F. mas Posté 22 février 2016 Signaler Posté 22 février 2016 Quitte à paraître monomaniaque, je conseillerais A de Jasay, par exemple son essai Political philosophy clearly ou Against Politics, qui offre l'une des rares perspectives "libertariennes" qui ne soit par utopiste au sens fort, mais plutôt analytique. L'ambition n'est pas d'offrir un contre-projet à la société telle qu'elle est maintenant, mais de dissoudre les justifications de l'Etat (pour retrouver sa logique), les erreurs du langage et de la théorie philosophique et économique. http://www.independent.org/publications/tir/article.asp?a=1060
Gio Posté 22 février 2016 Signaler Posté 22 février 2016 Parce que je pense qu'il n'échappe à peu de monde ici que la voie démocratique (...) a été jusque là une défaite monumentale suivie le plus souvent d'un contrecoup violent, comme ça a au moins été le cas en France.Mais est-ce que les voies non-démocratiques ont mieux réussies ?
F. mas Posté 22 février 2016 Signaler Posté 22 février 2016 La démocratie a-t-elle vraiment réussi, ou se maintient-elle uniquement parce qu'elle a intégré au cours de son histoire les modes de fonctionnement de ses concurrents (aristocratie, monarchie, tyrannie, etc)
NoName Posté 22 février 2016 Signaler Posté 22 février 2016 Je lis un peu Lénine (Que faire? et des extraits de l'Etat et la Révolution), c'est passionnant, en fait. Peu de monde illustre mieux le militantisme révolutionnaire, dont il est en quelque sorte l'entéléchie. Cet homme était un véritable accomplissement de l'idéologie dans l'histoire, ça se ressent partout. Je recommande, pour peu qu'on ait un peu de second-degré, une propension au rire jaune et quelques lubies malsaines. Plus sérieusement, je trouve qu'il offre tout de même quelques clefs de compréhension utiles du communisme (ce qui est plutôt évident, en fait). Mais au-delà de la mythologie bolchévique, je suis sûr qu'il peut déclencher chez un libéral coincé quelque part au début du XXIe siècle des réflexions très intéressantes sur ce qu'on doit pratiquer ou non si on veut dépasser la contrainte étatique, et même sur le rôle des révolutions en générale. Pour nous, ce sera en particulier sur la manière dont on doit jouer, ou non le jeu de la politique, pour permettre la naissance de sociétés libérales. Parce que je pense qu'il n'échappe à peu de monde ici que la voie démocratique (et j'irais peut-être jusqu'à dire politique, mais je risque de rentrer dans un paradigme Schmittien qui ne me plait pas trop) a été jusque là une défaite monumentale suivie le plus souvent d'un contrecoup violent, comme ça a au moins été le cas en France. Je n'ai pas l'impression que les autres nations soient elles mêmes sur la bonne voie. En fait, il nous dresse un tableau fort intéressant du renversement de l'ordre dont il se fait l'un des avatars. Essayer de se situer par rapport à ça peut-être intéressant, pour un anarchiste en particulier. Pour ma part, je ne sais pas vraiment comment dépasser cette aporie. D'un côté, on peut supposer un ordre spontané comme c'est le cas chez Hayek puis ceux qui l'ont suivis, mais je ne sais pas trop comment éviter, d'une manière ou d'une autre, un utopisme propre à un Lénine, en réagissant à l'immixtion d'organes. La défense inconditionnelle du droit de sécession Naturellement, pas besoin de Lénine pour tout ça, mais j'estime qu'il faudrait veiller à ne pas se montrer aussi idéologues que nos camarades soviets, et que, finalement, cette lecture constitue une mise en garde intéressante. J'ai souvent que l'impression que le libéralisme oscille entre l'utopisme et l'anti-utop INtéressant. Personnellement, je serais assez intéressé par une revue des livres de Gramsci sur la conquête du pouvoir par la culture. Le phénomène SJW semble montrer que rallier le professorat et les intellectuels dans son sillage peut être une stratégie efficace pour prendre le contrôle sans prendre le pouvoir. 1
Gio Posté 22 février 2016 Signaler Posté 22 février 2016 La démocratie a-t-elle vraiment réussi Ce n'est pas ce que sous-entendais ma question. (Je l'ai peut-être mal formulé.)
Rusty Posté 22 février 2016 Signaler Posté 22 février 2016 Je recherche des romans de science-fiction qui abordent, de près ou de loin, des thèmes libéraux (Révolte sur la Lune par exemple). J'ai trouvé une petite liste ici mais je ne sais quoi en penser. Des idées ?
Lancelot Posté 22 février 2016 Signaler Posté 22 février 2016 Je recherche des romans de science-fiction qui abordent, de près ou de loin, des thèmes libéraux (Révolte sur la Lune par exemple). À l'occasion de la mort regrettable de Jack Vance, je conseille à tout le monde la lecture de son roman court "un monde d'azur": On y trouve un véritable Léviathan dans le rôle de l'état, littéralement: le Roi Kragen, immense monstre marin qui maintient à distance les autres membres (redoutables) de son espèce en échange d'un tribut... de plus en plus important, au point que certains se disent qu'ils auraient à gagner à se débarasser de lui. Cet auteur est l'anti-Rand. Chaque phrase faut avancer l'intrigue ou le développement des personnages. Dans ce livre il fait rien de moins que l'apologie complète et totalement implicite de l'esprit d'initiative et de liberté de l'homme contre l'état et le collectivisme (avec en bonus des piques contre la religion étatiste et le fascisme), rien qu'en plaçant ses personnages en situation de devoir prendre des décisions morales et d'agir, et ce sans jamais parler de théorie économique, de philosophie, de finance, d'impôt ou quoi que ce soit qui pourrait rebuter les allergiques aux prêches et aux monologues à la Galt. Lisez-le, et faites-le lire autour de vous. Ce serait dommage de se priver d'une telle œuvre "clandestinement" libertarienne qui engage le lecteur par l'action au lieu de l'assommer sous des pages et des pages d'arguments. Offrez-le à vos neveux et nièces en âge de lire de la SF plutôt que "la source vive" ou "la grève".
NoName Posté 22 février 2016 Signaler Posté 22 février 2016 pour le pratchett que j'ai cité, c'est "discrètement" libertarien.pour faire un pithc rapide du bouquin: un mec a inventé un petit boitier alimenté par une patate qui permet aux hommes de changer de dimension. Ainsi, les hommes "passent" sur une autre terre à chaque fois qu'ils l'activent, et toutes ces autres terres sont vierges d'humanité et toujours très similaires -mais pas exactement- à la Primeterre. Il y'en aurait un nombre infini, que ce soit vers l'Ouest ou l'Est. Forcément, à travers ça, Pratchett évoque à l'occasion comme corrollaire de la découverte du "passage" que les gouvernements vont devenir de plus en plus inutiles puisque la notion de territoire sous contrôle d'un état ne veut plus dire grand chose en dehors de la primeterre, et il explore discrètement certaines thématiques de la société d'abondance notamment les limites de la propriété du sol ou de la souveraineté.techniquement c'est même pas un livre libertarien mais un livre qui évoque des sujets qui sont souvent prisés par les libertariens. Sinon si tu aimes les comics tu lis DMZ
Fenster Posté 22 février 2016 Signaler Posté 22 février 2016 Quelqu'un aurait des références de lectures à me donner en terme d'étude sociologique du phénomène des confréries universitaires US?? D'avance, pas de compote, merci!
Rübezahl Posté 22 février 2016 Signaler Posté 22 février 2016 Le 22/02/2016 à 16:20, Rusty a dit : Je recherche des romans de science-fiction qui abordent, de près ou de loin, des thèmes libéraux (Révolte sur la Lune par exemple). 2 petites mines ici : http://urgesatsf.blogspot.fr/ (par un ancien du forum je crois (?))
Rusty Posté 22 février 2016 Signaler Posté 22 février 2016 pour le pratchett que j'ai cité, c'est "discrètement" libertarien. pour faire un pithc rapide du bouquin: un mec a inventé un petit boitier alimenté par une patate qui permet aux hommes de changer de dimension. Ainsi, les hommes "passent" sur une autre terre à chaque fois qu'ils l'activent, et toutes ces autres terres sont vierges d'humanité et toujours très similaires -mais pas exactement- à la Primeterre. Il y'en aurait un nombre infini, que ce soit vers l'Ouest ou l'Est. Forcément, à travers ça, Pratchett évoque à l'occasion comme corrollaire de la découverte du "passage" que les gouvernements vont devenir de plus en plus inutiles puisque la notion de territoire sous contrôle d'un état ne veut plus dire grand chose en dehors de la primeterre, et il explore discrètement certaines thématiques de la société d'abondance notamment les limites de la propriété du sol ou de la souveraineté. techniquement c'est même pas un livre libertarien mais un livre qui évoque des sujets qui sont souvent prisés par les libertariens. Sinon si tu aimes les comics tu lis DMZ C'est intéressant comme intrigue, je vais le mettre en haut de la pile. Et puis ca me rappelle Sliders. 2 petites mines ici : http://urgesatsf.blogspot.fr/ http://www.tupeuxcourir.com/ (par un ancien du forum je crois (?)) Merci Vincent, c'est une vraie mine d'or. Entre autres, il y a publié une chronique sur le livre de Lancelot et Jesrad posté plus haut.
Gio Posté 23 février 2016 Signaler Posté 23 février 2016 En faisant des recherches sur les premières critiques du socialisme j'ai lu un texte de 1848 d'un prêtre qui s'appelle Jean-Joseph Gaume. Certains de ses arguments étaient tellement moisis et le ton tellement insupportable qu'à la fin j'avais envie d'être socialiste. La caricature du curé moralisateur. Il m'a un peu rappelé certains légitimistes actuels. Je l'ai mis sur Wikisource (pour tester des trucs techniques, en fait c'est en faisant ça que je l'ai lu).
Johnathan R. Razorback Posté 23 février 2016 Signaler Posté 23 février 2016 En faisant des recherches sur les premières critiques du socialisme j'ai lu un texte de 1848 d'un prêtre qui s'appelle Jean-Joseph Gaume. Certains de ses arguments étaient tellement moisis et le ton tellement insupportable qu'à la fin j'avais envie d'être socialiste. La caricature du curé moralisateur. Il m'a un peu rappelé certains légitimistes actuels. Je l'ai mis sur Wikisource (pour tester des trucs techniques, en fait c'est en faisant ça que je l'ai lu). En même temps les conspis, on sait d'où ça vient et où ça va... "Il était particulièrement intransigeant envers les révolutionnaires, les libéraux, les socialistes et les francs-maçons. Son ouvrage La Révolution reprend les thèses antimaçonniques de l'abbé Barruel, expliquant les événements de 1789 par un complot maçonnique." (cf: https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Joseph_Gaume).
F. mas Posté 23 février 2016 Signaler Posté 23 février 2016 Je viens de terminer Identité et violence d'Amartya Sen. Il s'agissait pour moi d'approfondir une réflexion commencée à la lecture de Oakeshott sur l'identité et la contingence, continuée avec Philippe d'Iribarne sur la résistance de la diversité culturelle, puis avec la réflexion de J Searle sur la réalité sociale. Malgré un titre alléchant, je suis plutôt déçu par la platitude du propos, qui par bien des côtés ressemble un peu à un discours calibré, dépourvu d'aspérités et de négativités, pour nos élites progressistes transnationales. Après avoir condamné l'homo economicus (celui que la théorie des choix rationnels n'utilise plus depuis 20 ans) tout comme l'individu ultra-déterminé de certaines théories communautaristes ultras (communautaristes jamais cités par ailleurs), Sen s'en prend à Huntington et au choc des civilisations. Ceci me fait dire une chose : SH et son fameux choc a eu en quelques sortes deux vies : la première, à droite, quand il a permis de désigner la civilisation "arabo-musulmane' comme ennemie de l'Occident. La seconde, à gauche, afin de pérorer des heures sur la complexité de la culture humaine irréductible au paradigme du choc des civ (ce qui se double, en général, par une apologie sans nuance des opprimés). Sen fait partie de la seconde catégorie, mais il partage avec la première ce goût exquis pour mal poser les problèmes, le tout afin de répondre à des questions que personne ne se posait. Ainsi assigner aux gens des identités uniques, en particulier religieuses, c'est mal et contraire à la liberté individuelle, il faut comprendre que les identités individuelles et collectives sont complexes : on peut combiner plusieurs identités et en plus on peut rester rationnels (ouf merci!). Qu'Huntington et les américains sont bêtes, surtout au regard de la guerre en Irak, de réduire le moyen orient à une vision caricaturale et fixiste de la religion musulmane. Merci Amartya, mais le jeu dangereux que les USA jouent dans la région aurait mérité une analyse un peu plus fine de ta part : les usa n'ont jamais utilisé les écrits de SH pour justifier leur intervention, et leurs alliés régionaux ont peut être plus fait pour effacer les nuances entre les différents courants de l'Islam aux yeux des occidentaux que le pauvre Sam qui n'en demandait pas tant (et surtout pas de guerre aux prétentions universalisantes). Dans son souci de rééquilibrer les comptes, Sen nous fait une description idyllique du monde musulman comme de sa richesse culturelle (richesse indéniable, mais qui reprend subrepticement à son compte l'idée d'une homogénéité culturelle entre la multitude de courants associée à l'Islam), et chose tout aussi problématique, cherche à montrer les origines non occidentales de la démocratie. Sen cherche ici à montrer que l'Occident n'est pas une île, et qu'il s'est enrichi du contact avec les autres parties du monde (ce qui me semble bel et bon). En ce sens, il cherche à montrer la démocratie n'est pas une invention occidentale, et qu'en ce sens, elle ne dépend ni historiquement ni culturellement de l'Occident (et qu'elle peut donc s'accorder avec les mentalités de toutes les populations à la surface de la terre). Malgré le côté relativement sympathique de l'entreprise, il en est réduit à nier l'existence d'une transmission des enseignements de la démocratie grecque en Europe, et a retrouver par-delà les cultures non occidentales des bribes d'idées démocratiques et libérales éparses (le sens des deux termes ayant en plus bcp varié, on retrouve dans la bouche de Sen des descriptions de la démocratie empruntées à l'un de ses illustres collègues Laski). A côté de ça, certaines réflexions sur la relation malsaine entre expuissances coloniales et colonisés sont intéressantes.
Johnathan R. Razorback Posté 23 février 2016 Signaler Posté 23 février 2016 chose tout aussi problématique, cherche à montrer les origines non occidentales de la démocratie. J'ai lu La démocratie des Autres de Sen, et malgré le peu de pages qu'il consacre au sujet, ses descriptions des conseils de village indiens et du système de palabres en Afrique suggèrent que la démocratie a émergé ailleurs qu'en Occident (du moins si on s'en tient à une définition procédurale où la démocratie signifie simplement prise de décision en commun, et non un principe d'autonomie comme chez Castoriadis).
PABerryer Posté 23 février 2016 Signaler Posté 23 février 2016 Cela dépend comment tu défini la chose. Ce qui est surtout né dans la Grèce Antique est la façon de penser le politique.
Johnnieboy Posté 23 février 2016 Signaler Posté 23 février 2016 Vivement le futur que l'on puisse tous se payer un clone de F.mas pour lire des livres pour nous ! 3
Nigel Posté 23 février 2016 Signaler Posté 23 février 2016 Vivement le futur que l'on puisse tous se payer un clone de F.mas pour lire des livres pour nous ! Oui enfin sinon, il y a internet aussi. F.mas lit un livre, fait un résumé, le partage, tout le monde en profite.
F. mas Posté 23 février 2016 Signaler Posté 23 février 2016 Arf... l'attaque des clones lecteurs de Sen... ça sent la déroute...
NoName Posté 23 février 2016 Signaler Posté 23 février 2016 Vivement le futur que l'on puisse tous se payer un clone de F.mas pour lire des livres pour nous ! ça vient, ça vient 1 1
F. mas Posté 23 février 2016 Signaler Posté 23 février 2016 J'ai lu La démocratie des Autres de Sen, et malgré le peu de pages qu'il consacre au sujet, ses descriptions des conseils de village indiens et du système de palabres en Afrique suggèrent que la démocratie a émergé ailleurs qu'en Occident (du moins si on s'en tient à une définition procédurale où la démocratie signifie simplement prise de décision en commun, et non un principe d'autonomie comme chez Castoriadis). Oui, je ne le trouve pas convaincant pour deux raisons au moins : d'abord parce qu'il est difficile de fixer une définition bien précise au phénomène démocratique en Europe (qui a une histoire longue), ensuite parce qu'il procède à une reconstitution d'éléments éparses dans différentes cultures afin de dire : "hé vous voyez, le consentement existe en Chine ancienne, le gouvernement par la discussion existe en Afrique, le consentement existe là bas" sans se rendre compte que la spécificité de l'Europe est d'avoir fait une synthèse de tout ça et de plein de choses encore, et que son gouvernement représentatif particulier est lui-même le produit d'une critique de la démocratie, etc. Je précise quand même okazou que je ne suis pas progressiste, et qu'en conséquence, je ne considère pas la démocratie comme une valeur morale supérieure transcendant les autres régimes (et qu'en conséquence, en célébrer sa version occidentale -du moins celle qu'on trouve dans le langage moral progressiste- comme l'étalon du monde me laisse plutôt interrogatif on va dire).
NoName Posté 24 février 2016 Signaler Posté 24 février 2016 bon, j'ai terminé la Longueterre de Baxter et Pratchett. C'est génial: très bien écrit, très bien pensé, je le recommande de vive voix.
Gio Posté 24 février 2016 Signaler Posté 24 février 2016 J'ai lu Le communisme jugé par l'histoire d'Adolphe Franck, texte de 1848 qui eut du succès à l'époque (il fut réédité plusieurs fois sur plusieurs décennies). Très bon texte, on dirait un peu du Bastiat. (Il est même bien probable que Bastiat l'ait lu.) Il semble à cette lecture qu'Adolphe Franck était clairement libéral. Il n'est pourtant pas connu comme tel. Il devrait être présent au palmarès. J'ai mis le texte sur Wikisource (Bien qu'intéressante, la lecture de l'avant-propos n'est pas indispensable).
Johnathan R. Razorback Posté 25 février 2016 Signaler Posté 25 février 2016 (Bien qu'intéressante, la lecture de l'avant-propos n'est pas indispensable). Je n’ai pas grand-chose à redire à la critique que donne Adolphe Franck des principes du communisme, mais sur la Commune de Paris, il raconte n’importe quoi. « Le doute n’est plus permis aux plus aveugles : s’abritant sous un nom équivoque et profitant de la faveur attachée aux franchises municipales pour élever son pouvoir sur les débris de la société, c’est le communisme qui, dans la fatale journée du 18 mars, s’est installé à l’Hôtel de Ville de Paris. C’est lui qui, depuis bientôt deux mois, sous les yeux et à la satisfaction, peut-être avec le concours d’un ennemi victorieux, tournant à notre ruine les instruments mêmes de notre défense, opprime et déshonore, remplit de désespoir et de deuil notre malheureuse capitale. » C’est tout de même incroyable d’accuser les communards d’être soutenus par les Allemands, alors qu’ils ont précisément tout fait pour battre Bismarck, et que leur résistance a été sabotée par les Versaillais par peur qu’un général républicain, Gambetta tout particulièrement, ne leur impose une République dans la foulée d’une guerre victorieuse (« Les chefs du gouvernement de la Défense Nationale, en livrant la France à la Prusse n'ont eu en vue que tuer la République qu'ils craignaient de voir consolidée par la victoire. » -Edouard Moreau, cité par Marc Cerf, Edouard Moreau, l'âme du Comité Central de la Commune, Denoël, Dossiers des Lettres Nouvelles, 1971, p. 95) « Le communisme est depuis deux mois au pouvoir dans la capitale de la France. » Ce n’est pas exact. La Commune n’avait qu’à tendre la main pour nationaliser la Banque de France et financer amplement sa défense militaire, elle ne l’a pas fait (ce que lui reproche du reste Marx dans La Guerre civile en France). Elle pouvait très facilement collectiviser les usines ou inciter ses partisans à piller les quartiers bourgeois, elle ne l’a pas davantage fait. La bonne grille de lecture des événements, en dépit de l’historiographie tant marxiste que conservatrice sur le sujet, n’est pas tant « communisme » contre anti-communisme, mais République (sociale et patriotique) contre les monarchistes capitulards et alliés à Bismarck. J’attire également ton attention sur les intonations typiquement conservatrices et le mépris des pauvres qui suinte çà et là du texte (« c’est le communisme et le despotisme réclamés au profit de la partie la plus vile de la société et au préjudice de la partie la plus généreuse, la plus honnête et la plus intelligente. »). Pour finir, Adolphe Franck anticipe sur le programme d’éducation politique (anticommuniste) que mettra ultérieurement en place Ferry (la dimension colonialiste/nationaliste et anticléricale en plus), et dont les délites éducatifs du PS dans l’Ednat sont la lointaine conséquence : « Pour dompter le communisme la force, si elle est nécessaire, ne suffit pas ; il faut aller jusqu’à la racine du mal, il faut le détruire dans les esprits par la puissance de la persuasion, par l’organe de la parole et de la presse, par une instruction plus solide et plus saine, distribuée d’une main libérale à tous les degrés de l’enseignement, surtout dans l'école primaire. » (Adolphe Franck). « Dans les écoles confessionnelles, les jeunes reçoivent un enseignement dirigé tout entier contre les institutions modernes. Si cet état des choses se perpétue, il est à craindre que d’autres écoles ne se constituent, ouvertes aux fils d’ouvriers et de paysans, où l’on enseignera des principes totalement opposés, inspirés d’un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque violente et sinistre comprise entre le 18 mars et le 24 mai 1871. » (Jules Ferry)
Gio Posté 25 février 2016 Signaler Posté 25 février 2016 C'est cool si tu as lu le texte. Comme je le disais, ce qui est le plus intéressant, c'est surtout le texte principal. C’est tout de même incroyable d’accuser les communards d’être soutenus par les Allemands, Il dit "peut-être". Tu mets en exergue un tout petit bout de phrase plus qu'anecdotique. Tu as le recul historique, lui non. Il écrit en 1871. Ce n’est pas exact. La Commune n’avait qu’à tendre la main pour nationaliser la Banque de France et financer amplement sa défense militaire, elle ne l’a pas fait (ce que lui reproche du reste Marx dans La Guerre civile en France). Elle pouvait très facilement collectiviser les usines ou inciter ses partisans à piller les quartiers bourgeois, elle ne l’a pas davantage fait. Et donc à partir de cela tu en déduit que la Commune n'était nullement imprégnée des idées communistes ? La bonne grille de lecture des événements, en dépit de l’historiographie tant marxiste que conservatrice sur le sujet, n’est pas tant « communisme » contre anti-communisme, mais République (sociale et patriotique) contre les monarchistes capitulards et alliés à Bismarck. Whouat ? Tous ceux qui étaient contre la Commune étaient monarchistes ? La Commune c'est la République sociale et patriotique ? J’attire également ton attention sur les intonations typiquement conservatrices et le mépris des pauvres qui suinte çà et là du texte (« c’est le communisme et le despotisme réclamés au profit de la partie la plus vile de la société et au préjudice de la partie la plus généreuse, la plus honnête et la plus intelligente. »). Qu'est ce qui te fait dire que "la partie la plus vile de la société", c'est les pauvres ? Pour finir, Adolphe Franck anticipe sur le programme d’éducation politique (anticommuniste) que mettra ultérieurement en place Ferry (la dimension colonialiste/nationaliste et anticléricale en plus), et dont les délites éducatifs du PS dans l’Ednat sont la lointaine conséquence : Les liens que tu établis rétroactivement (à partir d'une phrase !) sont douteux.
Johnathan R. Razorback Posté 25 février 2016 Signaler Posté 25 février 2016 1.1: Ce n'était pas une accusation innocente, vu le contexte. 1.2: Un bon paragraphe, et il réitère sa thèse plus loin. 1.3: J'ai du mal à croire qu'on puisse être aussi aveugle. 2: La fait de critiquer une thèse ne signifie pas qu'on soutienne la thèse contraire. Le problème de Franck, c'est qu'il voit la Commune comme communiste après avoir lui-même définit le communisme comme l'abolition de la propriété privée et sa détention par l'Etat. Or la Commune n'a pas aboli la propriété privée, pas même la propriété privée des moyens de production. Quant à son rapport à l'Etat, le vieux Marx la voyait au contraire comme la fin de l'Etat ( « La Commune ne fut pas une révolution contre une forme quelconque de pouvoir d’État, légitimiste, constitutionnelle, républicaine ou impériale. Elle fut une révolution contre l’État comme tel, contre cet avorton monstrueux de la société (…) Elle ne fut pas une révolution ayant pour but de transférer le pouvoir d’État d’une fraction des classes dominantes à une autre mais une révolution tendant à détruire cette machine abjecte de la domination de classe.» -Karl Marx, Lettre à Louis Kugelmann, 17 avril 1871). Les communards étaient certes des gens de gauche et d'extrême-gauche, mais avec une composition idéologique très hétérogène. Cela va de leur soutiens parmi les maires de Paris qui négocient avec Versailles, et représentent une gauche très modérée mais républicaine (Clemenceau, Victor Hugo), aux néojacobins et blanquistes, et jusqu'aux proudhoniens (fédéralistes / anti-étatistes, ils s'opposent aux jacobins qui veulent une concentration du pouvoir sur le modèle de 93). Il n'y a pas de marxistes à l'époque. Louise Michel, pour sa part, est anarchiste. Et il faut ajouter à cela nombre d'opportunistes et d'aventuriers sans idées précises. Donc dire que le communisme était au pouvoir ne colle ni avec les idées ni avec les mesures concrètes. "Tous ceux qui étaient contre la Commune étaient monarchistes ?" A part Adolphe Thiers qui était thieriste, oui. Après il y a les légitimistes et les orléanistes, comme d'habitude. "La Commune c'est la République sociale et patriotique ?" Oui, les communards et la large partie de la population parisienne (socialement diverse) qui les soutient ont lutté pendant des mois contre les Allemands et ont l'armistice en travers de la gorge. Progressivement, cela les mène à rejeter la légitimité de l'Assemblée élue pour conclure la paix, et qui s'auto-proclame Constituante alors qu'elle est peuplée de monarchistes provinciaux. Et oui, le programme de la Commune est républicain, matiné de revendications socialisantes mais clairement pas communiste: « La République est la seule forme de gouvernement compatible avec les droits du Peuple et le développement régulier et libre de la société. » -La Commune de Paris, Déclaration au peuple français (1871).
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