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Vilfredo

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Tout ce qui a été posté par Vilfredo

  1. Bah non, vous dites justement qu'il y a des contre-exemples. Remplacez peut-être le "incontestablement" par "peut-être" ^^ Sinon, Jaurès est de droite. Et Barrès a commencé sa carrière de député à l'extrême-gauche (lorsqu'il est à Nancy, voyez contre qui il fait ses premiers duels ou lisez sa biographie par Thibaudet). Donc vous ne pouvez pas induire de votre clivage général des jugements sur Faguet, Barrès ou Jaurès.
  2. Notez que je suis bien d'accord avec vous. Ne pourrait-on d'ailleurs pas considérer que l'une des avancées du courant libertarien et néolibéral (si l'on considère que Hayek est néolibéral) est la réappropriation du champ moral dans la philosophie politique libérale moderne ? Ce n'est qu'une idée.
  3. J'ai lu, j'ai supposé que la manière que vous aviez de souligner subtilement son implication dans des mouvements antidreyfusards (= antisémites = racistes, pas la peine de chipoter) supposait que vous abordiez la question du racisme (que la question du dreyfusisme traite objectivement). Visiblement non. Dont acte : dénoncer quelqu'un comme antidreyfusard n'a rien à voir avec le racisme. Sans doute pour cette raison que La Petite République socialiste, journal très à droite comme son nom l'indique, était antidreyfusard, de même que de nombreux socialistes ou anarchistes qui voient dans Dreyfus le Juif représentant du grand capital etc. Vous savez sans doute que la première ligue antisémite de France, créée le 4 septembre 1889 rue Lepic, est concurrencée par celle de Morès et de nombreux anars (Jules Guérin par exemple, pourtant proche de Déroulède. Bonjour le clivage gauche/droite bien défini !). Vous oubliez les blanquistes révisionnistes. Bertrand Joly dresse la liste de ces groupes anarchisants, voyez vous-même : Merci beaucoup en revanche pour la partie argumentée de votre réponse (sur le conservatisme).
  4. Merci beaucoup !
  5. Sans doute ; je ne discuterai pas la biographie de Faguet ni son évolution intellectuelle que vous connaissez visiblement beaucoup mieux que moi, mais encore une fois (et cela me rappelle quelques débats que nous avons déjà eus ensemble), non seulement je ne faisais que citer son livre de 1905 sans en faire un thaumaturge qui libéralisait tout ce qu'il touchait ("Faguet te touche…" d'accord j'arrête) mais en plus je nuancerais certains des éléments biographiques que vous apportez : Non mais ils ont tous les deux pondus des livres (et Le Bon, comme cela a été rappelé plus haut, a mené une excellente critique du socialisme dans sa Psychologie du socialisme, dans lequel on trouve des attaques bien senties contre la bureaucratie et la réglementation (il cite même Spencer, voyez dans l'édition des Amis de Gustave Le Bon, p. 180, la note). Et l'on pourrait poursuivre avec une analyse détaillée des chapitres sur les luttes économiques en Orient et en Occident. Sur la question du racisme, c'est une drôle de manière de définir le libéralisme (pour moi, jusqu'à ce que je vous lise, les deux critères n'avaient rien à voir : on trouve des racistes parmi les libéraux comme parmi n'importe quels membres de n'importe quelle philosophie politique : on a même le cas du sénateur Calhoun, libéral esclavagiste et sudiste. Et Rothbard lui-même n'a pas toujours été très net sur cette question.), ça me fait penser au sophisme du No True Scotsman : les racistes ne sont pas libéraux — Oui mais (Rothbard, Le Bon, Calhoun) — Non, ce ne sont pas des vrais libéraux (ce qui devient "ce sont plutôt des conservateurs"). J'ajouterais que l'antidreyfusisme à l'époque était la chose de France la mieux partagée (à gauche comme à droite, de Jaurès à Barrès : ce n'est donc pas un critère de détermination politique). Quelle différence radicale faites-vous entre un conservateur et un libéral, à moins de n'entendre par libéral que ce que Hayek entend par là dans "Why I am not a Conservative" ?
  6. Mauss n'a pas le monopole de l'anthropologie, si ?
  7. Je débarque un peu mais Faguet le cite comme un libéral dans Le Libéralisme (1903), éd. Société française d'imprimerie et de librairie, 1903, chap. XIX.
  8. Vous avez raison je me suis emporté. Il faudrait (beau sujet de thèse en éco) étudier les changements de Hayek vis-à-vis de la théorie quantitative, comme par rapport au parallélisme entre économie et science, qu'il exclut (à moins qu'encore une fois je n'extrapole) dans les années 30 (époque de Prix et production) pour le réintroduire dans les années 50 en distinguant, dans The Sensory Order, les sciences analysant les phénomènes complexes des autres. Cela discrédite tous les antilibéraux comme Gaël Giraud qui prétendent remettre en cause le libéralisme autrichien par la théorie des jeux par exemple. PS : c'est trivial mais comment faites-vous pour mettre ces citations au bas de tous vos messages ?
  9. Merci pour votre réponse (pas du tout à côté de la plaque). Un taux d'intérêt naturel est le taux d'intérêt fixé par la stricte loi de l'offre et de la demande de capital (investissement et épargne). L'arrivée du crédit (dans les économies monétaires) augmente les investissements alors même que les préférences intertemporelles des consommateurs, reflétées par le taux d'épargne (qui mesure en gros si les gens préfèrent la consommation future ou courante) restent inchangées. Apparemment Hayek aurait modifié sa thèse sous l'influence de Sraffa en admettant qu'il existe autant de taux "naturels" d'intérêt qu'il y a de marchandises (donc plus de taux d'intérêt naturel unique), tous étant, à l'échelle de leurs marchandises, des taux d'équilibre. Mais Sraffa montre que cet ajustement de Hayek est absurde, parce que à ce moment, selon lui, le taux monétaire devrait être égal à tous ces taux naturels divergents. Autrement dit, en montrant qu'il existe plusieurs taux naturels en fonction des marchandises, Sraffa rend inopérante l'ensemble de la théorie hayékienne des cycles, puisque l'unicité d'un taux monétaire s'effondre elle aussi. Là où Sraffa manque un truc il me semble, c'est qu'il oublie que la théorie de Hayek porte exclusivement sur les prix relatifs car Hayek rejette les analyses des effets de la monnaie sur le niveau général des prix. Notons bien (quitte à être prolixe ^^) que Hayek est plutôt hétérodoxe vis-à-vis de la doctrine libérale sur ce point, celle-ci ayant, depuis Ricardo et jusqu'à Friedman, défendu une nécessaire politique monétaire, qui serait même la seule politique économique légitime (mais Hayek, comme je viens de le dire, rejette toute pertinence à la notion même de théorie quantitative de la monnaie. Il a défendu face à Friedman l'incalculabilité de la masse de monnaie en circulation.) Hayek déploie en ce sens une théorie de la concurrence des monnaies qui mènerait à une autorégulation de la masse de monnaie en circulation (selon la loi de Gresham). C'est d'ailleurs ce qu'est en train de réaliser le Bitcoin mais j'imagine que le sujet est discuté sur le forum dans la rubrique sur les cryptomonnaies. Vous pouvez d'ailleurs lire le livre de Hayek sur la dénationalisation de la monnaie en ligne. Mais on s'éloigne du débat.
  10. Je profite de ce premier sujet, en accord avec le point n°7 des "bonnes pratiques du forum" pour poser ma première question potentiellement déjà posée sur le libéralisme, et elle concernerait la critique de Sraffa à Hayek (je pose ça ici parce que je ne peux pas créer de sujet en "Économie" mais du moment que ça n'entre pas en conflit avec les règles de la modération je crois que je peux m'en sortir comme je suis en train de le faire). Pour Sraffa, il est absurde de s'interroger sur la différence du taux d'intérêt naturel et bancaire comme le fait Hayek dans Prix et production car 1°) le taux d'intérêt naturel n'est pas unique mais dépend des produits et le taux d'intérêt naturel n'existe qu'à l'équilibre et n'a donc de sens que dans une situation walrasienne d'équilibre sur tous les marchés, 2°) le creux entre taux d'intérêt naturel et bancaire s'explique donc par des ajustements ou des déséquilibres micro-économiques. L'idée de taux d'intérêt naturel est inapplicable aux situations de déséquilibre. Sraffa modélise le taux d'intérêt par marchandise ainsi, avec ∆qk = la quantité de k (qk) qu'il faut fournir au terme de l'emprunt (en gros qk empruntée + les intérêts), le taux d'intérêt étant fixé / ikt = ∆qk/qk. Le paiement de l'intérêt, dites-moi si je m'égare (au taux im sur la somme empruntée pour acheter qk = imqkpk) + le coût de détention (soit qk(pk — pkt), donc ∆qk = (1/pk) [impkqk + qk(pk — pkt)] Il y a donc autant de taux d'intérêts naturels que de marchandises, sauf en situation d'équilibre général (avec ikt = im) => le taux d'intérêt naturel n'est pas efficient en situation de déséquilibre et donc pas pertinent pour analyser les crises économiques (réfutation de Wicksell et de Hayek). J'avais adoré le livre de Hayek mais (ces équations se trouvent dans n'importe quel manuel d'éco) cette critique me laisse un peu désemparé. Des chevaliers porte-glaive de l'ordre de la catallaxie pourraient-ils m'éclairer si mon résumé n'est pas trop confus ? Merci beaucoup.
  11. Il décrit le libéralisme américain.
  12. Baudrillard, Amérique, éd. Grasset, 1986. La citation en anglais est de Roger Price, je crois.
  13. 2) et 4) Ça s'appelle le moindre mal. Rien à voir avec le communisme. Sinon, le jour où une manifestation dégénère, qui paye la police ? Si on en est réduit à des arguments pareils… mais je suppose que vous êtes favorables à la possession d'armes à feu. Ça risque d'être marrant. 3) On peut parfaitement se référer à Rousseau tout en étant libéral-conservateur (je vous renvoie à Jouvenel). Le génie de la construction philosophique de Rousseau est le plus souvent escamoté par des lectures idiotes qui en font un totalitaire, en prélevant des bouts de textes que le Popper ou le Isaiah Berlin de service a compris sans rien piger au reste et qu'il brandit comme un étendard. Idem pour les conneries que beaucoup de libéraux racontent sur Platon (cf. La Société ouverte et ses ennemis, modèle du genre). Le libéral-conservatisme consiste précisément à ne pas voir dans la liberté (i.e : l'indépendance du point de vue libéral) le bien absolu mais à prendre en compte d'autres ordres de légitimité et d'autres formes de relations sociales que celles de la Vergesellschaftung de Tönnies, dont le commerce est le meilleur exemple. Et à propos de Lippmann, vous pourrez lire dans la Cité libre une mise au point sur le supposé fascisme de Pareto (dans le chap. "Le paradoxe fasciste", je peux vous donner la référence si vous le souhaitez). 1) Vous décernez des brevets de libéralisme (le vrai libéral = Say, le mauvais = Bastiat). Je ne vois pas en quoi l'un est plus libéral que l'autre. L'un est seulement plus raisonnable à mon sens, car l'option de Say éradique toute instance de légitimité (l'individu-roi devient le seul émetteur de légitimité, la société ressemble à une modélisation de vente aux enchères où l'on ne s'exprime que par prix croissants qui valent plébiscite) et tout tissu social.
  14. Merci pour ce document !
  15. J'ai beaucoup de choses à répondre sur le 1). L'impôt n'est pas un vol, c'est la spoliation qui en est un. De Bastiat à Nemo (sa Philosophie de l'impôt récemment parue), la distinction est claire, et tout deux reconnaissent une distinction entre l'impôt légitime (pour financer les services publics, si ceux-ci se cantonnent à la sécurité, le domaine commun et la perception des contributions) et la spoliation. Bref, tant que le service public reste dans le cadre d'un échange et ne cherche pas à se substituer (ce qu'il fait d'habitude, arguant qu'il est soi-disant gratuit) au privé. Si vous relisez les Harmonies économiques de Bastiat, la chose est parfaitement claire : c'est une erreur que de confondre "impôt" et "spoliation" : « Si l’impôt n’est pas nécessairement une perte, encore moins est-il nécessairement une spoliation. Sans doute, dans les sociétés modernes, la spoliation par l’impôt s’exerce sur une immense échelle. Nous le verrons plus tard ; c’est une des causes les plus actives entre toutes celles qui troublent l’équivalence des services et l’harmonie des intérêts. Mais le meilleur moyen de combattre et de détruire les abus de l’impôt, c’est de se préserver de cette exagération qui le représente comme spoliateur par essence. » (chap. XVII). À ce moment, Bastiat s'oppose même à Say (liv. III, chap. IX du Traité) qu'il accuse de mélanger les deux en oubliant les services rendus par l'État, i.e. : la sécurité. Le principe de non-agression s'effondre, vous en conviendrez, devant l'agression elle-même : aussi l'emploi de la force, qui caractérise toute intervention de l'État, est-il légitime toutes les fois que l'intervention de la force est légitimée par la nécessité de faire respecter la liberté (Bastiat devançait la violence légitime de Weber). La collectivité, comme l'individu, ne sont donc légitimement autorisés à recourir à la force qu'en cas de légitime défense (toujours Bastiat dixit). « En principe, il suffit que le gouvernement ait pour instrument nécessaire la force pour que nous sachions enfin quels sont les services privés qui peuvent être légitimement convertis en services publics. Ce sont ceux qui ont pour objet le maintien de toutes les libertés, de toutes les propriétés, de tous les droits individuels, la prévention des délits et des crimes, en un mot, tout ce qui concerne la sécurité publique. » Jusqu'ici, j'ai en gros appuyé ma réponse sur un argument d'autorité ("c'est dans Bastiat"). Soyons plus francs : l'impôt et le vol ont ceci de différent que le vol ne suppose aucune obligation. C'est une pure contrainte. Vous connaissez le fameux passage (que j'adore) du début du Contrat social de Rousseau avec le voleur et la bourse (si j'arrive à lui soustraire ma bourse, suis-je en conscience obligé de la donner ? écrit à peu près Rousseau) : jamais ma conscience ne me reprochera d'avoir sauvé mon portefeuille d'un bandit ; en revanche, l'argent public n'a pas le même statut (précisément parce qu'il est redistribué). Sur le 2) rapidement : j'en déduis que nous sommes quittes sur ce petit match Pareto-Mises. Je me demande bien ce que Mises pouvait penser de Pareto. Je n'ai rien lu de lui à ce sujet. Si mes souvenirs sont bons (mais détrompez-moi sinon), Hayek opère une savante contestation des optima dans Droit, législation et liberté (dont la publication tardive me semble invalider la thèse selon laquelle Hayek se serait radicalisé après quelques concessions dans le chap. IX de la Route).
  16. Non c'est ἢ μικρὰν πόλιν mais ça ne change pas grand-chose : la Cité grecque n'est pas un État au sens moderne, pour autant elle dispose de certaines prérogatives de l'État (force armée par exemple). Il faut respecter le texte mais sans se cacher derrière le littéralisme. D'ailleurs tous les traducteurs, de Tricot à Pellegrin, distinguent dans les emplois de polis l'État de la Cité. Les deux sont d'ailleurs intrinsèquement liés dans la Cité-État, la Cité étant plus large que l'État en ceci que c'est une unité biologique et culturelle.
  17. Merci de votre réponse concise. Oui là-dessus Schmitt et Aristote se rejoignent, mais il y a un risque de régression de l'homme en-dehors du politique, et l'intérêt de l'État est de fixer une certaine "intensité agonistique", de définir par les frontières l'"en-deçà" et l'"au-delà" (cf. le Nomos de la Terre), ce que ne permet pas une Cité sans État. D'ailleurs, tout le livre VII des Politiques est consacré à cette interpénétration de l'État dans la Cité (en particulier les chap. 5 et 6) : vous voyez bien qu'une Cité qui possède la puissance navale se rapproche quand même beaucoup d'un État. L'État de Nisbet est partisan mais partisan de qui ? Si ses intérêts ne correspondent pas avec ceux des citoyens, la loi de la circulation des élites de Pareto s'applique : il faut un principe de légitimité (populaire ou transcendant) sans quoi l'État ne saurait tenir. Je vais lire Nisbet de toute façon avant de continuer à en débattre avec vous.
  18. Je suis vexé (je plaisante) que vous croyiez que je les reprends malgré moi (je n'habite pas La Cité libre pour rien !). Non, non, c'est en connaissance de cause. Je remets le nez dedans en débattant à flux tendu avec vous. Le principe de non-agression n'a pas grand-chose à voir, à première vue, avec l'excessive pauvreté qui empêche de participer au jeu du marché. À moins que vous ne considériez comme une "agression" la redistribution minimale nécessaire à ce que les pauvres ne se remettent pas à mourir. Ce qui me fait penser à Rothbard… Merci pour vos citations. Vous devez sans doute connaître celle de Mises sur le fascisme dans Le Libéralisme (ça vaut bien les hésitations de Pareto).
  19. Encore sur Aristote, comme l'explique bien Tricot, l'État est l'unité politique, la Cité l'unité organique. La Cité comme l'État est l'association en vue du Souverain Bien. Aristote dit même que la famille est un petit État. Qu'il ne faille pas confondre État au sens de Cité-État et l'État moderne, je vous le concède : mais ses prérogatives économiques d'ajustement pour ceux qui sont "par trop malchanceux" comme écrit Hayek posent la même question. C'est d'ailleurs dans ce sens que Popper conduit son analyse si désastreuse de Platon : il commet le même genre d'anachronisme idiot.
  20. J'ai l'impression que nous allons débattre de tout ensemble ! Mais Raico ne prend pas en compte l'article que publia en 1923 (peu avant sa mort) Pareto, adressé aux fascistes, et qui leur conseillait de maintenir la liberté d'expression, de la presse, de ne pas toucher au libéralisme économique… bref, de ne pas être fascistes ! Sur ce plan-là, je vous avoue ne pas avoir lu de biographie de Pareto mais je me fie comme vous à Wikibéral. Merci à tous de votre charmant accueil.
  21. Merci de l'éclairage pour Nisbet. Mais je voudrais des précisions sur Aristote (que faites-vous de la Cité-État ?) et sur Schmitt : bien sûr que Schmitt distingue le politique de l'État (puisque l'État présuppose le concept de politique), et j'ajouterais à vos "autres lieux" celui de la guerre de partisans, mais en quoi cela change-t-il quoi que ce soit à mon propos ? Le problème de la thèse de Nisbet telle que vous la présentiez, en termes schmittiens, n'est-il pas précisément de dépolitiser l'État, bien que l'État ne soit pas le seul "lieu" du politique ?
  22. Votre jugement sur Arendt est péremptoire. Au moins m'accordez-vous la référence à Aristote : mais il s'agit d'une génétique de la Cité et d'une analyse des dispositions naturelles de l'homme, je ne vois pas comment l'évolution historique pourrait les influencer. Aristote écrit d'ailleurs les Politiques au moment de l'émergence des grands empires et de la perte hégémonique d'Athènes sans le moins du monde que cela ne remette en cause ses principes et ses distinctions politiques. Sa préoccupation d'un juste équilibre économique, d'un ajustement de l'ordre spontané (ce qui est un oxymore en termes hayékiens, j'en ai bien conscience, mais je n'ai jamais prétendu être un hayékien parfait) quand celui-ci est "par trop injuste" comme le dit en gros Hayek dans l'extrait que je vous ai cité de Droit, législation et liberté.
  23. 1) Ce que vous appelez un "État social-démocrate light", si j'en juge par la citation d'Aron que vous joignez, n'a rien de fondamentalement différent des revendications de justice sociale dans Rawls (contre Hayek bien sûr, quoiqu'il se soit surtout frité avec Nozick) ni n'empêche la concurrence. Car tout est là : Aristote montre lui-même dans Les Politiques que non seulement un État aristocratique devra davantage imposer les plus aisés (sous peine de sombrer dans l'oligarchie) et la démocratie devra "traiter les gens aisés avec modération" (V, 8) ; les héritages doivent être faits par filiation et non donation : le but, on le voit, dans l'État social-démocrate light d'Aron ou dans la Cité d'Aristote, est justement moral (vous qui reprochiez à Hayek son aveuglement moral par l'épistémologie) : l'agrégation politique a pour but le Souverain Bien, hors il ne peut être atteint si certaines conditions ne sont pas respectées faute de quoi, même si le système politique est irréprochable économiquement (puisqu'auto-régulé), il s'effondrera politiquement, ou déchoira (d'aristocratie en oligarchie, de monarchie en tyrannie etc.) Il s'agit donc de s'assurer que le plus grand nombre puisse parvenir à l'aisance (≠ faire parvenir le plus grand nombre à l'aisance : on énonce simplement des conditions de possibilité). Qu'y a-t-il à reprocher à cette anthropologie ? 2) Pour Hayek, vous tombez mal en incriminant à tort La Route, parce que la légitimation du revenu minimal est dans Droit, législation et liberté : « Il n'y a pas de raison pour que le gouvernement d'une société libre doive s'abstenir d'assurer à tous une protection contre un dénuement extrême, sous la forme d'un revenu minimum garanti, ou d'un niveau de ressources au-dessous duquel personne ne doit tomber. Souscrire une telle assurance contre l'infortune excessive peut assurément être dans l'intérêt de tous; ou l'on peut estimer que c'est clairement un devoir moral pour tous, au sein de la communauté organisée, de venir en aide à ceux qui ne peuvent subsister par eux-mêmes. » (tome 2, trad. Audouin, éd. PUF, p. 105). Il s'agit donc ici d'une légitimation morale et non épistémologique de surcroît.
  24. 1) Je suis d'accord sur votre résumé mais, vous vous en doutez, là où nous ne tombons pas d'accord est au sujet de l'extension que vous accordez au totalitarisme (ce que j'ai rassemblé en (2) et en (3) pour faciliter ma réponse) : tout d'abord il me semble que votre thèse est peu arendtienne : dans Le Système totalitaire, Arendt montre que l'organisation coloniale jette les bases du gouvernement totalitaire, en ceci précisément qu'elle est laissée à l'arbitraire des bureaucrates colons, à leur discrétion (le pouvoir discrétionnaire si bien analysé par Schmitt dans La Dictature) qui ne suffit pas à fonder l'ordre concret schmittien, puisque, dans la mesure où le Princeps est la source de la norme (ce qui suppose donc un autre système juridique que l'arbitraire pur, qui est l'anormal (dans le sens que Canguilhem donne à ce terme, c'est-à-dire une norme appauvrie et une vie pathologique ou "contrariée"), il donne rétrospectivement à la communauté son sens, sa direction, son unité. Vous réduisez l'ordre concret à une idéologie, ce qu'elle n'est pas. Ou j'ai mal compris comment vous passiez du (2) au (3). 4) Je ne connais pas bien Nisbet (seulement de nom son livre sur Durkheim) ; pour un aristotélicien comme moi, difficile de penser l'État détruisant les communautés naturelles : au contraire, selon l'entéléchie aristotélicienne, l'État (ou plutôt la Cité et vous n'auriez pas tort de dire que je passe un peu facilement de l'un à l'autre) est logiquement et naturellement premier. L'État présuppose le concept de politique (comme l'écrit Schmitt au début de la Notion de politique) en ceci qu'il donne la plus intense unité agonistique qui crée le lieu du politique, i.e. : un lieu d'affrontement, hors, si je vous suis bien, pour Nisbet, l'État au contraire neutraliserait tout conflit en "assouplissant l'échine de ses administrés" et construirait une loi par-dessus les coutumes et la morale (ce qui n'est vrai que d'un certain type d'État (forcément, avec des considérations aussi larges…) et nombreux sont les théoriciens politiques qui ont fait de la coutume le fondement de l'État (je ne vous renvoie pas encore à Schmitt, mais le triple rapport à la terre (prendre/partager/paître) d'où dérive la véritable coutume (nomos) est le fondement du Nomos de la Terre et par extension de tout le Droit des gens)). Donc je ne saisis pas bien Nisbet dans le résumé que vous en donnez. Merci pour Raynaud et je vous abandonne Aron, qui n'a d'ailleurs jamais eu la prétention d'être un "économiste" (tout juste sociologue).
  25. Et je ne connais pas Huemer, désolé, mais le portrait que vous en faites le rend alléchant.
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