-
Compteur de contenus
6 866 -
Inscription
-
Dernière visite
-
Jours gagnés
17
Tout ce qui a été posté par Vilfredo
-
Ben voyons. C'est le début du roman, c'est la grande époque des moralistes, des libertins, du roman épistolaire, du théâtre bourgeois, de Marivaux, de Diderot, mais sinon c'est pas fou fou? (edit cinq heures plus tard: sans oublier les mémorialistes) La France n'est pas le monde entier. On a écrit des romans avec des narrateurs plus complexes et plus de niveaux méta. Je vois pas en quoi ça "tue" davantage l'idée de roman que Bouvard et Pécuchet ou Salômbo ou Tristram Shandy. Et franchement Céline ne change pas grand chose à l'art du roman comme narration ou récit. C'est vraiment pas ce qui frappe quand on lit ses premiers livres (ceux que les gens ont lu). Les derniers romans sont plus abstraits et avant-garde mais on en parle bcp moins justement: des romans sans intrigue, parfois quasiment illisibles sous la couche d'exclamations et d'onomatopées. C'est plus de la musique.
-
Bof. Il n'y a rien eu de "comparable" à Céline avant ou après Céline. D'un certain point de vue Céline est un écrivain d'un autre temps que le sien, un écrivain en "verve" (la "verve" étant une qualité qui disparaît au XXe, je crois que c'est Drieu qui fait remarquer ça dans son Journal) qui appartient davantage, littérairement parlant, au monde des fabliaux et des satires romaines qu'au monde du roman contemporain. Mais quand on arrête d'estimer la valeur d'une période entière à l'aune d'une autre comme si c'était comparable ou, pire, à l'aune d'un seul auteur, on se rend compte que "la littérature" se porte aussi bien que jamais. Un exemple de pourquoi cette approche ne marche pas: au XVIIIe siècle en France, il n'y a aucun poète. Zéro. A part Chénier, à la toute fin. Comparé aux deux siècles précédents, ça fait mal. Et? "La littérature" est devenue moins bien pour autant parce qu'on n'avait plus notre Ronsard?
-
Comparer les antivax aux Bolchéviques, j'aurai vraiment tout lu. Je m'en fiche des conneries des antivax. Les gens suffisamment cons ou manipulateurs pour les produire influenceront le choix des gens suffisamment cons pour y croire. C'est la vie. Les antivax ne font pas "bien pire": on a d'un côté des gens qui influencent l'opinion (en mal, ok), de l'autre des gens qui applaudissent des agressions. Et le gouvernement n'a aucun rôle dans la méfiance vis-à-vis des MSM bien sûr...? C'est un peu facile de renvoyer tout le monde dos-à-dos.
-
Eh bien @Johnnieboy nous parlions de Céline, événement littéraire de l'année: on vient de mettre la main sur les manuscrits volés à la Libération! Il l'avait toujours dit, c'était vrai. Il s'agit, entre autres, de la fin de Casse-pipe et d'un roman inédit (!), intitulé Londres apparemment. Je frétille d'impatience. https://www.la-croix.com/Culture/Lincroyable-reapparition-manuscrits-disparus-Louis-Ferdinand-Celine-2021-08-05-1201169545
-
Ce que je voulais surtout dire est que peut-être tous les êtres humains ne sont pas susceptibles d'agir moralement. Sinon on n'aurait pas d'exempli, on ferait juste comme tout le monde et on appellerait ça "agir moralement", ou on créerait tous nos propres valeurs, et ça ne risque pas d'arriver. Well je pense qu'on peut faire plus de choses que ça avec le dégoût. Je ne veux pas parler des livres que j'ai pas lus *mais* Haidt en fait la pierre de touche de ses études sur les fondements psychologiques des orientations politiques si je me souviens de son podcast chez jbp. Et il a aussi un rôle dans le comportement sexuel. Mais au-delà de ça, ce à quoi je voulais tendre était plutôt un mécanisme tel que la théorie implique les jugements qui sont portés sur elle (et c'est pour ça que je prenais comme illustration les théories de la vérité). A partir du moment où seuls certains êtres d'une constitution précise peuvent porter des jugements sur la théorie, par proxy (le proxy étant ces êtres), la théorie implique les jugements qui sont portés sur elle. Nous ne sommes que les outils de la théorie pour réaliser le bien moral sur Terre. Dites-moi si je délire. En revanche, je suis d'accord qu'il est sans doute difficile de faire pour 'courageux' ce que Carnap a fait pour 'soluble'. Ni très fascinant d'ailleurs. Mais c'était joli dans le raisonnement. On pourrait aussi dire que je choisirais de la répéter dans une autre vie (l'éternel retour). Mais ça laisse ouverte la question: qu'y a-t-il de spécifiquement moral dans cette action? Il y a beaucoup de choses que je choisirais de répéter dans deux instances identiques modulo le nombre de brins d'herbe mais qui ne sont pas morales. Ni immorales d'ailleurs. 99% des trucs que je fais ces jours-ci par exemple. On en revient bien au problème de caractérisation de la moralité des actions.
-
Macron : ministre, candidat, président... puis oMicron
Vilfredo a répondu à un sujet de Nigel dans Politique, droit et questions de société
Je deviens dylsexique -
Guerre civile culture, IDW, SJW & co
Vilfredo a répondu à un sujet de 0100011 dans Politique, droit et questions de société
Ce mec est vraiment Bryan Mills -
Détroit, Californie, New York : le socialisme Made in USA
Vilfredo a répondu à un sujet de NoName dans Europe et international
La vidéo où il se justifie de toucher les joues d'une femme à un mariage, et qui a fait la Une du NYT, est quand même incroyable. Ah oui et il lui a dit 'ciao bella'. Un vrai danger public. -
Guerre civile culture, IDW, SJW & co
Vilfredo a répondu à un sujet de 0100011 dans Politique, droit et questions de société
C'est incroyable cette liste d'articles (principalement de la BBC pour ce que j'ai lu) autour de Matt Damon, que sa fille aurait convaincu de ne pas employer le mot "faggot" (qui n'est même pas écrit en entier dans les articles comme s'il fallait conjurer la présence de Voldemort; il n'y a pas si longtemps on censurait Fairytale of New York de The Pogues pour cette raison je rappelle). D'abord celui-ci: https://www.bbc.com/news/entertainment-arts-58053709 Ensuite ça: https://www.bbc.com/news/entertainment-arts-58069170 Parce que oui, après qu'on a appris qu'il ne dirait plus "faggot", il y a eu des gens pour se scandaliser qu'il ne décide d'arrêter de le dire que maintenant! Qu'est-ce qu'il est supposé faire? Certes, dans un premier temps, ce qu'il serait supposé faire c'est pas d'autocritique sur son vocabulaire. Mais maintenant qu'il nous en a gratifié, comment va-t-il rétroactivement dédire chaque occurrence de "faggot" dans son passé? Je ne sais même pas qui est le plus pathétique entre les gayzelles horrifiées par le langage de Matt Damon (comme les parents qui disent à leurs gosses "language!") et Matt Damon lui-même. -
Ouch. Vu toutes les conneries qu'ils publient, à la place de Mucchielli je serais vexé.
-
L'un des 5 libéraux français arrive pour grossir les rangs
Vilfredo a répondu à un sujet de Airgead dans Forum des nouveaux
Il *faut* que je me souvienne de dire ça à quelqu'un IRL quand l'occasion se présentera -
J'aime bien les mariages. C'est seulement au matin d'un mariage que j'ai eu l'occasion de manger des pizzas froides au petit déjeuner. C'était bizarre mais c'était bon.
-
L'un des 5 libéraux français arrive pour grossir les rangs
Vilfredo a répondu à un sujet de Airgead dans Forum des nouveaux
On a tous notre petit côté Pinochet -
L'un des 5 libéraux français arrive pour grossir les rangs
Vilfredo a répondu à un sujet de Airgead dans Forum des nouveaux
Mmmhhh? -
Cela dit je suis d'accord avec @cedric.org sur le fait qu'il est possible de distinguer l'obligation morale de l'obligation politique. Mais même moralement ça ne tient pas.
-
Bah non il a raison. A partir de quel ratio commence la responsabilité?
-
La question que je me pose est: est-ce que la "valence morale" de l'action est une propriété de l'action ou de l'agent (quoiqu'on puisse rabattre le second ensemble sur le premier et vice-versa, surtout dans un cadre virtue ethics)? La raison pour laquelle je pose cette question est qu'il y a une tendance à définir un archétype d'agent moral (l'homme de bien e.g.) qui fonctionne, dans la théorie morale en question, comme une simulation, dans la mesure où son trait distinctif est: faire de bonnes actions, et à ce titre, il devient effectivement archétypique. Je parle de simulation parce que la manière dont ça fonctionne est: je prends un individu, je lui fous en 'attributs' whatever I need pour le faire agir moralement, et une fois que je l'ai programmé pour agir moralement comme on remonterait une petite voiture, je le laisse évoluer et je regarde. C'est tautologique et ça ne fait que déplacer le problème d'un cran si l'on se demande ce qu'il faut faire ou pas faire, mais ça change l'orientation de la réflexion si on cherche où regarder pour identifier dans le monde réel ce qu'est une bonne action. Dans une perspective un peu NT, je crois que c'est cette fonction archétypique qui est remplie par les saints et, avant, par les exempli latins (Plutarque, la Vie des hommes illustres), de façon radicalement inutile en fait, parce que le problème de l'application de l'action à des circonstances différentes, ou du degré auquel l'action peut-être abstraite (quelque chose qui ressemble à la question: "y a-t-il une "action" indépendante des circonstances? ce qui nous déplace de la métaéthique à la métaphysique, puisque c'est la même question que: y a-t-il quelque chose comme le concept de "chien" ou une différence entre "chien" et "tel chien" etc.?) reste entier. Cela dit, pour être honnête, ce problème est en fait au coeur de la casuistique... à laquelle je ne connais malheureusement rien Je remonte à la question qui occupe ton oisiveté: la première chose qui me vient à l'esprit est une analogie avec une théorie de la vérité qui dirait quelque chose comme: est vrai un fait dont l'occurrence me force à produire un jugement vrai à son propos. Par exemple: si une version radicale du déterminisme matérialiste (:= absolument toutes nos actions sont déterminées par des réactions physiques et, pourquoi pas, programmées dans notre essence individuelle à notre naissance) est vraie, alors elle l'est aussi nécessairement, et donc dans le jugement porté sur la théorie est déjà déterminé par la théorie. J'imagine un truc pareil pour une théorie de l'action morale. C'est pas absurde pour une classe d'actions mauvaises (je pense aux explications darwiniennes du dégoût, et JBP aurait des choses à dire sur le rapport de tout ça avec le péché originel) mais surtout ça réconcilie l'interrogation sur la nature de l'action avec celle sur la nature de l'agent: une action bonne est telle qu'elle est nécessairement considérée comme bonne, voire réalisée, par un homme (de nature) bon. Si je reprends mon analogie avec la théorie de la vérité, la valence des actions serait un être ontologiquement accessible uniquement à certains êtres comme... les êtres bons. Donc généralisable, dans une certaine mesure, et par définition pas universalisable, parce que les hommes ne sont pas tous égaux. Que ce soit généralisable ne veut pas dire qu'on ait la recette pour le généraliser. Le jugement sur l'action 'bonne' n'étant accessible qu'aux hommes 'bons', à partir du moment où l'un des attributs de 'bon' est le souhait de généraliser l'action, le souhait de généraliser l'action est une conséquence de sa constitution. Ça peut se comprendre dans une perspective à la Nietzsche où les théories morales sont des systèmes de valeurs qui sont tout ce qu'il y a de plus réel, et par là façonnent, au niveau biologique, notre perception du monde. A cet égard, les métaphores qui tournent autour de l'idée de perception et de myopie dans N sont légion (un seul exemple dans Le Cas Wagner: "on ne réfute pas le christianisme, on ne réfute pas une maladie des yeux"). Cette contrainte déterministe qui te force à reconnaître la bonté de l'action morale quand elle se présente à toi pourrait être un sens de l'expression 'loi morale' non pas de façon analogue à la loi juridique, qui peut toujours être désobéie, mais à la loi physique, du coup. On pourrait l'appeler 'la loi des corps moraux'. La modernité a vraiment foutu le bordel en distinguant les faits et les valeurs. That's my theory Le problème maintenant, c'est que ça n'empêche pas d'autres hommes de produire des jugements moraux positifs sur des actions qui ne le méritent pas. On peut toujours botter en touche analytiquement et dire que bah ce sont pas des vrais jugements moraux positifs alors, mais le problème est que ça y ressemble drôlement. Je ne suis pas sûr que ce soit un gros problème cela dit: l'autre point commun entre la valeur de vérité d'une proposition et la valence morale d'un jugement est qu'elles présupposent l'intention de l'agent, donc oui on peut produire des propositions vrais sans s'en rendre compte ou par hasard (c'est le fameux Gettier problem) mais ça n'empêche pas l'ensemble de la théorie de fonctionner. Par ailleurs, si qqn produit un jugement moral erronné, la discrepancy entre ce qu'il dit et ce qu'il fait apparaîtra à ceux à qui elle est 'accessible' et ne cessera donc pas d'exister (pour eux (après on peut avoir un débat pour savoir si des choses existent quand personne ne peut les voir... je ne cesse de me poser la question)). Ça pose quand même un risque dans la théorie, ces faux jugements moraux. Du coup le facteur que je voudrais interroger est la valence morale du prédicat 'généralisable'. On pourrait par exemple considérer que le souhait de généraliser une action, même bonne, est moralement mauvais, précisément à cause du risque de se tromper. Une sorte de prudence épistémologique appliquée à l'action morale. Je fais encore un peu du Nietzsche pour NT avec son histoire de créer ses valeurs, qui coupe l'herbe sous le pied, là aussi, à toute généralisation (Le Gai Savoir, 335). On retombe donc sur une théorie de la nature de l'agent comme présupposée par l'action: un agent est défini comme un être tel qu'il est capable de produire plutôt tel ou tel type d'action, c'est pourquoi la plupart des attributs moraux sont des termes dispositionnels. Je pense un peu à Ryle ici, dans la mesure où il écrit que ce qui est apprécié dans une action est le savoir-faire (skill) qu'elle manifeste. Personne ne conteste qu'une action soit réelle (au sens néopositiviste bateau), mais le savoir-faire n'est pas occulte non plus, pas plus que n'importe quelle disposition en fait (prenons 'soluble' par exemple). Le propre d'une disposition est de se manifester naturellement dans un certain contexte: c'est même la définition logique d'une disposition, et c'est la forme que prennent les énoncés de réduction bilatéraux qu'utilise Carnap dans Testability and Meaning pour réduire 'soluble' en termes observationnels. Donc si on pousse jusqu'au bout mon naturalisme moral, il doit exister une manière de formuler des énoncés de réduction bilatéraux pour 'courageux' et 'bon' de façon analogue à 'soluble' sans qu'on ait à se préoccuper activement de la possibilité d'une généralisation du comportement individuel comme critère définitoire de la valence morale de l'individu agent. Maintenant une raison de ne pas valuer positivement le prédicat 'généralisable' (qui a à voir avec mon point métaphysique du début sur la difficulté d'abstraire une action comme on ferait pour un concept: la différence évidente est que l'action n'est pas là dehors, elle est effectuée par un agent, et l'agent est tel qu'il est disposé à effectuer tel type d'action): je suis profondément convaincu que la bonne action dans le dilemme du trolley est de changer de voie et de causer proximalement la mort d'un ouvrier. La raison pour laquelle je pense ça est que cette action n'est pas un meurtre, dans la mesure où mon intention n'est pas de tuer l'ouvrier. On peut vérifier ça (dispositionnellement) en imaginant le contrefactuel où l'ouvrier saute au dernier moment de la voie et échappe à la mort. Dans la 'simulation', est-ce que je dégaine alors mon fusil à lunette pour achever le sonofabitch pendant qu'il détale? Non. Si on revient donc à la première 'simulation', celle où il meurt, force est de constater que, comme je suis la même personne dans cette simulation (ou ce monde possible, pour prendre une terminologie plus morale) que dans l'autre, je ne suis pas un meutrier et donc mon action n'est pas un meurtre (parce que, pour être bien clair, manque l'intention de tuer). Maintenant, qu'est-ce qui est généralisable dans ma bonne action? Bah franchement, j'en sais rien.
-
Oh et il y a l'épisode avec "Gaupette". Cette prostituée qu'il suit pendant des dizaines de pages dans la banlieue de Lyon. C'est presque une petite nouvelle en soi dans le roman, comme faisait Stendhal par exemple avec la Fausta dans La Chartreuse (inspiration évidente de Rebatet). Non vraiment c'est super horny comme bouquin.
-
C'est vraiment très, très bien. Mon exemplaire est abîmé d'avoir circulé dans les mains de tous mes copains justement. Je ne le relirais pas maintenant, j'ai peur de perdre le plaisir que j'avais eu à le dévorer assis sur mon lit pendant 6 jours, le gros bouquin posé sur mes genoux. J'avais mal aux fesses et aux jambes à la fin à force. C'est sans doute la seule tentative réussie en France d'écrire un roman dostoïevskien. Et cette fin
-
Ouh laugh react mais non, il y a une scène de sexe épique à la fin des Deux Etendards plus la scène où il brûle de sexer cette pute d'Yvonne qui m'avait fait exploser de rire. Je crois que ça se termine il lui demande juste de foutre le camp sinon il va l'enfoncer jusqu'à la tête. Edit grillé par JB
-
Oui c’est amusant de lire son Exégèse à petite dose et son Journal même s’il est vraiment extrêmement relou à recopier toutes ses putains de lettres comme si on en avait qqch à faire. Par contre se taper un de ses romans c’est une autre paire de chaussettes comme dit un ami pas français. Oui mais non JB voulait sans doute dire que Huysmans s’était converti après. Il avait extrait toute son incroyance en écrivant le roman (qui se finit d’ailleurs par une prière désespérée)
-
Et pas lu Fante quant à moi il faudrait
-
C’est intéressant mais j’ai du mal à me faire à l’idée d’une littérature plus vivante que la vie. À moins d’être déçu par la vie. C’est peut-être Nabokov qui m’influence à ce moment précis mais je ne vois rien de plus artificiel quune parodie comme Lolita la où la vie ne se laisse jamais manier comme ça. Le résultat c’est que je lève un regard très ironique sur la vie un peu comme si j’avais vu les machines de l’opéra. La désaffection est un effet de la lecture plutôt que ce qui la motive.
-
@PABerryer oui je crois que je vois le différend: je ne suis pas ému par les flots de sang tout seul. Je suis ému si l'image me donne une idée qui me trouble. Ça demande un peu d'imagination artistique. Un exemple: Dans The Girl With the Dragon Tattoo de Fincher par exemple j'ai été plus remué par la scène où Noomie Rapace prend sa revanche sur le violeur des services sociaux que par la scène du viol lui-même. Je ne sais pas très bien pourquoi, mais je pense que c'est voulu: la scène du viol, aussi horrible soit-elle, est banale: le mec en question est un pervers "normal", on sait à peu près ce qu'il va lui faire, il le fait. C'est désagréable, mais ça ne me pousse pas hors de mon fauteuil. L'autre scène (d'ailleurs plus longue) en revanche, on n'en a aucune idée, et c'est justement comme ça que Fincher introduit son personnage dans le film, son intelligence machiavélique et son rapport traumatique à la violence. Après coup, je me suis demandé comment il se faisait que la scène où un coupable est puni m'avait plus choqué que la scène où une innocente est violée. Comme c'est un film sur le viol, je pense que l'une des choses que Fincher voulait que j'aie en tête en sortant de la salle est quelque chose comme ça. C'est donc une très bonne scène. (Par contraste, la scène de torture de Daniel Craig à la fin est bof, mais elle est sauvée par le script époustouflant de Zaillian et Skarsgard bae.) Le film de Gibson n'a rien de tout ça. Les personnages sont aussi caricaturaux que dans un jeu vidéo, le sang et la violence, pour graphique qu'elle soit, est moche (ce sang quasiment noir). Du coup j'ai davantage l'impression de regarder un torture porn qu'une adaptation des Evangiles. Ce n'est même pas même pas seulement que l'image ne me donne aucune idée particulière au-delà de ce qui est littéralement montré ( = mauvaise cinématographie), c'est pire parce que ce à quoi ça me fait penser est complètement hors registre ( = mauvaise direction artistique). Je sais que certains regardent des films ou lisent des romans pour apprendre des trucs sur la crucifixion ou sur comment on vivait à l'époque de Charles II mais moi non (pas plus que Fincher ne m'a appris comment se passait un viol). C'est d'ailleurs le même truc avec Hacksaw Ridge: contrairement à un film comme Save Private Ryan où en plus, certes, d'apprendre des trucs sur le débarquement, pourquoi pas, chaque plan + l'organisation de l'espace sur la plage reste gravée dans ma mémoire, parce que Spielberg ne montre pas juste des gens qui saignent mais des soldats qui ont peur, qui vomissent dans la barque avant de débarquer et des officiers qui essaient de résoudre un problème (le nid de mitraillettes dans le bunker) au milieu du bordel. Pour moi le meilleur film de guerre c'est Full Metal Jacket parce que tu as toute l'horreur du truc, l'inhumanité, tout ce que tu veux, avant même qu'on soit arrivé sur le champ de bataille. Boom. Gibson, lui, a besoin de montrer pour frapper mais ça ne marche pas avec moi. Ce que je trouvais moralisateur c'était l'orientation hagiographique du film. Voilà un héros, quand vous serez grand, vous devrez être comme lui.
-
Je pensais: vous demander ce que vous pensez de Malaparte et de ses romans et nouvelles moins connus. Dans le cas de Malaparte je pense qu'il ne pourrait pas être drôle (et il l'est souvent) si son narrateur n'était pas aussi cynique. En plus, ça maintient l'idée inquiétante, propre à la fois au grotesque et à l'horreur, que tout peut arriver d'une page à l'autre. Sur ton point plus général, je trouve au contraire que ça ouvre beaucoup plus de possibilités de ne pas se coller sur les réactions humainement naturelles (comme l'horreur devant les cadavres), parce que le monde fictionnel peut fonctionner de façon totalement différente. Sinon ça répète juste ce que je pourrais vivre. Ce n'est pas que j'apprécie particulièrement les narrateurs sentimentaux (Céline oui) ou particulièrement froids (Ellis) ou complètement autre chose d'ailleurs parce que tous les romans ne rentrent pas dans cette dichotomie (Nabokov), c'est plutôt que je n'aime pas que la voix qui parle, que ce soit un personnage ou le narrateur ou les deux à la fois, me dise ce que je dois penser. Cela dit, c'est là-dessus que beaucoup de controverses se sont crispées dans la littérature contemporaine je remarque, que ce soit ceux qui ne comprennent pas l'apparente froideur de Joan Didion quand elle parle de la mort de son mari et de la maladie de sa fille dans The Year of Magical Thinking (alors que ce détachement apparent coupe à la racine tout sentimentalisme pour rendre le récit et les images beaucoup plus poignantes; même je trouve que le récit tend à faire une sorte d'anatomie du deuil comme on écrivait des "anatomies de la mélancolie" au XVIIe) ou ceux qui n'ont pas aimé le roman de Littell pour cette même raison. Pour Huysmans, moi j'adore A rebours mais surtout ce n'est pas tellement le narrateur qui est détaché ou blasé, c'est le personnage, et encore, pas toujours! Si tu relis la scène où il est excité à regarder les gosses se battre pour une tranche de pain dégueu, il se lance intérieurement dans une tirade sur la vanité de procréer et la misère de l'existence en général qui ne manque pas de vitalité ou de "position" par rapport à la vie, même si c'est une position pessimiste. Je préfère très largement la modernité de la narration de Huysmans à la furie casse-couilles de son pote Bloy.
