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Poncet &Vuillemey : "Libération des normes comptables"


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Libération des normes comptables

Par Vincent Poncet & Guillaume Vuillemey le dimanche 7 février 2010, 16:49 - Article - Lien permanent

Banques Crise Mark-to-market Normes comptables Le monopole étatique de fixation des normes comptables doit être remis en question.

En France et en Europe, les régulateurs s'activent pour faire de la réforme des normes comptables une des priorités de l'année 2010.

Dans son discours d'ouverture du forum de Davos, Nicolas Sarkozy a jugé l'enjeu « crucial » et a insisté sur sa volonté de définir des normes communes à l'échelle mondiale. Au sein de l'Union Européenne, Michel Barnier, nouveau commissaire au marché intérieur, devrait pousser dans le sens du rapport de Larosière qui, en 2009, recommandait la révision des conditions d'application des modèles comptables.

Si le rôle de la disposition dite mark-to-market dans la crise financière a certainement été surestimé, la question de la valorisation des actifs dans les bilans bancaires demeure. Quelle norme comptable faut-il imposer pour estimer la valeur des actifs, notamment des moins liquides ?

La question ne se pose pas en ces termes, car les valeurs que l'on cherche à quantifier ne sont pas des données objectives. Dès lors, c'est le monopole étatique de fixation des normes comptables qui doit être questionné.

Depuis de nombreuses années, les régulateurs nationaux et internationaux tentent de donner corps au concept de fair value, pour déterminer la manière dont les actifs doivent être valorisés d'un point de vue comptable. Pour les actifs les plus liquides, le mark-to-market a été imposé. En d'autres termes, cela consiste, pour les entreprises, à inscrire dans leur comptabilité leurs actifs à leur valeur de marché. A première vue, il n'y a là rien d'anormal.

Mais dans le cas des banques, les effets de mark-to-market se conjuguent avec ceux d'autres dispositions, parmi lesquelles les ratios de Bâle II. Cette réglementation impose aux banques d'avoir des fonds propres réglementaires représentant au moins de 8% de leurs actifs totaux, ceci étant pondéré par les risques. Ainsi, en raison des dispositions mark-to-market et Bâle II, dès que le prix de marché de certains actifs baisse, les banques doivent augmenter leur capital ou vendre certains de leurs actifs, ce qui prolonge ou accentue la baisse de leurs cours. Ainsi, au lieu d'imputer un caractère pro-cyclique à la comptabilité mark-to-market, il serait donc plus juste de l'attribuer à la réglementation Bâle II.

Les normes mark-to-market sont-elles pour autant idéales ? Davantage que cette disposition précise, c'est le concept qui l'inspire - celui de fair value - qui mérite d'être remis en cause. En effet, le concept de fair value n'a pas de signification économique réelle. La valeur d'une entreprise tient à l'agencement de différentes activités et ressources d'une manière cohérente. La valeur d'une entreprise est donc, par nature, un concept subjectif qui ne peut faire l'objet d'une mesure objective. En termes simples : avec des ressources identiques, deux entreprises peuvent avoir des valeurs très différentes selon qu'elles savent bien ou mal les utiliser. Dans ce contexte, penser que la valeur d'une firme peut être réduite à la somme des prix de marché de ses actifs minorée des prix de marché de ses passifs, c'est nier sa réalité. C'est pourtant sur cette manière d'appréhender l'économie que repose le monopole de fixation des normes comptables dont bénéficient le FASB (Financial Accounting Standards Board) aux États-Unis et l'IASB (International Accounting Standards Board) au niveau international. En imposant un modèle unique, ces autorités donnent arbitrairement une dimension objective à des éléments subjectifs, avec les effets pervers que cela implique.

C'est pourquoi il convient de remettre en cause ces monopoles de fixation des règles comptables. Les entreprises devraient être libres de publier leurs comptes selon le modèle qui leur convient le mieux. Les modèles les plus demandés par les investisseurs et les gérants des entreprises – c'est-à-dire les modèles les plus efficaces – émergeront progressivement. Plus vraisemblablement, les grandes entreprises publieront leurs comptes selon différents modèles. La controverse actuelle entre la comptabilisation mark-to-market, valeur au temps présent, et la comptabilisation aux coûts historiques, valeur au temps passé, serait balayée. On peut également imaginer l'apparition de nouveaux modèles, par exemple une comptabilité des flux de trésorerie futurs. Avec ces trois modèles, les investisseurs, les gérants des entreprises et les décideurs publics auraient une image passée, présente et future de la valorisation de l'entreprise. Une telle présentation des comptes n'impliquerait pas de surcoûts fondamentaux pour les grandes entreprises qui, grâce aux outils informatiques actuels, elles utilisent déjà de multiples modèles de valorisation pour mesurer et gérer l’activité de leur entreprise.

Mais en plus de servir de moyen d'information à destination des investisseurs, la comptabilité remplit une deuxième fonction : elle définit les bases fiscales des entreprises, qui doivent être les mêmes pour toutes. Néanmoins, ceci n'est pas un obstacle à la suppression du monopole de fixation des normes comptables. En effet, l'État peut imposer un modèle comptable servant uniquement à la fiscalité, celui-ci coexistant avec d'autres modèles servant les investisseurs ou les gérants des entreprises.

Les normes comptables ne doivent pas ignorer la nature fondamentale de l'entreprise, à savoir un agencement de ressources dont la valeur est nécessairement subjective. C'est pourquoi il convient d'abandonner toute norme comptable monopolistique prétendant à l'objectivité. Au contraire, la coexistence de plusieurs modèles permettrait d'offrir davantage d'informations aux investisseurs et aux gérants des entreprises.

Vincent Poncet et Guillaume Vuillemey sont analystes associés à l'Institut Turgot. Cet article a été initialement publié dans l'AGEFI du 4 février 2009.

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Avec ces trois modèles, les investisseurs, les gérants des entreprises et les décideurs publics auraient une image passée, présente et future de la valorisation de l'entreprise. Une telle présentation des comptes n'impliquerait pas de surcoûts fondamentaux pour les grandes entreprises qui, grâce aux outils informatiques actuels, elles utilisent déjà de multiples modèles de valorisation pour mesurer et gérer l’activité de leur entreprise.

Franchement, si l'idée défendue dans l'article est intéressante, la coexistence de trois méthodes de comptabilité serait extrêmement coûteuse en temps et en argent.

Par ailleurs, le processus d'établissement des comptes n'est pas une mécanique aveugle: il est le fruit de choix d'options comptables (dans le cadre des règles de comptabilité générale comme l'IFRS) et de négociations avec les CAC. Personne ne prétend donc que les comptes établis sont "objectifs" au sens où ils seraient la seule vision financière possible d'une entreprise.

Enfin les personnes compétentes savent faire la différence entre la valeur comptable d'une entreprise et sa valeur de marché. En ce sens, les informations comptables publiées par les entreprises doivent être comprises comme une base de départ pour leur évaluation et être mises en perspective sur plusieurs exercices. Mais tout cela est bien expliqué dans les rapports annuels de toutes les sociétés.

Je ne pense donc pas que la libération des normes comptables soit vraiment un combat essentiel. Reste la question de la comptabilité bancaire mais c'est un problème plus spécifique qu'il ne faut pas noyer dans une démarche trop générale.

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Franchement, si l'idée défendue dans l'article est intéressante, la coexistence de trois méthodes de comptabilité serait extrêmement coûteuse en temps et en argent.

Par ailleurs, le processus d'établissement des comptes n'est pas une mécanique aveugle: il est le fruit de choix d'options comptables (dans le cadre des règles de comptabilité générale comme l'IFRS) et de négociations avec les CAC. Personne ne prétend donc que les comptes établis sont "objectifs" au sens où ils seraient la seule vision financière possible d'une entreprise.

Enfin les personnes compétentes savent faire la différence entre la valeur comptable d'une entreprise et sa valeur de marché. En ce sens, les informations comptables publiées par les entreprises doivent être comprises comme une base de départ pour leur évaluation et être mises en perspective sur plusieurs exercices. Mais tout cela est bien expliqué dans les rapports annuels de toutes les sociétés.

Je ne pense donc pas que la libération des normes comptables soit vraiment un combat essentiel. Reste la question de la comptabilité bancaire mais c'est un problème plus spécifique qu'il ne faut pas noyer dans une démarche trop générale.

Comme je le dis dans l'article :

Une telle présentation des comptes n'impliquerait pas de surcoûts fondamentaux pour les grandes entreprises qui, grâce aux outils informatiques actuels, elles utilisent déjà de multiples modèles de valorisation pour mesurer et gérer l’activité de leur entreprise.

C'est l'objet de tous les progiciels de planning&budgeting pour grands comptes que de gérer une compta en multidimensionel, multi-plan comptable, multi-valorisation. Et ces produits existent parce que le besoin existe déjà. Notamment pour des questions de gestion, on veux valoriser des choses différemment pour évaluer des scénarios, et pour des questions réglementaires, une entreprise multi-nationale doit fournir une compta aux investisseurs selon différents modèles étatiques, de même pour la fiscalité qui est elle aussi localisée, etc…

Tout cela existe donc déjà, d'où mon point sur le fait que le surcoût ne serait pas excessif, et donc que ce ne serait pas un frein à ce type de demande de la part des investisseurs.

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une entreprise multi-nationale doit fournir une compta aux investisseurs selon différents modèles étatiques, de même pour la fiscalité qui est elle aussi localisée, etc…

De toute façon, je doute qu'une norme comptable destinée aux fisc ait besoin d'être très élaborée ?

Si la concurence fiscale était intense, les taxes aurait une large tendance à se "fonciariser" pour éviter l'évasion, la base fiscale serait alors on ne peu plus simple.

Pour ce qui est des normes comptables 'à la carte' elles devront néanmoins être rigoureusement formalisées, ne serais-ce, que du fait du traitement informatique. On peut penser aussi que les associations de comptables et les université (pour l'enseignement) veilleront à ce que les artistes n'aient pas trop leur place en la matière en produisant des labels pour pour un nombre réduit de normes reconnues et les principaux challengers.

Bravo pour l'article.

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Article très intéressant merci !

C'est l'objet de tous les progiciels de planning&budgeting pour grands comptes que de gérer une compta en multidimensionel, multi-plan comptable, multi-valorisation. Et ces produits existent parce que le besoin existe déjà. Notamment pour des questions de gestion, on veux valoriser des choses différemment pour évaluer des scénarios, et pour des questions réglementaires, une entreprise multi-nationale doit fournir une compta aux investisseurs selon différents modèles étatiques, de même pour la fiscalité qui est elle aussi localisée, etc…

Tout cela existe donc déjà, d'où mon point sur le fait que le surcoût ne serait pas excessif, et donc que ce ne serait pas un frein à ce type de demande de la part des investisseurs.

Ça n'existe pas partout, ça n'est pas toujours exploité là où ça existe et ça n'est pas toujours exploité correctement quand ça l'est. Et il ne faut pas oublier les coûts de conversion, ne serait-ce que le temps que les services compta et les acteurs du marché en général s'habituent à de nouvelles normes, en comptant les résistances psychologiques, puis les coûts de formation supplémentaires derrière. Ce qui n'implique effectivement pas nécessairement de surcoûts fondamentaux mais rend l'ensemble difficilement évaluable quand même.

De mon point de vue d'informaticien qui a bossé en DSI en moyenne entreprise et vu les défilés de dirigeants et contrôleurs de gestion dans le service dès que la direction demandait des chiffres un peu ésotériques juste pour le décisionnel en interne, les chamboulements et parfois les erreurs que ça occasionnait, j'ai un petit biais qui me pousse au scepticisme quant à la faiblesse des coûts occasionnés par l'adoption de normes multiples.

Sinon l'existence d'une norme d'état obligatoire entrave-t-elle vraiment une publication supplémentaire sous d'autres normes ?

Et si les entreprises restent fatalement soumises à l'obligation de publication sous une norme donnée pour la fiscalité, ne risquent-elles pas d'éviter le coût supplémentaire d'une nouvelle présentation ?

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Article très intéressant merci !

Ça n'existe pas partout, ça n'est pas toujours exploité là où ça existe et ça n'est pas toujours exploité correctement quand ça l'est. Et il ne faut pas oublier les coûts de conversion, ne serait-ce que le temps que les services compta et les acteurs du marché en général s'habituent à de nouvelles normes, en comptant les résistances psychologiques, puis les coûts de formation supplémentaires derrière. Ce qui n'implique effectivement pas nécessairement de surcoûts fondamentaux mais rend l'ensemble difficilement évaluable quand même.

De mon point de vue d'informaticien qui a bossé en DSI en moyenne entreprise et vu les défilés de dirigeants et contrôleurs de gestion dans le service dès que la direction demandait des chiffres un peu ésotériques juste pour le décisionnel en interne, les chamboulements et parfois les erreurs que ça occasionnait, j'ai un petit biais qui me pousse au scepticisme quant à la faiblesse des coûts occasionnés par l'adoption de normes multiples.

Sinon l'existence d'une norme d'état obligatoire entrave-t-elle vraiment une publication supplémentaire sous d'autres normes ?

Et si les entreprises restent fatalement soumises à l'obligation de publication sous une norme donnée pour la fiscalité, ne risquent-elles pas d'éviter le coût supplémentaire d'une nouvelle présentation ?

Dans les boites type CAC40, càd celles concernés par le débat fair value, il y a forcément du multi-plan comptable ne serait-ce que parce qu'il s'agit de multinationales.

Et sur la partie comptable analytique, les modèles d'évaluations doivent changer assez souvent, car ce sont les indicateurs du management, et à chaque fois que l'on veux évaluer une chose, on doit bien créer de nouvelles dimensions dans l'analytique comptable.

Bien sûr, un paramétrage, ça coute toujours quelque chose, mais les briques et les process sont déjà là.

à ce niveau là, il y a forcément des progiciels comptables analytiques multi-dimensionels en place, type Oracle Financials, ou les déclinaisons métiers d'acteurs de l'analytique comme Hyperion ou Cognos.

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