Aller au contenu

Crise économique ? Non, crise de régime


vincponcet

Messages recommandés

http://www.lemonde.fr/opinions/article/201…36674_3232.html

Philippe Simonnot, directeur de l'Atelier de l'économie contemporaine

Crise économique ? non, crise de régime, par Philippe Simonnot

LEMONDE.FR | 19.04.10 | 19h02 • Mis à jour le 19.04.10 | 19h02

Les "experts" qui avaient claironné ces derniers mois que la crise était dépassée parce que la Bourse avait retrouvé des couleurs ont dû vite déchanter. Loin d'être terminée, la crise déroule ses effets dévastateurs avec une régularité diabolique. Comme on pouvait s'y attendre, la substitution de la dette publique à la dette privée que l'on a opérée pour venir au secours d'une finance dévoyée n'a fait que reculer les échéances et aggraver les déficits publics, déjà fort lourds. Les "actifs toxiques" dont on cherchait à se débarrasser ont fini par intoxiquer les Etats eux-mêmes.

De deux choses l'une, maintenant : ou bien les gouvernements prennent des mesures pour réduire le fardeau d'une dette qui n'est soutenable ni aux Etats-Unis ni en Europe, quand les taux d'intérêt sont supérieurs au taux de croissance de l'économie, et ces mesures briseront la "relance" annoncée. Ou bien les Etats poursuivent leur fuite en avant, les taux d'intérêt remonteront, le poids de la dette s'alourdira un peu plus, et la relance sera tout aussi molle. La Grèce n'est que le maillon le plus faible de cet enchaînement fatidique, et ce que nous faisons pour la Grèce, nous devrons le faire pour d'autres pays membres de la zone euro. Dans les deux cas, on assistera à une augmentation du chômage, qui se paiera forcément au niveau politique – pour dire les choses calmement. Le résultat des élections régionales en France en est le premier signal.

Cette catastrophe prolongée est due aux défaillances non seulement du système financier, mais du système intellectuel qui le supporte. On lit ici et là que "les théories néolibérales ou néoclassiques se sont fracassées sur la réalité économique" et l'on célèbre partout le retour de Keynes et de l'intervention de l'Etat, lequel aurait ainsi retrouvé toute sa légitimité. Le président Nicolas Sarkozy, jetant aux orties sa soutane libérale, s'est fait le champion de la nouvelle régulation, tandis que des courtisans arrachaient pour lui des applaudissements. Son agitation sur ce thème lui a fait gagner quelques points dans les sondages, vite reperdus tant l'impuissance gouvernementale est de plus en plus évidente.

Oui, ce qui est à l'origine de la dernière crise, les fameux crédits subprimes au Etats-Unis, furent les produits, non d'un marché bancaire libre qui n'existe pas, mais d'une réglementation pleine de ces bonnes intentions dont on pave les enfers.

Oui, ce qui est en question, c'est bien la banque, non parce qu'elle aurait été dérégulée ces dernières années, mais au contraire parce qu'elle est corporatiste, hyper-réglementée, cartellisée et refuse instinctivement toute authentique concurrence. Oui, la banque est fautive, parce qu'à l'abri de banques centrales qui jouent le rôle de prêteur en dernier ressort, elle produit de la monnaie dite fiduciaire, créée ex nihilo, à partir de rien. Autrement dit, des titres de propriété sont créés qui ne correspondent à aucune richesse réelle et perçus comme des propriétés alors qu'ils ne sont que des titres. De rien ne peut rien sortir.

D'aucun bout de papier ne peut sortir de la richesse. Il faut le rappeler sans cesse tant cela est méconnu ou nié : la monnaie de banque est une fausse monnaie validée par la banque centrale et imposée par l'Etat, qu'elle soit libellée en dollar, en euro ou en yuan, et elle finance de faux investissements. Evidemment, le premier bénéficiaire de cette fraude est le créateur de la monnaie fiduciaire, c'est-à-dire le banquier lui-même. D'où ce scandale d'inégalités de revenu et de patrimoine de plus en plus criantes, de plus en plus douloureuses au profit des protagonistes de la sphère financière et au détriment des autres acteurs de l'économie – inégalités qui rendent impossibles des réformes pourtant indispensables, comme celle du régime des retraites.

Oui, grâce à nos néo-keynésiens patentés, bien en cour au gouvernement comme dans les médias, l'Etat est tombé mains jointes dans le piège que lui tendaient ceux qui tiennent la "pompe à Phynance". Sous prétexte de risque systémique, il a sauvé de la faillite des banques et des institutions financières qui ne méritaient pas de survivre à leurs erreurs et à leurs fautes, et il a permis aux cavaliers de la finance de faire un tour de piste supplémentaire. Ubu n'aurait pas fait mieux. De cette socialisation des pertes, correspondant à une privatisation de super-profits éhontés de monopole, le contribuable est invité maintenant à solder les frais. Oui, par conséquent, la hausse des impôts est inévitable, et l'on entend que mensonges à ce sujet. Si la droite ne s'y résout pas, la gauche le fera. Et, oui, le peuple aura raison de se révolter.

La crise actuelle est donc gravissime. Plus qu'une crise systémique, c'est une crise de régime, analogue à celle qu'a connu la monarchie française dans les années 1780, accablée de dettes et incapable d'équilibrer son budget. La seule manière de sortir de cette gigantesque ornière est de mettre fin au faux monnayage issu de la coucherie incestueuse de la banque et de l'Etat. Cette solution a été proposée au prince qui nous gouverne. Malheureusement pour lui, et pour nous, il l'a dédaignée. D'autres s'en chargeront. Et le plus tôt sera le mieux.

Philippe Simonnot est directeur de l'Atelier de l'économie contemporaine.

Lien vers le commentaire

Il y a quelques morceaux de choix:

Les "actifs toxiques" dont on cherchait à se débarrasser ont fini par intoxiquer les Etat

pompe à Phynance

socialisation des pertes, correspondant à une privatisation de super-profits

impuissance gouvernemental

Lien vers le commentaire
Oui, ce qui est en question, c'est bien la banque, non parce qu'elle aurait été dérégulée ces dernières années, mais au contraire parce qu'elle est corporatiste, hyper-réglementée, cartellisée et refuse instinctivement toute authentique concurrence.

Il en parle comme si toutes les régulations financière étaient les mêmes. Or elles diffèrent, parfois de beaucoup, selon les pays (et les BC). Si la crise est venu des USA c'est parce qu'elle était aussi la plus dérégulée en comparaison. L'Espagne avec la même régulation (autorisation de la titrisation et du hors bilan par ex) sur l'immobilier serait dans une panade encore plus grosse qu'aujourd'hui.

Je ne suis pas d'accord avec la doxa libérale. Une fois qu'on aura supprimer les BC (ce qui signifie simplement de redonner aux états le contrôle de la monnaie), permit une véritable concurrence eh bien il faudra toujours une régulation.

Manque aussi un mot dans l'article sur le cas des agences de notations complètement surestimées et de parti-pris.

Lien vers le commentaire

Excellent article de synthèse de Simmonot.

Il est vrai que la crise a commencé aux Etats-Unis parce que la finance y est plus libre. Comme je l'ai entendu hier au sujet de la Grèce, "le marché cherche les failles du système", d'où les tentatives des gouvernants, quasiment désespérées maintenant, de l'en empêcher par la "régulation", dont le seul but est de rééevaluer à la hausse les politiques économiques. Tel un rat, plus le marché est libre, plus il trouve les failles vite.

Et c'est en effet la nature même du régime qui est en cause, avec sa manie populiste de faire croire au mirage du repas gratuit.

Lien vers le commentaire
Si la crise est venu des USA c'est parce qu'elle était aussi la plus dérégulée en comparaison.

Ce n'est pas l'épaisseur de la réglementation bancaire aux Etats-Unis qui viendrait le confirmer, ni l'ampleur des lois sociales sur les crédits alloués par les banques, ni les freddy mac et fannie mae. D'autre part, la crise trouve bien son détonateur dans les taux directeurs bas de la FED et la surproduction de monnaie de sa part, ce n'est donc pas la dérégulation US qui est en cause.

L'Espagne avec la même régulation (autorisation de la titrisation et du hors bilan par ex) sur l'immobilier serait dans une panade encore plus grosse qu'aujourd'hui.

Le cas espagnol est à part, le marché bancaire espagnol est beaucoup plus atomisé, l'incitation à se lancer sur le marché des subprimes bien moindre, pourtant ça ne les a pas empêché de prêter de manière inconsidérée pour l'achat de logement. C'est dans l'immobilier que la régulation ou plutôt réglementation a été la plus néfaste et a permis une augmentation rapide des prix et la création d'une bulle, tout ceci encouragé par les incitations fiscales du gouvernement qui privilégiait les investissements dans l'immobilier source de recettes fiscales rapides et faciles plutôt que d'autres investissements plus productifs.

Lien vers le commentaire

Je ne suis pas du tout d'accord avec l'auteur de l'article concernant la monnaie fiduciaire. Emettre de la monnaie fiduciaire n'est pas une fraude, ce qui est frauduleux c'est d'en appeller aux contribuables pour payer au lieu des banques la mauvaise gestion de cette monnaie fiduciaire.

L'etatisme ne doit pas s'approcher de la monnaie. Les dangers et les risques de l'etatisme sont bien superieurs a ceux d'un marche libre.

Lien vers le commentaire
Ce n'est pas l'épaisseur de la réglementation bancaire aux Etats-Unis qui viendrait le confirmer, ni l'ampleur des lois sociales sur les crédits alloués par les banques, ni les freddy mac et fannie mae. D'autre part, la crise trouve bien son détonateur dans les taux directeurs bas de la FED et la surproduction de monnaie de sa part, ce n'est donc pas la dérégulation US qui est en cause.

C'est une des causes et les USA restent bien l'endroit où il y a le moins de régulation financière. La liste de ce qui y est autorisé est sans comparaison avec les autres pays. Peut-être parce qu'ils vont plus vite que les autres, d'ailleurs il y a fort à parier que dans 5 ans on reproduira peu ou prou les mêmes outils mathématiques que ceux de la crise.

Le cas espagnol est à part, le marché bancaire espagnol est beaucoup plus atomisé, l'incitation à se lancer sur le marché des subprimes bien moindre, pourtant ça ne les a pas empêché de prêter de manière inconsidérée pour l'achat de logement. C'est dans l'immobilier que la régulation ou plutôt réglementation a été la plus néfaste et a permis une augmentation rapide des prix et la création d'une bulle, tout ceci encouragé par les incitations fiscales du gouvernement qui privilégiait les investissements dans l'immobilier source de recettes fiscales rapides et faciles plutôt que d'autres investissements plus productifs.

l'État Espagnol a de manière fort imprudente misé sur l'immobilier mais ça aurait pire encore avec une réglementation similaire. Le cas espagnol n'est pas à part, c'est la même chose en Irlande avec là aussi une rigueur budgétaire exemplaire.

Lien vers le commentaire
C'est une des causes et les USA restent bien l'endroit où il y a le moins de régulation financière. La liste de ce qui y est autorisé est sans comparaison avec les autres pays.

C'est une coïncidence, ce sont bien les réglementations et les agissements des institutions publiques à tous les niveaux qui ont amené les marchés à des comportements irrationnels. Les mêmes réglementations qui ont changé le business model des

Les mêmes agissements qui amènent à la crise de l'endettement publique en Europe cette fois-ci, et là on n'est pas en Amérique où cela fait bien longtemps que ce n'est plus le règne de l'argent facile et du dollar à gogo.

Peut-être parce qu'ils vont plus vite que les autres, d'ailleurs il y a fort à parier que dans 5 ans on reproduira peu ou prou les mêmes outils mathématiques que ceux de la crise.

C'est certain, les acteurs du marché sont bien plus intelligents et réactifs.

l'État Espagnol a de manière fort imprudente misé sur l'immobilier mais ça aurait pire encore avec une réglementation similaire. Le cas espagnol n'est pas à part, c'est la même chose en Irlande avec là aussi une rigueur budgétaire exemplaire.

Je ne sais pas si ça aurait pu être pire parce que l'Espagne est déjà dans la panade avec 20% de chomage. Dans le pire je ne vois plus la différence.

D'autre part, tu me parles du marché bancaire et financier mais le problème de la crise espagnole est vraiment très distinct de la crise internationale, alors que l'Irlande a subi les mêmes effets que les Etats-Unis où la crise immobilière s'est propagée aux marchés financiers, ceci n'a pas vraiment eu lieu en Espagne où la crise immobilière a eu un impact sur les banques espagnoles qui avaient prêté énormément et pas cher grace aux taux de la banque centrale, et donc sur le reste de l'économie, les entreprises ne pouvant plus financer leurs activités par le crédit. Ceci étant je connais moins bien le cas irlandais, tout ce que je sais c'est qu'ils sont en train de serrer la vis en silence, et c'est très bien ainsi.

Il faut se rendre compte qu'alors qu'aux Etats-Unis, la construction et l'immobilier représentent 5% du PIB, en Espagne ils représentent 15 à 20% du PIB, ce qui est considérable et un suicide, mais fruit de la volonté des gouvernements espagnols qui y ont vu une source de recettes fiscales faciles et ont donc influencé ce résultat. Si la réglementation espagnole dans le domaine de l'immobilier avait été moindre, la bulle ne se serait pas créée, les prix auraient augmenté à un rythme bien plus rationnel, ils auraient augmenté car la demande était là mais à un rythme bien inférieur. Pour cela il suffit d'aller voir les chroniques de Vincent Bénard qui raconte comment les lois sur le sol en Espagne sont très restrictives, mal foutues et renchérissent les prix dans l'immobilier.

Lien vers le commentaire

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×
×
  • Créer...