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Mafia viticole et lunette à moustache


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Pourquoi ce titre ? A cause de Joseph Capus, créateur de la "loi Capus" à l'origine des AOC.


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On m'a récemment raconté l'histoire des viticulteurs qui se sont battus contre les négociants, des révoltes des vignerons, des coopératives viticoles... et comment tout cela a débouché sur les AOC et les comités d'attribution.

Si j'ai bien suivi*, au départ l'État ne voulait pas trop se mêler des problèmes des vignerons (même si...) et préféra laisser la justice s'en occuper (cf le jugement relatif à l'AOC "Châteauneuf-du-pape"). Ce sont donc les vignerons eux-mêmes qui ont constitué un cadre strict de production pour se prémunir des négociants qui usurpaient selon eux le nom des fameux terroirs. Une fois ces règles créées, l'État a donc chargé les vignerons de surveiller leur application et de les faire respecter. Je cite Wikipédia : "Dès sa création, le statut de cet organisme présenta une originalité. Organisme privé, doté d'une personnalité civile, il fut chargé d'un service public. Mais sa grande innovation fut de constituer légalement une nouvelle catégorie des vins et eaux-de-vie à appellation d'origine dite « contrôlée ».". Puis avec le temps, les politiques de tous bords se sont sentis forcés d'intervenir toujours un peu plus dans ces affaires, par opportunisme ou clientélisme, voire même tout simplement parce que certains grands viticulteurs sont aussi des maires, des sénateurs...

*Les plus savants pourront me corriger.

 

Aujourd'hui, l'étatisme ambiant, la symbolique mondiale du breuvage, les enjeux économiques, la lutte contre l'abus alcoolique et les publicitaires assoiffés, etc. font qu'il s'agit d'un sujet brulant. On se rappellera de l'affaire récente du vigneron bio Thibault Liger-Belair en Côte-d'Or (il me semble qu'on en a déjà parlé ici et sur Contrepoints). Sur Contrepoints d'ailleurs, aujourd'hui même un article de Jean-Baptiste Noé sur de l'histoire des bouchons en liège sur la nouvelle mesure européenne qui vous promet une augmentation annuelle de 1% de la surface viticole en France !

 

Je prends de vitesse Librekom en sautant le passage dans les Actualités et en créant directement un sujet dédié ici. J'ai notamment deux questions :

 - Ce système des AOC made-in-vignerons : un semblant de solution liberhala ou bien fruit des coopératives rouges ?

 - L'UE réussira-t-elle a insuffler un peu de liberté là-dedans ? Et plus généralement, comment libéraliser la production de vin ?

 

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Jérôme Despey : « Il serait suicidaire de faire des vins sans indication géographique »

 

Le président du conseil spécialisé des vins de l'établissement public FranceAgriMer détaille aux « Echos » l'impact de la réforme des droits de plantation sur la profession.

 

A la suite d'une réforme demandée par Bruxelles, davantage de vignes pourront être plantées en France à partir du 1er janvier. Est-ce une bonne chose ?

 

La façon dont les choses se sont mises en place est satisfaisante. L'Union européenne prônait, au départ, une libéralisation totale des droits de plantation. Nous nous sommes battus pour mettre en place un système de régulation du marché. Les autorisations de plantations nouvelles pour les vins sans indication géographique (IG), les indications géographiques protégées (IGP) et les AOC, ne devront pas excéder 1 % des plantations des Etats-membres, chaque année. Soit 8.000 hectares maximum pour la France, avec la possibilité de mettre en place des contingents par bassins de production. C'est un fait nouveau. Avant, les droits de plantation étaient attribués en fonction d'un zonage. Désormais, il faudra un critère économique pour justifier le contingent.

 

 

 

http://www.lesechos.fr/journal20151231/lec2_industrie_et_services/021588417112-jerome-despey-il-serait-suicidaire-de-faire-des-vins-sans-indication-geographique-1188569.php

 

Des vins produits partout en France en 2016 ? Il y aura "une régulation"

 

À compter du 1er janvier 2016, il sera possible d'étendre le vignoble partout en France, y compris à Bordeaux... Il y aura cependant "un système d'autorisation réglementé permettant une régulation minimale et absolument vitale de des droits de plantation", explique le Bordelais Jean-Baptiste Thial de Bordenave.

 

Il est le responsable du cabinet LexWine, spécialisé dans le conseil stratégique et juridique en droit du vin et des spiritueux. Egalement chroniqueur à la Revue des vins de France, il est un acteur et un observateur avisé du milieu viti-vinicole français. Jean-Baptiste Thial de Bordenave décrypte ici les enjeux de cette réforme. 

 

Quelle est la portée réelle de cette réforme européenne autorisant la plantation de vignes supplémentaires en France et en Europe ?

 

Jean-Baptiste Thial de Bordenave. La pierre angulaire de cette réforme des droits de plantation est un renversement juridique : le principe était jusqu'à présent l'interdiction sauf dérogation expresse alors qu'à partir de 2016, c'est au contraire l'autorisation de plantation qui devient le principe, sauf restriction expresse et justifiée, pour l'ensemble des types de vins et sur tout le territoire. De plus ne sont pas seuls concernés par cette réforme les vins bénéficiant d'une indication géographique (AOP, IGP), mais également les vins sans indication géographique, plus connus il y a peu sous la dénomination « Vins de Table.

 

A la suite de négociations de plus de sept ans avec les instances européennes, nous sommes arrivés à un compromis acceptable pour toutes les parties. Nous sommes en effet passés d'une volonté de libéralisation totale, défendue par la Commission, à un système d'autorisation réglementé permettant une régulation minimale et absolument vitale de ces droits. Par ailleurs, la Commission a accepté de limiter à 1 % l'augmentation annuelle du vignoble dans chaque Etat membre de l'Union."

 

Quel sera selon vous l'impact de cette réforme sur les différentes régions viticoles ?

 

Il est très difficile de l'évaluer aujourd'hui, surtout à court terme... Il ne faut en effet pas oublier qu'entre l'obtention d'une autorisation, la plantation de la vigne et la possibilité de produire concrètement un vin de qualité, doivent nécessairement s'écouler plusieurs années… Cependant cette réforme permet de tenir compte des spécificités de chaque région de production, en effet, chaque région aura individuellement la possibilité de réguler ces autorisations afin de contrôler au mieux ces nouvelles possibilités de plantation.

 

Ainsi dans le cas du Bordelais, l'extension ne représentera que 0,5 % de la surface du vignobles, ce qui représente 401 hectares. Parmi ceux-ci, seul 1 hectare sera destiné au vin sans indication géographique et les 400 autres à des vins d'AOP. Cette extension ne devrait donc pas avoir d'impact réel sur le marché et sur les prix.

 

Enfin, si dans certaines régions les plantations de nouvelles vignes seront automatiques, elles pourront être limitées dans d'autres par FranceAgrimer, afin de tenir compte des spécificités structurelles et économiques de chacune.

 

Et du point de vue des amateurs et des consommateurs, qu'est ce que ça change ?

 

On peut penser de prime abord à un effet positif pour le consommateur puisque celui-ci devrait avoir accès à un plus large choix de vins et de goûts. Il aura en effet la possibilité de se procurer des vins de provenances inédites et/ou élaborés à partir de nouveaux assemblages de cépages. On peut toutefois s'interroger sur l'effet de cette "nouvelle vague" sur les repères de consommateurs parfois déjà un peu perdus dans les choix existants, entre les diverses AOC, IGP, marques, cépages, mentions traditionnelles etc.

 

D'un point de vue plus juridique, il faudra être naturellement vigilant de ne pas voir à cette occasion surgir des produits qui, par le biais de leur packaging ou de leur communication, détourneraient ou parasiteraient certaines AOC ou IGP. Attention ainsi à ne pas voir demain dans les rayons un vin de table dont le vignoble serait "planté dans la Vallée du Rhône" ou "limitrophe de l'AOC Bordeaux". 

 

 

http://www.sudouest.fr/2015/12/30/des-vins-produits-partout-en-france-en-2016-il-y-aura-une-regulation-minimale-2230675-713.php

 

 

Posté

Le monde du vin français est l'exemple typique d'un non libéralisme absolu qui ne soit pas idéologique. C'est à dire qu'il s'agit d'un administrativisme (?) chimiquement pur qui s'est développé petit à petit.

Sur le fond les appellations et les aoc sont des labels qui pourraient exister dans n'importe quelle anarcapie.

En revanche n'importe qui devrait pouvoir vendre son vin même s'il ne peut pas l'appeller comme il le souhaite.

La petite libéralisation en cours va dans ce sens. Dans un premier temps elle va surtout servir aux gens qui souhaitent faire du vin hors des grandes zones viticoles.

Jusqu'en 2016 on n'avait pas le droit de planter une vigne sur son terrain pour vendre du vin sauf exception, voire sans exception pour les bretons et les nordistes. (Si si)

Posté

Le monde du vin français est l'exemple typique d'un non libéralisme absolu qui ne soit pas idéologique. C'est à dire qu'il s'agit d'un administrativisme (?) chimiquement pur qui s'est développé petit à petit.

Sur le fond les appellations et les aoc sont des labels qui pourraient exister dans n'importe quelle anarcapie.

En revanche n'importe qui devrait pouvoir vendre son vin même s'il ne peut pas l'appeller comme il le souhaite.

La petite libéralisation en cours va dans ce sens. Dans un premier temps elle va surtout servir aux gens qui souhaitent faire du vin hors des grandes zones viticoles.

Jusqu'en 2016 on n'avait pas le droit de planter une vigne sur son terrain pour vendre du vin sauf exception, voire sans exception pour les bretons et les nordistes. (Si si)

 

:chine:

 

J'ai bien peur hélas que cette libéralisation soit tuée dans l'oeuf. Il existe déjà des tas de contraintes et notamment un quota d'ha maxi et je suis persuadé que les vignerons en herbe se feront massacrer à coup de réglementations nouvelles.

Posté

:chine:

J'ai bien peur hélas que cette libéralisation soit tuée dans l'oeuf. Il existe déjà des tas de contraintes et notamment un quota d'ha maxi et je suis persuadé que les vignerons en herbe se feront massacrer à coup de réglementations nouvelles.

Les plus heureux aujourd'hui sont les gens qui veulent faire du vin hors zone viticole, comme en Île de France où il y a une dynamique.

Dans les zones traditionnelles il y aura du tirage dans les pattes pour ne pas augmenter les surfaces. Des petits tyrans feront tout pour mettre des barrières.

Il y a un quota de 8000 hectares à planter, c'est énorme dans le contexte français en décroissance.

Posté

Enfin, si je comprends bien, ce sont les vignerons eux mêmes, pour défendre leurs intérêts, qui ont réglementé tout ça à outrance. Pour une fois, c'est pas l'État, qui s'est "contenté" de suivre.

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Enfin, si je comprends bien, ce sont les vignerons eux mêmes, pour défendre leurs intérêts, qui ont réglementé tout ça à outrance. Pour une fois, c'est pas l'État, qui s'est "contenté" de suivre.

Pourquoi pour une fois ? C'est très souvent ainsi.

Dernier exemple en date : les chauffeurs de vtc qui réclamentdes quotas etc et qui ont manifesté pour une régulation massive.

Posté

1/ Le monde du vin français est l'exemple typique d'un non libéralisme absolu qui ne soit pas idéologique. C'est à dire qu'il s'agit d'un administrativisme (?) chimiquement pur qui s'est développé petit à petit.

2/ Sur le fond les appellations et les aoc sont des labels qui pourraient exister dans n'importe quelle anarcapie.

En revanche n'importe qui devrait pouvoir vendre son vin même s'il ne peut pas l'appeller comme il le souhaite.

La petite libéralisation en cours va dans ce sens. Dans un premier temps elle va surtout servir aux gens qui souhaitent faire du vin hors des grandes zones viticoles.

Jusqu'en 2016 on n'avait pas le droit de planter une vigne sur son terrain pour vendre du vin sauf exception, voire sans exception pour les bretons et les nordistes. (Si si)

 

1/ Justement, je m'interroge sur ce premier point : il y a un certain passif socialiste derrière les coopératives viticoles. Est-ce qu'il faut faire la distinction entre les petites vignerons qui se sont associés entre eux et les propriétaires des grands domaines ?

 

2/ D'un point de vue libéral, on pourrait donc empêcher un producteur d'appeler son vin comme il le souhaite ? Aujourd'hui les climats et les terroirs sont des unités géographiques définies de manière très arbitraire et qui soulèvent parfois des paradoxes assez incroyables, comme par exemple l'interdiction d'inscrire "vin de [nom de commune]" parce qu'une parcelle viticole a obtenu le monopole de cette appellation.

 

 

:chine:

 

J'ai bien peur hélas que cette libéralisation soit tuée dans l'oeuf. Il existe déjà des tas de contraintes et notamment un quota d'ha maxi et je suis persuadé que les vignerons en herbe se feront massacrer à coup de réglementations nouvelles.

 

Surtout qu'il faut 10 ans pour faire pousser de la vigne, ça demande une sacré visibilité à long terme...

 

 

Une petite anecdote amusante sur le sujet : certains comités de viticulteurs qui travaillent sur des versants ou des coteaux sont aujourd'hui en face d'un sérieux problème d'érosion de leurs parcelles, ce qui risque même de ruiner totalement leur business. Pourquoi ? Car ils ont interdit aux vignerons d'apporter régulièrement de la terre nouvelle sur leurs terrains*, pour de sombres raisons de terroirs, de qualité des sols, etc. Sauf qu'il s'agissait d'une pratique ancienne et nécessaire (depuis au moins le Moyen Âge) et ils vont donc subir le contrecoup de leur propre règlement. C'est quand même le combe de la réglementation, non ?

*Il faut dire qu'ils utilisaient les boues de curage des fossés, des chemins, des villes...

Posté

Enfin, si je comprends bien, ce sont les vignerons eux mêmes, pour défendre leurs intérêts, qui ont réglementé tout ça à outrance. Pour une fois, c'est pas l'État, qui s'est "contenté" de suivre.

bah, comme les toubibs et plein d'autres corporations.

L'état étant le seul à avoir la compétence horizontale de soutenir l'organisation de toutes les pénuries verticales.

 

Posté

Bon bah, oui c'est vrai, donc effectivement, confirmation que cpef, si les gens réclament plus et plus encore de réglementation que déjà en place. La désintoxication semble impossible ; il faudrait un dictateur libéral :lol:

Posté

Bon bah, oui c'est vrai, donc effectivement, confirmation que cpef, si les gens réclament plus et plus encore de réglementation que déjà en place. La désintoxication semble impossible ; il faudrait un dictateur libéral :lol:

Juppé va nous sauver avec son programme de libertés économiques.
Posté

Bon bah, oui c'est vrai, donc effectivement, confirmation que cpef, si les gens réclament plus et plus encore de réglementation que déjà en place. La désintoxication semble impossible ; il faudrait un dictateur libéral :lol:

Je crois que, individuellement, aucune corporation n'a totalement conscience que sa demande de réglementation est bel et bien de l'organisation de la pénurie. Ni même l'état. C'est largement de l'inconscience.

Mais, la non-compétitivité générée fonctionne comme des intérêts décroissants, cumulés. Donc, au bout d'un moment (déjà atteint en de multiples secteurs), l'écart avec l'étranger commence à se voir. Coté consommation, pour tout ce qui est encore actuellement facilement achetable et importable, ça ne se voit pas trop, car l'état n'a pas encore déclaré une guerre totale au consommateur.

Mais c'est comme pour tout, quand l'état a fini de saccager un truc, il passe à un autre (comme un gosse débile), donc c'est pas dit que ça dure.

Enfin bref, si ça se trouve, c'est quand les gens commenceront à bien mesurer l'écart par rapport au dehors que les choses bougeront peut-être. Mais ça peut prendre du temps. Et d'autant plus que le contrôle médiatique étatique se resserre à mesure, précisément pour que les gens ne prennent pas conscience du naufrage.

Posté

Enfin, si je comprends bien, ce sont les vignerons eux mêmes, pour défendre leurs intérêts, qui ont réglementé tout ça à outrance. Pour une fois, c'est pas l'État, qui s'est "contenté" de suivre.

Attention, ce sont les vignerons en place qui ont exigé, peu à peu toutes ces barrières à l'entrée. Mais cela ne doit pas dédouaner l'Etat qui a mis son nez dans des affaires qui ne le concerne nullement. En d'autres termes, les vignerons se sont servi de la force publique pour freiner l'innovation et l'arrivée de nouveaux entrants.

Comme d'hab quoi. Du corporatisme à la française comme il en existe depuis des siècles et que les révolutionnaires prétendaient faire disparaitre.

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