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La propriété privée est-elle fondamentale et inaliénable dans la pensée libérale ?


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Posté
Je suis bien conscient du caractère pour le moins utopique de mon propos ; je n'oublie pas le principe de réalité et je reconnais la validité de cette critique. Je serais bien incapable de transformer ces "belles paroles" en droit positif. Il n'empêche que c'est tout autant difficile de justifier le "droit à la liberté" de manière positive que pourtant chacun ici revendique d'une façon ou d'une autre. Et que la réalité effective de cette liberté est suceptible de la même critique sans pour autant invalider son bien fondé théorique.

Pour moi le droit naturel, ça n'existe pas, ou plutôt je ne trouve rien de pertinent à ce concept. Alors je ne trouve aucun bien fondé théorique à ton propos, désolé.

Certains ont cité Aristote plus haut. Il parait qu'il invoquait les lois de la nature pour justifier ce concept de loi naturelle. Pardon mais à l'époque la nature était largement inconnue pour lui. Il ne connaissait pas l'évolution, ni la théorie des jeux, ni rien de rien.

Posté
A une époque lointaine les hommes s'appropriaient moralement un territoire en y enterrant leurs morts. Au fil des générations, cette terre revêtait un caractère sacré en devenant la terre de leurs ancêtres. La première chose que faisait un groupe conquérant était de déloger les morts des vaincus pour y mettre les leurs à la place. L'histoire de ces conquètes et l'histoire des hommes qui se sont approprié ce territoire forment les mythes fondateurs, sacrés de la société en question. Ces mythes se transmettent et vivent dans l'esprit des hommes qui fonde leur identité sociale. Il n'y a pas de société humaine sans sacré. Aujourd'hui il en est toujours ainsi ; le mythe de Vercingétorix est un exemple qui illustre ce phénomène pour la France. Il fonde en partie l'identité nationale des français.

La conquète de la nature par la raison humaine est également de cet ordre. Le mythe de Socrate initie cette histoire et le flambeau de cette conquète se transmet depuis jusqu'à nos jours. Les morts illustres qui peuplent cette "terre" de connaissance sont toujours "vénérés" dans nos écoles. Dans cette optique, Locke est le descendant spirituel d'Aristote, de St Augustin, de Thomas d'Aquin… Et le Droit Naturel est issu de ce lent processus, il est en quelque sorte notre héritage commun sur lequel peut se fonder une société.

Nos constitutions, nos déclarations universelles qui font écho à ce Droit Naturel formalisent, ritualisent, actualisent notre mémoire collective. Ils deviennent les objets sacrés unifiant les hommes qui les reconnaissent et s'imposent à eux de manière immanente. Ainsi s'il y a un droit à la vie, à la propriété de soi desquels découle la liberté, je dois le reconnaître à tous ceux qui partagent ma condition, qui reconnaissent le caractère sacré de ces droits, de ces institutions. Celui qui ne les reconnaitrait pas s'exclurait de la société fondée sur de tels principes.

Pour revenir à la propriété privée, reconnue comme condition sine qua non de la liberté par le DN, elle demeure soumise au devoir de la reconnaître comme égale nécessité pour chacun. Et que personne ne peut moralement laisser autrui démuni au point de perdre sa liberté. C'est ce que j'ai appelé la solidarité naturelle un peu plus haut, et à laquelle il me semble qu'on ne peut que consentir, sinon à remettre en question le fondement même de la liberté individuelle que reconnaissent tous les libéraux quelle que soit leur chapelle.

L'homme est propriétaire des fruits de son travail sur lesquels il a un droit absolu, mais il ne peut en jouir paisiblement et sereinement que si tous les autres partageant sa société, partageant les mêmes choses sacrées, n'en soient pas dépourvus au point de se retrouver exclu de cette communauté de droits. Si la liberté est un bien inaliénable alors l'homme libre n'aura de cesse de faire en sorte que personne ne soit dépourvu de ce droit.

:icon_up:

Merde alors, un ‘libéral de gauche’ avec un raisonnement foncièrement conservateur, comment mes préjugés vont-ils résister a ça ?

Bon, j’essaye de refouler ça, comme si je n’avais rien lu.

Certains ont cité Aristote plus haut. Il parait qu'il invoquait les lois de la nature pour justifier ce concept de loi naturelle. Pardon mais à l'époque la nature était largement inconnue pour lui. Il ne connaissait pas l'évolution, ni la théorie des jeux, ni rien de rien.

Je t'ai déjà répondu a ce sujet, on ne parle pas du tout de la meme 'nature', donc tu est a coté de la plaque.

Posté
:icon_up:

Merde alors, un ‘libéral de gauche’ avec un raisonnement foncièrement conservateur, comment mes préjugés vont-ils résister a ça ?

Bon, j’essaye de refouler ça, comme si je n’avais rien lu.

J'ai coché libéral de gauche sans conviction particulière si ce n'est une certaine tendance "instinctive" ou par éliminitationde ce que je pense avoir compris des autres mouvements libéraux. Je suis content d'apprendre que mon raisonnement serait conservateur. Je vais réfléchir à ça. Merci bien.

Il me semble nécessaire d’être conséquentialiste pour la définition de la plupart des droits de propriété. Idem pour la morale. La morale est de savoir ce qui est Bon et ce qui est Mal. Or c'est toujours par ses conséquences prévisibles qu'on sait si une chose est bonne ou mauvaise. Le professeur Lemennicier, libertarien, a écrit un excellent livre sur le fondement économique de la morale. Le titre est "la morale face à l’économie".

Je vais tacher de lire ce livre qui a effectivement l'air intéressant ; je le mets dans ma liste. Merci pour la référence.

Posté
Il ne connaissait pas l'évolution, ni la théorie des jeux, ni rien de rien.

Et il n'avait même pas de XBox 360. C'est dire. :icon_up:

Posté
Pour moi le droit naturel, ça n'existe pas, ou plutôt je ne trouve rien de pertinent à ce concept. Alors je ne trouve aucun bien fondé théorique à ton propos, désolé.

Certains ont cité Aristote plus haut. Il parait qu'il invoquait les lois de la nature pour justifier ce concept de loi naturelle. Pardon mais à l'époque la nature était largement inconnue pour lui. Il ne connaissait pas l'évolution, ni la théorie des jeux, ni rien de rien.

Aristote n'invoquait pas la loi naturel, mais parlait du droit naturel, c'est à dire du régime le plus conforme à la vie bonne. J'ai l'impression que tu en connais à peu près autant en matière de "nature" au sens d'Aristote que de philosophie morale :icon_up:

Pour revenir sur la question posée par le fil, il me semble que beaucoup ont répondu correctement ou plausiblement concernant le lien entre propriété et libéralisme. A mes yeux, la propriété et la justice sont centraux dans la définition du libéralisme au sens le plus strict : la propriété peut être défini comme droit d'exclusion (et donc de jouissance exclusive d'une chose) sans avoir à recourir à la question de propriété de soi, de première acquisition ou même à la clause d'égale appropriation chère à Nozick-Locke (la première acquisition, celle qui doit être juste pour que les titres et les transferts qui la suivent soient justes.

Comme il a été noté plusieurs fois, ce genre de fiction débouche sur une position, que Nozick reconnait par ailleurs, à savoir que comme l'acquisition première n'a historiquement été juste, aucune propriété actuelle ne peut prétendre l'être (il dit quelque part qu'il faudrait rendre aux indiens les terres volées par les colons venus d'Europe). C'est aussi grâce à la faiblesse d'une telle théorie que certains gauchistes vont s'engouffrer dans le libertarisme, via l'égale accès des individus aux ressources primaires : comme cela n'a pas eu lieu, il est justifié de redistribuer aux étapes suivantes pour compenser les personnes lésées lors du partage originel.

Et c'est là qu'interviennent David Hume et Anthony de Jasay. Hume dans son traité puis son enquête sur les principes de la morale nous donne une généalogie imaginaire de l'institution de la justice et de la propriété (une "généalogie imaginaire", pour Bernard Williams, c'est une explication qui décrit la fonction d'un concept ou d'une motivation "là ou il n'y avait rien de perçu comme fonctionnel auparavant"). Hume part d'une situation où les hommes sont égoistes et capables d'une empathie limitée, mais n'ont pas de raison d'être justes et corrélativement pas de concept de propriété. C'est seulement quand ils prennent conscience qu'en rompant avec la violence, la circulation et la production des biens et des ressources augmentent considérablement qu'ils instaurent la justice, cette fiction avantageuse pour tout le monde qui créé les titres de propriété et son transfert.

Logiquement, cela signifie que : les possessions sont déjà allouées avant l'institution de la justice, qu'elles sont la condition nécessaire pour qu'il y ait justice et propriété, mais que les deux ne se confondent pas. La première répartition des biens, comme le dit de Jasay c'est premier arrivé, premier servi. La question ne se pose pas avant l'institution de la justice.

Invité Arn0
Posté
…à la clause d'égale appropriation chère à Nozick-Locke (la première acquisition, celle qui doit être juste pour que les titres et les transferts qui la suivent soient justes.

Comme il a été noté plusieurs fois, ce genre de fiction débouche sur une position, que Nozick reconnait par ailleurs, à savoir que comme l'acquisition première n'a historiquement été juste, aucune propriété actuelle ne peut prétendre l'être (il dit quelque part qu'il faudrait rendre aux indiens les terres volées par les colons venus d'Europe).

Il est pour le moins douteux d'affirmer que telle est la position de Locke. Il explique les conditions qui rendent une première appropriation juste dans l'état de nature et qui légitime le droit de propriété en général mais cela ne signifie qu'il était contre la possibilité de prescription acquisitive et autre modalité qui visent à légitimer en droit un état de fait établi depuis longtemps.

Invité jabial
Posté

Disons que pour un libertarien, la prescription acquisitive prend une autre forme : c'est à celui qui veut contester la situation de fait d'apporter la preuve ; en conséquence de quoi, ce n'est pas au propriétaire apparent de montrer que sa propriété est légitime, mais le contraire. Faute de pouvoir présenter une victime de spoliation et des preuves à l'appui, il y a donc bien une forme de prescription acquisitive en droit libertarien, même si elle est plus longue que 30 ans.

Invité Arn0
Posté
Disons que pour un libertarien, la prescription acquisitive prend une autre forme : c'est à celui qui veut contester la situation de fait d'apporter la preuve ; en conséquence de quoi, ce n'est pas au propriétaire apparent de montrer que sa propriété est légitime, mais le contraire. Faute de pouvoir présenter une victime de spoliation et des preuves à l'appui, il y a donc bien une forme de prescription acquisitive en droit libertarien, même si elle est plus longue que 30 ans.

Que sauf exception la charge de la preuve repose sur le demandeur est un principe général du droit, il n'est pas besoin de le préciser (c'est éventuellement l'inverse qui doit l'être puisque c'est une exception) et surtout cela n'a pas grand chose à voir avec la prescription acquisitive.

Ce qu'il faut souligner dans la prescription acquisitive c'est que pour s'appliquer il ne suffit pas qu'un délai s'écoule, il faut que pendant cette durée l'occupant ait agi publiquement en tant que propriétaire et ce sans contestation de la part du véritable propriétaire. C'est là le point important : il s’agit pas d'un problème de preuve mais plus d'une sorte de présomption d'abandon.

Invité Arn0
Posté
Donc si par état de nature, on entend la période où la terre était trop peu peuplée pour qu'il y ait un "autrui" justement, le droit de propriété ne pouvait pas exister (ie. ne pouvait pas être formulé).
L'état de nature lockéen c'est toute situation sociale ou il n'y pas de juge commun et ou chacun se fait justice lui même. A ce titre il décrit la situation des rapports entre Etat comme étant un exemple d'état de nature. Ce n'est pas un état d'individus sans rapport les uns avec les autres.
Invité jabial
Posté
En fait Jabial a une vision théorique des choses alors que vous répondez en juriste de droit francais :doigt:

Voilà.

Et jabial n'ignore pas les principes de base du droit français :icon_up:

Il va sans dire que je parlais uniquement de conséquences comparables.

Il n'y a pas d'abandon présumé chez les libertariens (lire notamment Rothbard à ce sujet). Simplement, dans le monde réel, au bout d'un moment il n'est plus possible de prouver que son arrière-arrière-grand-père X a été spolié de tel ou tel bien. L'absence de contestation pendant une période aussi longue donne raisonnablement à penser que le bien a été volontairement transféré, et ceci doit être présumé jusqu'à preuve formelle du contraire.

L'intérêt des prescriptions à durée arbitraire, c'est bien évidemment la sécurité juridique. Ceci dit, les choses sont nettement moins claires qu'elles peuvent le paraître : ainsi, en DP français, le principe général est que la prescription d'un droit démarre dès l'instant où celui qui aurait pu l'exercer aurait dû en avoir connaissance. C'est cette notion d'"aurait dû" qui a donné lieu à des jurisprudences contradictoires suivant les domaines. Et je ne parle pas du cas pénal, où notamment certains délits qui ne font encourir que de faibles peine de prison (ou pas de prison du tout) ont une prescription qui part du "fait révélateur", ce qui les rend de fait imprescriptibles, caractéristiques qu'ils partagent avec… les crimes contre l'humanité.

Il est par ailleurs intéressant de noter que la prescription acquisitive n'existe pas pour le domaine public. On peut avoir une paillote 30 ou 300 ans sur une plage, l'Etat peut toujours la faire démolir.

Posté
Disons que pour un libertarien, la prescription acquisitive prend une autre forme : c'est à celui qui veut contester la situation de fait d'apporter la preuve ; en conséquence de quoi, ce n'est pas au propriétaire apparent de montrer que sa propriété est légitime, mais le contraire. Faute de pouvoir présenter une victime de spoliation et des preuves à l'appui, il y a donc bien une forme de prescription acquisitive en droit libertarien, même si elle est plus longue que 30 ans.

Cette position est critiquable car elle confond le droit et la preuve du droit. Elle revient un peu à dire qu'on a le droit de griller un feu rouge s'il n'y a pas de flics au carrefour : puisque l'infraction n'est pas prouvable elle n'existerait pas. De même dans notre hypothèse : si le droit de propriété ne peut plus être prouvé, il serait détruit.

Invité jabial
Posté
Cette position est critiquable car elle confond le droit et la preuve du droit.

Non, elle reconnaît simplement une valeur probante à la situation existante.

C'est un peu une extension de "en fait de meuble possession vaut titre". En fait d'immeuble, possession plus de 30 ans vaut titre dans le système actuel ; dans un monde libertarien, c'est plus long que ça. Donc, 2P2M.

De même dans notre hypothèse : si le droit de propriété ne peut plus être prouvé, il serait détruit.

Si le droit de propriété ne peut plus être prouvé, de toute façon on ne peut l'exercer devant aucun tribunal. Quelle est l'alternative réaliste ?

Posté
Non, elle reconnaît simplement une valeur probante à la situation existante.

C'est bien ce que je dis : confusion (au sens neutre) entre droit et preuve du droit.

C'est un peu une extension de "en fait de meuble possession vaut titre". En fait d'immeuble, possession plus de 30 ans vaut titre dans le système actuel ; dans un monde libertarien, c'est plus long que ça. Donc, 2P2M.

L'adage a une fonction de preuve mais aussi une fonction acquisitive qui sont différentes. La règle libertarienne que tu proposes affirme l'existence du droit sur la seule raison que la preuve contraire ne pourrait pas être rapportée. C'est une confusion de concepts.

Si le droit de propriété ne peut plus être prouvé, de toute façon on ne peut l'exercer devant aucun tribunal. Quelle est l'alternative réaliste ?

Ce n'est pas le problème. L'existence du droit et sa preuve sont deux sujets différents. Quant au droit de propriété, il peut se prouver par la possession.

Posté

Prenons un autre exemple : la forêt gabonnaise

Par absence de cadastre, la forêt équatoriale au Gabon est un bien public. Des entreprises étrangères (du monde développé…) y viennent avec une autorisation de l’état central, exploitent le bois puis repartent en laissant des friches (comment dire ?) « naturelles ».

Si l’on considère la propriété comme un élément ou un ensemble d’éléments permettant la conduite d’un projet, si elle était privée, la propriété de la forêt serait aux pygmées dont le projet de vie est sur ce territoire. Leur intérêt est d’être attentifs aux équilibres de leur territoire afin de pouvoir y mener leur projet de vie aussi longtemps qu’ils le veulent. Et ils le font depuis bien plus de trente ans.

On voit ici les ravages de la propriété publique. Elle retire toute responsabilité à l’état central qui a donné, pour des fins dont la pertinence reste à prouver, des autorisations d’exploitation et toute responsabilité aux entreprises dont le projet aboutit à la destruction du bien.

Quant aux propriétaires légitimes, les pygmées, ils se retrouvent face à des problèmes, qui mettent en jeu leur survie même, parce qu’ils n’ont pu faire valoir des droits de propriétaire privé de la forêt.

Invité jabial
Posté
C'est bien ce que je dis : confusion (au sens neutre) entre droit et preuve du droit.

Non. Réalisme.

L'adage a une fonction de preuve mais aussi une fonction acquisitive qui sont différentes. La règle libertarienne que tu proposes affirme l'existence du droit sur la seule raison que la preuve contraire ne pourrait pas être rapportée.

C'est le principe de base de la présomption d'innocence. C'est à celui qui conteste l'état de fait de démontrer qu'il est fondé à le faire.

Posté
Non. Réalisme.

C'est le principe de base de la présomption d'innocence. C'est à celui qui conteste l'état de fait de démontrer qu'il est fondé à le faire.

Ce n'est pas une prescription acquisitive, c'est la disparition avec le temps des preuves de la propriété d'autrui sur la chose qu'on revendique.

Posté

Bonsoir,

Je profite de ce sujet, dont j'ai lu plusieurs messages, car je ne comprends pas quelque chose.

Imaginons que je sois propriétaire d'un terrain en zone constructible. Puisque j'en suis propriétaire, pourquoi (sur quel fondement) faut-il donc que je demande un permis de construire, et que, donc, je dépense de l'argent pour pouvoir construire sur mon terrain ? Je veux dire, cela me semble une atteinte au droit de propriété. L'article 544 du Code civil définissant le droit de propriété comme "le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois, ou par les règlements", il prévoit donc que le droit de propriété permet de faire tout ce qui n'est pas interdit. Or, il serait normal qu'on puisse faire ce qu'on veut chez soi.

Par ailleurs quelle est la justification de l'impôt foncier ? Existe-t-il pour nous rappeler que le véritable propriétaire de notre terrain ce n'est pas nous, mais l'Etat ?

Posté
Je profite de ce sujet, dont j'ai lu plusieurs messages, car je ne comprends pas quelque chose.

Imaginons que je sois propriétaire d'un terrain en zone constructible. Puisque j'en suis propriétaire, pourquoi (sur quel fondement) faut-il donc que je demande un permis de construire, et que, donc, je dépense de l'argent pour pouvoir construire sur mon terrain ? Je veux dire, cela me semble une atteinte au droit de propriété. L'article 544 du Code civil définissant le droit de propriété comme "le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois, ou par les règlements", il prévoit donc que le droit de propriété permet de faire tout ce qui n'est pas interdit. Or, il serait normal qu'on puisse faire ce qu'on veut chez soi.

Par ailleurs quelle est la justification de l'impôt foncier ? Existe-t-il pour nous rappeler que le véritable propriétaire de notre terrain ce n'est pas nous, mais l'Etat ?

Le droit de propriété sur un terrain est uniquement justifié par ses conséquences socialement positives. En effet, le droit de propriété sur un terrain évite les litiges entre voisins. Nul ne conteste le droit de jouir d'un terrain. Il en résulte une paix sociale, une absence de litiges sur les droits de jouissance des terrains.

Une autre conséquences positive du droit de propriété sur un terrain est une optimisation de la production de richesse du terrain. Si un terrain est sous-exploité, son propriétaire trouvera un avantage à le vendre à celui qui l'exploitera avec plus de profit.

Il me semble contestable, sauf rares exceptions, de fonder un droit de propriété sur une chaine infinie de propriétaires passés successifs. Nul ne pourrait valablement prétendre que le premier de cette chaine serait un hypothétique découvreur du terrain. Le droit de propriété sur certaines choses va de soi, est une affaire de Droit Naturel. Mais ce n'est pas le cas du droit de propriété sur un terrain.

Le droit de propriété d'un terrain est une invention juridique moderne datant du 15e siècle en Europe. Nul Roi, nul Duc, nul État n'a jamais prétendu posséder la terre de tout un pays, de toute une région. Il l'administre. Un droit de propriété sur une étendue de terre n'existe valablement que s'il est avéré que ce droit induit des conséquences positive sur les habitants.

Ce serait, à mon avis, un abus du Droit que l’État prétende être propriétaire de la totalité des terres de France. Le droit positif indique que l’État français est administrativement propriétaire de tout l'espace public. Il est légitime et soutenable de le contester.

Vous posiez la question de la justification de l’impôt foncier. La première réponse est que aucun impôt ne peut être valablement justifié. La seule logique de l’impôt est de confisquer partout mais dans la mesure où la taxe ne réduit pas sensiblement l’assiette fiscale. En d'autres termes, un taux trop fort d’impôt réduit le total de l'impôt.

La deuxième réponse à votre question est que l’impôt foncier est si élevé qu'il s’apparente à une location du terrain. On peut alors se demander si l’État serait le propriétaire réel et le propriétaire en titre serait un simple locataire de l’État. L’État oublie qu'il doit protéger le droit de propriété. L’État a tendance à confisquer les biens qu'on lui demande de protéger.

Posté

Je veux dire, au lieu d'un permis de construire, on peut imaginer qu'un propriétaire de terrain adresse juste une lettre à la mairie, pour prévenir qu'il bâtit une maison ou un immeuble.

Posté
Il me semble contestable, sauf rares exceptions, de fonder un droit de propriété sur une chaine infinie de propriétaires passés successifs. Nul ne pourrait valablement prétendre que le premier de cette chaine serait un hypothétique découvreur du terrain. Le droit de propriété sur certaines choses va de soi, est une affaire de Droit Naturel. Mais ce n'est pas le cas du droit de propriété sur un terrain.

Aujourd'hui je doute que le droit de propriété ait quelque chose à voir avec le droit naturel, que ce soit la propriété privée d'un terrain ou de tout autre chose. Pour qu'un droit soit "naturel", il doit pouvoir être reconnu à toute époque et en tous lieux comme l'interdit du meurtre (le droit à l'existence) par exemple, ce qui n'est pas le cas de la propriété privée. Ce qui est naturel c'est le droit d'usage des choses pour leur conservation, leur entretien à des fins utiles. Seul ce droit peut éventuellement être exclusif sans pour autant être absolu.

Dans les faits, quand nous transférons un droit ou un titre de propriété nous n'échangeons que des droits d'usage sur les choses, jamais nous ne pouvons avoir et encore moins transmettre le domaine absolu sur une chose même si nous la possédons en propre (Thomas d'Aquin). En effet, l'idée moderne de propriété : droit absolu d'une personne sur une chose matérielle est discutable car il y a toujours à l'intérieur de quoi que ce soit quelque chose (la matière première, la fertilité du sol…) que l'Homme n'a pas produit, qui vient de la nature (ou de Dieu), quelque chose qui dépasse les limites de l'action humaine, ne serait ce que la durée de vie de la chose. Par exemple je fabrique une belle table, cette table est amenée à me survivre ; à ma mort rien de cette table va disparaître pas plus qu'elle ne disparaîtra avec moi. Le droit de propriété de cette table est distinct de son propriétaire et est donc transférable d'une personne à une autre. Cet artifice serait un moyen d'inscrire l'activité humaine dans une temporalité plus longue que celle de la vie de celui ou de celle qui a acquis/fabriqué/découvert une chose. Le droit de propriété serait une convention sociale, culturelle (non naturelle donc) dont l'origine serait un désir (orgueilleux ?) de "sempiternalité".

Posté
Pour qu'un droit soit "naturel", il doit pouvoir être reconnu à toute époque et en tous lieux comme l'interdit du meurtre (le droit à l'existence) par exemple

Bof.

ce qui n'est pas le cas de la propriété privée.

Il y a eu beaucoup de sociétés pérennes sans propriété privée ?

Dans les faits, quand nous transférons un droit ou un titre de propriété nous n'échangeons que des droits d'usage sur les choses, jamais nous ne pouvons avoir et encore moins transmettre le domaine absolu sur une chose même si nous la possédons en propre (Thomas d'Aquin). En effet, l'idée moderne de propriété : droit absolu d'une personne sur une chose matérielle est discutable

Dire que le droit de propriété comprend l'usus, le fructus mais aussi l'abusus, ce n'est pas exactement moderne…

car il y a toujours à l'intérieur de quoi que ce soit quelque chose (la matière première, la fertilité du sol…) que l'Homme n'a pas produit, qui vient de la nature (ou de Dieu), quelque chose qui dépasse les limites de l'action humaine, ne serait ce que la durée de vie de la chose. Par exemple je fabrique une belle table, cette table est amenée à me survivre ; à ma mort rien de cette table va disparaître pas plus qu'elle ne disparaîtra avec moi. Le droit de propriété de cette table est distinct de son propriétaire et est donc transférable d'une personne à une autre.

Il y a confusion entre la table elle même et la matière composant la table. C'est important parce que ladite matière subsiste de toute façon (éventuellement en changeant d'état) même si la table est détruite par son propriétaire.

C'est donc un raisonnement non pertinent pour apporter une restriction au droit de propriété :icon_up:

Invité jabial
Posté
Ce n'est pas une prescription acquisitive, c'est la disparition avec le temps des preuves de la propriété d'autrui sur la chose qu'on revendique.

On peut discuter indéfiniment sur le sens et l'origine de la prescription. À mon sens en tout cas, son rôle fondamental est bien de prendre en compte la disparition avec le temps des preuves. Que le législateur l'ait ensuite aménagée pour assurer une certaine sécurité juridique, je ne le conteste pas ; mais elle n'a jamais constitué un moyen ordinaire de constituer un droit. Au contraire, elle est de nature extraordinaire, et destinée à régler des situations exceptionnelles.

Posté
Il y a eu beaucoup de sociétés pérennes sans propriété privée ?

C'est donc un raisonnement non pertinent pour apporter une restriction au droit de propriété

Je ne parle pas là de restriction du droit de propriété (droit d'usage) ni ne cherche à nier la nécessité de ce droit ; je réfute que la propriété privée soit ou découle d'un droit naturel et essaie de trouver l'origine de ce droit. (je cherche toujours…).

De dire qu'il existe des sociétés sans propriété privée est une réfutation qui pourrait suffire mais qui ne m'apprend rien sur l'émergeance de l'idée de propriété.

Posté
Je ne parle pas là de restriction du droit de propriété (droit d'usage) ni ne cherche à nier la nécessité de ce droit ; je réfute que la propriété privée soit ou découle d'un droit naturel et essaie de trouver l'origine de ce droit. (je cherche toujours…).

La propriété est une institution naturelle et consubtantielle de toutes les sociétés humaines. Le Droit naturel protège la propriété qui se fonde sur la Loi naturelle.

On peut discuter indéfiniment sur le sens et l'origine de la prescription. À mon sens en tout cas, son rôle fondamental est bien de prendre en compte la disparition avec le temps des preuves.

La prescription acquisitive n'est pas un problème de preuve. On peut parfaitemet acquérir la propriété après un long laps de temps, même en présence de preuve, dès lors que le propriétaire originaire ne fait rien pour s'opposer à la jouissance publique de son bien par un tiers. La prescription agit donc ici comme reconnaisance d'un transfert de propriété implicite depuis un propriétaire qui n'exploite pas son bien vers une autre qui l'exploite au vu et au su de tous. La prescription acquisitive se fonde justement sur la vision libérale qui fait de l'exploitation un mode d'appropriation.

Posté
La propriété est une institution naturelle et consubtantielle de toutes les sociétés humaines. Le Droit naturel protège la propriété qui se fonde sur la Loi naturelle.

Il existe ou a certainement existé des sociétés humaines sans propriété privée. Si on parle de droit d'usage plus ou moins exclusif d'une chose, d'un territoire, je veux bien le croire, mais je doute de la nécessité du concept de propriété que l'on voudrait "absolue" d'une chose. C'est à mon avis (sans doute temporaire, je n'ai jamais eu les idées bien arrêtées) la tentation de cet absolu que cherche à édifier cette institution. Il y a quelque chose qui me paraît paradoxal dans l'idée d'institution naturelle.

Posté
Il existe ou a certainement existé des sociétés humaines sans propriété privée.

Ah oui ? Laquelle ?

Il y a quelque chose qui me paraît paradoxal dans l'idée d'institution naturelle.

Les institutions humaines naturelles existent bien : comme la famille, le juge qui arbitre les conflits, etc.

Trouve-nous seulement une société viable sans droit de propriété, sans structure familiale, sans juge, etc.

Posté
Ah oui ? Laquelle ?

Les institutions humaines naturelles existe bien : comme la famille, le juge qui arbitre les conflits, etc.

Le mot institution (institutum in.), du latin instituo (établir, instituer) désigne une structure d'organisation d'origine humaine et destinée à s'inscrire dans la durée.

Donc pas d'institution naturelle. Toutes les institutions dont tu parles sont polymorphes, parce que justement instituées. Le droit d'exister (à être et rester vivant) est le même partout ; il est naturel.

Trouve-nous seulement une société viable sans droit de propriété, sans structures familiales, sans juge, etc.

Des sociétés sans droit de propriété privée je ne doute pas qu'il y en ait ou qu'il y en ait eu, mais je ne suis pas ethnologue. Je chercherai.

Posté
Des sociétés sans droit de propriété privée je ne doute pas qu'il y en ait ou qu'il y en ait eu, mais je ne suis pas ethnologue. Je chercherai.

Bonne chance, mais rappelle-toi : trois indigènes en pagne sur une île déserte ne constituent pas une société.

Posté
Bonne chance, mais rappelle-toi : trois indigènes en pagne sur une île déserte ne constituent pas une société.

Oui et il faut également se méfier de l'anthropocentrisme dans ces affaires. J'ai trouvé matière à réflexion ici.

Posté
Donc pas d'institution naturelle.

Si : naturelle aux sociétés humaines. Naturel ne se limite pas seulement à ce qui pousse sur les arbres.

La Loi naturelle quand elle concerne les êtres humains tient en compte les relations sociales qui se tissent ente eux et des contruits sociaux qui en découlent. Donc, on observe que toute société humaine viable intègre le droit de propriété. Celui-ci est donc bien une institution naturelle à la société humaine. Et c'est une institution naturelle parce que justement, contrairement à d'autres institutions humaines, elle n'est pas décrétée, mais apparaît naturellement au sein de toute société humaine.

Le droit d'exister (à être et rester vivant) est le même partout ; il est naturel.

Ce droit à la vie, comme le droit de propriété ne concerne que les êtres humains entre eux. Le droit à la vie de l'antilope face au lion, ça n'existe pas. Le droit à la vie est autant une institution naturelle humaine que le droit de propriété.

Des sociétés sans droit de propriété privée je ne doute pas qu'il y en ait ou qu'il y en ait eu, mais je ne suis pas ethnologue. Je chercherai.

Préviens-nous quand tu auras découvert une société humaine viable qui méconnaîtrait complètement le droit de propriété. Au passage, un droit de propriété collectif est aussi privé qu'un droit de propriété individuel, face à un autre groupe.

Oui et il faut également se méfier de l'anthropocentrisme dans ces affaires.

Ah bon ? Aux dernières nouvelles, le droit en général et le droit de propriété en particulier ne concerne que les êtres humains.

Bonne chance, mais rappelle-toi : trois indigènes en pagne sur une île déserte ne constituent pas une société.

Et même là : essaie de chouraver son pagne à l'indigène paumé sur son île déserte.

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