de Planck (plus petite unité de temps ayant un sens en physique actuelle, environ 5*10^-44s) depuis le début de l'origine de cette "anomalie".

Bien sûr, on peut toujours postuler que tant pis, c'est quand même uniquement du hasard, mais c'est une hypothèse encore plus forte (donc qui demande encore plus de foi, dans le fond, on y revient toujours) que celle d'un univers compréhensible.

C'est un peu le même principe qu'avec le solipsisme. Leur système se tient, mais il est à l'ouest quand même.

Posté
Mais un ordre spontané et précaire qui se maintient à ce point dans un système par ailleurs chaotique, c'est très improbable. Vraiment très improbable. Quelques ordres de grandeurs plus improbable que gagner au loto. Et ce multiplié par le nombre de temps de Planck (plus petite unité de temps ayant un sens en physique actuelle, environ 5*10^-44s) depuis le début de l'origine de cette "anomalie" " "Singularité".
Posté

Il faut relire les Pensées de Pascal, par exemple, 290 : Preuves de la religion.-Morale, Doctrine, Miracles, Prophéties, Figures.

En réalité, il est difficile de parler de ce sujet, parce que chaque individu ne fonde pas sa foi sur la même chose, et il est peut être inutile d'en parler parce qu'on avance pas en parlant, mais en pratiquant. La foi n'est pas l'axiome des croyants, c'est une grâce qui est donnée sur le chemin de la vie.

Posté
Erreur, personne n’a demandé la moindre démonstration ou preuve que Dieu n’existe pas, c’est une exigence ridicule car il est impossible de prouver la non existence de quoi que ce soit, et en particulier d’une entité métaphysique…

C’est également ridicule d’essayer de prouver son existence, la notion de preuve formelle est juste complètement inadaptée au sujet.

Ce n'est pas à ça que je réponds, et je ne cherche pas de preuve formelle de l'existence ou de la non existence de dieu. Je me contente de réfuter la proposition avancée par certain (notamment Lucilio) qui consiste à dire que postuler la non-existence de dieu est un acte de foi.

Mais je pense effectivement que si quelqu'un considère que dieu n'est pas seulement un acte de foi, alors il doit effectivement dire ce qu'il est.

Bien sûr, on peut toujours postuler que tant pis, c'est quand même uniquement du hasard, mais c'est une hypothèse encore plus forte (donc qui demande encore plus de foi, dans le fond, on y revient toujours) que celle d'un univers compréhensible.

Non, quand on remplit une grille de loto, croire que l'on va gagner, c'est avoir la foi. Quand le tirage est fait et qu'il correspond à notre grille, c'est une constatation. Ce n'est plus du domaine de la foi. Penser que puisqu'on a gagné, la croyance que nous avions avant le tirage était fondé, c'est ré-introduire la foi alors qu'elle n'est plus nécessaire.

C'est un peu le même principe qu'avec le solipsisme. Leur système se tient, mais il est à l'ouest quand même.

Et bien, disons qu'il existe un système de pensée qui exclut Dieu, qui n'est pas un acte de foi et qui est cohérent.

Posté
Et bien, disons qu'il existe un système de pensée qui exclut Dieu, qui n'est pas un acte de foi et qui est cohérent.

Qui l'exclut mais pour le remplacer illico par autre chose remplissant la même fonction. Sinon pas de cohérence possible.

Posté
Non, quand on remplit une grille de loto, croire que l'on va gagner, c'est avoir la foi. Quand le tirage est fait et qu'il correspond à notre grille, c'est une constatation. Ce n'est plus du domaine de la foi. Penser que puisqu'on a gagné, la croyance que nous avions avant le tirage était fondé, c'est ré-introduire la foi alors qu'elle n'est plus nécessaire.

Donc croire que dans un instant le monde existera toujours et fonctionnera toujours selon les mêmes lois, c'est de la foi. Et c'est là dessus que se base toute la connaissance humaine (et même le fonctionnement de l'esprit humain en général).

Et bien, disons qu'il existe un système de pensée qui exclut Dieu, qui n'est pas un acte de foi et qui est cohérent.

C'est un système de pensée qui exclut Dieu, qui est lui aussi un acte de foi (cf plus haut, ou alors il aboutit au même nihilisme que le solipsisme), qui est cohérent mais qui perd la faculté d'expliquer en vertu de quoi l'univers se maintient tel qu'on le connait alors qu'il aurait toutes les raisons de ne pas le faire.

Posté
Esperluette : Si on suit Michel Villey par exemple, on peut distinguer au sein de l'Eglise (et plus tard des Eglises) deux grosses tendances, l'une thomiste et "réaliste", qui recoupe plutôt la première solution (Dieu commande ce qui est juste parce que c'est juste), l'autre volontariste et augustinienne qui tend vers la seconde solution (C'est juste parce que Dieu le commande). Le débat réapparait régulièrement après le Moyen âge (notamment à travers la querelle sur la grâce entretenue par les messieurs de Port Royal, ou les polémiques de Bossuet contre les réformés par exemple).

Le débat ne se pose pas il me semble pour les juifs et les musulmans qui sont des religions de la Loi : elle commande donc impérativement sans rapport direct avec le contenu des commandements, contrairement à la Nouvelle Alliance qui elle s'accomplit à travers l'incarnation, c'est-à-dire la vie du Christ en actes.

En fait, le débat entre rationalistes et volontaristes a aussi eu lieu dans le Moyen Age islamique, et a vu les Acharites triompher des Motazilites.

Posté
Donc croire que dans un instant le monde existera toujours et fonctionnera toujours selon les mêmes lois, c'est de la foi.

Oui. Mais ce n'est pas du tout une croyance nécessaire pour faire de la science. L'objectif de la science et de façon générale de l'action humaine, n'est pas de comprendre le monde mais de le maitriser : on n'a pas besoin de savoir comment marche une voiture pour la conduire.

Et c'est là dessus que se base toute la connaissance humaine (et même le fonctionnement de l'esprit humain en général).

Le cerveau humain est effectivement structuré pour percevoir les régularités du monde et en tirer profit. De façon générale, c'est même le propre de la vie. Mais pour faire cela, on n'a pas besoin d'essayer de trouver une permanence ou une régularité absolue. C'est même une erreur de la chercher.

Posté
Oui. Mais ce n'est pas du tout une croyance nécessaire pour faire de la science. L'objectif de la science et de façon générale de l'action humaine, n'est pas de comprendre le monde mais de le maitriser : on n'a pas besoin de savoir comment marche une voiture pour la conduire.

La science a nécessairement besoin de "permanence" pour pouvoir être falsifiable dans le sens de Popper et ainsi acquérir le statut scientifique. Sans une certaine stabilité, voire une stabilité certaine dans le temps, impossible de reproduire une expérience pour confronter les résultats à ceux de l'expérimentation de référence. La science recherche donc des Lois non pour la fin mais comme moyen.

Le cerveau humain est effectivement structuré pour percevoir les régularités du monde et en tirer profit. De façon générale, c'est même le propre de la vie. Mais pour faire cela, on n'a pas besoin d'essayer de trouver une permanence ou une régularité absolue. C'est même une erreur de la chercher.

Dans l'univers tout est mouvement, de la physique au psychologique en passant par le biologique. Sans une "ancre" fixe, ne serait-ce qu'hypothétique voire arbitraire, l''Homme ne pourrait pas même s'apercevoir de son propre mouvement et ne pourrait pas trouver sa place. Pour conduire sa voiture certes pas besoin de savoir comment fonctionne ce moyen de transport mais pour atteindre sa destination sans accident mieux vaut connaître les Lois admises qui régissent la circulation.

Posté
Mais qu'est-ce que vous avez tous avec Popper ? Ce n'est pas lui qui a inventé la méthode scientifique, à la fin.

Il n'empêche que ses arguments tiennent la route et qu'ils sont difficiles à déboulonner. Ceci explique peut-être cela. Enfin le fond de mon argumentaire ne se limite pas à la falsification de Popper. C'est anecdotique.

Posté
Il n'empêche que ses arguments tiennent la route et qu'ils sont difficiles à déboulonner. Ceci explique peut-être cela. Enfin le fond de mon argumentaire ne se limite pas à la falsification de Popper. C'est anecdotique.

Feyerabend a démonté la théorie de Popper.

Posté
Kuntz est plus chic.

Et apparemment plus confidentiel. Je ne trouve aucune trace de lui. Aurais-tu mal orthographié son nom ?

Feyerabend a démonté la théorie de Popper.

Contre la méthode traîne dans ma bibliothèque depuis un an, il va vraiment falloir que je le lise.

Posté
Et apparemment plus confidentiel. Je ne trouve aucune trace de lui. Aurais-tu mal orthographié son nom ?

C'est vrai j'ai mélangé Kuhn et Kunst, un lapsus artistique.

Posté
Feyerabend a démonté la théorie de Popper.

Le retour de la revanche de l'affirmation péremptoire… En d'autre termes : où ? comment (en quelques phrases, ça devrait être facile pour quelqu'un qui a si bien compris) ?

Kuhn est plus chic.

Je n'ai rien lu dans La structure des révolutions scientifiques qui soit fondamentalement incompatible avec ce que dit Popper dans La connaissance objective.

Posté
Le retour de la revanche de l'affirmation péremptoire… En d'autre termes : où ? comment (en quelques phrases, ça devrait être facile pour quelqu'un qui a si bien compris) ?

Je n'ai rien lu dans La structure des révolutions scientifiques qui soit fondamentalement incompatible avec ce que dit Popper dans La connaissance objective.

C’est au bout du compte Feyerabend qui porte le coup le plus violent sur le réfutationnisme popperien. Dans "Against Method", il montre que l’application du critère de Popper est dépourvue de sens. En effet, le critère lui-même est réfutable. En effet, s’il est possible de trouver un exemple historique dans lequel la science a progressé en utilisant une théorie réfutée par l’expérience, alors cela signifie que le critère de Popper est inapproprié; de ce fait, la réfutation est réfutable. Or le critère de Popper n’a rien de nouveau, il était très couramment utilisé par les sophistes dans l’antiquité grecque (Feyerabend écrit ainsi que dire que Popper a inventé la réfutation est aussi juste que d’affirmer que Ronald Reagan a inventé la métaphysique) et ce critère n’a jamais été utilisé par les scientifiques. Feyerabend multiplie les exemples, on peut ici en citer un, celui de Galilée et de sa défense de l’héliocentrisme (idée que la terre tourne autour du soleil). Galilée avait utilisé la longue-vue (on ne sait pas s’il l’avait inventée ou achetée à un inventeur) pour observer les astres et se fondait sur ce qu’il avait vu à l’aide de cet instrument pour montrer que la terre tourne autour du soleil et non l’inverse. Mais dans le même temps, Galilée avait à l’aide de sa lunette établi des cartes de la face visible de la lune. Or ces cartes étaient fausses, et plus fausses que les cartes que Kepler avait élaborées au même moment, sans lunette, et alors même que Kepler souffrait d’une infirmité qui faisait qu’il voyait mal! Si l’on avait alors appliqué le réfutationisme popperien, aurait-il fallu en conclure que l’expérience montrait que la lunette de Galilée donnait des résultats faux et que de ce fait le soleil tourne autour de la terre, ce que l’expérience courante montrait quotidiennement ?

La réalité, c’est que l’expérience ne permet pas du tout d’infirmer des théories. En effet, toute expérience est critiquable, dépend de son protocole de réalisation, et il est impossible de ce fait d’en tirer des conclusions suffisamment valides pour infirmer une théorie complète. Une expérience contradictoire avec une théorie peut en effet s’expliquer de tout un tas de façons différentes, le fait que la théorie soit fausse n’étant qu’une explication parmi un grand nombre d’autres. Et les scientifiques sont parfaitement conscients de ces limites. Ainsi, en 1916, une expérience fut menée par des scientifiques à Eddington pour vérifier la théorie de la relativité générale d’Einstein. Rappelons que selon cette théorie, un corps massif va courber l’espace. L’expérience d’Eddington consistait donc à profiter d’une éclipse solaire pour vérifier si la masse du soleil déviait les rayons lumineux issus des étoiles (on ne peut faire cela qu’au moment d’une éclipse, car sinon la luminosité solaire empêche de voir). L’expérience a été menée et a vérifié les prévisions de la physique relativiste. Jusque là, on se croirait dans l’analyse popperienne si l’expérience n’avait pas fonctionné, cela aurait signifié que la théorie de la relativité générale n’était pas valide.

Mais il faut aller un peu plus loin. Déjà, lorsqu’après l’expérience on demanda à Einstein ce qu’il aurait pensé si l’expérience n’avait pas vérifié sa théorie. Einstein a répondu "j’en demande pardon à Dieu, mais cela n’aurait rien changé, la théorie est juste". Par ailleurs, aujourd’hui on a de sérieux doutes sur la validité de cette expérience d’Eddington qui n’a jamais pu être reproduite avec les mêmes résultats. Il est probable que les scientifiques qui ont mené l’expérience ont interprété de façon très exagérée leurs résultats afin qu’ils concluent de façon définitive à la validité de la théorie de la relativité. Parce qu’en fait, à ce moment-là, la majorité des physiciens avaient déjà été convaincus; l’expérience n’était qu’un bonus dans un consensus assez largement établi. Il reste clair cependant qu’aucune expérience n’a jamais pu invalider la théorie de la relativité.

S’il fallait encore d’autres éléments montrant l’impossibilité pratique de réfuter des théories par l’expérience, il est possible de se référer à la physique contemporaine. Rappelons déjà que la physique contemporaine est fondée sur une contradiction Ses deux piliers sont en effet la physique relativiste et la physique quantique, qui sont, telles qu’elles sont aujourd’hui exprimées, mutuellement incompatibles, bien qu’aucune n’ait été invalidée par l’expérience. et cela ne pose aucun problème cela conduit les physiciens à rechercher de nouvelles analyses (comme par exemple la théorie des cordes) tout en sachant que celles-ci ne pourront pas donner lieu à des expériences avant longtemps, si même elles le peuvent un jour. Car la physique se trouve face à un problème simple aujourd’hui les travaux qui s’y réalisent ne peuvent pas encore donner lieu à des expériences, dans la mesure ou cela exigerait des accélérateurs de particules d’une puissance qui n’est pas encore atteinte. Ainsi, l’écrasante majorité des physiciens est persuadée de l’existence du boson de Higgs, particule utilisée dans tous les travaux contemporains, mais aucun accélérateur n’a permis de mettre en évidence cette particule. On peut toujours dire qu’à terme, on construira un accélérateur permettant cette vérification. Mais en attendant, cela n’empêche pas les physiciens d’avancer et de travailler, même sans expérience. Et il est tout à fait possible qu’un jour, il ne soit plus possible de mener des expériences. Le coût des accélérateurs de particules est tel qu’il est de plus en plus difficile de financer leur construction. Cela sonnerait-il la fin de la science physique? Certainement pas. Les physiciens continueront alors à faire ce qu’ils font déjà, c’est à dire faire des recherches sans expériences permettant de réfuter ou non les théories.

Citation du site éconoclastes.

Posté

Je vois plusieurs solutions : soit ce monsieur a sincèrement mal compris Popper, soit il fait preuve de malhonnêteté intellectuelle, soit l'auteur de l'article à compris les choses de travers.

Le théoricien s'intéressera pour diverses raisons aux théories non réfutées, notamment parce qu'il se peut que certaines d'entre elles soient vraies. Il préfèrera une théorie non réfutée à une théorie réfutée, pourvu qu'elle explique les réussites et les échecs de la théorie réfutée.

[…]

Grâce à cette méthode d'élimination, nous pouvons tomber sur une théorie vraie. Mais en aucun cas la méthode ne permet d'établir sa vérité ; même si elle est vraie, car le nombre de théories susceptibles d'être vraies demeure infini à tout instant, et après un nombre de tests cruciaux aussi grand qu'on voudra. (c'est une autre manière de formuler le résultat négatif de Hume.) Les théories effectivement proposées seront, bien entendu, en nombre fini ; et il se peut fort bien arriver que nous les réfutions toutes, sans que nous soyons capables pour autant d'en imaginer une nouvelle.

D'autre part, au nombre des théories effectivement proposées, il se peut qu'il y en ait plus d'une qui ne soit pas réfutée à un instant t, si bien qu'il est possible que nous ne sachions pas laquelle d'entre elles nous devrions préférer. Mais si, à un instant t, plusieurs théories continuent de se concurrencer de cette manière, le théoricien essaiera de découvrir comment on pourrait concevoir des expériences cruciales qui fassent le partage entre elles.

Les gras sont de moi.

Edit :

Pendant que j'y suis…

De saines lectures, vraiment.

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