Je vois plusieurs problèmes dans le propos de Blot sur la démocratie directe, que sa critique intelligente (et imparable) de l'oligarchie peut masquer aux esprits libéraux les plus affutés. D'abord, un problème logique : parce que les pays les plus favorables aux libertés économiques et au conservatisme social qu'il défend ont adopté des pratiques démocratiques référendaires ou semi-directes, il pense qu'existe un lien de causalité entre les deux phénomènes : la démocratie devient la cause, la prospérité et la liberté les conséquences. Il y a fort à parier que le lien soit plus un lien de contiguïté, et même qu'au contraire, les effets du principe majoritaire (qui sur le long terme a toujours favorisé le marchandage entre coalitions et la redistribution sociale) soient en fait tempérés par une société civile particulièrement bien organisée et autonome. Si les pratiques de dd marchent en Suisse par exemple, c'est parce qu'il y a une société civile forte pour éviter sa dégénérescence soc-dém, et pas l'inverse.
La démocratie directe n'est pas spécifiquement une pratique libérale, c'est un mode de prise de décision collective qui peut menacer la propriété quand la société qu'elle oblige n'est pas spécialement libérale (ce qui explique qu'en général les auteurs libéraux insistent sur des limitations contre-majoritaires comme la protection des minorités, l'inscription de droits fondamentaux dans la constitution elle-même retiré de la décision législative ordinaire, etc.).
Blot est particulièrement attaché à la DD parce qu'il lui prête des vertus particulières qu'elle n'a pas à mon avis : il pense qu'une fois écartée la représentation oligarchique, le pays réel (en fait les factions victimes de l'oligarchie) reprendra le dessus et se libérera du fiscalisme, de l'immigration et du socialisme, ces puissances fatales qui menacent l'Occident. Il sous-estime l'irrationalité de la foule. Sa grande culture antique devrait lui rappeler que le pendant de la démocratie, c'est le démagogue qui joue sur les passions du moment pour accéder au pouvoir. Un jour il parlera de l'immigration, un autre d'argent gratuit, et un troisième de rupture avec le capitalisme (au gré des modes médiatiques et des fièvres du moment) pour flatter les bas instincts sans souci de cohérence et de modération, et finira même par détruire ce que Blot prétend conserver.
Enfin, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que dit Rincevent quand il dit qu'une personne ne change jamais, qu'elle reste celle qu'elle a toujours été. Le changement se vérifie en actes et en paroles. Or le cas de Blot, force est de constater que son propos demeure très attaché à la démocratie directe et aux pratiques référendaires comme expression du "peuple véritable", à la revanche du pays réel contre celui légal, aux "valeurs héroïques" et à l'anti-immigrationnisme radical. Ce sont les convictions qu'il professait au RPR comme FN par le passé, et qu'il continue de défendre dans son dernier livre et au sein de son institut aujourd'hui. Il suffit de le lire.