Johnnieboy Posté 13 juin 2013 Signaler Posté 13 juin 2013 Moi je suis en train de lire "Éloge de l'ombre" de Tanizaki. C'est merveilleusement bien écrit et inspire de nombreuses réflexions sur la civilisation occidentale. Le passage sur les mérites des toilettes à la japonaise est un chef-d'oeuvre du genre. « Car un laque décoré à la poudre d'or n'est pas fait pour être embrassé d'un seul coup d'oeil dans un endroit illuminé, mais pour être deviné dans un lieu obscur, dans une lueur diffuse qui, par instants, en révèle l'un ou l'autre détail, de telle sorte que, la majeure partie de son décor somptueux constamment caché dans l'ombre, il suscite des résonances inexprimables. De plus, la brillance de sa surface étincelante reflète, quand il est placé dans un lieu obscur, l'agitation de la flamme du luminaire, décelant ainsi le moindre courant d'air qui traverse de temps à autre la pièce la plus calme, et discrètement incite l'homme à la rêverie. N'étaient les objets de laque dans l'espace ombreux, ce monde de rêve à l'incertaine clarté que sécrètent chandelles ou lampes à huile, ce battement du pouls de la nuit que sont les clignotements de la flamme, perdraient à coup sûr une bonne part de leur fascination. Ainsi que de minces filets d'eau courant sur les nattes pour se rassembler en nappes stagnantes, les rayons de lumière sont captés, l'un ici, l'autre là, puis se propagent ténus, incertains et scintillants, tissant sur la trame de la nuit comme un damas fait de ces dessins à la poudre d'or. » J'aime beaucoup cet essai. Je le relis tous les ans.
Hayek's plosive Posté 13 juin 2013 Signaler Posté 13 juin 2013 Tout le bouquin est comme ça. TOUT LE BOUQUIN. Je me souviens d'un passage qui fait une analogie entre le communisme et les dix doigts d'un pianiste. Un tres joli dafuq.
Barem Posté 14 juin 2013 Signaler Posté 14 juin 2013 Je lis actuellement les penseurs libéraux d'Alain Laurent et Vincent Valentin. Je retiens dès le début de l'ouvrage une pensée intéressante et importante. Selon le deuxième auteur, il existe depuis l'Ancien Régime deux conceptions de la liberté : celle promouvant la libération de l'humanité par l'intervention d'un pouvoir collectif qui réorganise le social en conformité avec un idéal de justice ou unr libération par la neutralisation du politique et le déploiement des processus auto-organisés, spontanées, décentralisés, concurrentiels et individualisés.
F. mas Posté 14 juin 2013 Signaler Posté 14 juin 2013 Je lis actuellement les penseurs libéraux d'Alain Laurent et Vincent Valentin. Je retiens dès le début de l'ouvrage une pensée intéressante et importante. Selon le deuxième auteur, il existe depuis l'Ancien Régime deux conceptions de la liberté : celle promouvant la libération de l'humanité par l'intervention d'un pouvoir collectif qui réorganise le social en conformité avec un idéal de justice ou unr libération par la neutralisation du politique et le déploiement des processus auto-organisés, spontanées, décentralisés, concurrentiels et individualisés. Intéressant. c'est une idée que j'ai déjà lu chez Rosanvallon aussi, et que je partage totalement : d'un côté la tradition physiocratique (top down) de l'autre celle spontanéiste (bottom up). L'une plus française, l'autre plus anglaise.
Barem Posté 14 juin 2013 Signaler Posté 14 juin 2013 Et se range très certainement dans la première catégorie ?
F. mas Posté 14 juin 2013 Signaler Posté 14 juin 2013 Il ne dit rien de son positionnement personnel, mais effectivement, on pourrait le classer dans la première catégorie.
Barem Posté 14 juin 2013 Signaler Posté 14 juin 2013 Oui, appelons un chat un chat (ou un lapin un lapin n'est ce pas ? )
(V) Posté 14 juin 2013 Signaler Posté 14 juin 2013 Ça veut dire que regarder du foot à la tévée ne fait pas de toi un sportif. merci pour cette traduction
Barem Posté 15 juin 2013 Signaler Posté 15 juin 2013 Autre passage génial, celui ci sur la censure : " La censure est moins une injustice qu'une barbarie. Si "tuer un homme c'est détruire la créature raisonnable, étouffer un bon livre, c'est tuer la raison elle-même" et prendre le risque d'arrêter le cours de la vérité, étant possible "qu'une vérité qu'on aura rejetée ne se représente plus dans la suite des temps", écrit Milton. Censurer, c'est ne pas comprendre que la connaissance a besoin de la confrontation du bien et du mal, du vria et du gaux. Le contenu importe moins que le processus de la pensée : contraindre à la vertu est absurde puisque la vraie vertu s'appuie sur la liberté. Imposer la vérité est impossible puisque la vérité se découvre dans la liberté. Les ciseaux du censeur, ne laissant passer que les idées communes, empêchent le progrès de la connaissance et condamnent la société à l'ignorance et la stagnation. Car, c'est là l'essentiel, il n'existe pas réellement un point de vue d'où l'on puisse juger le savoir en train de se faire. "
Nirvana Posté 15 juin 2013 Signaler Posté 15 juin 2013 Je voulais acheter Pulp Libéralisme pour la fête des pères, mais ni Gibert Jeune, ni Gibert Joseph ni la Fnac ne l'avaient (j'ai demandé aux vendeurs)
Barem Posté 16 juin 2013 Signaler Posté 16 juin 2013 J'ai un doute dans la compréhension d'un ouvrage. Pourriez vous me définir le libéralisme politique puis le libéralisme économique ? (je suis désolé de poser une question aussi "scolaire")
Apollon Posté 16 juin 2013 Signaler Posté 16 juin 2013 J'ai un doute dans la compréhension d'un ouvrage. Pourriez vous me définir le libéralisme politique puis le libéralisme économique ? (je suis désolé de poser une question aussi "scolaire") Livre écrit dans quelle langue à l'origine, classique ou récent ?
Barem Posté 16 juin 2013 Signaler Posté 16 juin 2013 C'est le livre d'Alain Laurent et Vincent Valentin : Les penseurs libéraux que je suis en train de lire. Je dirais que l'écriture est par conséquent récente.
Apollon Posté 16 juin 2013 Signaler Posté 16 juin 2013 C'est le livre d'Alain Laurent et Vincent Valentin : Les penseurs libéraux que je suis en train de lire. Je dirais que l'écriture est par conséquent récente. Dans un cas une doctrine politique construite contre l'absolutisme réel ou supposé du souverain, qui prescrit la division du pouvoir, le règne de la loi, reconnaît l'importance des médiations. Dans l'autre une doctrine économique défavorable à l'intervention de l'Etat.
Barem Posté 16 juin 2013 Signaler Posté 16 juin 2013 Dans un cas une doctrine politique construite contre l'absolutisme réel ou supposé du souverain, qui prescrit la division du pouvoir, le règne de la loi, reconnaît l'importance des médiations. Dans l'autre une doctrine économique défavorable à l'intervention de l'Etat. Il n'y aurait pas la représentativité du gouvernement également dans le premier point ?
Apollon Posté 16 juin 2013 Signaler Posté 16 juin 2013 Il n'y aurait pas la représentativité du gouvernement également dans le premier point ? Equivoque. En tout état de cause, pas propre au libéralisme.
ShoTo Posté 16 juin 2013 Signaler Posté 16 juin 2013 Dans un cas une doctrine politique construite contre l'absolutisme réel ou supposé du souverain, qui prescrit la division du pouvoir, le règne de la loi, reconnaît l'importance des médiations. Est ce dans ce sens là que les médias qualifient Medvedev de plus libéral que Poutine ?
Barem Posté 16 juin 2013 Signaler Posté 16 juin 2013 Equivoque. En tout état de cause, pas propre au libéralisme. OK. Merci bien Apollon.
poney Posté 17 juin 2013 Signaler Posté 17 juin 2013 Est ce dans ce sens là que les médias qualifient Medvedev de plus libéral que Poutine ? Un peu comme Hollande plus libéral que Mélenchon.
ShoTo Posté 17 juin 2013 Signaler Posté 17 juin 2013 Un peu comme Hollande plus libéral que Mélenchon. Non, quand ils utilisent "libéral" dans ce contexte là, ce n'est pas péjoratif.
ShoTo Posté 17 juin 2013 Signaler Posté 17 juin 2013 Hein ? Dans le sens "moins stalinien" ? Les journaux disent "Medvedev est gentil parce qu'il est libéral alors que l'autoritaire Poutine est méchant" D'où mon interrogation.
kolb Posté 19 juin 2013 Signaler Posté 19 juin 2013 En train de lire le "The new digital age" de Schmidt & Cohen. Un livre avec une portée globale sur les implications de l'ère de la connectivité sur l'économie, la politique, les démocraties! En droite ligne de la vision McLuhan "the media is the message" il me semble un peu trop "immanence technologie", mais comme l'on trouve plei d'exemples concrets(Iran essayant de construire son internet halal, pêcheurs africains prennant commande par sms, refuge politique virtuel), rien n'empêche d'extrapoler par soi-même! Cela dans les 100 premières pages!
PABerryer Posté 19 juin 2013 Signaler Posté 19 juin 2013 Je viens de lire un lire un livre sur les Romanov. Très intéressant pour comprendre la Russie d'avant 1917 et de se rendre compte que parfois l'Histoire tient à peu de chose. Alexandre II a été assassiné en 1881 alors qu'il prenait la révolution de vitesse en faisant évoluer son pays vers la modernité politique...
Nirvana Posté 24 juin 2013 Signaler Posté 24 juin 2013 Richard Matheson est mort à l'âge de 87 ans. http://screencrush.com/richard-matheson-dead-87/
Cthulhu Posté 24 juin 2013 Signaler Posté 24 juin 2013 RIP Bizarrement, je pensais qu'il était déjà mort...
Rübezahl Posté 25 juin 2013 Signaler Posté 25 juin 2013 Les grandes inventions - Larousse - 1991 - sous la dir. de Jacques Marseille. 300 pages, 2 pages/invention, du feu à la navette spatiale Absolument captivant, se lit très bien de manière morcelée. Le point qui m'a le plus intéressé est relativement aux histoires de ressources pas infinies, Malthus, etc. Si on prend 1 exemple (parmi 10.000), eg le verre. A un moment donné, avant la découverte/invention, l'humanité possède zéro objets en verre. A un moment ultérieur, après la découverte/invention, l'humanité possède beaucoup d'objets en verre. Le ratio (richesse en verre après invention / richesse en verre avant l'invention) n'est certes pas infini ... mais de facto pas bien loin. Et c'est comme ça pour plein d'inventions.
Lancelot Posté 25 juin 2013 Signaler Posté 25 juin 2013 Eh ben, c'est vraiment pas une bonne année pour les auteurs de SF...
Malky Posté 25 juin 2013 Signaler Posté 25 juin 2013 Trouvé sur Gallica et retranscrit par mes soins, c'est assez cocasse. Voeu d'un piéton présenté à l'Assemblée Nationale Juillet 1789 Pendant que le trouble et la division régnaient dans l'auguste Assemblée dont les délibérations doivent régénérer la Patrie, je bornais tous mes yeux à désirer le retour de la concorde ; maintenant que le ciel a daigné exaucer mes prières, et que tout me porte à concevoir les espérances les plus flatteuses, il ne me reste plus qu'un voeu à formuler ; et celui-là, je l'adresse à l'Assemblée nationale. Je déclare d'abord, qu'autant par goût que par raison de fortune, je suis un Piéton décidé, c'est-à-dire que je me sers tout bonnement de mes jambes pour me rendre où j'ai dessein d'aller ; c'est un titre au reste que je partage avec les quatre-vingt-dix-neuf centièmes au moins des habitants de la capitale : or, dans ma qualité de Piéton, j'enrage et peste tous les jours contre l'innombrable quantité de voitures, qui sont comme autant d'ennemis renaissants contre lesquels il faut sans cesse me précautionner ; et d'ailleurs, tout me répugne dans cette maudite invention que la mollesse fabriqua pour insulter à l'indigence et à l'honnête médiocrité. Voulez-vous le long du jour vous livrer dans votre chambre à l'étude ou aux tranquilles méditations : impossible... Vous avez autour de vous un fracas insoutenable qui vous étourdit continuellement. La nuit, voulez-vous jouir des douceurs du sommeil, impossible encore... les riches ne se couchent qu'au lever du soleil ; et la nuit comme le jour, vous êtes assourdi par le bruit de leurs chars ; mais ce n'est là qu'une légère partie des abus ; et ceux-ci dumoins n'attaquent que vos plaisirs ou votre santé, au lieu que dans les rues votre vie est sans cesse en danger. Comment dépeindre la rapidité meurtrière des voitures, et l'insolence de tous ces coquins de cochers, qui aujourd'hui grimpés aussi haut que leurs impériales, paraissent delà vouloir dominer sur les Piétons et sont tout prêts à les écraser ! que dirai-je donc des airs impérieux et si assomables de tous ces petits maîtres à Wiski, qui dans leurs légers phaëtons fendent l'air avec la vélocité d'un aigle, et s'inquiètent très-peu de toutes les victimes que leurs roues sacrifient ! il paraît aussi que jusqu'ici, le Ministère s'en est bien peu inquiété ; car ces accidents se renouvellent tous les jours, et les Wiskis existent encore malgré les réclamations pressantes de l'humanité et de plusieurs Ecrivains de nos jours. Autre abus... un petit maître arrive chez une Laïs et laisse sa belle voiture à la porte, ou avec son Jockei, ou le plus souvent sous la seule conduite de son cheval, à qui il ordonne de ne pas bouger, et que sans doute il croit bien docile. Qu'arrive-t-il... le cheval s'ennuie ou s'effraie, et le voilà qui coure ventre à terre dans une rue fréquentée, jusqu'à ce qu'une voiture plus forte ait brisé celle qu'il conduisait. Ah ? c'est fort bien cela : on jouit de voir le Wiski brisé ; et ce spectacle est la seule consolation des Piétons. Oui, mais avant d'être brisé, les roues de ce misérable Phaëton avaient accroché une douzaine d'individus, auxquels elles avaient froissé bras et jambes, ou peut-être fait pis encore. Il y a environ quinze jours que je fus témoin sur les boulevards d'un de ces événements douloureux : une voiture ainsi conduite par la seule impétuosité du cheval qui avait pris le mors aux dents, écrasa devant moi un enfant et une jeune fille, après quoi elle alla se rompre contre une grosse charette. Voilà pourtant des accidents qui arrivent tous les jours ; tous les jours les roues des riches broient quelques piétons ; et cependant telle est l'inertie du Gouvernement, qu'il ne s'occupe pas à arrêter un usage aussi affreux. Louis quinze disait : Si j'étais Lieutenant de Police à Paris, je défendrais les cabriolets... Ah ! je n'ai pas ce pouvoir, car à coup sûr l'abus révoltant que je déplore ici ne subsisterait déjà plus. Et, comment feriez-vous donc pour parvenir à ce but, beau réformateur, va me dire un adonis de nos jours, ou une charmante petite maîtresse qui trouve aussi peu de mal à écraser un homme, qu'à tromper un amant. Est-il possible de réaliser ce que vous proposez ? Ah ! fi donc, sans doute mon charmant petit jeune homme, sans doute beauté à la mode, cela est très-possible ; et voici comment. Ecoutez une fois ; si vous pouvez, le language de la raison. Je commence d'abord par supprimer vos brillants Wiskis : oui, mes beaux Messieurs, je suis sans miséricorde, et je ne regarde que le plaisir que vous trouvez à satisfaire votre fatuité ne doit pas entrer en balance avec la vie et la sureté de vos concitoyens. Je sens à merveille que je suis un monstre (n'est-ce pas mes dames) de vouloir vous interdire des voitures aussi délicieuses ; mais qu'y faire ! Je sais depuis long-temps que l'homme qui fait le bien, doit toujours s'attendre aux sarcasmes, et s'en consoler. Hé ! N'avons-nous pas vu tout récemment encore le Sauveur de cet empire, monsieur Necker, en butte à une cabale puissante, et poursuivi par les propos les plus injurieux ? et pourquoi... parce qu'il s'occupe d'extirper les abus, ce qu'un tas de gens qui y trouvent leur compte n'ont pu lui pardonner cette généreuse résolution, si utile à la Nation et si dommageable pour eux. Ce n'est pas que je veuille me comparer en rien à ce grand homme qui mérite si bien la vénération de tous les bons Français ; mais, en descendant du grand au petit, je dirai que dans toute espèce de réforme, l'homme de bien trouvera toujours beaucoup d'obstacles et de censeurs, par la raison que l'intérêt particulier ne cessera jamais de croiser l'intérêt général... Je reviens à mon sujet, dont je ne regrette pas pourtant de m'être écarté, attendu que cette digression m'a mis à même d'exprimer l'hommage désintéressé de mon coeur. Je reviens, dis-je, à mon sujet, et puisque voilà déjà que mon zèle philantropique vient de supprimer les Wiskis et autres chars de cette espèce ; je vais traiter le chapitre des voitures à quatre roues. Quand à celles-ci, comme dans une aussi grande ville que Paris, elles peuvent être nécessaires aux femmes et aux gens âgés, je veux bien ne pas les interdire, et même je suis assez commode pour ne pas en fixer le nombre... Bien des gens vont sans doute me reprocher d'être trop tolérant ; mais je leur recommande la patience, et qu'ils se donnent la peine de me suivre jusqu'au bout... Or, comme je ne veux plus que les roues d'aucunes voitures soient désormais teintes de sang humain, je statue irrévocablement que les cochers iront toujours à pied et conduiront leurs chevaux par la bride. Ah ! fi donc, monsieur, fi ; vous êtes abominable, vont s'écrier une tourbe de petites maîtresses, il y a de quoi nous faire mourir d'impatience, et de dépit. Eh bien ! leur répondrai-je très tranquillement, mourez, mes dames, il vaut mieux sans doute pour l'ordre public, que vous éprouviez un trépas volontaire qui importe peu à l'Etat, que de vous laisser vous perpétuer dans l'habitude monstueuse d'écraser l'homme utile ou le père de famille qui lui importe tant. Mais je quitte cet entretien, quelqu'intéressant qu'il puisse être, et vais maintenant parler aux personnes sensées qui, j'en suis sûr, applaudiront à mon plan. La seule chose un peu plausible qu'on puisse m'objecter, est qu'on mettra trop de temps en route. Eh bien, on partira une heure plutôt, ou bien au pis aller, on se servira de ses jambes, qui tout naturellement nous ont été données pour marcher. D'ailleurs, combien d'avantages dans le projet que je propose ! d'abord, plus de périls pour les Piétons ; ils pourront aller et venir dans les vastes rues de cette capitale sans courir risque d'être moulus à chaque instant ; et il faut convenir que c'est beaucoup, car il est inconcevable que près d'un million d'hommes soient exposés à ces dangers sans cesse imminents ; parce qu'il entre dans l'arrangement de quelques riches d'aller en voiture : plus de ce tracas bruyant qui trouble le sommeil et dérange les paisibles méditations des gens de lettres ; plus ces gros cochers qui prennent aujourd'hui tant de plaisir à faire claquer leur fouet, et à écraser, ou tout au moins à éclabousser les passants, nous aurons la satisfaction de les voir à pied comme nous ; et sans doute, qu'au bout de quelques années, se trouvant plus rapprochés de leurs habitudes primitives, ils auront perdu ce ton d'arrogance qui leur est aujourd'hui si familier. Qui sait même si la réforme ne passera point jusqu'à leurs maîtres, et si plus près du peuple, ils ne commenceront point enfin à compter l'existence de leurs semblables pour quelque chose, et à traiter avec des manières moins méprisantes. Voilà quel est mon voeu ; je me suis attendu en le mettant au jour qu'il trouverait bien des contradicteurs ; mais que fait la critique à celui qui n'est animé que par des intentions pures ! on me reprochera d'abord de m'être occupé de minuties ; eh, quoi ! Serait-il donc possible que la vie des hommes fût toujours traitée comme une bagatelle, et qu'une matière aussi intéressante ne parût pas digne de mériter l'attention ! serait-il donc possible que dans un pays où l'on inflige les plus grandes peines à ceux qui attentent à la vie d'un lièvre, il pût ne pas m'être permis de m'occuper des moyens d'assurer l'existence de mes semblables ! tout mon sang bouillonne à cette idée, et je ne peux pas m'imaginer que même parmi les gens à voiture il y ait un homme assez mal avisé pour oser soutenir qu'un être quelconque ait impunément le droit d'en écraser un autre. Au reste, je n'attache aucune prétention au plan que je viens de proposer, je me suis contenté de développer quelques idées que mon zèle m'a inspirées ; trop heureux, si elles peuvent être accueillies par l'Assemblée nationale et amener la réforme indispensable que je sollicite. On m'objectera encore la force de l'usage, car depuis long-temps en France, on oppose toujours la routine de l'habitude à la voix pressante de la raison : mais dites moi, partisants déclarés des vielles habitudes et des préjugés, que peuvent toutes ces chimères dont vous ne rougissez pas de vous prévaloir, contre l'ascendant impérieux de l'humanité et de la justice ? De ce que chez vous les abus sont devenus des usages, il s'ensuivra donc qu'on doit toujours respecter les abus ; et l'on ne pourra plus reprendre la route du bon sens, parce que de temps immémorial on s'en sera écarté, comme si les premières notions de l'équité naturelle pouvaient jamais se proscrire, comme si la loi prépondérante n'était pas supérieure à toutes les habitudes et à tous les préjugés possibles ! Ah ! bannissons une erreur funeste, accréditée trop long-temps : de deux choses l'une, ou vos usages sont fondés sur la raison, ou ils y répugnent ; point de milieu ; dans le premier cas il faut les consolider encore, dans le second il faut les supprimer quels qu'ils soient, et décider enfin irrévocablement qu'on ajoutera plus foi aux usages ni aux préjugés, qu'autant qu'ils seront établis sur la base toujours immuable du véritable honneur, de la justice et de l'humanité.
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