Invité Posté 4 octobre 2010 Signaler Posté 4 octobre 2010 Voilà j’ai commencé l’année en économie à Sc Po Strasbourg par de la micro économie. Mais, chose particulière, mon prof de micro s’affiche comme un avant gardiste, à moitié assumé, de la pensée microéconomique en nous faisant l’apologie de l’économie comportementale et expérimentale. Ce dernier a passé ses premières heures de cours à détruire la conception néoclassiques de l’homo économicus. Jusque là pas vraiment de problème, on sait tous très bien que l’homme n’est ni parfaitement rationnel ni totalement égoïste (pour le peu que l’on s’entende bien sur les termes). D’ailleurs peu de néo classiques ont pris réellement l’homme dans cette perspective théorique. Que se soit Smith, Bastiat ou Pareto, personne n’a jamais affirmé que nous sommes des machines à calculer. Là ou ça se gâte c’est qu’en affirmant que l’homme n’est pas homo economicus (ou plutôt pas seulement, ou pas toujours), l’efficience des marchés devient caduque et l’économie libre devient un danger stérile et vicieux. Pour illustrer ces propos l’exemple classique est bien sur "la crise" mais surtout les mouvements spéculatifs, l’instinct grégaire qui pousse à la vente de titres parce que d’autres le font et inversement etc. Je ne sais pas si pour affirmer l’autorégulation des marchés l’hypothèse d’un homme parfaitement rationnel est indispensable (j’aimerai avoir une réponse là-dessus d’ailleurs), mais déjà on exclu toute la pensée de l’école autrichienne qui est l’une des premières à poser le principe de rationalité limitée, de la notion subjective de la valeur etc. L’histoire économique se résume donc à la pensée néoclassique dite traditionnelle avant la crise de 1929, puis à la réponse keynésienne teintée de néoclassicisme sur ces 20dernières années, puis à une nouvelle crise "subprime" qui offre une nouvelle réponse : l’économie dite comportementale. Les économistes n’auraient donc pas vu la crise car ils ont supposés l’homme parfaitement rationnel (on se demande bien pourquoi on fait des politiques monétaires keynésiennes à rallonge dans ce cas), on est donc trop resté sur le modèle homo économicus alors que l’homme est différent de celui-ci (quelle découverte, Smith ne disait pas autre chose dans son ouvrage sur les sentiments moraux). La science économique doit donc s’ouvrir à la psychologie, aux neurosciences, à la sociologie, la biologie pour mieux comprendre les comportements individuels. Le prof prend un exemple précis avec l’illusion monétaire (à travers des expériences qui démontrent clairement que les gens ne prennent pas en compte l’inflation dans leurs intuitions), permettant d’expliquer et de justifier la courbe de Phillip et par là même les politiques monétaires keynésiennes. Mais ça va plus loin, grâce à l’économie comportementale, dont Kahneman s’affiche comme la star triomphante dans le cabinet d’Obama, on va pouvoir affiner les interventions de la politique économique. Mot pour mot, une prof nous explique que grâce à cette nouvelle pensée on va pouvoir dire aux gens « ce qu’il est bon de faire et de ne pas faire » (par exemple les gens ne pensent que sur le court terme et intuitivement ne sont pas inciter à épargner pour leurs vieux jours, il faut donc leur dire d’épargner par des messages claires et simples, comme pour manger 5 fruits et légumes par jours etc). Il faut créer des incitations telles que les taxes bonus malus qu’elle présente elle-même comme « une politique de la carotte et du bâton ». Ainsi il faut rendre « les bonnes décisions automatiques », « prendre les gens par la main », « influencer les comportements ». Vous imaginez déjà les sueurs froides qui m’ont glissé dans le dos, forte heureusement elle a présenté elle-même, à la fin du cours, les limites de cet assistanat, de ces incitations qui peuvent donner lieu à un formatage idéologique. J’ai osé intervenir en expliquant que la crise des subprimes était elle aussi l’affaire d’incitations artificielles posées par la Fed et l’Etat (grande hérésie!), d’où la création d’une bulle spéculative. Elle a certes crissé un peu des dents mais a finalement appuyé mon exemple. Bref, toutes ces petites anecdotes pour vous dire que si l’économie expérimentale, en s’alliant avec par exemple la neuroscience mène la pensée économique sur une voix nouvelle, la traduction politique de certains constats (pas forcément faux?) n’en reste pas moins dangereux. On rejoint un genre de délire scientiste/positiviste qui cherche à comprendre l’homme comme une machine que l'on peut bidouiller, orienter dans un sens ou dans un autre sans comprendre que chaque incitation artificielle entraine nécessairement une quantité incroyable de dommages collatéraux, imprévisibles. Que pensez-vous de l’économie expérimentale ? Est elle nécessairement en rupture avec la pensée néoclassique (qui avec ses histoires d’homo économicus et sa CPP présente inévitablement des failles, mais tout n’est pas à jeter ?)
Sous-Commandant Marco Posté 4 octobre 2010 Signaler Posté 4 octobre 2010 Il y avait eu un débat ici : http://www.liberaux.org/index.php?showtopi…mp Ce qui est inquiétant dans ce que tu dis, c'est que les keynésiens et autres alter-neuneus tentent de récupérer cette branche de l'économie.
Invité Posté 4 octobre 2010 Signaler Posté 4 octobre 2010 En même temps en expliquant que les individus n'agissent pas toujours comme il le faudrait, ou n'agissent pas toujours rationnellement, on tente n'importe quel politique ou acteur à intervenir.
Lancelot Posté 4 octobre 2010 Signaler Posté 4 octobre 2010 Il y avait eu un débat ici :http://www.liberaux.org/index.php?showtopi…mp Eh ben, ça me conforte dans mon impression que l'épistémologie économique est un vrai bazar. Il faut vraiment que je me penche sur la question un de ces jours, histoire de me faire une opinion et de me la péter avec.
Invité Posté 4 octobre 2010 Signaler Posté 4 octobre 2010 C'est exactement ce que je me suis dis en lisant ce fil
Rincevent Posté 4 octobre 2010 Signaler Posté 4 octobre 2010 Pour l'épistémologie, lisez Mises. C'est plus compliqué que Rothbard, mais c'est plus vrai aussi.
MrJones Posté 4 octobre 2010 Signaler Posté 4 octobre 2010 Peu de mes profs nous ont parlé de l'économie expérimentale, et ceux qui l'ont fait en concluaient "Les individus sont irrationnels, donc il faut que l'Etat se charge de leurs affaires". Je me suis pas penché sur la question, mais c'est quoi comme irrationalité qu'ils trouvent ? Est-ce qu'ils pensent que c'est irrationnel de claquer tout son fric parce qu'il vaut mieux épargner ? Ou encore, c'est irrationnel d'adorer le chocolat un jour, et une semaine après de détester ça ? La définition de la rationalité, chez Mises et tous les autres autrichiens, c'est que les individus font toujours ce qu'ils préfèrent faire, qu'ils font ce qu'ils pensent être le mieux pour eux ? Si c'est seulement ça, alors tous les êtres humains sont rationnels.
Lancelot Posté 4 octobre 2010 Signaler Posté 4 octobre 2010 Pour l'épistémologie, lisez Mises. C'est plus compliqué que Rothbard, mais c'est plus vrai aussi. Pour l'instant j'en suis à Hayek qui me dit que quoi qu'il en soit il est hors de question de bidouiller là dedans parce que la catallaxie c'est plus fort que toi (visiblement, les profs d'éco. ne l'entendent pas de cette oreille…). Il faudrait que je m'arme de courage et que j'entreprenne Human action en anglais (parce que ça ne me tente pas des masses de lire une version abrégée).
Invité Arn0 Posté 4 octobre 2010 Signaler Posté 4 octobre 2010 Enfin il me semble important d'admettre que les gens sont souvent déraisonnable à défaut d'être irrationnel (quoiqu'il le soient aussi, du moins dans tout les sens pertinent du terme) L'argument fondamental c'est qu'il ne faut pas oublier que l'État est dirigé par des individus. Les électeurs, les députés, les présidents, les ministres, les fonctionnaires, les juges… sont des individus. Toutes les décisions et actes collectif reposent sur un ensemble de décisions et d'actes individuels. C'est oublier surtout que le marché est aussi contraignant pour les individus, et exerce aussi une "action disciplinaire". L'opposition réelle ici n'est pas état contre individu mais état contre société.
Johnnieboy Posté 4 octobre 2010 Signaler Posté 4 octobre 2010 Pour l'épistémologie, lisez Mises. C'est plus compliqué que Rothbard, mais c'est plus vrai aussi. J'ai l'abrégé de Human Action sur ma table de chevet depuis des mois mais l'épistémologie hayekienne (le premier tiers de DLL, principalement) me semble aussi indispensable. En tout cas, ça te permettrait de pouvoir commencer a contredire ton prof', Remus.
ernest Posté 4 octobre 2010 Signaler Posté 4 octobre 2010 Eh ben, ça me conforte dans mon impression que l'épistémologie économique est un vrai bazar. Il faut vraiment que je me penche sur la question un de ces jours, histoire de me faire une opinion et de me la péter avec. En économie, la résistance se fera par l'épistémologie ou ne se fera pas. Les charlatans ont le pouvoir car leur méthode n'est pas discutée, et les critiques d'ordre épistémologiques sont les seules à faire vraiment mal (car ils ne se réfugient pas derrière les considérations morales à la noix). D'autre part, c'est à mon sens un des domaines les plus passionnant des sciences (dures & humaines) en général, car il aborde des questions rarement traitées bien que fondamentale pour comprendre quoi que ce soit. Et d'ailleurs l'épistémologie "autrichienne" recouvre l'étude des méthodes des sciences humaines en générale, pas seulement l'économie.
neth Posté 4 octobre 2010 Signaler Posté 4 octobre 2010 On rejoint un genre de délire scientiste/positiviste qui cherche à comprendre l’homme comme une machine que l'on peut bidouiller, orienter dans un sens ou dans un autre sans comprendre que chaque incitation artificielle entraine nécessairement une quantité incroyable de dommages collatéraux, imprévisibles. Préférant l'épistémologie à l'économie, j'en profite pour rebondir sur ces propos lumineux. Les progrès des sciences cognitives et de l'étude des systèmes complexes, me semblent au contraire confirmer qu'il faut de l'irrationalité (encore que ce terme est à définir) dans un système dynamique pour en améliorer l'efficience. Prenons le cas d'une colonie de fourmis : une fourmis, qu'on qualifiera de rationnelle, se contente de suivre les phéromones déposées par ses partenaires afin de maximiser les chances de ramener la nourriture à bon port. Heureusement, certaines fourmis se trompent et commettent des erreurs statistiquement improbables qui favorisent la découverte de sources de nourriture plus favorables ou, de pistes plus courtes amenant à la même source (elle se perdent et meurent aussi parfois). L'incertitude sur le comportement de chaque individu est donc un élément indispensable à la survie d'une fourmilière. Une prédictibilité parfaite et une reproductibilité infinie des comportements individuels rend impossible l'émergence d'un système complexe et optimal dans la nature. De fait, si l'irrationalité à quelque chose à voir avec une certaine incertitude comportementale face à une situation donnée, alors l'homme n'a pas besoin du planisme pour s'auto-organiser. On peut imaginer toute une batterie d'arguments qui rendent inopérants le modèle explicatif de type "fourmilière" pour l'homme, mais sûrement pas celui de l'irrationalité. A moins bien sûr, de postuler qu'aucun comportement humain ne soit statistiquement prédictible, mais l'économiste comportementale/expérimental couperait alors la branche sur laquelle il est assis. 1) Au même titre que l'inégalité, l'erreur est source de richesse. 2) Un système complexe a besoin d'imperfections locales pour fonctionner de manière optimale.
Coldstar Posté 4 octobre 2010 Signaler Posté 4 octobre 2010 Que pensez-vous de l’économie expérimentale ? Est elle nécessairement en rupture avec la pensée néoclassique (qui avec ses histoires d’homo économicus et sa CPP présente inévitablement des failles, mais tout n’est pas à jeter ?) L'économie expérimentale et particulièrement en économie comportementale (il existe d'autres domaines d'application mais relativement marginaux) n'est pas en rupture avec le paradigme néoclassique, il se situe au contraire dans son prolongement (next generation en quelque sorte). Les principaux enseignement de cette discipline concernent la micro-économie néoclassique. Attention à ne pas utiliser à mauvais escient certaines scies de la "critique néoclassique": La concurrence pure et parfaite n'a pas "de failles" au sens où contrairement à une idée martelée par des personnes mal renseignées et/ou mal intentionnées, aucun économiste n'a construit les hypothèses de la concurrence pure et parfaite pour démontrer l'efficience supérieure d'une économie libre, et par conséquent invalider ces hypothèses ne démontre pas l'inverse. Le comble c'est qu'il semble que ces hypothèses aient été justement formalisées pour étudier ce qui se passe quand elles ne sont pas vérifiées. Les controverses sur l'homo-oeconomicus sont elle-même assez peu intéressantes, ce concept n'est absolument pas un "pilier" de la pensée néoclassique, la micro-économie telle que nous la connaissons aujourd'hui serait la même si personne ne l'avait jamais employé. Quand à la critique selon laquelle c'est un concept irréaliste, elle est inapproprié dès lors qu'on constate que parmi les premiers économistes a en avoir fait emploi, tous ont souligné son caractère heuristique. Pour en revenir à Kahneman, je peux rappeler que ses travaux fondateurs en neuro-économie (avec Tversky), ne portent pas sur une critique fondamentale de la "rationalité néoclassique", mais plus spécifiquement sur la recherche d'une alternative à la théorie de l'utilité espérée de Von Neumann - Morgenstern (théorie elle-même fondée sur des hypothèses dont K&T montrent qu'elles ne sont pas vérifiées en certaines circonstances), ce qui a donné la théorie des perspectives (Prospects theory), théorie que je qualifierai d'idéologiquement neutre au sens où elle ne permet pas de dégager des prescriptions en terme de politique économique.
Librekom Posté 5 octobre 2010 Signaler Posté 5 octobre 2010 un mot > MERDE voici une illustration assez fidele de l’économie comportementale et expérimentale
Invité Posté 5 octobre 2010 Signaler Posté 5 octobre 2010 La concurrence pure et parfaite n'a pas "de failles" au sens où contrairement à une idée martelée par des personnes mal renseignées et/ou mal intentionnées, aucun économiste n'a construit les hypothèses de la concurrence pure et parfaite pour démontrer l'efficience supérieure d'une économie libre, et par conséquent invalider ces hypothèses ne démontre pas l'inverse. Le comble c'est qu'il semble que ces hypothèses aient été justement formalisées pour étudier ce qui se passe quand elles ne sont pas vérifiées. A ce propos, ce que je critique dans la pensée néoclassique c'est de croire qu'il faille une CPP pour rendre raison de l'efficience des marchés alors que c'est la liberté des marchés eux mêmes qui, selon moi, font émerger la CPP. Merci pour toutes ses réponses, je m'y connais encore assez peu en épistémologie, j'ai quelques bases sans plus. Mais il ne me semble pas que l'expérimentation en économie soit une voix trompeuse ou mauvaise, avec la neuroscience, n'est elle pas en train de s'affirmer en tant que science plus "dure" (je met bien ça entre guillemet)? n mot > MERDEvoici une illustration assez fidele de l’économie comportementale et expérimentale Pourquoi?
MrJones Posté 5 octobre 2010 Signaler Posté 5 octobre 2010 Pour l'instant c'est Librekom qui a posté le message le + constructif. Les expérimentations économiques en labo, ça n'a aucun sens. Si y'a des gens prêts à claquer leur argent là-dedans, très bien pour eux, mais c'est pas ça qui fera avancer le shmilblik de la science économique. Mises s'en retourne dans sa tombe, le pauvre
Invité Posté 5 octobre 2010 Signaler Posté 5 octobre 2010 J'aimerai bien savoir pourquoi? parce que l'homme est imprévisible? quid de l'effet de dotation? des effets du jeu du dictateur? etc… Même si en terme de politique économique cela n'a pas forcément de conséquence directe, l'expérimentation permet d'obtenir une certaine puissance explicative quant à certains agissements humains non?
pilgrim Posté 5 octobre 2010 Signaler Posté 5 octobre 2010 Enfin il me semble important d'admettre que les gens sont souvent déraisonnable à défaut d'être irrationnel (quoiqu'il le soient aussi, du moins dans tout les sens pertinent du terme)L'argument fondamental c'est qu'il ne faut pas oublier que l'État est dirigé par des individus. Les électeurs, les députés, les présidents, les ministres, les fonctionnaires, les juges… sont des individus. Toutes les décisions et actes collectif reposent sur un ensemble de décisions et d'actes individuels. C'est oublier surtout que le marché est aussi contraignant pour les individus, et exerce aussi une "action disciplinaire". L'opposition réelle ici n'est pas état contre individu mais état contre société. Ils sont déraisonnables selon toi. Personne n'est habilité à juger les motivations des autres. Je ne suis irrationnel que dans la mesure où j'emploie les mauvais moyens. Et ceci est dû au fait que je ne possède pas la bonne information.
Sous-Commandant Marco Posté 5 octobre 2010 Signaler Posté 5 octobre 2010 Eh ben, ça me conforte dans mon impression que l'épistémologie économique est un vrai bazar. […] Comme toute espitémologie d'une science humaine…
Sous-Commandant Marco Posté 5 octobre 2010 Signaler Posté 5 octobre 2010 Pour l'instant c'est Librekom qui a posté le message le + constructif.Les expérimentations économiques en labo, ça n'a aucun sens. Si y'a des gens prêts à claquer leur argent là-dedans, très bien pour eux, mais c'est pas ça qui fera avancer le shmilblik de la science économique. Mises s'en retourne dans sa tombe, le pauvre Au contraire, ça permet d'évacuer l'objection classique qu'on fait aux sciences humaines : la non-reproductibilité des phénomènes humains (qui fait qu'on ne peut pas vérifier une théorie par l'expérience). Et puis, le fait qu'on découvre des choses en faisant des expériences est en soi une réfutation de l'économie administrée : si quelqu'un pouvait prévoir comment les individus interagissent entre eux, il n'y aurait pas besoin d'expérimentation.
Coldstar Posté 5 octobre 2010 Signaler Posté 5 octobre 2010 Les expérimentations économiques en labo, ça n'a aucun sens. Si y'a des gens prêts à claquer leur argent là-dedans, très bien pour eux, mais c'est pas ça qui fera avancer le shmilblik de la science économique.Mises s'en retourne dans sa tombe, le pauvre La science économique dans son ensemble recouvre un ensemble de disciplines très hétéroclites (macroéconomie monétaire, comptabilité analytique, sciences des organisations, économie industrielle…) pour lesquelles on ne peut porter une critique épistémologique universelle de l'expérience! Ne pas confondre la science économique et son sous-ensemble, l'économie politique dont les disciplines manipulent nécessairement des agrégats. La critique autrichienne de l'expérience repose essentiellement, et à raison, sur l'impossibilité de reproduire en laboratoire des systèmes complexes. Dans une discipline comme la théorie de la décision, l'objet de l'étude est le choix de l'individu et sa formalisation; cet objet est donc suffisamment "atomique" pour se prêter à l'expérience. Je ne crois pas avoir compris que les autrichiens souhaitaient absolument proscrire le recours à l'expérience dans les sciences sociales d'ailleurs. Le principe salvateur étant de montrer la plus sérieuse vigilance quant aux conclusions tirées de l'expérience, qui peuvent n'avoir aucune pertinence avec son objet ou les conditions dans lesquelles elle sont réalisées, et montrer le plus parfait mépris de toute considération épistémologique. Un exemple que je cite fréquemment: Jacques Sapir a pu écrire, en substance, que le dilemme du prisonnier invalidait le libéralisme car il montrait qu'en formulant des choix égoïstes les individus vont contre leur propre intérêt. Et c'est sensé être un des meilleurs économistes français
ernest Posté 9 octobre 2010 Signaler Posté 9 octobre 2010 J'aimerai bien savoir pourquoi? parce que l'homme est imprévisible? quid de l'effet de dotation? des effets du jeu du dictateur? etc… Même si en terme de politique économique cela n'a pas forcément de conséquence directe, l'expérimentation permet d'obtenir une certaine puissance explicative quant à certains agissements humains non? Bon. Revenons à Mises. Le fondement ultime de la science économique (par ici) : 11. Les sciences du comportementLes soi-disant sciences du comportement souhaitent étudier de manière scientifique le comportement humain 15. Elles rejettent comme « non scientifiques » ou « non rationnelles » les méthodes de la praxéologie et de l'économie. Par ailleurs elles méprisent l'histoire, qu'elles accusent d'être archaïque et incapable de tout usage pratique destiné à améliorer la condition humaine. Leur discipline prétendument nouvelle traitera, promettent-ils, de tous les aspects du comportement humain, apportant par là une connaissance qui rendra des services inestimables aux efforts faits pour améliorer le destin de l'humanité. Les représentants de ces nouvelles sciences ne sont pas disposés à comprendre qu'ils sont eux-mêmes des historiens et qu'ils ont recours aux méthodes de la recherche historique 16. Ce qui les distingue fréquemment — mais pas toujours — des historiens classiques est que, comme les sociologues, ils choisissent comme objet de leurs recherches la situation du passé récent et les aspects du comportement humain que la plupart des historiens des temps anciens avaient l'habitude de négliger. Plus remarquable est peut-être le fait que leurs traités suggèrent souvent une politique bien précise, prétendument « enseignée » par l'histoire, attitude que la plupart des bons historiens ont abandonnée depuis bien longtemps. Nous ne chercherons pas ici à critiquer les méthodes utilisées dans ces livres et articles ni à mettre en cause les préjugés politiques plutôt naïfs dont leurs auteurs font montre à l'occasion. Ce qui fait qu'il est conseillé de prêter attention à ces études comportementales est qu'elles négligent l'un des principes les plus importants de l'histoire : le principe de pertinence. Dans la recherche expérimentale des sciences de la nature tout ce qui peut être observé est suffisamment pertinent pour être enregistré. Comme, d'après l'a priori qui est à l'origine de toute recherche dans les sciences de la nature, tout ce qui se passe est obligé de se produire en tant qu'effet normal de ce qui l'a précédé, tout événement correctement observé et décrit est un « fait » qui doit être intégré dans le corps de doctrine théorique. Tout compte rendu d'expérience a une certaine importance vis-à-vis de l'ensemble de la connaissance. Par conséquent, tout projet de recherche, s'il est fait de manière consciencieuse et habile, doit être considéré comme une contribution à l'effort scientifique de l'humanité. Dans les sciences historiques les choses sont différentes. Elles traitent des actions humaines : des jugements de valeur qui les suscitent, des services que rendent les moyens choisis pour les accomplir et des résultats obtenus par leur intermédiaire. Chacun de ces facteurs joue son propre rôle dans la succession des événements. La tâche principale de l'historien est d'attribuer aussi correctement que possible à chaque facteur la sphère de ses effets. Cette quasi quantification, cette détermination de la pertinence de chaque facteur, est l'une des fonctions que l'intuition spécifique des sciences historiques est appelée à remplir 17. Dans le champ de l'histoire (au sens le plus large du terme) il y a des différences considérables entre les divers sujets pouvant faire l'objet de recherches scientifiques. Il est sans importance et cela n'a pas de sens de déterminer en termes généraux « le comportement de l'Homme » comme programme des activités d'une discipline. L'Homme poursuit une quantité infinie de buts différents et recourt à un nombre infini de moyens différents pour les atteindre. L'historien (ou, pour ce qui est de cela, le spécialiste des sciences du comportement) doit choisir un sujet pertinent vis-à-vis du destin de l'humanité et donc aussi vis-à-vis de l'élargissement de notre connaissance. Il ne doit pas perdre son temps dans des bagatelles. En choisissant le thème de son livre il se définit lui-même. Un homme écrit l'histoire de la liberté, un autre celle d'un jeu de cartes. L'un écrit la biographie de Dante, l'autre celle du maître d'hôtel d'un hôtel à la mode 18. Comme les grands sujets du passé de l'humanité ont déjà été traités par les sciences de l'histoire traditionnelle, ce qui reste aux sciences du comportement, ce sont des études détaillées sur les plaisirs, les chagrins et les crimes de l'homme ordinaire. Pour rassembler le matériel récent sur ces questions ou d'autres similaires il ne faut aucune connaissance ou technique spéciales. Tout étudiant peut se lancer immédiatement dans un projet. Il existe un nombre illimité de sujets pour des thèses de doctorat et pour des traités plus volumineux. Bon nombre d'entre eux traitent de thèmes assez dérisoires, sans aucune valeur quant à l'enrichissement de la connaissance. Les soi-disant sciences du comportement ont méchamment besoin d'une réorientation profonde du point de vue du principe de pertinence. Il est possible d'écrire un gros ouvrage sur chaque sujet. Mais la question est de savoir si un tel livre traite de quelque chose pouvant être considéré comme pertinent du point de vue de la théorie ou de la pratique.
Librekom Posté 9 octobre 2010 Signaler Posté 9 octobre 2010 Pour l'instant c'est Librekom qui a posté le message le + constructif.
Chitah Posté 9 octobre 2010 Signaler Posté 9 octobre 2010 Je trouve qu'on jette un peu rapidement la notion d'expérimentation dans le domaine des sciences économiques avec le bébé de l'eau de… euh… Prenons un cas d'expérience simple, dont m'a parlé un ancien membre du forum dont j'ai d'ailleurs oublié le nom et qui ne poste plus. Soit une personne A, et une autre personne B. L'expérimentateur donne 10€ à la personne A, avec la consigne suivante, proposer un partage de la somme avec B. Au moment de l'énonciation, par A, de la proposition de partage, deux cas : - soit B accepte le partage de A, auquel cas il a lieu - soit B ne l'accepte pas, auquel cas il n'a pas lieu Si on fait l'experience des milliers de fois, on arrive à la valeur moyenne suivante : le partage en moyenne est de (par exemple, car je ne me souviens pas des chiffres) 5,5€ pour A, et 4,5€ pour B. Les 0,5€ de différence montre que l'ensemble des Bs a intégré l'asymétrie absolue de la situation. Cependant, on observe également que jamais un A n'a proposé de partage équitable, ou rarement, et encore moins un partage où B avait plus que A. De plus, on a observé que les partages "évidemment" inégaux type 9€ pour A, 1€ pour B, provoquaient chez les Bs un refus catégorique : plutôt perdre 1€ que de se faire avoir dans l'échange. Je ne me souviens plus trop de l'exemple et vous le retranscrit aussi fidèlement que ma mémoire me le permet, mais j'avais à l'époque trouvé l'expérimentation riche d'enseignement.
Astafyr Posté 11 octobre 2010 Signaler Posté 11 octobre 2010 Je trouve qu'on jette un peu rapidement la notion d'expérimentation dans le domaine des sciences économiques avec le bébé de l'eau de… euh… Prenons un cas d'expérience simple, dont m'a parlé un ancien membre du forum dont j'ai d'ailleurs oublié le nom et qui ne poste plus. Soit une personne A, et une autre personne B. L'expérimentateur donne 10€ à la personne A, avec la consigne suivante, proposer un partage de la somme avec B. Au moment de l'énonciation, par A, de la proposition de partage, deux cas : - soit B accepte le partage de A, auquel cas il a lieu - soit B ne l'accepte pas, auquel cas il n'a pas lieu Si on fait l'experience des milliers de fois, on arrive à la valeur moyenne suivante : le partage en moyenne est de (par exemple, car je ne me souviens pas des chiffres) 5,5€ pour A, et 4,5€ pour B. Les 0,5€ de différence montre que l'ensemble des Bs a intégré l'asymétrie absolue de la situation. Cependant, on observe également que jamais un A n'a proposé de partage équitable, ou rarement, et encore moins un partage où B avait plus que A. De plus, on a observé que les partages "évidemment" inégaux type 9€ pour A, 1€ pour B, provoquaient chez les Bs un refus catégorique : plutôt perdre 1€ que de se faire avoir dans l'échange. Je ne me souviens plus trop de l'exemple et vous le retranscrit aussi fidèlement que ma mémoire me le permet, mais j'avais à l'époque trouvé l'expérimentation riche d'enseignement. J'avais vu il y à pas mal de temps un reportage sur une expérience similaire. C'était avec des enfants et 10 bonbons à partager. L'expérience se déroulait en 2 "rounds". 1er round en général A proposait un partage très inégal et B refusait. 2ème round, les rôles étaient inversé. Le partage proposé était en général plus équitable et souvent accepté par A. Je ne me souviens plus clairement des conclusions de l'expérimentateur, mais il me semble qu'il invoquait le fait que B avais appris des erreurs de A. Et donc avais proposé une meilleure offre. Je trouve ce genre d'expérience intéressante, mais j'ai du mal à en saisir la portée…
POE Posté 11 octobre 2010 Signaler Posté 11 octobre 2010 Je trouve qu'on jette un peu rapidement la notion d'expérimentation dans le domaine des sciences économiques avec le bébé de l'eau de… euh… Prenons un cas d'expérience simple, dont m'a parlé un ancien membre du forum dont j'ai d'ailleurs oublié le nom et qui ne poste plus. Soit une personne A, et une autre personne B. L'expérimentateur donne 10€ à la personne A, avec la consigne suivante, proposer un partage de la somme avec B. Au moment de l'énonciation, par A, de la proposition de partage, deux cas : - soit B accepte le partage de A, auquel cas il a lieu - soit B ne l'accepte pas, auquel cas il n'a pas lieu Si on fait l'experience des milliers de fois, on arrive à la valeur moyenne suivante : le partage en moyenne est de (par exemple, car je ne me souviens pas des chiffres) 5,5€ pour A, et 4,5€ pour B. Les 0,5€ de différence montre que l'ensemble des Bs a intégré l'asymétrie absolue de la situation. Cependant, on observe également que jamais un A n'a proposé de partage équitable, ou rarement, et encore moins un partage où B avait plus que A. De plus, on a observé que les partages "évidemment" inégaux type 9€ pour A, 1€ pour B, provoquaient chez les Bs un refus catégorique : plutôt perdre 1€ que de se faire avoir dans l'échange. Je ne me souviens plus trop de l'exemple et vous le retranscrit aussi fidèlement que ma mémoire me le permet, mais j'avais à l'époque trouvé l'expérimentation riche d'enseignement. L'énoncé ne me semble pas suffisament explicite. En l'absence de partage que se passe t il ? Que deviennent les 10 euros ? Est ce que A et B disposent des mêmes informations ?
Chitah Posté 11 octobre 2010 Signaler Posté 11 octobre 2010 L'énoncé ne me semble pas suffisament explicite.En l'absence de partage que se passe t il ? Que deviennent les 10 euros ? Est ce que A et B disposent des mêmes informations ? L'idée c'est que A doit proposer un partage, c'est la base de l'expérience. Et A et B disposent des mêmes informations sur les règles du jeu (ce que j'ai détaillé ci-dessus).
POE Posté 11 octobre 2010 Signaler Posté 11 octobre 2010 L'idée c'est que A doit proposer un partage, c'est la base de l'expérience.Et A et B disposent des mêmes informations sur les règles du jeu (ce que j'ai détaillé ci-dessus). Bon, cela ne répond pas à ma première question. Si A reçoit 10, il n'a aucun intérêt à partager sauf si le don de cet argent est conditionné à la réussite du partage avec B. C'est cela qui n'est pas explicité. Ensuite, on peut se demander à quelle situation cela peut correspondre en économie.
Chitah Posté 11 octobre 2010 Signaler Posté 11 octobre 2010 Bon, cela ne répond pas à ma première question. Si A reçoit 10, il n'a aucun intérêt à partager sauf si le don de cet argent est conditionné à la réussite du partage avec B. C'est cela qui n'est pas explicité. Je croyais avoir été clair L'expérimentateur donne 10€ à la personne A, avec la consigne suivante, proposer un partage de la somme avec B. Si un expérimentateur veut tester ta capacité à sauter à la corde, il te donne comme consigne "sauter à la corde". Si tu ne le fais pas, tu casses le concept de l'expérience, et il te dit "merci monsieur, l'expérience est terminée". En d'autres termes : A est obligé de proposer un échange, sinon l'expérience s'arrête. C'est assez clair? Si A ne propose rien, il ne reçoit rien (et B non plus). Ensuite, on peut se demander à quelle situation cela peut correspondre en économie. Asymétrie de "pouvoir" : - pouvoir de A : proposer un échange - pouvoir de B : accepter ou refuser l'échange. Un peu comme dans une négociation sur un prix : A a un truc à vendre que B est susceptible de convoiter. A propose un prix, B dispose.
h16 Posté 11 octobre 2010 Signaler Posté 11 octobre 2010 Je croyais avoir été clair Moi j'ai compris dès ton premier message.
Messages recommandés
Archivé
Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.