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"sur L'économie, Difficile De Choisir Entre Mm. Sarkozy Et Bayrou"


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Comment jugez-vous les programmes économiques de Nicolas Sarkozy, François Bayrou et Ségolène Royal ?

Globalement, les candidats, chacun avec une touche personnelle, ont une musique entrepreuneriale plutôt sympathique. Les choses se gâtent quand on regarde les paroles. Car je vois des mesures, que l'on peut discuter, mais je ne vois pas de politique cohérente articulée.

L'objectif-clé pour ce pays, c'est de retrouver le chemin d'une croissance de 3 à 4 %, qui est la seule solution à nos problèmes : l'emploi, le pouvoir d'achat, la sauvegarde du modèle français de protection sociale, le financement de dépenses nouvelles, le vieillissement, la santé… Les candidats se résignent à une croissance de 2 ou 2,5 %, qui n'est pas à la hauteur de la politique de notre pays.

Comment retrouver la croissance, selon vous ?

Une politique de croissance, on le sait, passe essentiellement par trois réformes. D'abord, une réforme fiscale d'ensemble, destinée notamment à doper les incitations, en jouant sur la fiscalité marginale des revenus des plus créatifs – qui, en France, atteint un niveau record pour le monde industriel – et, pour les plus salaires les plus bas, en agissant contre la fiscalité désincitative au retour au travail.

La deuxième réforme nécessaire est l'ouverture de nos secteurs protégés à la concurrence, pour augmenter la taille de l'économie marchande, ce qui implique de reconfigurer l'Etat. Enfin, il s'agit d'instaurer un vrai marché du travail qui fonctionne, dont les prix ne sont pas en permanence perturbés par des hausses politiques du smic ou des baisses de charges sociales, aux effets de seuil pervers. Il faut aussi une plus grande liberté contractuelle, de façon à permettre la souplesse de l'échange.

On retrouve bien peu de ce que je viens de dire, qui relèverait d'une politique libérale, mais, disons, version "modèle moyen de l'OCDE", dans les propositions des candidats.

Vous avez dit que le programme de l'UMP vous avait "amusé jusqu'à en pleurer". Pourquoi ?

J'ai critiqué le programme de l'UMP parce qu'il ne prononce pas le mot "croissance". Sauf au sujet des ressources halieutiques ultramarines… Donc, il me paraît passer à côté de l'essentiel. Pour le reste, il y a des mesures qui sont intéressantes. La partie éducation, notamment l'autonomie des universités, est intelligente et moderne. D'autres mesures sont plus discutables.

Nicolas Sarkozy est partisan d'un bouclier fiscal. Est-ce une bonne mesure ?

On a besoin d'une réforme fiscale d'ensemble, notamment d'un rédéploiement de la quasi-totalité des niches fiscales et d'une baisse drastique de l'impôt sur le revenu. Des niches, on n'en garderait que trois : familiale, mécénat et épargne à risque.

Le bouclier fiscal est un bricolage qui permet d'atténuer certains des effets pervers de l'impôt sur la fortune. Sur ce sujet, Nicolas Sarkozy a proposé une exonération des droits de succession. Si j'avais un choix à faire, en tant que libéral, je choisirais de les maintenir, sur les grandes successions, voire même de les augmenter, en échange d'une suppression de l'impôt sur la fortune. Il est plus intelligent de frapper la fortune quand elle se transmet que quand elle se crée. Une solution intermédiaire est de réformer l'impôt sur la fortune sous la forme d'un à-valoir sur les droits de succession.

Aux Etats-Unis, quand Bush a fait la même proposition que Sarkozy de supprimer les droits de succession, vous avez eu une pétition des milliardaires américains pour dire "ce serait scandaleux, on n'en veut pas". Je n'ai pas vu la même pétition des milliardaires français.

Comment comparez-vous les réformes proposées par MM. Sarkozy et Bayrou sur l'ISF et les droits de succession ?

In fine, sur les successions, Nicolas Sarkozy a bien évidemment atténué sa proposition, au profit d'une suppression pour les fortunes moyennes et modestes. Bayrou a fait une proposition, pour l'impôt sur la fortune, qui est plutôt intelligente : diminuer le taux à 1/1 000, élargir la base. C'est une piste intéressante. Mais, encore une fois, ceci n'a de sens que dans une réforme fiscale d'ensemble. Si vous prélevez les revenus des personnes créatives, qui génèrent l'essentiel de la richesse, à 70 %, ils mettront le pied sur le frein. Si le taux est de 30 %, ils appuient sur l'accélérateur. Ne pas voir cette réalité, c'est passer à côté du Viagra de la croissance.

Que pensez-vous de la TVA sociale, évoquée par François Bayrou et Nicolas Sarkozy ?

C'est le prototype même de la fausse bonne idée. Bayrou, et j'y suis un peu pour quelque chose, a mis un peu d'eau dans sa TVA sociale, si j'ose dire. Il est plus prudent et il a raison. C'est une mesure protectionniste. Depuis le rapport célèbre de Jean Arthuis contre les délocalisations, elle revient à chaque fois que nous avons un euro fort. On se demande alors s'il n'y a pas une manipulation fiscale qui nous permettrait de baisser les charges sur les entreprises françaises en faisant payer les produits importés. Je rappelle que j'ai offert un prix d'un million d'euros à toute personne qui me montrera un produit importé qui paie une taxe. Seuls les consommateurs paient des taxes, ce qui n'est pas du tout la même chose. Et ce n'est pas le méchant Chinois qui paie la taxe, c'est le gentil Français.

De la même façon, tous les patrons communient et applaudissent frénétiquement tout candidat qui, pour brosser dans le sens du poil, promet d'alléger les charges sociales. En réalité, ce qu'on baptise "allégement" n'en est pas un. C'est un "transfert". Cela consiste à dire : je voudrais que d'autres paient. Mais qui ? En gros, la baisse des charges sociales et la hausse de la TVA entraînent une ponction sur le pouvoir d'achat des salariés – je n'ai pas entendu de candidat l'évoquer dans cette période électorale –, ou alors elles sont compensées par une hausse des salaires, comme au Danemark, ce qui fait que l'avantage de compétitivité est perdu.

Il n'y a rien de nouveau. Hélas, à mon corps défendant, j'ai mis en œuvre une première "TVA sociale", en tant que ministre de l'économie et des finances, en 1995. Je l'ai combattue, contre mon premier ministre Alain Juppé et le Medef [CNPF à l'époque]. Mais il y a une grande chance que l'on fasse cette c… Elle est tellement tendance. C'est la même chose pour la fiscalité verte, qui veut taxer les méchants Chinois qui polluent.

Comment jugez-vous la réforme des heures supplémentaires, prônée par Nicolas Sarkozy et François Bayrou ?

J'essaie surtout de comprendre. On a fait les 35 heures et, pour les faciliter, on a baissé les charges sociales. Aujourd'hui, pour travailler plus, on propose aussi de baisser les charges sociales. Il doit y avoir une erreur quelque part… Au-delà de cela, les 35 heures, dans les faits, ont été absorbées et n'existent plus. La métallurgie a fait un accord qui porte le maximum à 1 920 heures de travail par an, soit plus qu'aux Etats-Unis. Et les heures supplémentaires sont bien payées, + 50 % je crois.

Est-ce que, pour autant, tout le monde se rue sur les heures supplémentaires ? Non, bien sûr. Car globalement, à part dans certains secteurs en tension, comme le bâtiment, pour que 20 millions de Français puissent faire des heures supplémentaires, il faut une offre de travail supplémentaire. Et cela dépend du travail des un ou deux millions de Français les plus créatifs, qui vont faire les meilleurs produits. Il ne suffit pas d'exonérer les heures supplémentaires de charges sociales pour qu'on travaille plus.

François Bayrou propose de mieux payer les heures supplémentaires, + 35 %. Je suis plutôt pour. Mais les exonérer de charges, à mon avis, n'a aucun sens. Les charges sociales ne sont pas une "taxation" du travail mais un salaire différé. C'est un achat de services collectifs, comme les retraites, la santé. Comme l'assurance obligatoire pour une voiture. On a donné 20 milliards d'exonérations de charges aux entreprises. Il serait temps de penser à les reprendre. Sur un programme de trois, quatre ou cinq ans.

François Bayrou est le seul candidat à présenter un programme budgétairement à l'équilibre. A-t-il raison de le faire ?

C'est bien. C'est vertueux. Même si je pense que le problème du remboursement de la dette est intimement lié à celui de la croissance. Nous léguons bien sûr à nos enfants une dette importante, mais on oublie de dire qu'on leur lègue aussi des taux d'intérêt historiquement bas.

François Bayrou s'est aussi distingué en défendant l'indépendance de la Banque centrale européenne, critiquée par M. Sarkozy et Mme Royal. Qu'en pensez-vous ?

Il a mille fois raison. Dieu sait si j'ai été un adversaire de la politique du franc fort de M. Trichet, qui nous a conduits à une situation de dépression-déflation. Mais à l'époque, nous avions des taux d'intérêt anormalement élevés. Aujourd'hui, ils sont très bas. Dans le monde entier, sur le temps long, les taux sont de 2 % réels, quand le moindre placement capitaliste rapporte du 6 % réel. C'est une situation tout à fait exceptionnelle, pour l'investissement. L'euro fort, que défend la Banque centrale, certes, ce n'est pas bon pour Airbus, mais c'est excellent pour Air France. Et nos autres partenaires ne s'en plaignent pas.

Sur les retraites, le système par points que propose François Bayrou n'est-il pas le plus proche de vos propositions ?

J'ai écrit un livre là-dessus ! Le système par points est un système qui avait été proposé dans tous les programmes RPR, UDF… depuis 1986. La surprise n'est pas d'en entendre parler, c'est que la réforme Raffarin n'ait pas été le système par points. C'est une mesure de bon sens qui permet de sortir du piège des 37,5, 40 années de cotisations. pour dire : à cotisation égale, retraite égale. Vous prenez votre retraite quand vous voulez. Je suis persuadé que cette réforme serait passable dans un référendum, comme le propose Bayrou.

De plus, le système peut convertir l'acquis des régimes spéciaux en points. Et tout cela affirme le principe que vous ne pouvez pas distribuer plus que ce que vous avez en caisse. Et alors, tout le monde comprend que la valeur de ses droits à la retraite est liée à la croissance et au nombre de personnes qui partent en retraite. La valeur des points augmente et baisse en fonction. C'est une excellente pédagogie. Et le système affirme des principes forts d'équité.

Au final, entre les programmes économiques de Nicolas Sarkozy et de François Bayrou, lequel vous paraît le meilleur, en tant que libéral ?

C'est très difficile… Nicolas Sarkozy a implicitement, mais pas explicitement, une politique de l'offre. François Bayrou a une politique pro-entreprises et petites entreprises. Les deux programmes, en réalité, ont des avantages et des inconvénients, mais ne me paraissent pas être à la hauteur de ce que devrait être une politique économique. J'ai du mal à choisir. Je préfère commenter telle ou telle mesure précise. Et puis, les programmes évoluent, comme vous l'avez remarqué. Peut-être que j'aurai un avis à l'arrivée.

J'ai des discussions amicales avec Nicolas Sarkozy, comme avec François Bayrou, ou d'autres. Pas beaucoup d'autres, d'ailleurs. Les deux candidats de la droite et du centre parlementaires. En plus, j'écris pas mal, notamment sur mon site. Je fais des analyses de programmes. Et je les donne aux uns et aux autres.

Charles de Courson, un de vos anciens proches collaborateurs, Edouard Fillias, le candidat d'Alternative libérale, et, plus récemment, le ministre François Goulard, qui a fait partie de votre parti Démocratie libérale, se sont ralliés à François Bayrou. Doit-on en déduire qu'il a le meilleur programme économique ou faut-il comprendre autre chose ?

C'est une excellente question, que je vous invite à leur poser.

N'êtes-vous pas tenté de vous engager plus pour l'un ou l'autre candidat ?

Les libéraux de ma famille politique se sont engagés à l'intérieur de l'UMP et ont tendance à soutenir Nicolas Sarkozy. Il y a des exceptions ici et là. Voilà. Moi, je ne suis pas en retraite de la vie politique, je suis en retrait. Ce n'est pas la même chose. Je fais une pause. On verra après.

J'ai été très déçu par le débat de 2002, où j'avais essayé, sur le plan économique, de poser des vraies questions. Avec le recul du temps, je pense que les questions étaient bonnes et les réponses pas si mauvaises que ça. Mais le débat avait tourné court : sécurité, immigration, etc. Le vrai débat était ailleurs. Et même les réponses pour la sécurité passent pas plus de moyens donnés à la justice, celles pour l'immigration passent par le travail. C'est avec un peu de tristesse que je vois le débat de 2007, non seulement ne pas articuler de politique économique claire pour l'avenir, mais de plus, nous offrir une campagne, dans cette dernière ligne droite qui est celle des postures, totalement occultée par la question "essentielle" de l'identité nationale et des drapeaux tricolores aux fenêtres. Je regarde cela un peu navré. Mais enfin, je suis ravi que l'orchestre du Titanic joue "La Marseillaise".

Propos recueillis par Alexandre Piquard

Le Monde

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Il décrète quel taux de croissance devrait avoir la France. Ne se rend-il pas compte de la nature planificatrice d'une telle idée? Et c'est notre seul libéral (dans les célèbres).

Rho, tout de suite… Il joue juste les prévisionnistes, à ceci près qu'un prévisionniste décrit sa vision du futur, tandis que lui décrit sa vision d'un monde parallèle.

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