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Les 1001 raisons de venir

ARIANE van CALOEN

Mis en ligne le 25/04/2005

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Beaucoup de Français viennent en Belgique, même de façon temporaire, pour échapper à l'impôt sur la fortune, mais aussi pour d'autres raisons. De quoi faire grimper l'immobilier haut de gamme

JOHANNA DE TESSIERES

La Belgique, et en particulier certains lieux clés comme quelques communes bruxelloises (Uccle et Ixelles) ou les environs de Tournai et de Mouscron, sont-ils de plus en plus envahis par les «réfugiés fiscaux» français? Certains se le demandent au vu notamment des prix faramineux de l'immobilier haut de gamme. Alors, que disent les statistiques? Malheureusement, il n'y en a pas. Ce n'est pas le genre de données qui sont répertoriées.

Tout ce qu'on sait, c'est qu'il y a 115.000 résidents français en Belgique - c'est la deuxième communauté européenne étrangère derrière les Italiens -, dont une partie sont venus pour échapper à un fisc français très gourmand. On a cité des noms connus: les Halley (groupe Carrefour), les Mullier (les hypermarchés Auchan, Décathlon, Leroy Merlin,…), un héritier Vuitton, un Guerlin, le fondateur de la chaîne d'électroménager Darty ou des vedettes comme l'auteur à succès Eric-Emmanuel Schmitt.

Tous ces gens ont élu domicile dans des quartiers prisés. Ils vivent bien, même très bien, mais dans une grande discrétion en particulier vis-à-vis des médias.

Les raisons pour lesquelles ils sont venus s'installer en Belgique n'en sont pas moins évidentes. «On sent les Français dégoûtés de la taxation en France. C'est incroyable comme cela fait fuir les grandes fortunes», explique Annick Haerens, responsable de l'ingénierie patrimoniale de la filiale belge de la banque française Société générale.

Cela fait près de vingt ans que les grandes fortunes françaises sont dans le collimateur. Cela a commencé avec l'élection de François Mitterrand comme président de la République au début des années 80. C'est à ce moment-là qu'a été introduit l'IGF (l'impôt sur la grosse fortune).

Après avoir été supprimé au moment de la première cohabitation avec la droite - Jacques Chirac était Premier ministre -, il a été réintroduit par le nouveau gouvernement de gauche et du même coup rebaptisé l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Depuis, il n'y a pas la moindre proposition pour le remettre en cause. «Cela représente trop peu d'électeurs», entend-on dire sur un ton désabusé dans les milieux visés. «C'est un sujet tabou», ajoute-t-on. Autant pour la droite que la gauche.

C'est même un Premier ministre de droite, Alain Juppé, qui a remis en cause le mécanisme de plafonnement de l'ISF et, du même coup, encouragé une nouvelle vague de «délocalisations».

A l'heure actuelle, il faut avoir un patrimoine net (en déduisant les dettes) de minimum 732000 € pour être soumis à l'impôt sur la fortune. Nombre de Français sont concernés car ce montant tient compte de la première résidence. Et quand on sait qu'un mètre carré d'appartement ancien à Paris, 16e arrondissement, se vend jusqu'à 7000 €…

En 2003, l'ISF a rapporté 2,3 milliards d'euros et les prévisions de Bercy pour 2004 et 2005 sont de respectivement 2,6 et 2,8 milliards.

Mais ce n'est pas seulement pour échapper à l'impôt sur la fortune que les Français viennent en Belgique. Olivier Armand, avocat au sein du cabinet anglais SJ Berwin à Bruxelles, relève d'autres avantages offerts par la Belgique. Il cite l'impôt sur la plus-value qui, en France, s'élève à 26 pc (charges sociales comprises). C'est une taxation qui est appliquée «en fonction de la résidence fiscale», explique-t-il.

Conformément à la convention franco-belge, cette notion de résidence fiscale doit répondre à quatre critères successifs, le premier étant le foyer d'habitation permanent, le deuxième étant les centres d'intérêts vitaux (liens familiaux, liens patrimoniaux). Et pas question de tricher. «La capacité d'inquisition du fisc français est très grande», constate un réfugié fiscal. Cela crée même une «certaine paranoïa» dans les milieux concernés, reconnaît-il. Ce ne sont pas les histoires rocambolesques de tentatives de pression qui manquent.

Afin de lutter contre l'évasion fiscale (et éviter que certains patrons se délocalisent juste avant de vendre leur entreprise), la loi française de Finance du 30 décembre 98 avait introduit une taxation sur la plus-value latente («exit tax»). Dans un arrêt de mars 2004 baptisé «Lasteyrie du Saillant» (du nom du contribuable français qui a porté plainte), la Cour européenne de Justice (CEJ) «a jugé cette disposition contraire au traité de la Communauté européenne. Celle-ci a été supprimée dans la loi de Finance pour 2005», explique Me Armand. De quoi faire venir quelques Français en plus dans le plat pays…

Troisième avantage mais jusqu'à fin 2004: la taxation sur le dividende. Le résident français en Belgique pouvait profiter de ce qu'on appelle l'avoir fiscal en déduisant les impôts déjà payés en France et percevait un dividende net de 95 pc du montant brut. Ce système était avantageux pour tous ceux qui percevaient de gros dividendes comme notamment

les actionnaires du secteur de la distribution.

Les héritiers des grands groupes de la distribution font d'ailleurs partie des premières familles connues à s'être délocalisées. Et ce n'est pas un hasard s'ils ont choisi la Belgique, eux qui sont pour la plupart des gens du Nord.

Quatrième avantage: les dons manuels et droits de donation depuis peu fortement réduits en Belgique (3 à 7 pc selon que ce soit en ligne directe ou indirecte) alors que les droits de succession et les droits de donation sont soumis à l'impôt suivant un barème à taux progressifs dont la tranche la plus haute est imposée à 40 pc. Toutefois, ces possibilités de donations transfrontalières ont été limitées à la fin des années 90. Elles ne peuvent pas s'appliquer si les enfants résident en France depuis un certain temps.

Si les Français affluent, c'est aussi dans un souci de «sortir d'un système où le cadastre systématique du patrimoine est réalisé», explique un spécialiste.

Mais que ce soit clair: ce sont surtout pour les rentiers français fortunés que la «Belgique est un paradis fiscal», estime Annick Haerens. Vu l'impôt sur le travail très élevé en Belgique, un haut cadre encore actif, lui, ne va pas y trouver son bonheur. Il préférera aller dans un pays comme l'Angleterre.

Il est aussi clair que de nombreux «réfugiés» rentreront chez eux dès que l'opportunité se présentera. «Il y en a pas mal qui vivent cette délocalisation «comme une punition», explique un Français.

Pour certains, il s'agit même d'un «choix temporaire». Ils viennent notamment pour exercer leurs «stock options», qui ne sont pas taxés «à la sortie» en Belgique contrairement à la France. Une fois la plus-value encaissée, ils plient bagage. Ils seront venus à Bruxelles un an au plus. Cela s'appelle du «shopping fiscal». Il est intéressant à pratiquer dans différents pays à partir d'un certain niveau de revenus.

Mais, il y a aussi les autres Français. Ceux qui ne restent pas qu'entre eux et qui sont heureux de trouver en Belgique une qualité de vie qu'ils n'ont pas à Paris. Et dans les raisons qui les font rester, «n'oubliez pas la gentillesse des Belges», précise l'un d'entre eux.

Vraiment un pays de cocagne, la Belgique…

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