Tramp Posté 19 mars Signaler Posté 19 mars il y a 8 minutes, Daumantas a dit : Souvent des délits (coups et blessures) mais aussi des crimes (viols). Dans les deux cas les peines prévues ne sont presque jamais appliquées. Souvent, dans le cas de viol, les preuves sont vraiment bancales et il y a de la chance (ou pas) d’avoir une condamnation.
Marlenus Posté 19 mars Auteur Signaler Posté 19 mars 38 minutes ago, Tramp said: Un autre argument : étant donné que beaucoup de ça fini en correctionnelle et pas en cour d’assises où l’on juge des crimes sérieux, le système lui même ne croit pas que nombreux de ces « terroristes » avaient l’intention de tuer qui que ce soit. Surtout quand on voit les condamnations derrières (quelques mois de bracelet électronique). Alors cela relève des assises oui, mais les juges (gauchistes?) demandent à chaque fois à correctionnaliser cela: Quote Suivant les réquisitions du Parquet national antiterroriste (Pnat) de mai 2023, la juge d'instruction a correctionnalisé les faits, initialement considérés comme criminels[...] "En dépit de la gravité des projets proposés", le Pnat avait expliqué à l'AFP avoir appliqué sa "politique pénale habituelle [...] lorsque les projets d'action violente ne sont pas pleinement finalisés". https://www.france24.com/fr/france/20240828-france-un-procès-terroriste-ordonné-pour-16-membres-d-un-groupe-d-ultradroite-antimusulman C'est un peu comme les viols qui sont l'immense majorité du temps correctionnalisé.
Tramp Posté 19 mars Signaler Posté 19 mars il y a 29 minutes, Marlenus a dit : C'est un peu comme les viols qui sont l'immense majorité du temps correctionnalisé. Pour pallier à l’absence de preuves qui satisferaient un jury. La correctionnalisation est un symptôme de l’Etat policier. C’est la version française du plaider coupable américain.
Marlenus Posté 19 mars Auteur Signaler Posté 19 mars 1 hour ago, Tramp said: Pour pallier à l’absence de preuves qui satisferaient un jury. Ce n'est pas vendu comme cela. C'est vendu comme plus rapide pour les victimes qui souvent ne veulent pas passer plusieurs années en procès.
Bisounours Posté 19 mars Signaler Posté 19 mars Vous n'êtes pas un peu HS ? À moins que terrorisme, viols etc. soient bien à leur place ici ?
Tramp Posté 19 mars Signaler Posté 19 mars il y a une heure, Marlenus a dit : Ce n'est pas vendu comme cela. C'est vendu comme plus rapide pour les victimes qui souvent ne veulent pas passer plusieurs années en procès. Les victimes présumées.
L'affreux Posté 19 mars Signaler Posté 19 mars Il y a 5 heures, Tramp a dit : Pour pallier à l’absence Pour info. 1
Fenster Posté 22 mars Signaler Posté 22 mars Le 14/03/2025 à 13:01, Johnnieboy a dit : Nasser, ce grand libéral socialiste. Pour info, les gens au pouvoir en Egypte sont ses héritiers sans interruption sauf une seule année. Il avait donc raison de rire. Par ailleurs les bandeurs de Nasser, si tu veux soit les faire bugger et ou montrer leur inculture il suffit de leur demander qui était Johann Von Leers. 1
Soda Posté Samedi at 21:29 Signaler Posté Samedi at 21:29 La vidéo explore l'idée que l'islam d'aujourd'hui aurait été transformé de manière significative par des forces politiques et idéologiques au cours des siècles. Voici les points principaux abordés : 1. **Standardisation du Coran et des Hadiths** : - Après la mort du prophète, le Coran et les Hadiths auraient été utilisés comme outils politiques. - Les dynasties Omeyades et Abbasides auraient fabriqué certains Hadiths pour renforcer leur autorité et discréditer leurs opposants. 2. **Manipulation politique et légitimation du pouvoir** : - Les dirigeants auraient sacralisé leur rôle à travers des récits religieux. - La pensée islamique aurait été rigidifiée en adoptant des concepts comme l'apostasie pour justifier des actions politiques. 3. **Conflits dynastiques et effets idéologiques** : - Les rivalités entre Omeyades et Abbasides auraient façonné l'islam en une mosaïque de pouvoirs concurrents. - Les Hadiths étaient souvent créés pour soutenir les revendications dynastiques. 4. **Déclin philosophique et scientifique** : - Une opposition entre la philosophie et la théologie aurait marginalisé les pensées critiques et scientifiques. - Cela aurait contribué au déclin de l’innovation intellectuelle dans le monde islamique. 5. **Colonialisme et wahhabisme** : - Le colonialisme aurait fragilisé les structures éducatives et politiques islamiques. - Le wahhabisme et ses pétrodollars auraient radicalisé certains aspects de l'islam en diffusant une interprétation littéraliste. La vidéo insiste sur l'importance de mener une relecture critique de l'histoire islamique pour retrouver une spiritualité éclairée et adaptée aux défis modernes. Vous pouvez approfondir ces points grâce aux commentaires sous la vidéo ou en regardant la partie précédente. Cela vous semble pertinent ? 2
Jean_Karim Posté Samedi at 21:52 Signaler Posté Samedi at 21:52 il y a 16 minutes, Soda a dit : La vidéo explore l'idée que l'islam d'aujourd'hui aurait été transformé de manière significative par des forces politiques et idéologiques au cours des siècles. Voici les points principaux abordés : 1. **Standardisation du Coran et des Hadiths** : - Après la mort du prophète, le Coran et les Hadiths auraient été utilisés comme outils politiques. - Les dynasties Omeyades et Abbasides auraient fabriqué certains Hadiths pour renforcer leur autorité et discréditer leurs opposants. 2. **Manipulation politique et légitimation du pouvoir** : - Les dirigeants auraient sacralisé leur rôle à travers des récits religieux. - La pensée islamique aurait été rigidifiée en adoptant des concepts comme l'apostasie pour justifier des actions politiques. 3. **Conflits dynastiques et effets idéologiques** : - Les rivalités entre Omeyades et Abbasides auraient façonné l'islam en une mosaïque de pouvoirs concurrents. - Les Hadiths étaient souvent créés pour soutenir les revendications dynastiques. 4. **Déclin philosophique et scientifique** : - Une opposition entre la philosophie et la théologie aurait marginalisé les pensées critiques et scientifiques. - Cela aurait contribué au déclin de l’innovation intellectuelle dans le monde islamique. 5. **Colonialisme et wahhabisme** : - Le colonialisme aurait fragilisé les structures éducatives et politiques islamiques. - Le wahhabisme et ses pétrodollars auraient radicalisé certains aspects de l'islam en diffusant une interprétation littéraliste. La vidéo insiste sur l'importance de mener une relecture critique de l'histoire islamique pour retrouver une spiritualité éclairée et adaptée aux défis modernes. Vous pouvez approfondir ces points grâce aux commentaires sous la vidéo ou en regardant la partie précédente. Cela vous semble pertinent ? Un des sujets du CAPES d'histoire-géographie en 2015 était Islam médiéval. Je n'ai pas encore regardé la vidéo, elle a l'air intéressante, mais ce que tu dis rejoint ce que j'avais lu dans ce livre https://www.atlande.eu/histoire-medievale/338-gouverner-en-islam-xeme-xveme-siecle-9782350302737.html En gros, la religion était l'excuse des politiques lors des changements de dynastie et des coups d'états, et s'il n'y avait rien à reprocher aux anciens dirigeants, on changeait les règles afin de montrer qu'ils étaient bien impies.
Mégille Posté il y a 19 heures Signaler Posté il y a 19 heures Il y a 10 heures, Soda a dit : La vidéo explore l'idée que l'islam d'aujourd'hui aurait été transformé de manière significative par des forces politiques et idéologiques au cours des siècles. Voici les points principaux abordés : 1. **Standardisation du Coran et des Hadiths** : - Après la mort du prophète, le Coran et les Hadiths auraient été utilisés comme outils politiques. - Les dynasties Omeyades et Abbasides auraient fabriqué certains Hadiths pour renforcer leur autorité et discréditer leurs opposants. 2. **Manipulation politique et légitimation du pouvoir** : - Les dirigeants auraient sacralisé leur rôle à travers des récits religieux. - La pensée islamique aurait été rigidifiée en adoptant des concepts comme l'apostasie pour justifier des actions politiques. 3. **Conflits dynastiques et effets idéologiques** : - Les rivalités entre Omeyades et Abbasides auraient façonné l'islam en une mosaïque de pouvoirs concurrents. - Les Hadiths étaient souvent créés pour soutenir les revendications dynastiques. 4. **Déclin philosophique et scientifique** : - Une opposition entre la philosophie et la théologie aurait marginalisé les pensées critiques et scientifiques. - Cela aurait contribué au déclin de l’innovation intellectuelle dans le monde islamique. 5. **Colonialisme et wahhabisme** : - Le colonialisme aurait fragilisé les structures éducatives et politiques islamiques. - Le wahhabisme et ses pétrodollars auraient radicalisé certains aspects de l'islam en diffusant une interprétation littéraliste. La vidéo insiste sur l'importance de mener une relecture critique de l'histoire islamique pour retrouver une spiritualité éclairée et adaptée aux défis modernes. Vous pouvez approfondir ces points grâce aux commentaires sous la vidéo ou en regardant la partie précédente. Cela vous semble pertinent ? Intéressant, mais à part la toute dernière partie, ça parle de l'islam historique, pas spécifiquement de l'islam "d'aujourd'hui" ! Et à propos de la réaction musulmane actuelle, il y a plusieurs éléments importants qui manquent. Cette réaction, qu'on assimile beaucoup à Ibn Abdelwahhab (dont je n'ai pas l'impression qu'il soit très influent hors du clan Saoud), est à la fois plus récente, et trans-sectaire, plutôt que vraiment anti-sectaire. Alors que les wahhabi d'Arabi Saoudite sont quand même très ancré dans l'école hanbali, historiquement plus rigide et littéraliste que les autres, les talibans par exemple sont liés à l'école hanafi, pourtant historiquement la plus libérale. Et les Frères musulmans se font les avocats des écoles traditionnelles toute entière, et sont loin des excès salafi. Et ça ne se limite pas au sunnisme, la révolution iranienne, chiite duodécimaine, est sans doute le point de départ de l'islamisme actuel. Et les houthis, chiites zaydi, ne sont pas en reste. Et d'ailleurs, point intéressant à mettre en lien avec le reste de la vidéo : les chiites duodécimains et zaydis ont une théologie très proche de celle des mutazilites, rationalistes. Et les duodécimains étudient les anciens philosophes. Khamenei est même, je crois, un spécialiste de Mulla Sadra, un très grand philosophe du XVIIème siècle (qu'on gagnerait à connaître en occident), héritier de Ibn Sina. Difficile, donc, d'identifier le rejet du rationalisme comme cause unique du fondamentalisme. Sur la partie histoire maintenant. Je n'ai pas vu la vidéo "partie I", mais j'ai l'impression qu'il sous entend qu'il y avait un islam des origines avant toute cette corruption... J'ai plutôt l'impression que c'est la construction historique de l'islam qu'il décrit. Les premiers "musulmans" étaient sans doute des chrétiens hérétiques, apocalyptiques, à tendance arianiste mais pas trop dogmatiques et plutôt inclusifs (plutôt que "muslim", soumis, ils se faisaient appeler "mumin", c'est à dire croyants, incluant parfois les autres chrétiens et les juifs), ayant toujours la Bible chrétienne pour référence (puisque sans elle beaucoup de textes coraniques sont incompréhensibles), mais avec des sources sacrées renouvelées grâce à un prophétisme vivant, qui ne se limitait d'ailleurs pas à Muhammad (j'attends d'ailleurs que la recherche se saisisse de l'importante des autres, en particulier de Musaylima). A propos des hadith. J'ai l'impression que c'est plus subtil que ça, et qu'ils ont d'abord été mobilisé (eux ou en tout cas, leur étude systématique) contre le pouvoir, plutôt que pour lui. Les hadiths jouaient un rôle assez mineurs sous les omeyyades et au début des abbasides, et les imams Abu Hanifa et Malik ibn Anas n'y avaient presque jamais recours. On se met vraiment à voir un mouvement pro-sunna et pro-hadith en opposition au calife al-Mamun, lui même très centralisateur et très autoritaire, et partisan d'un islam plutôt rationaliste. Ce sont les opposants à Mamun, notamment Ibn Hanbal, qui vont utiliser les hadith comme une source d'autorité juridique partagée et décentralisée, plus légitime que le pouvoir politique du calife, et incontrôlable par lui. C'est encore la raison pour laquelle les tentatives politiques de contrôler l'islam pour le rendre modéré sont si inefficaces. La Sunna est une sorte de blockchain, conçue spécifiquement pour résister à ça. L'étape manquante sans doute dans cette histoire est la construction de la mystique musulmane, soufi. Al Ghazali, grand soufi lui-même, ne réfute pas les falasafa seulement au nom de l'orthodoxie, mais aussi au nom des faiblesses internes de leurs systèmes métaphysiques, qu'il maîtrise bien. Et avec et après lui, ce n'est pas tant un islam aveugle et dogmatique qui triomphe contre la pensée critique, mais plutôt un islam plus intuitifs et émotifs. Qui n'est pas tout à fait une plus grande soumission au politique, d'ailleurs, puisqu'il repose sur les figures charismatiques des sheikh. Ca a sans doute contribué à la perte de vitesse scientifique du monde musulman à la fin du moyen-âge. Mais puisque c'est un islam au préoccupation surtout spirituel et supra-mondaine, il était assez compatible avec une certaine modernisation, même s'il était attaché aux écoles théologiques et juridiques traditionnelles. C'est cet islam là, spirituel et esthétique, qui s'est effondré à la fin du XIXème et au début du XXème (au Moyen-Orient en tout cas). Et c'est aussi, peut-être même surtout, contre lui qu'est apparu l'islam bête et méchant actuel, qui rejette aussi bien la philosophie que la mystique, et qui se contente de chercher à appliquer un droit anachronique. 1 2
Soda Posté il y a 17 heures Signaler Posté il y a 17 heures Il y a 2 heures, Mégille a dit : Intéressant, mais à part la toute dernière partie, ça parle de l'islam historique, pas spécifiquement de l'islam "d'aujourd'hui" ! Et à propos de la réaction musulmane actuelle, il y a plusieurs éléments importants qui manquent. Cette réaction, qu'on assimile beaucoup à Ibn Abdelwahhab (dont je n'ai pas l'impression qu'il soit très influent hors du clan Saoud), est à la fois plus récente, et trans-sectaire, plutôt que vraiment anti-sectaire. Alors que les wahhabi d'Arabi Saoudite sont quand même très ancré dans l'école hanbali, historiquement plus rigide et littéraliste que les autres, les talibans par exemple sont liés à l'école hanafi, pourtant historiquement la plus libérale. Et les Frères musulmans se font les avocats des écoles traditionnelles toute entière, et sont loin des excès salafi. Et ça ne se limite pas au sunnisme, la révolution iranienne, chiite duodécimaine, est sans doute le point de départ de l'islamisme actuel. Et les houthis, chiites zaydi, ne sont pas en reste. Et d'ailleurs, point intéressant à mettre en lien avec le reste de la vidéo : les chiites duodécimains et zaydis ont une théologie très proche de celle des mutazilites, rationalistes. Et les duodécimains étudient les anciens philosophes. Khamenei est même, je crois, un spécialiste de Mulla Sadra, un très grand philosophe du XVIIème siècle (qu'on gagnerait à connaître en occident), héritier de Ibn Sina. Difficile, donc, d'identifier le rejet du rationalisme comme cause unique du fondamentalisme. Sur la partie histoire maintenant. Je n'ai pas vu la vidéo "partie I", mais j'ai l'impression qu'il sous entend qu'il y avait un islam des origines avant toute cette corruption... J'ai plutôt l'impression que c'est la construction historique de l'islam qu'il décrit. Les premiers "musulmans" étaient sans doute des chrétiens hérétiques, apocalyptiques, à tendance arianiste mais pas trop dogmatiques et plutôt inclusifs (plutôt que "muslim", soumis, ils se faisaient appeler "mumin", c'est à dire croyants, incluant parfois les autres chrétiens et les juifs), ayant toujours la Bible chrétienne pour référence (puisque sans elle beaucoup de textes coraniques sont incompréhensibles), mais avec des sources sacrées renouvelées grâce à un prophétisme vivant, qui ne se limitait d'ailleurs pas à Muhammad (j'attends d'ailleurs que la recherche se saisisse de l'importante des autres, en particulier de Musaylima). A propos des hadith. J'ai l'impression que c'est plus subtil que ça, et qu'ils ont d'abord été mobilisé (eux ou en tout cas, leur étude systématique) contre le pouvoir, plutôt que pour lui. Les hadiths jouaient un rôle assez mineurs sous les omeyyades et au début des abbasides, et les imams Abu Hanifa et Malik ibn Anas n'y avaient presque jamais recours. On se met vraiment à voir un mouvement pro-sunna et pro-hadith en opposition au calife al-Mamun, lui même très centralisateur et très autoritaire, et partisan d'un islam plutôt rationaliste. Ce sont les opposants à Mamun, notamment Ibn Hanbal, qui vont utiliser les hadith comme une source d'autorité juridique partagée et décentralisée, plus légitime que le pouvoir politique du calife, et incontrôlable par lui. C'est encore la raison pour laquelle les tentatives politiques de contrôler l'islam pour le rendre modéré sont si inefficaces. La Sunna est une sorte de blockchain, conçue spécifiquement pour résister à ça. L'étape manquante sans doute dans cette histoire est la construction de la mystique musulmane, soufi. Al Ghazali, grand soufi lui-même, ne réfute pas les falasafa seulement au nom de l'orthodoxie, mais aussi au nom des faiblesses internes de leurs systèmes métaphysiques, qu'il maîtrise bien. Et avec et après lui, ce n'est pas tant un islam aveugle et dogmatique qui triomphe contre la pensée critique, mais plutôt un islam plus intuitifs et émotifs. Qui n'est pas tout à fait une plus grande soumission au politique, d'ailleurs, puisqu'il repose sur les figures charismatiques des sheikh. Ca a sans doute contribué à la perte de vitesse scientifique du monde musulman à la fin du moyen-âge. Mais puisque c'est un islam au préoccupation surtout spirituel et supra-mondaine, il était assez compatible avec une certaine modernisation, même s'il était attaché aux écoles théologiques et juridiques traditionnelles. C'est cet islam là, spirituel et esthétique, qui s'est effondré à la fin du XIXème et au début du XXème (au Moyen-Orient en tout cas). Et c'est aussi, peut-être même surtout, contre lui qu'est apparu l'islam bête et méchant actuel, qui rejette aussi bien la philosophie que la mystique, et qui se contente de chercher à appliquer un droit anachronique. Merci c'est intéressant, j'ai cherché à en apprendre plus si tu veux lire ça : Révélation 1. Un islamisme trans-sectaire au-delà du seul wahhabisme L’influence du wahhabisme saoudien existe sur l’islamisme contemporain, mais elle est loin d’être exclusive. De nombreux mouvements islamistes puisent dans des traditions diverses, qu’elles soient sunnites non-wahhabites ou chiites. L’islamisme est ainsi trans-sectaire et dépasse les clivages classiques. Par exemple : Les Talibans afghans sont ancrés dans l’islam sunnite non pas via le wahhabisme, mais via l’école juridique hanafite – traditionnellement considérée comme la plus « libérale » des quatre écoles sunnites (Hanafisme — Wikipédia). En effet, le rite hanafite a recours au raisonnement analogique (qiyās) et laisse une certaine place aux coutumes locales dans l’interprétation du droit. Les Talibans s’inscrivent dans la mouvance déobandie, née au XIXe siècle en Inde britannique, qui est un courant réformiste hanafite mêlant conservatisme religieux et résistance à la colonisation. Leur idéologie est donc distincte du salafisme wahhabite, même s’ils en partagent le puritanisme sur certains points. Olivier Roy note par exemple que les Talibans se montrent inflexibles sur des questions de société (droits des femmes, etc.) tout en étant pragmatiques pour asseoir leur pouvoir politique. Cette spécificité s’explique par leur héritage hanafite sud-asiatique, différent du rigorisme hanbalite saoudien. Les Frères musulmans illustrent également le caractère trans-sectaire de l’islamisme. Fondée en 1928 en Égypte par Ḥasan al-Bannā, la Confrérie se veut un mouvement de renouveau islamique englobant l’ensemble de la communauté musulmane (umma). Al-Bannā prônait l’unité islamique au-delà des écoles juridiques (madhāhib) et même au-delà du clivage sunnites/chiites. Dans cet esprit, il considérait que toutes les écoles classiques de jurisprudence sunnite étaient valables et il participa en 1948 à la création d’une Association pour le rapprochement des écoles juridiques (Jamʿiyyat al-taqrīb) réunissant des oulémas sunnites et chiites. Sous son impulsion, l’Université al-Azhar alla jusqu’à reconnaître la validité du rite chiite duodécimain dans l’enseignement officiel. Cette approche œcuménique montre que l’idéologie des Frères valorise l’héritage islamique classique dans son ensemble, bien plus qu’elle n’adopte le seul wahhabisme. D’ailleurs, historiquement, les Frères musulmans se sont opposés à la monarchie saoudienne à plusieurs reprises, et leur doctrine est imprégnée de réformisme social et politique (influences de Rashid Ridā, d’al-Afghānī…) distinct des oulémas conservateurs du Golfe. Les islamismes chiites ont également contribué de manière fondatrice à l’islamisme moderne. La Révolution iranienne de 1979, qui instaure la République islamique chiite duodécimaine, est souvent considérée comme la première « révolution islamiste » de l’ère contemporaine. Son impact a débordé le cadre chiite : dans les années 1980, elle a galvanisé de nombreux militants islamistes sunnites, leur faisant croire qu’une insurrection islamique était possible ailleurs. Certes, des divergences doctrinales ont ensuite limité cette influence (les Frères musulmans sunnites n’imitent pas le modèle du wilāyat al-faqīh iranien), mais l’événement a montré que l’islamisme était un phénomène trans-sectaire. De même au Yémen, le mouvement insurgé des Houthis (chiites zaydites) s’inscrit dans cette nébuleuse islamiste. Leurs leaders ont été fortement inspirés par la révolution khomeyniste en Iran : Ḥussayn al-Houthi admirait l’ayatollah Khomeiny et voulut importer son modèle au Yémen. Les Houthis ont d’ailleurs adopté la doctrine chiite du wilāyat al-faqīh (gouvernance du juriste-théologien) dans une certaine mesure. Bien que le zaydisme yéménite soit historiquement distinct du chiisme iranien, le mouvement Houthi s’est radicalisé dans les années 1990 en intégrant des éléments révolutionnaires chiites ; il se définit comme le défenseur du jihād contre l’Occident et Israël dans la lignée de l’axe Iran-Hezbollah. Tout cela montre que l’islamisme actuel n’est pas monolithique : il inclut des sunnites hanafites (Talibans), des mouvances transnationales non doctrinales (Frères musulmans) et des chiites révolutionnaires (Iran, Hezbollah, Houthis). Chacun puise dans sa tradition propre – jurisprudence classique, idéologie tiers-mondiste, chiisme radical – pour construire un projet politique islamiste. On est donc bien loin de la simple exportation du wahhabisme saoudien : « un islamisme peut s’opposer à un autre islamisme », écrit un rapport de l’Institut Montaigne, soulignant la diversité interne du phénomène. En somme, le paradigme islamiste s’est formé à la croisée de multiples courants de l’islam, sunnites et chiites, plutôt que sous la seule influence du rigorisme wahhabite. Sources : L’historien Fred Halliday et d’autres ont décrit comment l’islamisme sunnite moderne doit autant à l’idéologie des Frères musulmans qu’au salafisme ; de même, la révolution iranienne a été un catalyseur pour nombre de groupes islamistes. Des analyses contemporaines (Olivier Roy, Gilles Kepel) insistent sur les rivalités internes à l’islamisme : par exemple, les wahhabites saoudiens ont combattu les Frères musulmans sur le terrain doctrinal, malgré une apparente convergence conservatrice. Le cas yéménite montre aussi l’entrelacement entre sunnisme et chiisme dans la fabrique de l’islamisme : l’idéologie Houthi zaydite s’inspire de la rhétorique anti-impérialiste islamiste partagée avec l’Iran. Ainsi, l’islamisme contemporain est un phénomène pluriel, transcendant les frontières sectaires de l’islam historique. 2. Chiites duodécimains, zaydites et héritage rationaliste muʿtazilite Les courants chiites, en particulier les duodécimains (imamites) et les zaydites, ont développé au fil du temps des théologies faisant une large place à la raison, souvent proches des doctrines muʿtazilites (théologie rationaliste de l’islam médiéval). Historiquement, les muʿtazilites du VIIIᵉ-IXᵉ siècle mettaient l’accent sur la justice de Dieu et le libre arbitre humain, privilégiant l’interprétation rationnelle des Écritures. Or, on retrouve cette influence chez les penseurs chiites médiévaux : Côté zaydite (branche du chiisme présente au Yémen), l’adoption de la théologie muʿtazilite a été très poussée. « Le zaydisme a adopté la théologie muʿtazilite, puisqu’il en partage les mêmes cinq principes », rappelle un spécialiste. En effet, dès le IXᵉ siècle, des imams zaydites comme al-Qāsim ibn Ibrāhīm (m. 840) ont intégré dans leur doctrine les cinq usūl (principes fondamentaux) du muʿtazilisme. Ces principes incluent notamment l’affirmation de l’unicité absolue de Dieu (tawḥīd sans attributs anthropomorphiques) et de Sa justice (Dieu ne peut vouloir l’injustice), ainsi que la notion du libre arbitre de l’homme. Les sources historiques confirment que « les zaydites… sont restés muʿtazilites en théologie » jusqu’à nos jours. Sous les premiers imams zaydites du Yémen médiéval, les ouvrages de théologiens muʿtazilites irakiens ont été diffusés et étudiés dans les montagnes yéménites. Cette coloration rationaliste distingue le zaydisme d’autres courants : par exemple, un trait zaydite/muʿtazilite est de considérer que l’imam (chef de la communauté) indigne ou tyrannique perd sa légitimité, et qu’il est juste de se révolter contre lui – idée en phase avec la priorité donnée à la justice en théologie. Côté chiisme duodécimain (imamite, majoritaire en Iran et en Irak), le rapport à la raison est également notable, bien que plus nuancé. Après l’Occultation du 12ᵉ imam (vers 874), les intellectuels chiites ont dû élaborer une théologie sans guide infaillible présent. Ils se sont alors tournés en partie vers les outils du kalām rationnel utilisés par les muʿtazilites. Aux Xe-XIe siècles, des théologiens chiites éminents comme al-Shaykh al-Mufīd (m. 1022) et surtout al-Sharīf al-Murtaḍā (m. 1044) ont intégré la dialectique rationnelle dans le chiisme. Sharīf al-Murtaḍā, formé auprès d’un cadi muʿtazilite de Bagdad, a durablement orienté la théologie duodécimaine vers les doctrines de l’école de Baṣra (muʿtazilisme classique). Par exemple, sur la question des attributs divins, les chiites imamites se sont alignés sur la position muʿtazilite niant toute éternité d’attributs distincts en Dieu, afin de préserver l’unicité divine absolue. De même, ils affirment fortement le libre arbitre humain et la responsabilité morale, rejoignant en cela la notion de justice divine chère aux muʿtazilites. Certes, les duodécimains n’ont pas entièrement fusionné avec le muʿtazilisme : ils ont conservé des spécificités (rôle central de l’Imam, etc.). Mais de l’avis des historiens, « les zaydites adoptèrent plus profondément la doctrine muʿtazilite que les duodécimains », ces derniers gardant une certaine distance tout en empruntant des éléments rationnels. Il n’en demeure pas moins que le chiisme imamite s’est construit en dialogue avec le rationalisme : jusqu’à aujourd’hui, la théologie chiite (ʿilm al-kalām) conserve un caractère argumentatif et philosophique marqué, comparé à la théologie sunnite plus scripturaliste. En prolongement de cette tendance, les chiites duodécimains ont valorisé les philosophes de l’islam classique bien plus que ne l’ont fait les sunnites après le XIIᵉ siècle. En terre d’islam sunnite, la philosophie d’Avicenne (Ibn Sīnā) fut en partie rejetée ou marginalisée après les attaques d’al-Ghazālī. À l’inverse, dans le monde chiite (notamment en Iran safavide puis qājār), la tradition philosophique a perduré et s’est renouvelée. Des penseurs comme Mollā Ṣadrā (Ṣadr al-Dīn al-Shirāzī, XVIIᵉ s.) ont élaboré en Iran une synthèse philosophico-mystique (la « philosophie transcendante ») qui reste enseignée dans les séminaires chiites. Encore aujourd’hui, les séminaires de Qom ou de Nadjaf intègrent l’étude de la philosophie islamique (falsafa) – incluant Avicenne, Suhrawardī, Molla Sadrā – dans la formation des oulémas. Le guide suprême iranien Ali Khamenei lui-même, avant d’être homme politique, est un religieux formé aux sciences islamiques ; il a montré un grand intérêt pour Molla Sadrā, allant jusqu’à commémorer en 1999 ce philosophe qu’il décrit comme un « sage éminent » dont l’œuvre offre un puissant squelette rationnel à la pensée islamique. Sous son impulsion, la République islamique célèbre chaque année la « Journée de Molla Sadrā ». De même, l’héritage d’Ibn Sīnā (Avicenne) est revendiqué positivement par les savants chiites : ses œuvres de philosophie et de médecine ont été abondamment commentées en persan et en arabe jusqu’au XXᵉ siècle. Cet attachement à la philosophie rationaliste distingue les duodécimains de nombre de traditionalistes sunnites. L’ayatollah Khomeiny lui-même, fondateur de la théocratie iranienne en 1979, était versé dans l’irrāfan (gnose philosophique) d’inspiration avicennienne et sadraïenne. En ce sens, la culture intellectuelle du chiisme imamite demeure imprégnée de rationalisme et de philosophie, dans la lignée lointaine des muʿtazilites. Sources : De nombreux travaux confirment ces traits. L’historien du droit Wael Hallaq note que les zaydites ont un droit et une théologie très proches du sunnisme mutazilisant. La spécialiste Sabrina Mervin rappelle que « les zaydites ont été influencés par le rationalisme muʿtazilite d’un côté, et se sont rapprochés du sunnisme de l’autre », tandis que « les imamites duodécimains se situent entre les deux ». Sur la philosophie, Henry Corbin a montré dans Histoire de la philosophie islamique comment l’Iran shi’ite a sauvegardé la tradition avicennienne et illuminative quand elle déclinait ailleurs. Enfin, les écrits contemporains de Khamenei attestent de cette estime : « les domaines philosophiques iraniens… sont tous nourris par les idéaux de Molla Sadrā », écrit-il, soulignant que depuis 300 ans les oulémas iraniens sont disciples ou commentateurs de Sadrā. Cela illustre bien la continuité rationaliste revendiquée par le chiisme duodécimain. 3. Les hadiths : de l’arrière-plan des premiers temps à l’arme des traditionalistes Dans l’islam sunnite, les hadiths (traditions rapportant les paroles et actes du Prophète) occupent aujourd’hui une place centrale aux côtés du Coran. Cependant, cela n’a pas toujours été le cas au début de l’histoire islamique. Sous les Omeyyades (661-750) et au début du califat abbasside (VIIIᵉ siècle), l’autorité religieuse s’appuyait d’abord sur le Coran, la pratique des compagnons et le consensus communautaire, tandis que le corpus de hadiths restait fluide et parfois contesté. Ce n’est véritablement qu’au IXᵉ siècle que l’on assiste à la canonisation massive des hadiths et à leur utilisation systématique dans l’élaboration du dogme et du droit (Hadith - Karim Ifrak). En effet, vers la fin du VIIIᵉ siècle, deux grandes écoles de pensée se dégagent dans l’islam sunnite naissant : d’une part l’école du hadith (ahl al-ḥadīth), attachée à la transmission littérale de la tradition prophétique, et d’autre part l’école de l’opinion raisonnée (ahl al-ra’y), plus encline à l’interprétation rationnelle (représentée par l’école hanafite notamment). Sous le califat abbasside, une tension va opposer les partisans de ces deux approches. Les premiers califes abbassides (milieu VIIIᵉ – début IXᵉ) sont connus pour avoir favorisé les savants rationalistes au détriment des traditionalistes. Le calife al-Ma’mūn (813-833), en particulier, était acquis aux idées muʿtazilites et entendait asseoir l’autorité du pouvoir central sur les questions religieuses. En 833, il proclame le Miḥna – une véritable « inquisition » théologique – visant à imposer aux oulémas la doctrine du Coran créé (position rationaliste niant l’éternité incréée du Coran). Al-Ma’mūn et ses successeurs immédiats exigèrent des juges et théologiens qu’ils adhèrent publiquement à cette thèse, sous peine d’emprisonnement. Cette politique autoritaire visait à renforcer le pouvoir califal en matière doctrinale, en s’appuyant sur la théologie spéculative plutôt que sur la tradition. « Les Abbassides… permirent l’épanouissement de l’école rationnelle, la falsafa (philosophie) et le kalām (théologie discursive) » en lieu et place de la stricte tradition (Hadith - Karim Ifrak) (Hadith - Karim Ifrak). Parallèlement, ils cherchaient à étouffer l’influence de l’ancienne école du hadith, jugée trop conservatrice et liée à l’ordre omeyyade précédent (Hadith - Karim Ifrak) (Hadith - Karim Ifrak). Al-Ma’mūn pensait ainsi promouvoir une lecture éclairée et centralisée de la religion. Face à cette emprise du rationalisme d’État, une résistance traditionaliste s’est organisée, incarnée par l’imam Aḥmad ibn Ḥanbal (780-855) et le mouvement des ahl al-hadith. Ibn Ḥanbal, juriste de Bagdad, refusa de se plier aux injonctions du calife lors de la Miḥna. Il s’opposa fermement à l’ingérence du pouvoir politique dans le dogme, au nom de la fidélité à la tradition prophétique. Emprisonné et fouetté pour son refus de renier sa croyance en l’éternité du Coran, Ibn Ḥanbal devint un héros de l’orthodoxie sunnite naissante. Son courage face au calife al-Ma’mūn et son successeur al-Muʿtaṣim a galvanisé les cercles traditionalistes. Comme le résume un chercheur contemporain, Ibn Ḥanbal n’avait pas l’ambition d’imposer ses vues à tous, « mais il s’opposa à ce que l’État dicte la théologie ». Après la mort d’al-Ma’mūn, le calife al-Mutawakkil finit par céder en 851 et abandonna la Miḥna, réhabilitant Ibn Ḥanbal et restaurant la liberté théologique des traditionalistes. Cette victoire marque un tournant : le centre de gravité doctrinal bascule du côté des tenants de la Sunna prophétique. Dans le sillage d’Ibn Ḥanbal, le courant hadithique va alors codifier massivement les traditions prophétiques pour asseoir la norme sunnite. Durant la seconde moitié du IXᵉ siècle, les grands recueils de hadiths (les Six livres canoniques sunnites) sont compilés par des disciples de cette école : al-Bukhārī (mort en 870), Muslim (875), Abū Dāwūd, al-Tirmidhī, al-Nasā’ī, Ibn Mājah… (Hadith - Karim Ifrak). Tous ces savants, souvent élèves de l’imam Ḥanbal ou de ses proches, « s’attelèrent à faire du hadith une école à part entière » en rassemblant des milliers de traditions dans des ouvrages systématiques (Hadith - Karim Ifrak). Leur motivation était de préserver l’héritage prophétique authentique face aux spéculations théologiques jugées hasardeuses. Il s’agissait aussi d’offrir une base solide à la loi islamique (fiqh) et à la doctrine, en s’appuyant sur la Sunna du Prophète plutôt que sur la seule raison humaine. Cette entreprise connut un immense succès : à partir du Xᵉ siècle, l’autorité des hadiths devint indissociable de l’orthodoxie sunnite. Toute réforme ou nouvelle doctrine devait désormais s’appuyer sur une preuve textuelle (Coran ou hadith) pour être légitime. On peut voir là une conséquence directe de la crise de la Miḥna : le traumatisme de l’ingérence califale a conduit les savants sunnites à sanctuariser la Tradition comme rempart contre toute dérive rationaliste imposée d’en haut. En définitive, les hadiths ne furent érigés en pilier central de l’islam sunnite qu’après un processus historique conflictuel. Durant les premières décennies, ils n’étaient qu’une source parmi d’autres et faisaient l’objet de méfiance (de nombreux hadiths forgés circulaient, ce qui incita dès le temps du calife omeyyade ʿUmar II à lancer leur collecte systématique (Hadith - Karim Ifrak)). Mais c’est la réaction au rationalisme d’al-Ma’mūn qui a véritablement cristallisé le mouvement traditionaliste autour des hadiths. Ibn Ḥanbal et ses alliés ont utilisé la Sunna prophétique comme étendard de résistance face au pouvoir central promoteur du muʿtazilisme. La réussite de cette fronde a consacré les hadiths au cœur de la religion sunnite classique : après le IXᵉ siècle, plus aucune autorité politique ne tenta d’écarter la tradition prophétique, et celle-ci devint incontournable dans le dogme, le droit et la piété (Hadith - Karim Ifrak) (Hadith - Karim Ifrak). Comme l’observe l’historien James Hannam, « lors de l’Inquisition (833-848), les inquisiteurs étaient du côté du rationalisme, et leurs victimes des conservateurs refusant d’abjurer la doctrine traditionnelle. La résistance fut menée par Ibn Ḥanbal », qui sortit auréolé de prestige. Par la suite, l’équilibre s’inversa : la « victoire » d’Ibn Ḥanbal fit pencher durablement le sunnisme du côté littéraliste, au point que la pensée théologique rationnelle (muʿtazilite ou philosophique) fut marginalisée dans l’orthodoxie médiévale. Cette évolution à rebours explique en partie pourquoi l’islam sunnite est souvent perçu comme plus scripturaire et inflexible sur la lettre des textes, héritage direct de ce triomphe tardif des hadiths sur le rationalisme d’État. Sources : Les chroniques de l’époque (at-Ṭabarī) rapportent en détail la Miḥna et le supplice d’Ibn Ḥanbal. Des études modernes, comme Ahmad Ibn Hanbal de Christopher Melchert, analysent comment Ibn Ḥanbal a structuré autour de lui le courant ahl al-hadith. L’historien John Nawas a montré que l’échec de la Miḥna fut suivi d’une réhabilitation du hanbalisme et d’un âge d’or de la tradition hadithique. Karim Ifrak note ainsi que l’école du hadith, d’abord encouragée puis combattue par les califes, a fini par triompher : « le combat engagé contre l’école du hadith [par les Abbassides] demeura sans issue », si bien qu’au IXᵉ siècle le droit malikite adossé aux hadiths et le hanbalisme traditionaliste l’emportèrent sur les écoles rationalistes (Hadith - Karim Ifrak) (Hadith - Karim Ifrak). L’intégration des six recueils de hadiths dans le canon sunnite à partir du Xᵉ s. consacre ce triomphe. 4. Le soufisme : apogée mystique, déclin moderne et rejet par l’islamisme Le soufisme, courant mystique de l’islam, s’est imposé au cours du second millénaire comme l’une des expressions majeures de la religiosité musulmane, avant d’être contesté à l’époque contemporaine par les réformismes islamistes. Apogée et ancrage du soufisme dans la tradition islamique : Dès les premiers siècles, des ascètes et mystiques musulmans (Ḥasan al-Baṣrī, Rabia al-Adawiyya au VIIIᵉ s., etc.) mettent l’accent sur l’approfondissement spirituel, l’amour de Dieu et la purification intérieure (taṣawwuf). Mais c’est surtout à partir du XIᵉ siècle que le soufisme s’intègre pleinement à l’orthodoxie, grâce notamment à l’œuvre de l’imam Abū Ḥāmid al-Ghazālī (1058-1111). Grand théologien formé aux sciences juridiques, al-Ghazālī traverse une crise spirituelle et embrasse la voie soufie, qu’il présente non pas comme une hérésie marginale, mais comme le cœur vivant de la foi. Dans son célèbre livre Iḥyā’ ʿulūm al-dīn (« Revivification des sciences de la religion »), il montre que la dimension mystique (ɪḥsān) est indispensable pour vivifier la lettre de la loi islamique. Son influence fut décisive : « Al-Ghazali… fit du soufisme une composante acceptable de l’islam orthodoxe », note l’Encyclopædia Britannica (Al-Ghazali | Biography, History, Philosophy, & Books - Britannica). Après lui, le soufisme devient largement institutionnalisé via la formation de confréries soufies (ṭuruq) à partir du XIIᵉ siècle (Qādiriyya, Rifāʿiyya, Shādhiliyya, Naqshbandiyya, etc.). Ces confréries structurent un islam mystique, spirituel et charismatique : elles sont organisées autour de maîtres spirituels (shaykh ou walī, « saint ») réputés proches de Dieu, et valorisent l’expérience directe du divin par le dhikr (litanies, extase). Dans de nombreuses régions (Maghreb, Afrique de l’Ouest, Anatolie, Asie du Sud), les ordres soufis deviennent la forme dominante de la pratique religieuse, aux côtés de l’islam lettré des juristes. Leur succès tient à plusieurs facteurs : ils proposent une religiosité plus émotionnelle et populaire, accessible aux masses illettrées via les chants et les rites collectifs ; ils offrent aussi un réseau de solidarité et d’encadrement moral dans chaque village (les zaouïas et khānqāhs soufies). De plus, les saints soufis jouissent d’une autorité charismatique souvent supérieure à celle des juges ou cadis officiels, ce qui leur permet de contrebalancer le pouvoir ou de le légitimer. Le soufisme s’est également montré compatible avec certaines formes de modernisation (à relativiser toutefois). Par exemple, au XIXᵉ siècle, plusieurs chefs soufis ont joué un rôle dans les résistances anticoloniales tout en s’appropriant des outils modernes : l’émir ʿAbd al-Qādir en Algérie (chef de la Qādiriyya) ou le Madhi soudanais (chef de la Sammāniyya) ont concilié ferveur mystique et usage des armes à feu européennes. Des courants de « soufisme réformé » ont même émergé, comme la confrérie Shādhiliyya en Égypte qui, au début XXᵉ, prônait l’action sociale et l’éducation tout en s’enracinant dans la spiritualité soufie ( Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume II : Égypte-Turquie - Le soufisme réformiste : l’exemple de trois confréries - CEDEJ - Égypte/Soudan ) ( Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume II : Égypte-Turquie - Le soufisme réformiste : l’exemple de trois confréries - CEDEJ - Égypte/Soudan ). Globalement, cependant, le soufisme classique mettait l’accent sur l’attachement aux saints du passé et la perpétuation des chaînes initiatiques, ce qui a pu freiner son adaptation aux ruptures de la modernité. Affaiblissement du soufisme aux XIXᵉ-XXᵉ siècles : La période moderne voit en effet un net déclin de l’influence soufie dans de nombreuses sociétés musulmanes. Au début du XIXᵉ siècle, les confréries occupaient souvent une place privilégiée – en Égypte par exemple, elles étaient intégrées aux structures de pouvoir ottomanes. Mais « elles ont perdu cette place privilégiée qu’elles occupaient encore au début du XIXᵉ, ne jouant plus qu’un rôle marginal » au XXᵉ siècle ( Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume II : Égypte-Turquie - Le soufisme réformiste : l’exemple de trois confréries - CEDEJ - Égypte/Soudan ) ( Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume II : Égypte-Turquie - Le soufisme réformiste : l’exemple de trois confréries - CEDEJ - Égypte/Soudan ). Les causes de ce recul sont multiples : Les autorités coloniales ont souvent combattu ou coopté les ordres soufis, y voyant des foyers de résistance potentielle ou des forces rivales à leur politique. En Afrique du Nord, l’administration française a tantôt réprimé les confréries (quand elles prenaient les armes), tantôt tenté de les contrôler en les requalifiant en simples associations cultuelles apolitiques (Le wali et l'épée : comment les soufis du XIXe siècle ont résisté au ...) (Le wali et l'épée : comment les soufis du XIXe siècle ont résisté au ...). Cette politique a pu saper leur influence autonome. Surtout, les réformateurs musulmans des XIXᵉ-XXᵉ siècles ont largement critiqué le soufisme, l’accusant d’être sclérosant et contraire à une lecture épurée de l’islam. Des penseurs comme Jamal al-dīn al-Afghānī (1838-1897) et Muḥammad ʿAbduh (1849-1905) ont appelé à un retour aux sources scripturaires (Coran et Sunna) et au rejet des « superstitions » accumulées, visant explicitement certaines pratiques soufies (culte des tombes des saints, croyances aux miracles, etc.). Leur disciple Rashīd Riḍā (1865-1935), figure du salafisme naissant, fut encore plus virulent : en 1904, il publie dans sa revue Al-Manār une critique sévère des confréries, les tenant pour responsables de la stagnation intellectuelle et sociale du monde musulman (Le soufisme réformiste : l'exemple de trois confréries - CEDEJ). « Les salafiyya [réformistes] ont reproché au soufisme d’être un facteur d’arriération des sociétés musulmanes », note l’historien Pierre-Jean Luizard (Le soufisme réformiste : l'exemple de trois confréries - CEDEJ). Cette hostilité s’explique par le contraste entre l’idéal d’un islam pur des origines que promeuvent les réformistes et la réalité du soufisme populaire, perçu comme syncrétique et dégénéré. Le mot d’ordre est à l’*épuration de l’islam* : « retour au Coran et à la Sunna », sans intermédiaires ni interprétations ésotériques ( Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume II : Égypte-Turquie - Le soufisme réformiste : l’exemple de trois confréries - CEDEJ - Égypte/Soudan ). Les confréries soufies deviennent donc la cible privilégiée de ces réformateurs de tout bord – aussi bien des modernistes laïcs (qui les trouvent obscurantistes) que des fondamentalistes religieux (qui les jugent hérétiques) ( Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume II : Égypte-Turquie - Le soufisme réformiste : l’exemple de trois confréries - CEDEJ - Égypte/Soudan ). On leur reproche leur culte des saints assimilé à de l’idolâtrie, leur passivité politique et leur attachement aux traditions folkloriques. Dès lors, l’image du soufisme se dégrade dans les discours publics : au milieu du XXᵉ siècle, dans beaucoup de pays musulmans, être « marabout » ou affilié à une ṭarīqa n’a plus le prestige d’antan et est parfois tourné en dérision. Les État-nations post-coloniaux ont souvent poursuivi ce mouvement en marginalisant institutionnellement les ordres soufis. Par exemple, la Turquie kémaliste interdit purement et simplement les confréries en 1925. En Égypte nassérienne, le pouvoir nationalise en partie les biens des confréries et les place sous tutelle du Ministère des Waqfs, réduisant leur autonomie. Tout cela contribue à un net affaiblissement des réseaux soufis traditionnels. L’islamisme contre le soufisme : C’est dans ce contexte qu’émerge au XXᵉ siècle l’islamisme, c’est-à-dire des mouvements voulant réinsuffler la religion dans le projet politique et social. Or, ces mouvements se construisent en rupture avec l’héritage soufi, qu’ils considèrent comme inadapté aux défis contemporains. Comme l’écrit le chercheur Fazlur Rahman, « l’islam moderne organisé est né en grande partie en opposition au soufisme médiéval ». Concrètement : Les Frères musulmans d’Égypte, quoique ayant compté en leur sein au début des individus issus de confréries, ont rapidement adopté un discours très critique envers les pratiques soufies. Hasan al-Bannā lui-même était initié dans une confrérie (la Ḥaṣāfiyya) dans sa jeunesse, mais en fondant les Frères, il se tourne vers l’action sociale et politique et délaisse les rituels extatiques. Il prêche un islam sobre, tourné vers l’activisme moral et la justice sociale, aux antipodes de la « dévotion passive » qu’il associe aux cercles soufis traditionnels. Dans l’Égypte des années 1930-1940, les Frères musulmans recrutent surtout parmi les nouvelles classes moyennes urbaines, scolarisées, qui voient dans le militantisme islamiste (réunions, œuvres caritatives, lutte anticoloniale) une expression plus moderne de leur foi ( Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume II : Égypte-Turquie - Le soufisme réformiste : l’exemple de trois confréries - CEDEJ - Égypte/Soudan ) ( Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume II : Égypte-Turquie - Le soufisme réformiste : l’exemple de trois confréries - CEDEJ - Égypte/Soudan ). Ces jeunes militants considèrent souvent les confréries soufies comme archaïques, engluées dans le culte des saints du passé et incapables de répondre aux enjeux politiques présents ( Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume II : Égypte-Turquie - Le soufisme réformiste : l’exemple de trois confréries - CEDEJ - Égypte/Soudan ) ( Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume II : Égypte-Turquie - Le soufisme réformiste : l’exemple de trois confréries - CEDEJ - Égypte/Soudan ). Ainsi, en détournant vers eux l’élan religieux de la jeunesse, les islamistes ont contribué au recul du soufisme. Plus radicalement, les courants salafistes et wahhabites – qui font partie de l’islamisme au sens large – mènent une véritable lutte doctrinale contre le soufisme. En Arabie saoudite, le wahhabisme (idéologie d’État depuis le XVIIIᵉ s.) combat depuis toujours le culte des saints et des tombes : nombre de mausolées soufis ont été rasés (y compris, par exemple, la tombe de la mère du Prophète jugée « propice au shirk »). Ce puritanisme anti-soufi s’est exporté via les pétrodollars saoudiens au XXᵉ siècle. Dans des pays comme le Mali, le Pakistan ou l’Indonésie, on a vu des prêcheurs salafistes s’opposer frontalement aux chefs soufis locaux, taxant leurs pratiques de bidʿa (innovation blâmable). L’islamisme jihadiste lui-même, qu’il s’agisse d’al-Qaida ou de Daech, a manifesté une hostilité violente envers le soufisme : destructions de sanctuaires (tombe de Sidi Ahmadou au Mali par Ansar Dine en 2012, tombe de Jonah à Mossoul en 2014, etc.), assassinats ciblés de chefs soufis en Somalie, au Pakistan, en Libye… Ces extrémistes voient dans le soufisme un rival idéologique à éliminer pour établir leur propre vision rigoriste de l’islam. En somme, le soufisme a vu son autorité décliner fortement à l’époque moderne, et les mouvements islamistes ont largement construit leur identité en opposition à lui. Il convient toutefois de nuancer ce tableau : le soufisme n’a pas disparu pour autant. On observe même depuis les années 2000, face aux excès du salafisme, une certaine réhabilitation du soufisme par des États ou intellectuels qui y voient un islam plus modéré et tolérant. Paradoxalement, certains régimes autoritaires contemporains soutiennent les confréries soufies officielles pour contrer l’islamisme politique (ex : en Ouzbékistan ou en Égypte de Sissi). Néanmoins, dans l’histoire longue, le XIXᵉ-XXᵉ siècle a marqué la fin de l’hégémonie du modèle soufi sur la spiritualité musulmane. « Bientôt, le soufisme populaire aura vécu », écrivait l’orientaliste Trimingham en 1971, constatant l’érosion continue de ces pratiques ( Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume II : Égypte-Turquie - Le soufisme réformiste : l’exemple de trois confréries - CEDEJ - Égypte/Soudan ). Sans souscrire entièrement à ce pronostic, force est de constater que l’islamisme actuel – qu’il soit quiétiste, réformiste ou révolutionnaire – s’est en grande partie défini contre le soufisme, considéré comme le passé révolu dont il fallait s’affranchir pour faire renaître une umma conquérante. Sources : Les travaux de John O. Voll ou Alexandre Caeiro documentent la tension entre soufisme et salafisme au XXᵉ siècle. Pierre-Jean Luizard analyse, dans L’Islam au présent (1990), comment « les nouvelles classes moyennes se sont tournées vers les groupes salafistes [et] Ḥasan al-Bannā », porteurs de projets réformistes, alors que les confréries apparaissaient inadaptées aux défis modernes ( Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume II : Égypte-Turquie - Le soufisme réformiste : l’exemple de trois confréries - CEDEJ - Égypte/Soudan ) ( Modernisation et nouvelles formes de mobilisation sociale. Volume II : Égypte-Turquie - Le soufisme réformiste : l’exemple de trois confréries - CEDEJ - Égypte/Soudan ). De son côté, l’historien Marc Gaborieau note que dès la fin du XIXᵉ, les confréries furent accusées de freiner le progrès et la rationalisation de l’islam. Enfin, des sociologues contemporains (Keppel, Hermansen) soulignent qu’aujourd’hui encore le discours opposant *« bons soufis » mystiques et *« mauvais islamistes » militants structure une partie de la vision occidentale, montrant que cette dichotomie trouve ses racines dans l’histoire coloniale et les projets nationalistes du monde musulman (« Bons soufis » et « mauvais islamistes ». La sociologie à l'épreuve ...) (L'apport différentiel du soufisme au registre islamiste pakistanais). 5. Aux origines de l’islam : une secte judéo-chrétienne apocalyptique ? Les débuts de l’islam font l’objet de recherches historiques foisonnantes, et certaines hypothèses novatrices proposent une vision très différente de la tradition musulmane classique. D’après ces travaux, l’islam des premières décennies (VIIᵉ siècle) pourrait s’analyser non comme une religion immédiatement distincte, mais comme un mouvement réformateur au sein du monothéisme proche-oriental, en l’occurrence une forme de secte judéo-chrétienne hétérodoxe aux accents apocalyptiques. Voici les principaux éléments étayant cette thèse : Un mouvement de « croyants » plutôt que de « musulmans » distincts : Le Qur’ān lui-même désigne presque toujours les adhérents de Muhammad comme des mu’minūn (croyants) et non comme muslimūn au sens d’une nouvelle communauté religieuse exclusive (When Believers Became Muslims - Oasis) (When Believers Became Muslims - Oasis). Le terme muslim y a étymologiquement le sens de « soumis à Dieu », et s’applique d’ailleurs à Abraham et aux apôtres de Jésus dans le texte coranique (When Believers Became Muslims - Oasis). Cela suggère qu’à l’origine, les partisans de Muhammad se considéraient simplement comme des croyants monothéistes s’inscrivant dans la continuité des précédents croyants bibliques, et non comme les membres d’une religion entièrement nouvelle appelée « Islam ». Les premiers califes, successeurs de Muhammad, portaient d’ailleurs le titre d’« Amīr al-Mu’minīn » (Commandeur des Croyants) – signe que l’identification première du groupe était d’être la communauté des mu’minūn. Ce n’est que progressivement, vers la fin du VIIᵉ siècle, que le terme muslimūn en viendra à désigner spécifiquement les fidèles de la nouvelle foi, marquant la prise de conscience d’une identité religieuse à part (When Believers Became Muslims - Oasis) (When Believers Became Muslims - Oasis). L’historien Fred Donner parle ainsi d’un « Believers’ movement » originel, oecuménique, qui ne se différencie clairement du judaïsme et du christianisme que plusieurs décennies après la prédication de Muhammad (When Believers Became Muslims - Oasis). Une secte judéo-chrétienne « hétérodoxe » proche de l’arianisme : Plusieurs chercheurs (Christoph Luxenberg, Karl-Heinz Ohlig, etc., dans une perspective radicale, ou plus modérément G. Hawting, P. Crone, etc.) estiment que le milieu d’où émerge l’islam était imprégné de christianisme syriaque hétérodoxe. L’Arabie occidentale du VIIᵉ siècle baignait dans les influences religieuses des empires voisins : la doctrine chrétienne officielle (byzantine ou nestorienne) y côtoyait des courants dissidents, qualifiés globalement de judéo-chrétiens (groupes chrétiens d’origine juive, refusant l’orthodoxie de Nicée). Selon l’un des scénarios avancés, « l’islam représente la transformation sur le sol arabe d’un judéo-christianisme antique » (thèse de G. Stroumsa reprenant des idées plus anciennes) (Judéo-christianisme et islam des origines - Persée). Autrement dit, Muhammad aurait été proche de sectes chrétiennes orientales qui rejetaient la Trinité, vénéraient l’Unique Dieu d’Israël et attendaient un prophète eschatologique. Cette vision fait écho à la doctrine arianiste (du nom d’Arius, IVᵉ s.), qui professait que Jésus n’était pas Dieu mais une créature exaltée : le Coran adopte justement une position unitarienne stricte, refusant la divinité du Christ et la Trinité, ce qui rapproche l’islam de certaines hérésies chrétiennes antérieures ([PDF] La théologie de la substitution du point de vue de l'islam - Almuslih). De plus, le Coran montre une connaissance approfondie de la Bible et des traditions juives et chrétiennes – il évoque Abraham, Moïse, Jésus, Marie, etc., souvent de manière allusive, comme si ses auditeurs étaient déjà familiers de ces récits (ce qui serait le cas s’ils étaient issus d’un milieu biblique). Certains passages coraniques semblent même commenter des querelles théologiques christologiques en milieu syriaque (allusion aux « exagérations » sur Jésus, aux moines et prêtres, etc.). Tout cela appuie l’idée que le message coranique s’inscrit dans le prolongement d’un substrat judéo-chrétien plutôt que comme rupture totale. En ce sens, on peut dire que l’islam primitif était « hétérodoxe » du point de vue byzantin, mais probablement vu comme une réforme puritaine au sein du monothéisme abrahamique par ses propres acteurs. Un message apocalyptique et inclusif : Les premières prédications de Muhammad – et de ses contemporains – avaient un ton fortement eschatologique, annonçant le Jugement Dernier proche et la nécessité de se repentir. Le Coran abonde en descriptions de l’Heure imminente et du sort des croyants vs des pécheurs. Ce caractère apocalyptique n’est pas propre à l’islam : de nombreuses sectes juives ou chrétiennes de l’Antiquité tardive partageaient cette attente fiévreuse de la fin des temps. Selon Fred Donner, ce contexte a favorisé un mouvement inclusif : quiconque acceptait le Dieu unique et l’imminence du Jugement pouvait se joindre aux Croyants, sans nécessairement abandonner son identité antérieure de juif ou de chrétien (Donner's Thesis: Was early Islam an ecumenical movement that included Christians and Jews? : r/AcademicQuran) (Donner's Thesis: Was early Islam an ecumenical movement that included Christians and Jews? : r/AcademicQuran). Le Coran lui-même, dans des versets comme 2:62 ou 5:69, promet explicitement le salut aux « Juifs, Chrétiens et Sabéens » pourvu qu’ils croient en Dieu et au Jour dernier et accomplissent le bien (Donner's Thesis: Was early Islam an ecumenical movement that included Christians and Jews? : r/AcademicQuran). Cela laisse entendre qu’au départ, la communauté se voulait œcuménique : les « gens du Livre » pouvaient être intégrés parmi les mu’minūn sans conversion formelle. « Le mouvement des croyants était monothéiste, intensément pieux et ouvert confessionnellement », résume Donner, « une sorte de mouvement de réforme au sein du monothéisme, plutôt qu’une nouvelle religion distincte » (When Believers Became Muslims - Oasis). Durant cette phase, le rôle de Muhammad était sans doute perçu comme celui d’un réformateur-prophète parmi d’autres dans la lignée biblique, davantage que comme le fondateur d’une religion totalement nouvelle. Donner note ainsi que les premières générations « ne plaçaient pas un énorme accent sur le statut prophétique de Muhammad », se focalisant surtout sur son message d’unicité de Dieu et de piété morale (Donner's Thesis: Was early Islam an ecumenical movement that included Christians and Jews? : r/AcademicQuran) (Donner's Thesis: Was early Islam an ecumenical movement that included Christians and Jews? : r/AcademicQuran). On retrouve ici l’idée que le prophétisme pouvait dépasser la seule personne de Muhammad. Un prophétisme partagé (exemple de Musaylima) : Justement, les sources historiques extra-coraniques confirment qu’au VIIᵉ siècle, d’autres prédicateurs arabes se sont prétendus prophètes en parallèle de Muhammad. Les chroniques musulmanes qualifient ces rivaux de « faux prophètes » (kadhdhāb). Le plus célèbre est Musaylima, actif dans la région de Yamāma (centre de l’Arabie) à la même époque que Muhammad. Musaylima prêchait en invoquant lui aussi Allah, se présentait comme envoyé de Dieu pour sa tribu de Banū Ḥanīfa, et aurait même eu son propre corpus de révélations en prose rimée. Un autre est al-Aswad al-ʿAnsī, prédicateur au Yémen, qui se déclara prophète vers la fin de la vie de Muhammad. Une prophétesse, Sajāḥ bint al-Ḥārith, apparut également en Mésopotamie. Ces personnages témoignent qu’au tournant du VIIᵉ siècle, le concept de « prophète arabe » était pluralisé : Muhammad n’était pas immédiatement reconnu par tous comme le seul prophète. « Muḥammad n’a pas été le seul prophète dans l’Arabie du VIIᵉ siècle, deux de ses compétiteurs, Musaylima et Aswad, étaient actifs dans des régions (sous influence perse)… et une troisième, Sajāḥ, … » rappelle Patricia Crone (Internet History Sourcebooks Project). Évidemment, du point de vue des musulmans fidèles à Muhammad, ces autres prophètes étaient des imposteurs à combattre, ce qui fut fait durant les guerres de Ridda (632-633) où le calife Abū Bakr écrasa leurs mouvements (Full text of "Muhammad and the Believers") (Full text of "Muhammad and the Believers"). Mais le simple fait de leur existence suggère que le climat religieux de l’époque était propice à l’émergence de multiples prophètes au sein d’un monothéisme pas encore unifié. Ce n’est qu’après la victoire des armées de Médine et l’expansion fulgurante de l’empire arabo-musulman que l’autorité exclusive de Muhammad comme « Sceau des prophètes » s’est imposée doctrinalement. En d’autres termes, la définition de l’islam comme religion distincte et fermée prophétiquement (plus de prophète après Muhammad) s’est probablement cristallisée graduellement, dans le contexte de la construction de l’empire des califes et de la nécessité de se différencier clairement des sujets juifs et chrétiens. Au départ, le mouvement de Muhammad pouvait se percevoir lui-même comme une réforme interne du monothéisme abrahamique, où d’autres prophètes auraient pu exister – notion impensable par la suite, mais envisageable dans le bouillonnement religieux du VIIᵉ siècle. Ces hypothèses – dites révisionnistes – restent en débat parmi les spécialistes. Elles reposent sur des analyses critiques du Coran, des hadiths et des sources archéologiques (inscriptions, papyrus) qui parfois contredisent le récit traditionnel musulman. Tous les historiens ne souscrivent pas à l’idée d’un islam purement judéo-chrétien à ses débuts. Néanmoins, ces travaux ont apporté un éclairage neuf en soulignant la continuité entre l’islam naissant et le contexte tardo-antique. Plutôt qu’une rupture ex nihilo, l’islam primitif apparaît inséré dans le monde religieux de son temps, en dialogue/conflict avec les judaïsmes et christianismes environnants. Comme le dit l’historien François Déroche, « le Coran s’inscrit dans un contexte tardo-antique où coexistent différentes traditions scripturaires » (Introduction : la fabrique de l'histoire et de la tradition islamiques). L’inscription de 691 sur le Dôme du Rocher à Jérusalem, par exemple, proclame la foi coranique en des termes adressés aux chrétiens (« Dieu n’a pas engendré et n’a pas été engendré »), montrant qu’à cette date l’islam se définissait encore en référence directe au christianisme. En conclusion, une lecture historico-critique nuancée des origines de l’islam suggère qu’il a pu démarrer comme un mouvement de réforme monothéiste inclusif, assez proche par certains aspects des courants judéo-chrétiens hétérodoxes (comme l’arianisme) – mouvement qui ne s’est singularisé en religion distincte que graduellement. Cette vision, sans nier la part d’originalité de Muhammad, le replace dans une genèse progressive au sein de l’écosystème religieux de la fin de l’Antiquité. Elle aide à expliquer pourquoi le Coran reprend largement les thèmes bibliques et pourquoi les premiers « musulmans » se désignaient comme de simples croyants en continuité avec les adeptes des autres Écritures (When Believers Became Muslims - Oasis) (Donner's Thesis: Was early Islam an ecumenical movement that included Christians and Jews? : r/AcademicQuran). Elle éclaire aussi le phénomène des prophètes arabes concurrents, révélateur d’un ferment prophétique multiple avant la normalisation islamique (Internet History Sourcebooks Project). Bien sûr, ces théories ne font pas consensus et rencontrent des critiques – notamment de la part d’islamologues attachés à la version classique. Mais elles invitent à poser un regard plus large et documenté sur l’émergence de l’islam, en le reliant à l’histoire des idées religieuses de son temps plutôt qu’en l’isolant d’emblée. Les recherches continuent (découvertes de manuscrits coraniques anciens, études de vocabulaire syriaque dans le Coran, etc.) pour affiner cette compréhension historique des débuts de l’islam. Sources : L’ouvrage Muhammad and the Believers de Fred Donner (2010) développe en détail la thèse de la « communauté des croyants » originelle, en s’appuyant sur le Coran et les premières chroniques. Donner y affirme que « les premiers croyants formaient un mouvement piétiste monothéiste et œcuménique » ouvert aux juifs et chrétiens (When Believers Became Muslims - Oasis) (Donner's Thesis: Was early Islam an ecumenical movement that included Christians and Jews? : r/AcademicQuran). Les travaux de Patricia Crone et Michael Cook dès 1977 (Hagarism) avaient proposé de voir l’islam comme un messianisme judéo-ismaélien né en alliance avec des juifs ; Patricia Crone dans des écrits ultérieurs souligne l’existence de prophètes rivaux comme Musaylima et la possible influence de l’Empire sassanide dans ces hérésies arabes (Internet History Sourcebooks Project). Guy Stroumsa (2013) parle d’une filiation judéo-chrétienne de l’islam des origines, rejoignant en cela des intuitions plus anciennes d’orientalistes comme Tor Andrae ou Josef van Ess. Enfin, des chercheurs contemporains comme Édouard-Marie Gallez (thèse sur le « Messie et son Prophète ») vont jusqu’à identifier le Coran à un lectionnaire judéo-chrétien apocalyptique, théorie extrême mais qui s’efforce d’expliquer les nombreuses références bibliques du texte sacré. En synthèse, ces études académiques, appuyées sur des sources variées, fournissent une vérification historique nuancée aux points évoqués : elles confirment que l’islam primitif était imbriqué dans le monde judéo-chrétien et que son message se voulait universel avant de se particulariser, tout en rappelant que cette approche reste l’objet de vifs débats historiographiques. 2
Mégille Posté il y a 16 heures Signaler Posté il y a 16 heures C'est grosso modo une répétition de ma réponse, mais ok !😁 Quelle IA ? J'assume mon côté "révisionniste", oui. Un peu plus à propos Musaylima : la deuxième femme de Ali (quatrième calife et premier imam des chiites) appartenait à la tribu hanafi, qui avait Maslama/Musaylima comme prophète avant les guerres de la Ridda (qui ont suivi la mort de Muhammad). J'ignore l'influence que c'est susceptible d'avoir eu sur Ali, et donc sur ses disciples. Mais, deux autres faits intéressants : le Coran (dont le contenu était encore l'objet de dispute) est très riche en pronoms. Souvent, Dieu s'adresse à son prophète sans le nommer (le nom de Muhammad n'apparaît que 4 fois) en disant "dis leur..." Etc. Si un texte prophétique de Maslama, plutôt que de Muhammad, s'était glissé là dedans, il serait impossible de le savoir... Autre fait intéressant : le troisième fils de Ali était surnommé "Ibn Hanafiyya", fils de la hanafite, en référence à sa mère, plutôt qu'à son père, ce que est assez inhabituel. Ça semble indiquer une certaine importance de la mère en question. Et les partisans de Ibn Hanafiyya, les kaysanites, sont à l'origine à la fois du chiisme postérieur, du soufisme et du mouvement révolutionnaire pro-abbaside. Rien que ça. Pas grand monde ne parle de ces "détails" à ma connaissance... J'ignore ce que les robots trouveront à en dire.
Soda Posté il y a 15 heures Signaler Posté il y a 15 heures il y a 29 minutes, Mégille a dit : 😁 Quelle IA ? ChatGPT 4.5
Bézoukhov Posté il y a 7 heures Signaler Posté il y a 7 heures La culture, c'est comme la confiture ; et et ChatGPT, c'est comme le pâté. C'est quoi la problématique ?
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