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Quand Les Nations Sont-elles Apparues ?


Dardanus

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Etre juif de toute façon a toujours été compliqué, surtout pour les Juifs qui vivent en Occident. Pour les USA par exemple, d'après Claude Lévy (un spécialiste des minorités ethniques aux USA), les Juifs libéraux (par opposition aux Juifs orthodoxes) sont lentement passés d'une certaine conception du judaïsme vécu vers une revendication de la judaïté. Aujourd'hui, on devrait plus parler de judaïté plutôt que de judaïsme pour les Juifs américains, ça doit être un peu près pareil pour une partie des Juifs français. C'est le fait de se sentir appartenir à une communauté qui compte le plus, peu importe les origines ou la religion. Au fond, être Juif aujourd'hui, c'est plus un choix de clan qu'autre chose, une conséquence de la société moderne avec tous ces fans et autres niches de communautés. Pour moi, je pense que le judaïsme a une réelle existence de par la transmission de sa culture, la culture juive qui valorise en grande partie l'éducation. Même pour un fils de père juif, mais de mère non-juive, ou plus encore un enfant qui suivrait sa scolarité avec des enfants juifs et qui partagerait avec le temps leurs valeurs, sont au fond d'eux-même quelque part un peu juif. Etre juif, pour moi, n'est pas une conception fermée comme on voudrait si bien le croire, mais au contraire, le judaïsme est bien vivant et ouvert, et être juif, malgré tout, bien que ça a été difficile dans l'histoire, devrait être une fierté car c'est appartenir à une grande culture.

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Il me semble que l'Histoire juive a démarré bien avant l'Histoire européenne. Ca explique tout.

Heureusement.

Sartre soutenait que la judeïté n'existe que dans le regard de l'antisémite. Une des des nombreuses brillantes conneries qu'il a écrites. Et qui a fait des petits : par exemple les historiennes qui pensent que la nation française n'existe que dans l'idée qu'on en s'en fait. :icon_up:

Comme de croire que la nation française existait sous l'ancienne monarchie.

Posté

Voici ce qu'écrit Anne-Marie Thiesse :

Les nations modernes ont été construites autrement que ne le racontent leurs histoires officielles. Leurs origines ne se perdent pas dans la nuit des temps, dans ces âges obscurs et héroïques que décrivent les premiers chapitres des histoires nationales. La lente constitution des territoires au hasard des conquêtes et des alliances n'est pas non plus genèse des nations : elle n'est que l'histoire tumultueuse des principautés ou de royaumes. La véritable naissance d'une nation, c'est le moment où une poignée d'individus déclare qu'elle existe et entreprend de la prouver. Les premiers exemples ne sont pas antérieurs au XVIIIe s. : pas de nation au sens moderne, c'est à dire politique, avant cette date.

Toute personne ayant un minimum de culture historique et sachant comment se sont constitués tous les États modernes savent que les frontières n'ont rien de naturelles, qu'elles sont le produit des hasards de l'histoire, des mariages et des guerres (conquête et conquêt). Ce sont les monarques qui ont rassemblé des populations disparates, le sentiment national n'a été créé qu'après coup par ces deux redoutables institutions de dressage de l'âge démocratique : l'école obligatoire et le service militaire. Voilà pourquoi le XIXe s. marque le moment où se démocratise, c'est à dire se diffuse dans la population le mythe national. Si vous aviez un minimum de culture historique, vous connaitriez l'ampleur des désertions et de l'insoumission lors des guerres de la Révolution et de l'Empire à comparer avec la mobilisation de 1914. La nation n'était qu'un mot sans signification pour beaucoup de Français (je parle des ruraux) en 1789 ou en 1800.

Posté

Je trouve incroyable qu'il soit nécessaire de le préciser tant c'est une évidence historique. Libérus, enfin bon bref… :icon_up:

Posté

C'est vrai que lorsqu'on voit la France, on se dit que son territoire et l'identité de ses habitants étaient prédestinés depuis le début des temps: il s'y trouve des Flamands, des Bretons, des Catalans, des Basques, des Languedociens, des Provencaux, des Italiens, des Allemands, des Corses et j'en oublie certainement. Par contre, pas de Romands, pas de Wallons, pas de Valdôtains pas de Jerriais et pas de Guernesiais.

On remarquera aussi ses frontières naturelles, surtout vers le nord et le nord-est.

Bref, de toute évidence, ça n'aurait pas pu tourner autrement. :icon_up:

Posté
C'est vrai que lorsqu'on voit la France, on se dit que son territoire et l'identité de ses habitants étaient prédestinés depuis le début des temps: il s'y trouve des Flamands, des Bretons, des Catalans, des Basques, des Languedociens, des Provencaux, des Italiens, des Allemands, des Corses et j'en oublie certainement. Par contre, pas de Romands, pas de Wallons, pas de Valdôtains pas de Jerriais et pas de Guernesiais.

On remarquera aussi ses frontières naturelles, surtout vers le nord et le nord-est.

Bref, de toute évidence, ça n'aurait pas pu tourner autrement. :icon_up:

Notons que tout ce qui était à l'ouest de la nation allemande -une vraie nation pour le coup- s'est réunie en un seul pays à qqes exceptions près. Fait remarquable.

Posté
Toute personne ayant un minimum de culture historique…

Epargnez-moi ce genre de remarque. Ce qui est de l’inculture, c’est de s’accrocher désespérément aux manuels estampillés IUFM.

les frontières n'ont rien de naturelles, qu'elles sont le produit des hasards de l'histoire, des mariages et des guerres (conquête et conquêt).

Vous enfoncez une porte ouverte. Personne n’a jamais dit le contraire. Il n’empêche que, quand Philippe Auguste s’écrit : « Ou bien la France sera flamande, ou bien la Flandre sera française ! », il n’est déjà plus dans une logique purement patrimoniale.

Ce sont les monarques qui ont rassemblé des populations disparates, le sentiment national n'a été créé qu'après coup …

Fadaise : Le sentiment national français, c’était le sentiment d’être sujet du Roi de France. Point-barre. C’est tellement vrai que des gens comme Rivarol et Joseph de Maistre, devant l’effondrement de la monarchie, on crû qu’il allait entraîner la disparition du sentiment national !

par ces deux redoutables institutions de dressage de l'âge démocratique : l'école obligatoire et le service militaire.

Ainsi, vous officiez dans une « institution de dressage » ? Félicitations !

Pour le reste, vous ne m’apprenez rien. Le rôle de l’école obligatoire et du service militaire sont parfaitement expliqués par Gellner (vous savez, l’auteur qu’ignore Mme Thiesse)

Voilà pourquoi le XIXe s. marque le moment où se démocratise, c'est à dire se diffuse dans la population le mythe national.

C’est une façon qui se veut élégante de dire que la nation est un mythe ?

Si vous aviez un minimum de culture historique, vous connaitriez l'ampleur des désertions et de l'insoumission lors des guerres de la Révolution et de l'Empire à comparer avec la mobilisation de 1914. La nation n'était qu'un mot sans signification pour beaucoup de Français (je parle des ruraux) en 1789 ou en 1800.

Alors donc on revient à l’idée que c’est au XIXme siècle et non au XVIIIme que l’identité nationale aurait été « inventée » ? Il va falloir vous mettre d’accord avec vous-même. Vos hésitations sur le siècle inventif commencent à me donner le tournis.

Revenons aux sottises de Mme Thiesse. Je croyais l'avoir suffisament éreintée, mais puisque vous y tenez , allons y : « Les premiers exemples ne sont pas antérieurs au XVIIIe s. : pas de nation au sens moderne, c'est à dire politique, avant cette date. »

Voici un contre-exemple. Locke utilisait parfois souvent « nation » dans le sens de « peuple » (par exemple « la nation juive »), mais voici deux passages du Second Traité où il l’utilise dans le sens de politie :

« Sec. 106. Thus, though looking back as far as records give us any account of peopling the world, and the history of nations, we commonly find the government to be in one hand; »

Plus clairement encore :

« Sec. 238. The other case is, When a king makes himself the dependent of another, and subjects his kingdom which his ancestors left him, and the people put free into his hands, to the dominion of another: for however perhaps it may not be his intention to prejudice the people; yet because he has hereby lost the principal part of regal dignity, viz. to be next and immediately under God, supreme in his kingdom; and also because he betrayed or forced his people, whose liberty he ought to have carefully preserved, into the power and dominion of a foreign nation. »

Il s’agit naturellement de tomber au pouvoir d’un autre Etat, et non pas d’un peuple.

Pour terminer, un poème de Charles d’Orléans, emprisonné à Douvres. On est en 1433, et pas en 1833 :

« En regardant vers le pays de France,

Un jour m’advint, à Douvres sur la mer,

Qu’il me souvint de la douce plaisance

Que je souloie au dit pays trouver.

Si commençai de cœur à soupirer,

Combien certes que grand bien me faisoit

De voir France que mon cœur aimer doit.

Comprenne qui pourra.

Posté

Libérus, toutes mes excuses (je ne suis qu'un vulgaire prof du secondaire, même pas d'histoire, et j'enseigne dans un collège pourri rempli de natifs du bloc civilisationnel estampillé "islam", ce qui explique sûrement la détresse cognitive qui me fait poser cette question) mais j'ai lu, et je ne comprends vraiment pas ce que c'est que cette fichue nation qui existe depuis toujours. Pourrais-tu avoir l'amabilité de fournir une définition claire de cette notion ? Puisqu'elle a toujours existé, c'est qu'on doit pouvoir en donner une définition universelle…

Posté

<< (…) Le mot latin, natio, désignait un peuple issu d'une même origine, il renvoyait à l'idée de naissance commune. C'est dans ce sens que le terme fut employé entre le XIIIe siècle et la naissance de la modernité politique. Les "nations" étaient alors des groupes d'origine. Les écoliers de l'Université de Paris, par exemple, étaient regroupés en quatre nations, "l'honorable nation de France, la fidèle nation de Picardie, la vénérable nation de Normandie et la constante nation de Germanie".

La proclamation des Droits de l'homme et du citoyen de 1789, en affirmant, dans son article 3, que "le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation" illustre le renversement de sens à l'époque moderne. Désormais, la nation désigne une société politique organisée, source de la légitimité politique. Elle se distingue de l'ethnie, groupement d'hommes partageant une même origine, réelle ou inventée, et une culture commune, mais qui n'est pas nécessairement organisée en formation politique indépendante. Elle se distingue aussi de l'Etat, ensemble d'institutions de régulation et de coercition. Elle se définit dans une double relation dialectique avec la ou les ethnies qu'elle réunit et avec l'Etat, grâce auquel elle s'incarne dans la réalité concrète.

(…) La démocratie moderne est née sous forme nationale. La nation moderne, dont l'idée naquit en Angleterre à partir du XVIe siècle, est apparue depuis la Révolution américaine et la Révolution française comme l'organisation politique légitime et universelle.

(…) Les nations européennes sont nées dans des conditions historiques si différentes qu'elles ont suscité une littérature à la fois idéologique et savante, fondée sur l'idée qu'il existait deux idées de la nation, celle de l'Ouest et celle de l'Est de l'Europe. Theodor Mommsen justifiait la politique d'annexion de l'Alsace en 1871 par la germanité ethnique, linguistique et culturelle des Alsaciens, alors que les historiens français invoquaient, eux, le "voeu des nations" (Renan), la "volonté" et le "consentement libre des peuples", en affirmant que l'Alsace était "française par la nationalité et le sentiment de patrie" (Fustel de Coulanges). Le grand conflit autour de l'annexion de l'Alsace a marqué si fortement les esprits que les peuples et les savants ont accepté comme allant de soi l'idée qu'il existait de toute éternité deux idées de la nation moderne. Depuis la fin du XIXe siècle, dans des langages nationaux et scientifiques différents, on finit toujours par distinguer la nation selon l'idéologie "française (ou "italienne" ou "américaine") et la nation selon l'idéologie "allemande", à moins que l'on oppose la nation "occidentale" à la nation "orientale", la nation civique au Volk, l'"Etat-nation" (Staatsnation) à la "nation culturelle" (Kulturnation). >>

Extraits de "Nation" de D. Schnapper in Dictionnaire des sciences humaines, PUF, 2006 (je précise pour Libérus qui méprise ses collègues du secondaire qu'il s'agit d'un ouvrage rédigé par des universitaires :icon_up: )

Posté

Mais Largo, tu parles là (merci, d'ailleurs) de représentations de la nation au sens Libérussien du terme, mais la nation, la vraie, l'éternelle qui pré-existe aux représentations, c'est quoi ?

J'y perds mon latin… :icon_up:

Posté
Mais Largo, tu parles là (merci, d'ailleurs) de représentations de la nation au sens Libérussien du terme, mais la nation, la vraie, l'éternelle qui pré-existe aux représentations, c'est quoi ?

J'y perds mon latin… :icon_up:

Un lacostien te dirait qu'une nation est une représentation, si ce n'est la représentation par excellence, celle qui permet toutes les autres.

Posté
Epargnez-moi ce genre de remarque. Ce qui est de l’inculture, c’est de s’accrocher désespérément aux manuels estampillés IUFM.

Je ne lis jamais de manuels. Désolé, uniquement des livres d'historiens (mais qui sont ignorants au regard de Libérus). Et je travaille également sur archives quand je fais mes recherches.

Alors donc on revient à l’idée que c’est au XIXme siècle et non au XVIIIme que l’identité nationale aurait été « inventée » ? Il va falloir vous mettre d’accord avec vous-même. Vos hésitations sur le siècle inventif commencent à me donner le tournis.
L'idée de nation au sens moderne naît au XVIIIe s. mais elle prend une réalité hors d'une élite au XIXe s. Il n'est pas interdit de lire les messages.
Revenons aux sottises de Mme Thiesse. Je croyais l'avoir suffisament éreintée, mais puisque vous y tenez , allons y : « Les premiers exemples ne sont pas antérieurs au XVIIIe s. : pas de nation au sens moderne, c'est à dire politique, avant cette date. »
Éreinter en quoi ? en suggérant que c'était une affreuse européenne (quand on attaque l'auteur et non le contenu, n'est ce pas ? ). En disant qu'elle n'avait pas bien interprété tel auteur (= lu de façon différente de Libérus) ? Bref, deux procédés classiques pour discréditer un fond gênant en pratiquant des attaques périphériques.
Pour terminer, un poème de Charles d’Orléans, emprisonné à Douvres. On est en 1433, et pas en 1833 :

« En regardant vers le pays de France,

Un jour m’advint, à Douvres sur la mer,

Qu’il me souvint de la douce plaisance

Que je souloie au dit pays trouver.

Si commençai de cœur à soupirer,

Combien certes que grand bien me faisoit

De voir France que mon cœur aimer doit.

Comprenne qui pourra.

Évidemment, Charles d'Orléans est un prince du sang. Pour lui, la France c'est une propriété de famille. Il est normal qu'il soupire.

A propos de Phillipe Auguste, Duby remarque dans Le dimanche de Bouvines : "En France même, la Loire à peine franchie franchie, le silence s'installe". Bernard Itier, moine à St Martial de Limoges, ne dit pas un mot de Bouvines en 1214 : "Aux portes d'Orléans, de Chalon-sur Saône, des épaisseurs d'indifférences à tut ce qui pouvait survenir du côté des Français ces étrangers, ces gens de peu." Un monastère proche de Dunkerque note uniquement le dégât subi par la terre d'Arnoul de Guines par le comte de Flandre. En revanche, Outre-Manche, les moines cisterciens sont louangeurs sur la victoire du roi de France : ils avaient été victimes de l'ardeur fiscale de Jean Sans Terre. Je rappelle au passage que les Plantagenêts parlaient français (au moins jusqu'au XIVe s.).

Posté
La nation moderne, dont l'idée naquit en Angleterre à partir du XVIe siècle,

Et bien voila, on y arrive ! Qu'en pense Dardanus ?

Extraits de "Nation" de D. Schnapper in Dictionnaire des sciences humaines, PUF, 2006 (je précise pour Libérus qui méprise ses collègues du secondaire qu'il s'agit d'un ouvrage rédigé par des universitaires :icon_up: )

Je préfère quand même son papa. :doigt:

Posté
$Et bien voila, on y arrive ! Qu'en pense Dardanus ?

Le "en Angleterre" est au moins aussi important - voire plus - que le "au XVIe". Si le phénomène est initié en Angleterre, il se diffuse logiquement plus tard sur le reste du continent européen. Or, il me semble que Dardanus parlait de la nation comme phénomène relativement général. Il n'y a donc a priori pas de contradiction entre le texte de Schnapper et le propos de Dardanus sur ce point là.

Posté
Libérus, toutes mes excuses (je ne suis qu'un vulgaire prof du secondaire, même pas d'histoire, et j'enseigne dans un collège pourri rempli de natifs du bloc civilisationnel estampillé "islam", ce qui explique sûrement la détresse cognitive qui me fait poser cette question) mais j'ai lu, et je ne comprends vraiment pas ce que c'est que cette fichue nation qui existe depuis toujours. Pourrais-tu avoir l'amabilité de fournir une définition claire de cette notion ? Puisqu'elle a toujours existé, c'est qu'on doit pouvoir en donner une définition universelle…

Heureux de vous revoir ! N’attendez pas de ma part quelque chose d’original. Ma définition est celle de Renan. (http://ourworld.compuserve.com/homepages/bib_lisieux/nation01.htm)

En voici les passages essentiels, avec quelques commentaires perso.

« Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis. »

Commentaire. Il y a donc deux volets, et non pas un seul , comme on a l’habitude de le dire, et le biais qui occulte le premier volet est évidemment un biais idéologique. Aucun des deux séparément ne suffit. Pour qu’il y ait une nation , il faut impérativement les deux ensemble.

« La nation, comme l'individu, est l'aboutissant d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. »

Commentaire. La dernière phrase est, j’imagine, devenue incompréhensible pour beaucoup de professeurs sortis de nos IUFM. Mais alors comment leurs élèves comprendraient-ils la phrase de Goethe : « Si tu dois posséder un jour l’héritage de tes ancêtres, il faut d’abord le gagner » ? Phrases incroyablement « réactionnaires ».

« Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. »

Commentaire. On retrouve ici les deux volets, inséparables. « Continuer » est important. La nation, cela pourrait être une définition ultra-simplifiée, c’est ce qui lie les générations. En ce qui concerne la solidarité, je voudrais souligner un point. Renan insiste très justement sur le fait que l’unité de langue n’est pas une condition nécessaire ni une condition suffisante pour constituer une nation. Cependant, réfléchissons à l’appel de l’abbé Pierre en 1954 « Mes amis, ce soir, une femme vient de mourir de froid , etc. ». Si un autre abbé, l’abbé Grégoire, n’avait pas méchamment voulu l’unification linguistique de ce pays un siècle et demi auparavant , l’appel de 1954 aurait fait le même bruit qu’un pet dans l’eau, sauf votre respect. Il y a bien quand même un petit rapport entre unité linguistique et sentiment de solidarité.

« L'existence d'une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours, comme l'existence de l'individu est une affirmation perpétuelle de vie. »

Commentaire. Les bécasses répètent à l’envi : « Une nation est un plébiscite de tous les jours », alors que Renan dit « l’existence d’une nation ». Elles glosent à satiété sur cette phrase, mais se gardent bien de dire qu’il s’agit d’une métaphore, et que Renan s’en excuse devant son auditoire.

Travaux pratiques :

Pour voir si tout cela est opératoire, demandons nous s’il existe une nation européenne.

1) L'unité linguistique manque cruellement. Le pasteur écossais n'entend pas ls plaintes du SDF français.

2) Si un métaphorique plébiscite suffisait, alors il suffirait de faire un grand sondage en Europe et en supposant qu’il y ait une bonne majorité disant vouloir « vivre ensemble » , alors ça y est, la nation européenne existerait !

3) Malheureusement, il y faut aussi «un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements ». Ce passé partagé existe, il est vrai, mais hélas il est éminemment conflictuel. Et ce n'est pas le genre de conflits qu’on aurait oubliés comme nous avons oublié la Saint-Barthélémy, car, et c’est là que ça devient subtil :

4) Il y a aussi de l’oubli dans une nation : « l'essence d'une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses. »

5) Quant aux "sacrifices qu’on est disposé à faire encore », demandons nous si les jeunes Finlandais seraient près à se mobiliser pour la Sicile au cas où elle serait attaquée….Mieux vaut en rire.

P.S. Je n'ai jamais dit que les nations ont toujours existé. Merci de ne pas me prêter des idées que je n'ai jamais exprimées.

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Le "en Angleterre" est au moins aussi important - voire plus - que le "au XVIe". Si le phénomène est initié en Angleterre, il se diffuse logiquement plus tard sur le reste du continent européen. Or, il me semble que Dardanus parlait de la nation comme phénomène relativement général. Il n'y a donc a priori pas de contradiction entre le texte de Schnapper et le propos de Dardanus sur ce point là.

Je me répète encore une fois. Il y a dans les bibliothèques françaises 112 livres publiés entre 1500 et 1700qui comportent dans leur titre le mot "nations" . Chacun peut les trouver et les localiser sur le SUDOC. Tout étudiant peut en faire venir un par le prêt inter-bibliothèques. Que les gens de bonne foi aillent consulter ces ouvrages pour voir dans quel sens le terme est employé. Il y a de quoi occuper les sodomisateurs de diptères.

Etre le premier à s'occuper du bien de la nation, et le dernier à réclamer sa part de bonheur (Fan Zongyan, 988-1052)

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Je me répète encore une fois.

Comme quoi…

Serait-il trop demander que d'avoir une définition précise de ce que regroupait ce concept de nation française entre le XVI et le XVIIIème? Si c'est tellement évident, ça ne devrait pas vous prendre trop de temps…

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Excusez moi j'y connais rien sur cette notion de nation merci pour les infos. Question pour savoir si j'ai compris :

- Le fait qu'un homme se sente français, que ça soit au XV e siècle ou en 1914, que ce sentiment soit à peu prèt le même, quelque soit le 'système' politique en place (le sentiment d' être français d'un Montaigne ou d'un De Gaulle ne diffèrent pas vraiment par exemple) ça tient à quoi ?

Posté
Excusez moi j'y connais rien sur cette notion de nation merci pour les infos. Question pour savoir si j'ai compris :

- Le fait qu'un homme se sente français, que ça soit au XV e siècle ou en 1914, que ce sentiment soit à peu prèt le même, quelque soit le 'système' politique en place (le sentiment d' être français d'un Montaigne ou d'un De Gaulle ne diffèrent pas vraiment par exemple) ça tient à quoi ?

Tu as compris ce que dit Libérus, mais en l'occurrence c'est faux.

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qu'est ce qui est faux je pose une question en 'quoi' qui ne supporte pas une réponse de type vrais/faux oui/non. Voudrais tu dire que le sentiment d'être Français de Montaigne n'existe pas ou n'a rien à voir avec celui de De Gaulle par exemple ?

Posté
Heureux de vous revoir ! N’attendez pas de ma part quelque chose d’original. Ma définition est celle de Renan. (http://ourworld.compuserve.com/homepages/bib_lisieux/nation01.htm)

En voici les passages essentiels, avec quelques commentaires perso.

« Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis. »

Commentaire. Il y a donc deux volets, et non pas un seul , comme on a l’habitude de le dire, et le biais qui occulte le premier volet est évidemment un biais idéologique. Aucun des deux séparément ne suffit. Pour qu’il y ait une nation , il faut impérativement les deux ensemble.

« La nation, comme l'individu, est l'aboutissant d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. »

Commentaire. La dernière phrase est, j’imagine, devenue incompréhensible pour beaucoup de professeurs sortis de nos IUFM. Mais alors comment leurs élèves comprendraient-ils la phrase de Goethe : « Si tu dois posséder un jour l’héritage de tes ancêtres, il faut d’abord le gagner » ? Phrases incroyablement « réactionnaires ».

« Une nation est donc une grande solidarité, constituée par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. »

Commentaire. On retrouve ici les deux volets, inséparables. « Continuer » est important. La nation, cela pourrait être une définition ultra-simplifiée, c’est ce qui lie les générations. En ce qui concerne la solidarité, je voudrais souligner un point. Renan insiste très justement sur le fait que l’unité de langue n’est pas une condition nécessaire ni une condition suffisante pour constituer une nation. Cependant, réfléchissons à l’appel de l’abbé Pierre en 1954 « Mes amis, ce soir, une femme vient de mourir de froid , etc. ». Si un autre abbé, l’abbé Grégoire, n’avait pas méchamment voulu l’unification linguistique de ce pays un siècle et demi auparavant , l’appel de 1954 aurait fait le même bruit qu’un pet dans l’eau, sauf votre respect. Il y a bien quand même un petit rapport entre unité linguistique et sentiment de solidarité.

« L'existence d'une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours, comme l'existence de l'individu est une affirmation perpétuelle de vie. »

Commentaire. Les bécasses répètent à l’envi : « Une nation est un plébiscite de tous les jours », alors que Renan dit « l’existence d’une nation ». Elles glosent à satiété sur cette phrase, mais se gardent bien de dire qu’il s’agit d’une métaphore, et que Renan s’en excuse devant son auditoire.

Travaux pratiques :

Pour voir si tout cela est opératoire, demandons nous s’il existe une nation européenne.

1) L'unité linguistique manque cruellement. Le pasteur écossais n'entend pas ls plaintes du SDF français.

2) Si un métaphorique plébiscite suffisait, alors il suffirait de faire un grand sondage en Europe et en supposant qu’il y ait une bonne majorité disant vouloir « vivre ensemble » , alors ça y est, la nation européenne existerait !

3) Malheureusement, il y faut aussi «un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements ». Ce passé partagé existe, il est vrai, mais hélas il est éminemment conflictuel. Et ce n'est pas le genre de conflits qu’on aurait oubliés comme nous avons oublié la Saint-Barthélémy, car, et c’est là que ça devient subtil :

4) Il y a aussi de l’oubli dans une nation : « l'essence d'une nation est que tous les individus aient beaucoup de choses en commun, et aussi que tous aient oublié bien des choses. »

5) Quant aux "sacrifices qu’on est disposé à faire encore », demandons nous si les jeunes Finlandais seraient près à se mobiliser pour la Sicile au cas où elle serait attaquée….Mieux vaut en rire.

P.S. Je n'ai jamais dit que les nations ont toujours existé. Merci de ne pas me prêter des idées que je n'ai jamais exprimées.

Et bien merci pour cette réponse détaillée ! :icon_up:

Ca mérité réflexion, de plus c'est un sujet sur lequel je ne me suis jamais vraiment penché. Cependant, il persiste une voix dans ma tête qui sussure des mots étranges tels que "holisme", "construction imaginaire", etc, etc

Je ne dis pas que c'est le cas, mais je suis très sceptique. Pour l'instant, je penche fortement du côté de Dardanus parce que cette belle double-idée que tu décris fait très constructiviste, et revisiter l'Histoire même avec 112 sources (ça me paraît peu ma foi) pour la faire coller avec ce que l'on veut…mouais. On doit pouvoir faire la même chose avec d'autres concepts (la foi, l'athéisme, le libéralisme, etc, etc) et dire ce qu'on a envie, avec un peu d'habileté.

Bref, je vais suivre ce débat (s'il est appelé à se poursuivre) en espérant qu'il sera plus riche en arguments qu'en sous-entendus insultants.

Posté
Et bien merci pour cette réponse détaillée ! :icon_up:

Ca mérité réflexion, de plus c'est un sujet sur lequel je ne me suis jamais vraiment penché. Cependant, il persiste une voix dans ma tête qui sussure des mots étranges tels que "holisme", "construction imaginaire", etc, etc […]

Le fait est que toute "représentation" est une "construction imaginaire"… Mais le "problème", c'est qu'il s'agit d'un imaginaire partagé par des millions de gens.

Posté

Ce genre de débat a plus sa place dans la rubrique "histoire etc.."

Pourrait-on en revenir à la natalité française SVP ?

Posté
Ce genre de débat a plus sa place dans la rubrique "histoire etc.."

Pourrait-on en revenir à la natalité française SVP ?

Vous avez raison. Pour ma part j'arrête, ayant dit l'essentiel de ce que j'avais à dire. Je réponds à UAS en MP.

Posté
Vous avez raison. Pour ma part j'arrête, ayant dit l'essentiel de ce que j'avais à dire. Je réponds à UAS en MP.

En tout cas, moi, je vous ai lu avec plaisir tout au long de ce hors sujet

Posté

Deux brèves citations et je ne reviendrais plus sur le sujet. Il y a deux positions irréconciliables et l'on ne peut que s'échanger des citations sans fin.

Je m'appuie toujours sur les ouvrages de ma bilbiothèque, que j'ai sous la main même si mes lectures comprennent des milliers d'ouvrages historiques (je rappelle que j'ai un âge canonique)

Jean Favier dans son ouvrage sur Philippe le Bel (Fayard 1978) qui souligne combien la France est une construction politique :

Malgré cette unité qui se perçoit déjà fort bien grâce à la souveraineté qui s'étend et s'exerce sur tous les sujets du roi, et que renforce la mise en place, tout au long du XIIIe s., d'une structure adminsitrative tant soit peu unifiée, c'est encore la diversité qui l'emporte. Diversité des paysages, des hommes, des cultures. (…) Si l'on s'attache aux façons de penser, de sentir et de s'exprimer, la diversité l'emporte encore sur l'unité. C'est simplifier à l'excès que diviser tout bonnement la France en langue d'oil et langue d'oc : le parler picard n'est pas le normand, et la langue limousine n'est pas la toulousaine. La coutume de Beauvais, que met en écrit le bailli Philippe de Beaumanoir, laisse sensiblement différer le droit civil de ce qu'il est en Valois ou en Vexin. L'unité du droit romain ne fait que recouvrir, dans toute la France méridionale, une infinité de coutmes où le droit de Justinien n'est qu'un fil directeur. L'église elle-même participe de la diversité : les rites diocésains masquent un peu l'uniformité du rite romain et les saints locaux tiennent au calendrier plus de place que les apôtres
Le roi de France règne sur une Autriche-Hongrie, en quelque sorte, qui n'inclue alors ni Lyon, ni Marseille, ni Cambrai, ni même la Bretagne ou la Bourgogne, qui jouissent d'une indépendance réelle.

Michel Carmona dans La France de Richelieu (Fayard 1984) :

Comment les Espagnols, comment Richelieu, peuvent-ils parler du Français comme d'une entité alors que la France de Louis XIII et de Richelieu est un grand corps disparate peuplé de "nations" les plus diverses, ayant chacune leurs habitudes, leurs caractères, leurs coutumes, et même leurs parlers, où la distance au surplus, oppose un obstacle redoutable aux relations entre les hommes ? Diminué de l'Artois et de la Flandre, de la Lorraine et de l'Alsace, de la Franche-Comté et de la Savoie, de Nice et du Roussillon, le royaume de France a une forme plus allongée que de nos jours, plus proche du rectangle que de l'hexagone. (…)

Il faut trois bonnes semaines, pour se rendre de Calais à Bayonne ou de Brest à Toulon, à condition que les intempéries ne s'en mêlent pas et que l'on trouve en cours de route les relais nécessaires afin d'échanger le cheval fatigué contre une bête en bon état, de refaire les provisions et de remplacer les ferrures usés par les cailloux du chemin. L'horizon naturel est toujours celui du village et de l'espace compris dans un rayon d'une ou deux lieues alentour - 4 à 8 kilomètres. La lieue représente la distance que franchit normalement un adulte en une heure. Deux lieues, c'est le trajet qu'effectue un villageois pour se rendre dans le village voisin. Avec le chemin du retour, cela lui fait 4 lieues, sit 16 km : 4 heures de marche ; c'est un maximum. (…)

En ce début du XVIIe s., l'idée qu'il existe quelque chose qui s'appelle le royaume de France reste mythique pour la plus grande partie de la population et ne s'exprime guère que par l'irruption du percepteur, personnage universellement haï, ou le passage du Roi dans son auréole mystique et quasi divine. Au-delà d'un certain seuil, les distances deviennent inconcevables pour l'esprit de la plupart des gens.

Je vous épargne les clichés du temps sur les Français : peuple léger, spirituel, inconstant et propre à la guerre ! Tout à l'image des paysans qui constituent alors l'essentiel de la population.

La révolution des transports a d'ailleurs beaucoup contribué à faciliter la création d'un sentiment national. D'où la place, une fois encore, du XIXe s. , dans la démocratisation de ce sentiment. Le paysan français de 1714 ne sait qu'il est membre d'une nation française et abhorre la milice, le paysan de 1914 le sait et s'il ne part pas se battre d'un coeur joyeux, il est résolu à faire son devoir.

Posté

A cette diversité d'habitudes, de caractères, de coutumes, et même de parlers, il convient d'ajouter que chaque région avait le plus souvent son propre système de mesures:

Les unités, les valeurs et les affectations sont différentes (« pied de terre » et « pied de vitrier ») ; leurs divisions sont irrégulières (un pied peut avoir 10 ou 12 pouces selon les régions ; une livre : 12, 14 ou 15 onces selon les villes et même les quartiers urbains). Dans le Toulousain : il y a 16 mesures pour le vin (5 noms différents : pot, quart, juste, pinte, méga ; chacun désigne 3 ou 4 mesures différentes divisées chacune de 4 façons différentes) : uchau (8e), pouchou, mesure, petit. L'uchau varie de 0,364 L à 0,60 L en Toulousain ; de 0,406 L à 1,060 L dans le comté de Foix ; de 0,771 L à 1,582 L en Béarn.

Capacité.

Liquides : roquille (contenu d'une écorce d'orange appelée « roquille ») : 0,030 L. Demi-posson (2 roquilles) : 0,060 L. Posson (doublet de potion, « coup à boire ») [4 roquilles] : 0,119 L. Demi-setier (2 possons) : 0,238 L. Chopine (primitivement mesure germanique de la bière, environ 0,33 L) ou setier (du latin sextarius, sixième) : 0,476 L. Pinte de Paris (2 chopines) : environ 0,93 L ou 48 pouces cubes (définie en 1742). Pot ou quade (ou cade) [2 pintes]. Velte (du latin médiéval gualguita, petite jauge) [8 pintes] : 7,44 L. Quartaut (9 veltes) 67 L. Feuillette (tonneau marqué d'une feuillure, « entaille de jauge ») [2 quartauts] : 137 L. Muid (du latin modius, mesure) [288 pintes] : 274 L, de Bourgogne (2 feuillettes) : 268 L, de Paris : 268,2 L.

Matières sèches (à Paris) : litron : 0,79 L. Boisseau [de boisse : du bas-latin bostia, gaulois bosta, creux de la main (16 litrons)] : 12,7 L (utilisé pour blé, avoine, sel, charbon de terre, charbon de bois). Setier (12 boisseaux) : 152 L. Minot (de mine : du gréco-latin hemina, mesure de 28 cl) [avoine, charbon de terre valant : 6 boisseaux ; sel : 4 ; blé : 3 ; charbon de bois : 2]. Double minot (la mine) : muid [(12 setiers ; mais le « demi-setier » est un 32e du setier) valant pour charbon de bois 20 mines (client) ou 16 (commerçant), de terre 7 mines et demie; plâtre 72 (ou 36 sacs) ; avoine 288 ; sel 192 ; blé 144]. Chaque boisseau change de valeur selon les façons (fixées par l'usage) de le remplir : bon poids ou poids courant ; comble ou ras, etc.

Longueur.

France du Sud : canne (8 pans) : environ 1,80 m. France du Nord (mesures royales) : MESURES USUELLES, hormis tissus et merceries : toise (6 pieds, 12 pouces, 12 lignes) [l'étalon (matrice de toutes les mesures usuelles) de la toise ancienne, fixé sur un mur du Châtelet à Paris, valait 1 959,6 mm ; déformé par un affaissement du bâtiment] ; 1667 remplacée par une toise nouvelle valant 1 949,0 mm, adoptée aussitôt comme l'étalon officiel définitif du royaume et resté en vigueur jusqu'à l'adoption du système métrique décimal. Tissus et merceries : aune et ses fractions (1/2, 1/3, etc) ; valeur officiellement déterminée en fonction de la toise ; depuis 1540 (François 1er) : 3 pieds 7 pouces 8 lignes de la toise ancienne, soit 1,188 m, n'a pas varié jusqu'au système métrique décimal. Agraires : perche de Paris (18 pieds) : 5,85 m ; ordinaire (20 pieds) : 6,49 m ; des Eaux et Forêts (22 pieds) : 7,15 m. Itinéraires : lieue gauloise : 2 222 m (1,5 mille romain) ; de poste (du gaulois leuca, distance entre 2 pierres) : 3,9 km, soit 2 000 toises anciennes ; de France : 4,18 km ; de Paris : jusqu'en 1674 : considérée comme valant 1 666 toises ; 1674 à 1737 : 2 000 (3,898 km) ; 1737 : pour les tarifs du transport de grains 2 400, Ponts et Chaussées 2 000, les Postes 2 200 ; de Touraine : 3,933 km ; de Picardie, Normandie, Champagne : 4,444 km ; de Bretagne, Anjou : 4,581 km. En fait, le nombre de lieues d'une ville à l'autre est fixé traditionnellement et la valeur de la lieue change pour que ce nombre reste constant malgré les variations des itinéraires.

Masse. Pesées commerciales courantes : la livre avec subdivisions selon des partages successifs en 2 (demi-livre, quart ou quarteron, demi-quart, once, demi-once) ; le quintal (dérivé grec de cent, latin centum, arabe quintar) de 100 livres. Valeur variant selon les régions. Il existait, dans une ville déterminée, 2 ou 3 livres différentes (équivalences de 350 à 550 g).

Pesée des métaux précieux et des monnaies : le marc se divisant en 8 onces, de chacune 8 gros, de chacun 3 deniers, de chacun 24 grains. Les rois de France avaient réussi à imposer à toute la France l'usage du marc de Paris, équivalent à 244,75 g, à l'origine du système dit « poids de marc ». Son double était utilisé, à Paris et dans certaines villes, pour le commerce courant, comme « livre poids de marc » (489,5 g).

La pile étalon de France : dite improprement dans certains textes, à partir de la fin du XVIIIe s., « pile de Charlemagne ». Série de poids en godets, d'une masse totale de 50 marcs, composée d'un boîtier, 11 godets et un poids plein. Conservée à la Cour des Monnaies, comme prototype du poids de marc, du XVe au XVIIIe s. et actuellement au musée des Arts et Métiers à Paris. La masse moyenne de ses éléments a été utilisée comme unité de calcul pour déterminer le kilogramme, défini comme égal à 18 827,15 grains du marc de France.

Superficie. Les mesures de longueur citées élevées au carré et, POUR LES BOIS : perche des Eaux et Forêts : 22 pieds de côté soit 484 pieds carrés (51,062 m2) ; de Paris : 18 pieds de côté soit 324 pieds carrés (34,182 m2). Arpent des Eaux et Forêts (du gaulois arepenn, portée de flèche) : 100 perches de côté, soit 48 400 pieds carrés (5 107,20 m2) pour les forêts royales ; ordinaire : 4 221 m2 ; de Paris : 32 400 pieds carrés, 900 toises carrées (3 418,87 m2). Verge [terme sans doute préceltique vège (espagnol vega, champ plat), contaminé par vergée, terrain mesuré à la verge] (1/4 arpent) : 1 276 m2. POUR LES TERRES : Paris : arpent de 100 perches carrées. Normandie : terres et prés par acres (1 acre = 160 perches) [bois et bocages par arpents, vignes et vergers par quartiers (le quartier = 25 perches)]. Dauphiné : sesterées de 900 cannes carrées (sesterée = 4 cartelées ; cartelée = 4 civadiers ; civadier = 4 picotins). Provence : saumée de 1 500 cannes carrées (saumée = 2 cartelées et demie ; cartelée = 4 civadiers ; civadier = 4 picotins). Languedoc : saumée de 1 600 cannes carrées (canne = 8 pans ; pan = 8 pouces 9 lignes). Bretagne : journal de 22 seillons un tiers (seillon = 6 raies ; raie = 2 gaules et demie ; gaule = 12 pieds). Touraine : arpent de 100 chaînes ou perches (perche = 25 pieds ; pied = 12 pouces). Lorraine : journal de 250 toises carrées (toise = 10 pieds ; pied = 10 pouces). Orléanais : arpent de 100 perches carrées (perche = 20 pieds ; pied = 12 pouces). Surface labourable par un homme en une journée : journal (Bordeaux 31,9 ares, Paris 32,8, St-Brieuc 40, Mamers 44, nord de la Mayenne 50, Domfront 50) ; bêchable par 8 hommes l'été : limitée à 360 perches de 9 pieds et demi, en Bourgogne ; pied : 12 pouces.

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