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Poncet & Vuillemey : "La montée d'un étatisme du désastre"


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La montée d'un étatisme du désastre

Par Caroline De Malet

11/02/2010 | Mise à jour : 18:24 Réagir

TRIBUNE - Les chercheurs associés à l'Institut Turgot Vincent Poncet et Guillaume Vuillemey s'interrogent sur l'opportunité d'accroître la place de l'État en période de crise.

Best-seller mondial accueilli il y a deux ans avec les faveurs d'une large partie de la critique, La Stratégie du choc de la journaliste canadienne Naomi Klein mérite d'être ressorti. Sa thèse sur «la montée d'un capitalisme du désastre» peut être résumée d'une phrase : à la faveur des crises et des catastrophes, le capitalisme étend son emprise sur les peuples en jouant de leur faiblesse momentanée. L'actualité met à mal cette théorie audacieuse. Dans l'ombre de la crise économique, c'est au contraire un «étatisme du désastre» qui prospère.

Les multiples visages de la crise offrent aux gouvernements autant d'opportunités de consolider leurs prérogatives, aussi bien au niveau national qu'européen ou mondial. Citons pêle-mêle la lutte contre les paradis fiscaux, la régulation financière ou la nationalisation partielle d'entreprises.

Ce constat n'est pas neuf. En 1856, Tocqueville décelait à travers les siècles un renforcement constant du pouvoir que les troubles de 1789 ne stoppèrent pas. En 1945, dans son étude Du pouvoir, Bertrand de Jouvenel livrait un panorama de l'émergence et de la croissance de l'État depuis les sociétés tribales jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

Cette tendance de long terme s'est poursuivie jusqu'au cours des dernières années. Des États providence ont été mis en place et sans cesse consolidés. Les prélèvements obligatoires ont atteint des taux auparavant inconnus dans l'histoire. Et là réside le paradoxe de notre temps : jamais l'État n'a été aussi omniprésent, mais jamais sa présence n'a été aussi peu ressentie. Deux explications au moins peuvent permettre d'éclairer cette apparente contradiction.

Tout d'abord, la multiplication des interventions publiques génère ses propres effets pervers et ses inefficacités. En 1947, l'économiste Ludwig von Mises évoquait «le chaos du planisme» pour désigner cette logique. En un mot, si l'État s'occupe de tout, il ne peut rien accomplir correctement et donne un sentiment d'impuissance. Le désir d'ordre a pour conséquence le désordre. In fine, la demande d'État s'accroît.

Par ailleurs, plus le rôle de l'État est important, plus grand est le nombre de personnes qui en vivent. Si la dépendance est évidente pour certains (fonctionnaires, allocataires de minima sociaux, etc.), elle l'est moins pour d'autres. Citons le cas de nombreuses professions, étouffées par les taxes ou les réglementations, qui ne peuvent subsister que parce qu'elles sont protégées par des privilèges ou des quotas. De même, certaines entreprises, voire certains secteurs d'activité, ne peuvent se maintenir qu'en raison de subventions.

Le fonctionnement du marché est lentement dénaturé. Progressivement, l'illusion du marché remplace le marché véritable : les passe-droits, les exemptions, les statuts spéciaux et les aides publiques se multiplient. La concurrence qui subsiste est vécue comme d'autant plus rude. Les incitations à dénoncer les «excès» du marché et à plaider pour davantage d'intervention s'amplifient. La libre entreprise se mue peu à peu en capitalisme d'État.

Dans ce contexte, réformer graduellement relève souvent de la gageure. Chaque changement est vécu comme une agression d'une catégorie contre une autre : de la grande distribution contre le petit commerce, des banques contre les contribuables, etc. La paralysie gagne lentement. L'horizon temporel des hommes politiques se raccourcit. La politique spectacle ne gère plus que l'urgence. L'État est condamné à gérer une crise après l'autre. Puis survient un point critique où la population perd subitement confiance dans le modèle social. La faillite et les troubles sociaux menacent. L'État doit alors cesser de ne vivre que d'expédients pour envisager de plus amples réformes. Espérons que le gouvernement soit capable de relever ce défi à venir.

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Bravo. Félicitation pour amener de la clarté jusqu'aux yeux du grand public. (Ca pique un peu).

Chipotage :

"capitalisme d'Etat", c'est un peu dommage. Mises dit bien que le capitalisme c'est la propriété privée des moyens de production et surtout, que si on a le titre propriété mais pas la liberté d'usage (trop de règlementation) on n'a plus la propriété. Donc plus le capitalisme.

Sinon, la thèse de Tocqueville dans

ce n'est pas juste que 1789 "n'a pas stoppé" l'extension du contrôle étatique, mais bien qu'elle l'a amenée un cran plus haut. Exemple tout bête : le système métrique. Tant qu'il existait des unités de mesures diverses et variées sur le territoire, opérer le contrôle était plus dur.

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Bravo. Félicitation pour amener de la clarté jusqu'aux yeux du grand public. (Ca pique un peu).

Chipotage :

"capitalisme d'Etat", c'est un peu dommage. Mises dit bien que le capitalisme c'est la propriété privée des moyens de production et surtout, que si on a le titre propriété mais pas la liberté d'usage (trop de règlementation) on n'a plus la propriété. Donc plus le capitalisme.

Je connais bien la définition de Mises, mais elle me semble un peu trop restrictive, au point que le capitalisme n'existe nul part ni n'aurait existé dans l'histoire.

Les définitions puristes sont utiles pour définir des systèmes, mais pour discuter dans le monde réel qui est forcément un entre deux, cela n'est pas très utile.

Aussi, c'est un article pour le grand public, et pour le grand public, capitalisme, ça fait plus référence à la notion d'échanges qu'à la notion de droits de propriété légitimes.

De là, dans des discussions avec des gens hors cercles libéraux, je parle de capitalisme libéral et de capitalisme d'Etat.

C'est une question de communication, je pense que c'est plus compréhensible de cette manière, car si j'avais utilisé la définition selon Mises, il aurait fallu que je redonne la définition, et ce n'était pas l'objet de l'article que de parler de sémantique libérale.

Sinon, la thèse de Tocqueville dans

ce n'est pas juste que 1789 "n'a pas stoppé" l'extension du contrôle étatique, mais bien qu'elle l'a amenée un cran plus haut. Exemple tout bête : le système métrique. Tant qu'il existait des unités de mesures diverses et variées sur le territoire, opérer le contrôle était plus dur.

ok.

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Exemple tout bête : le système métrique. Tant qu'il existait des unités de mesures diverses et variées sur le territoire, opérer le contrôle était plus dur.

Tellement dur que tous les paysans qui ne savaient pas lire pouvaient systématiquement se faire enfler par la ferme générale lors des prélèvements, parce qu'il y avait des dizaines d'unités de mesure et les usages pouvaient varier du tout au tout d'un patelin à l'autre. Je ne suis pas certain que les honnêtes gens aient perdus à l'harmonisation des normes de mesure, même si on peut déplorer qu'elle ait été faite par l'État, et que le Léviathan en ait aussi tiré grandement avantage.

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Tellement dur que tous les paysans qui ne savaient pas lire pouvaient systématiquement se faire enfler par la ferme générale lors des prélèvements, parce qu'il y avait des dizaines d'unités de mesure et les usages pouvaient varier du tout au tout d'un patelin à l'autre. Je ne suis pas certain que les honnêtes gens aient perdus à l'harmonisation des normes de mesure, même si on peut déplorer qu'elle ait été faite par l'État, et que le Léviathan en ait aussi tiré grandement avantage.

Je me demande si tu ne sous estimes pas un peu les paysans.

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Et là réside le paradoxe de notre temps : jamais l'État n'a été aussi omniprésent, mais jamais sa présence n'a été aussi peu ressentie. Deux explications au moins peuvent permettre d'éclairer cette apparente contradiction.

Après ce passage, je croyais que vous alliez parler de cette idée très importante de Hoppe :

L'apparente ouverture à tous des fonctions du pouvoir en démocratie tend à anéantir la conscience de classe des exploités. D'où la croissance de l'Etat.

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C'est écrit "Les chercheurs associés à l'Institut Turgot Vincent Poncet et Guillaume Vuillemey "

Je ne suis pas aveugle, sinon je n'aurais pas lu l'article. Je pensais que Guillaume travaillait pour Molinari, cette signature m'étonne.

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Tellement dur que tous les paysans qui ne savaient pas lire pouvaient systématiquement se faire enfler par la ferme générale lors des prélèvements, parce qu'il y avait des dizaines d'unités de mesure et les usages pouvaient varier du tout au tout d'un patelin à l'autre. Je ne suis pas certain que les honnêtes gens aient perdus à l'harmonisation des normes de mesure, même si on peut déplorer qu'elle ait été faite par l'État, et que le Léviathan en ait aussi tiré grandement avantage.

Jacobin ! Comme si l'harmonisation du système des poids et mesures par l'administration publique était dénuée d'arrières pensées et d'enjeux de pouvoirs. Grand naif, va !!!

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Jacobin ! Comme si l'harmonisation du système des poids et mesures par l'administration publique était dénuée d'arrières pensées et d'enjeux de pouvoirs. Grand naif, va !!!

Tu as des illustrations sur ce point ?

Je ne suis pas aveugle, sinon je n'aurais pas lu l'article. Je pensais que Guillaume travaillait pour Molinari, cette signature m'étonne.

Je ne peux pas répondre pour lui.

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Je me demande si tu ne sous estimes pas un peu les paysans.

Loin de moi cette idée. Il n'était toutefois pas rare de trouver des unités différentes dans chaque localité ; impossible alors de s'y retrouver sans avoir accès à des documents écrits permettant de faire des conversions. Les abus de la ferme générale étaient d'ailleurs fréquents et c'était bien connu des contribuables, qui ne pouvaient cependant rien faire car ils ne pouvaient rien prouver devant les autorités.

Si ma mémoire est bonne, les fermiers généraux, les percepteurs de l'époque, n'étaient pas des fonctionnaires mais des sous-traitants de l'administration : ils avaient une charge qui consistait à verser aux ayant-droits le montant de l'impôt sensé être généré par les terres dont ils avaient la responsabilité. Naturellement, ils prélevaient souvent un peu plus et empochaient la différence.

Jacobin ! Comme si l'harmonisation du système des poids et mesures par l'administration publique était dénuée d'arrières pensées et d'enjeux de pouvoirs. Grand naif, va !!!

Jacobin ? As-tu lu mon message, que tu cites, jusqu'à la fin ?

Je ne dis pas que les gens de pouvoir n'ont rien gagné, je dis que les contribuables y ont aussi gagné. Et quand à savoir quelles étaient les intentions des décideurs, je te laisse spéculer ; le probable ne couvre pas l'ensemble du possible.

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Tu as des illustrations sur ce point ?

Plutôt une intuition raisonnée rothbardienne : si l'Etat est un compétiteur qui cherche à maximiser son pouvoir discrétionnaire, se poser comme médiateur indispensable (c'est-à-dire comme seul organe légitime à décider sur ce point) pour la réorganisation rationnelle de la France post-révolutionnaire équivaut à asseoir son monopole dans un tas de domaines qui ne le concerne pas. En d'autres termes, la réforme du système des poids et mesures, qui s'inscrit par ailleurs dans une vague de réformes touchant à l'Etat (création des départements, combat contre les patois locaux) était peut-être nécessaire (elle était demandée par les acteurs locaux via les cahiers de doléances our faciliter les relations de commerce, et l'état royal avait tenté sans succès plusieurs réformes dans ce sens), mais la façon dont elle s'est imposée (via le légicentrisme révolutionnaire) s'est peut-être fait sur le moment à l'avantage des individus (à la société), mais plus sûrement aux gouvernants. Encore une fois, plutôt que de laisser les individus déterminer entre eux leurs modes de coopération, l'Etat s'est posé comme l'intermédiaire indispensable aux yeux de tous dans un domaine qui ne le concernait que de très loin.

Silhouette : je te charrie. Tu es plus un physiocrate en fait :icon_up:

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Si ma mémoire est bonne, les fermiers généraux, les percepteurs de l'époque, n'étaient pas des fonctionnaires mais des sous-traitants de l'administration : ils avaient une charge qui consistait à verser aux ayant-droits le montant de l'impôt sensé être généré par les terres dont ils avaient la responsabilité. Naturellement, ils prélevaient souvent un peu plus et empochaient la différence.

Absolument. La privatisation de la perception, la délégation des sévices pubiques avant la lettre.

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Je connais bien la définition de Mises, mais elle me semble un peu trop restrictive, au point que le capitalisme n'existe nul part ni n'aurait existé dans l'histoire.

Les définitions puristes sont utiles pour définir des systèmes, mais pour discuter dans le monde réel qui est forcément un entre deux, cela n'est pas très utile.

Aussi, c'est un article pour le grand public, et pour le grand public, capitalisme, ça fait plus référence à la notion d'échanges qu'à la notion de droits de propriété légitimes.

Bien d'accord, le mot capitalisme a maintenant trop de sens différent pouvoir être utilisé tout seul.

Et le terme "Capitalisme libéral" permet d'attirer l'attention de l'interlocuteur sur le fait que tout ce qui est appelé capitalisme ne respecte pas forcement les principes libéraux.

En ce qui me concerne, j'utilise "capitalisme libéral" par opposition au "capitalisme de connivence" et au "capitalisme d'Etat".

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