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Poncet & Vuillemey : "La montée d'un étatisme du désastre"


vincponcet

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Bravo pour cette publication. Dans Le Figaro, c'est pas évident et l'article relève le niveau. Néanmoins, je vois quelques problèmes.

Les multiples visages de la crise offrent aux gouvernements autant d'opportunités de consolider leurs prérogatives, aussi bien au niveau national qu'européen ou mondial. Citons pêle-mêle la lutte contre les paradis fiscaux, la régulation financière ou la nationalisation partielle d'entreprises.

Ce constat n'est pas neuf. En 1856, Tocqueville décelait à travers les siècles un renforcement constant du pouvoir que les troubles de 1789 ne stoppèrent pas. En 1945, dans son étude Du pouvoir, Bertrand de Jouvenel livrait un panorama de l'émergence et de la croissance de l'État depuis les sociétés tribales jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

Cette tendance de long terme s'est poursuivie jusqu'au cours des dernières années. Des États providence ont été mis en place et sans cesse consolidés. Les prélèvements obligatoires ont atteint des taux auparavant inconnus dans l'histoire.

Autant le point initial de la "stratégie du choc" était clairement et simplement illustré par les exemples d'actualité, autant là il manque quelque chose. Tout ce que vous dites, c'est que Tocqueville & Jouvenel ont constaté dans l'histoire la croissance de l'Etat. Ca participe de la réfutation de l'idée que le "capitalisme" gagne toujours plus de terrain mais ça n'illustre pas que l'Etat gagne du terrain par la stratégie du choc.

Et là réside le paradoxe de notre temps : jamais l'État n'a été aussi omniprésent, mais jamais sa présence n'a été aussi peu ressentie. Deux explications au moins peuvent permettre d'éclairer cette apparente contradiction.

Tout d'abord, la multiplication des interventions publiques génère ses propres effets pervers et ses inefficacités. En 1947, l'économiste Ludwig von Mises évoquait «le chaos du planisme» pour désigner cette logique. En un mot, si l'État s'occupe de tout, il ne peut rien accomplir correctement et donne un sentiment d'impuissance. Le désir d'ordre a pour conséquence le désordre. In fine, la demande d'État s'accroît.

Là, c'est trop rapide. Le point de Mises n'est pas que si l'Etat s'occupe de tout il ne peut rien accomplir correctement et donc que moins il en fait, mieux il fait. Pour Mises, un controle de prix n'a pas les effets décrits par ceux qui le défendent, ça reste vrai que l'Etat s'occupe de tout ou qu'il ne fasse qu'un seul contrôle d'un prix. Le point est qu'une intervention de l'Etat a des effets problématiques autres que ceux qui étaient prétendument voulus par ses défenseurs et que tant que leur cause n'est pas identifiée, la même "logique" qui a fait émerger la première intervention fera émerger d'autres interventions pour corriger les effets de la première, ces interventions auront elles-mêmes de nouveaux effets pervers à corriger, etc. jusqu'à ce que la société soit entièrement militarisée, que le système des prix soit détruit. D'où le "chaos du planisme".

Ce qui est trop rapide aussi, c'est que le point suppose déjà connu ce qu'il était censé montrer, en l'occurrence la raison pour laquelle la "demande d'Etat" s'accroit. Si l'Etat "n'accomplit rien correctement" et "donne un sentiment d'impuissance", on n'a pas là une raison de voir la demande d'Etat s'accroitre. A première vue, ça a plutôt l'air d'un argument expliquant que les gens ne vont plus y croire, c'est-à-dire l'inverse de ce que vous vouliez expliquer. Il faut autre chose, à savoir la croyance que si un truc déconne, ce n'est pas du fait de l'Etat et que l'Etat offre une solution et il faut que cette croyance persiste. L'opinion publique voit un remède dans le venin. Dès lors l'Etat en injecte, la maladie s'aggrave et ainsi de suite. La demande d'Etat s'accroit du fait de cette erreur persistante.

Par ailleurs, plus le rôle de l'État est important, plus grand est le nombre de personnes qui en vivent. Si la dépendance est évidente pour certains (fonctionnaires, allocataires de minima sociaux, etc.), elle l'est moins pour d'autres. Citons le cas de nombreuses professions, étouffées par les taxes ou les réglementations, qui ne peuvent subsister que parce qu'elles sont protégées par des privilèges ou des quotas. De même, certaines entreprises, voire certains secteurs d'activité, ne peuvent se maintenir qu'en raison de subventions.

Chipotage bis: il y a un truc pas clair là. La dernière phrase dit presque la même chose que la deuxième proposition de la précédente. De plus, si une profession est protégée par des privilèges, on peut difficilement dire qu'elle est étouffée. C'est l'un ou l'autre, me semble-t-il.

Le fonctionnement du marché est lentement dénaturé. Progressivement, l'illusion du marché remplace le marché véritable : les passe-droits, les exemptions, les statuts spéciaux et les aides publiques se multiplient. La concurrence qui subsiste est vécue comme d'autant plus rude. Les incitations à dénoncer les «excès» du marché et à plaider pour davantage d'intervention s'amplifient. La libre entreprise se mue peu à peu en capitalisme d'État.

Là par contre, on a un truc clé qui correspond au point manquant sur la question de la "demande d'Etat" plus haut, c'est cette histoire d'illusion. Les gens doivent croire qu'ils sont victime du "marché". Quand on nationalise tout à tour de bras, c'est difficile, par contre lorsque le marché est entravé par de multiples réglementations, le lien est beaucoup plus difficile à établir pour le grand public, d'où l'illusion du marché.

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Chipotage :

"capitalisme d'Etat", c'est un peu dommage. Mises dit bien que le capitalisme c'est la propriété privée des moyens de production et surtout, que si on a le titre propriété mais pas la liberté d'usage (trop de règlementation) on n'a plus la propriété. Donc plus le capitalisme.

Il me semble au contraire que c'est très bien de parler de "capitalisme d'Etat". Il faut bien avoir en tête que dans le langage commun, repris par Naomi Klein d'ailleurs, le capitalisme est à la fois la marché libre (Mises) et le "capitalisme qu'on a aujourd'hui" c'est-à-dire le marché entravé. Un mot pour les deux choses, les gens tendent à ne pas voir de différence ou à passer de l'un à l'autre sans s'en rendre compte. On tombe dans "l'illusion du marché" dont parlent Vincent et Guillaume. D'où l'intérêt de parler de "capitalisme d'Etat" pour l'un et de "capitalisme libéral" pour l'autre. Le choix de V et G suggère au moins une différence qu'il serait plus difficile de voir que si on ne parlait que de capitalisme et de socialisme.

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