Aller au contenu

F. mas

Utilisateur
  • Compteur de contenus

    12 787
  • Inscription

  • Dernière visite

  • Jours gagnés

    43

Tout ce qui a été posté par F. mas

  1. Oooh un marxiste aurait tort parce qu'en ramenant l'ordre politique ou social uniquement à son soubassement économique ("Au moulin à eau correspond la société féodale, et au moulin à vapeur correspond la société bourgeoise" dixit le père barbu) il aurait bien eu du mal à décrypter les sociétés pré-modernes (et à faire la genèse de l'essor du capitalisme, soit dit en passant). La formation des intérêts de classes; des idéologies, puis la dénationalisation des mêmes intérêts toussa, toussa sont des histoires qui se situent au sein du monde moderne, avec la fin des solidarités communales, l'émergence de l'individu et de l'état (et même si on peut trouver des similitudes entre histoire moderne et histoire romaine : après tout, il y a une filiation qui a été faite entre Machiavel lecteur de Tite Live et Marx théoricien de l'antagonisme de classes. Pour le florentin, la république a été vigoureuse et libre à cause de ses querelles intestines entre plébéiens et patriciens, riches et pauvres. La cité est traversée d'"humeurs" aux intérêts inconciliables qu'il s'agit de maîtriser pour le plus grand bien de tous. Ou du Prince. En règle général, Marx est un excellent lecteur des textes classiques -d'Aristote aussi). Maintenant, la division entre gouvernants et gouvernés, et le long cycle de sa mise en place, de son fonctionnement effectif et de son déclin sont des expériences sans doute plus universelle (et onc plus stable dans l'histoire de l'humanité) mais aux contours moins étroits que l'économisme marxiste. Bravo, tu as réussi à dénicher un texte optimiste de Schopenhauer. Bon là, j'exagère. Le désir
  2. F. mas

    Top ringardos

    J'assume : http://www.youtube.com/watch?v=zdJcFIrp_TE
  3. Qu'on cesse de l'assister, de la materner, de lui confisquer les moyens de son autonomie et les solidarités communautaires réapparaitront. Une remarque en passant : nous avons la mémoire courte, et les médias nationaux ont largement filtré les informations disponibles sur les émeutes de 2005 (qui tout en partant des cités, se sont ensuite étendues aux centres-villes). Je rappelle quand même qu'au bout d'un moment se sont formés des embryons de milices de quartiers exaspérés par le désordre. D'ailleurs, à l'époque, Alain Krivine, résidant dans un coin pourri de Saint Denis, en avait rejoint une (au plus grand étonnement d'une petite partie de ses camarades d'extrême gauche incultes).
  4. A chaque civilisation, chaque stade d'évolution de la culture et de la civilisation correspond des qualités humaines encouragées ou dépréciées. Le courage ou la force physique comptaient sans doute plus quand en lieu et place des machines l'organisation sociale n'avait à disposition que des esclaves, comme sous l'Antiquité. Un exemple parlant, plus lié à la vie de l'esprit : aujourd'hui, la mémoire n'a qu'une importance secondaire parmi les facultés humaines pour une raison aisément compréhensible, à savoir l'existence de substituts techniques. On ne compte plus de tête parce qu'on a des calculatrices, plus besoin de connaître par coeur des pans de notre histoire ou de notre expérience, parce que tout peut se compiler sur livre ou ordinateur. Cela a un effet très concret sur nos contemporains (c'est-à-dire nouzotre). On a une mémoire de poule si on se compare à nos prédécesseurs médiévaux, qui eux faisaient de la mémoire la faculté reine. Certains historiens rapportent par exemple que St Thomas a exactement rapporté les récits des pères de l'Eglise au pape Urbain IV de tête. C'est explicable bien sûr à une époque où l'imprimerie n'existe pas, et que la transmission des connaissances se fait par la copie et le discours. Dire que la mémoire est une faculté plus appréciée au moyen âge qu'aujourd'hui n'est pas rapporté pour critiquer l'époque présente, qui valorise d'autres facultés (en particulier la raison technique), mais juste pour montrer la grande plasticité de l'être humain (comme tu le dis d'ailleurs). Quant à la similarité entre nature et artifice comme environnement humain : là on est pas d'accord. Si nous nous comportions au sein du monde naturel (ce qui nous est donné) de la même manière qu'au sein du monde civilisé, pourquoi aurions-nous quitté le premier pour le second ? Pourquoi fabriquer des outils si nous étions parfaitement adaptable ? Quand je parle de technique(s), je ne veux pas forcément dire Ipod ou la nasa, mais aussi tout simplement un arc, des flèches, une pierre polie. Maintenant, le problème que je pose, c'est que si la civilisation moderne est une sorte de processus de rationalisation de l'existence visant à maximiser le confort de ses membres et d'éliminer la gêne originelle qui est le moteur de ses activités, alors son stade terminal sera atteint le jour où toutes les facultés et ses qualités personnelles seront remplacées par des arrangements techniques lui permettant de ne plus en faire usage (le rêve de Michel Houellebecq ). Sur l'édification morale et le confort : l'expression que j'ai employé est mauvaise. J'aurais du parler d'édification spirituelle. Les civilisations pré-modernes n'assignent pas au confort la première place sur le podium, et surtout n'en font pas un moyen pour améliorer la condition humaine en général. Qu'on pense à l'Antiquité ou au moyen âge qui sont ce que J Baechler appelle des "hiérocraties", des régimes fondés sur l'autorité, lui-même dépendant d'un principe transcendant comme source unique de pouvoir. Le régime de l'époque médiévale se pense comme un ordre fixe qui met au bas de sa hiérarchie la classe productive (laboratores), donc les contingences matérielles et tout en haut les oratores, ceux qui retirés dans les monastères prient pour le salut du monde. Baechler remarque aussi que l'une des spécificités du moyen âge, c'est l'absence de système de production (ce qui d'ailleurs entraîne sa très grande instabilité : une organisation sociale sans soubassement économique ne marche pas bien). Pour que les hommes commencent un peu à penser à leur confort, il faudra à la fois que naissent les conditions sociales permettant l'éclosion d'une nouvelle classe sociale en dehors du triptyque soldat-paysan-prêtre, à savoir la bourgeoisie au Xeme siècle, et l'affaiblissement de l'idéologie anti-capitaliste qui depuis Aristote (et véhiculée par le mainstream de l'Eglise) condamne la chrématistique.
  5. C'est vrai qu'il faut raison garder. C'est une grosse émeute, mais ce n'est qu'une émeute. On est encore loin du conflit même de basse intensité.
  6. Est-il plus réaliste de poser la stabilité des capacités humaines dans un environnement qui a changé radicalement sur des millénaires ? Je ne sais pas si l'homme du Moyen âge est en tout point semblable à celui du début du XXIe siècle, même si je suis prêt à lui reconnaître des facultés et des qualités communes, mais, disons, exploitées différemment pour répondre à des enjeux différents. Nos capacités cognitives sont effectivement limitées, et nous n'avons cessé d'inventer des artifices pour y pallier. C'est même le sens de la civilisation occidentale, de nos croyances, de nos habitudes, etc. L'homme fabrique des outils parce qu'il n'a pas de griffes, des vêtements parce qu'il n'a pas de fourrure (sauf Chitah), capitalise les informations qui lui sont utiles pour lui éviter cette gêne originelle qui le met à la merci de la nature, jusqu'au jour où il s'est tellement rendu maître de la nature que le sens de sa dépendance évolue : Une fois le monde complètement arraisonné (pour parler comme un philosophe allemand qui se serait reconnu s'il n'était pas mort), l'homme devient dépendant des techniques qui lui facilitent la vie, lui permettent d'économiser son temps pour se consacrer à d'autres choses que sa survie. Et force est de constater qu'une fois libéré des contraintes liées à sa survie, average joe dépense plus son pognon en écran plat et en cd de Rihanna qu'à lire Chaucer ('tention, je suis conscient d'appartenir à la catégorie des buveurs de bière devant la télé). Selon l'heureuse expression d'Arendt, il remplace le loisir par les loisirs. Ceci dit, la question qui reste en suspens est de savoir si la transformation de l'homme qui suit celle de la technique le change irrémédiablement (comme le pensent par exemple des gens beaucoup plus intelligents que moi : Hegel, Kojève, A. Bloom, R. Rorty, Fukuyama, Derrida…et Philippe Muray) ou pas (Leo Strauss par exemple, pour ne citer que lui). Je penche plutôt pour la deuxième hypothèse, et je me dis que les qualités et les vertus qui ne sont plus exploitées ou vivifiées par notre culture contemporaine sont simplement retournées du statut d'actualité à celui de potentialité (pour parler la langue d'Aristote). Quand je parle d'Idiocracy, je fais référence à l'une des dynamiques de notre civilisation, qui, à la fin du Moyen âge, en privilégiant l'amélioration matérielle des hommes plutôt que leur édification morale (pour le meilleur et pour le pire), a abouti au moment de la révolution industrielle à la révolution de l'égalité et l'entrée dans l'ère des masses. L'"homme masse" selon Ortéga y Gasset n'est nouveau non pas par ses aspirations (comme tu le dis, il est hautement probable que le pékin moyen du 13 eme siècle ne soit pas beaucoup plus finaud que n'importe quel vendeur de téléphone portable d'aujourd'hui), mais plutôt par sa nouvelle visibilité. Les masses, c'est beaucoup de monde avec des aspirations vulgaires (au sens étroit du terme), relativement uniformes et un degré d'éducation lowcost. Et qui en font profiter tout le monde (la culture de masse, la religion de l'égalité, et, il faut bien le dire, la démocratie), même ceux qui n'en veulent pas, ou qui cherchent à s'en préserver un peu (là, c'est moi). Sur la religion, pas sûr qu'on puisse la ramener au merveilleux. Par contre sur ce que je disais à propos de la pensée ou de la mentalité magique, c'est exactement le sens de ce que tu dis dans le post cité par WBell.
  7. La Grande Bretagne est en tout cas allée très loin dans le politiquement correct, d'après ce que j'ai pu lire ça où là. Un exemple : il y a quelques mois, j'achète dans un kiosque un journal (le times ? Je ne sais plus, mais pas un truc particulièrement gauchiste) qui faisait état en une de la prise d'assaut d'un immeuble par les forces spéciales pour y déloger un forcené. La réaction de la rédaction(qui organisait un petit débat sur le sujet) a été de polémiquer sur la violence des forces spéciales et ils ont fait écho aux assoces pacifistes qui réclamaient leur dissolution.
  8. Il me semble difficile de nier que certains quartiers ont plus d'immigrés (notamment afro-carribéens pour Tottenham) que d'autres. Par contre, que les foyers d'émeutes se soient étendus à d'autres quartiers, c'est tout à fait possible. J'ai lu quelques articles de la presse britannique allant dans le sens de ce que disait Tremendo. Maintenant, sur ce genre de sujets, il faut toujours prendre des gants avec ce que disent les journalistes. En tout cas, on est pas loin des romans de JG Ballard.
  9. Chitah : la comparaison entre Ipod et astrologie est mal choisie, j'admets. Je voulais simplement souligner le décalage entre les évolutions scientifiques dans tous les domaines de notre existence et la persistance d'une mentalité quasi primitive chez beaucoup de nos contemporains (encore une fois : Idiocracy !). Nick : quand tu dis c'est plus compliqué que ça, tu veux dire que tu penses que Gore et Trichet croient à la camelote qu'ils nous refilent ? C'est ça ?
  10. Il faudrait d'abord qu'on s'entende sur le constat que tu formules : l'effacement de la religion, sur ce que souhaitent les libéraux, et la place de la religiosité à l'ère de la "sortie de la religion", comme dirait l'autre. Je ne suis pas sûr qu'il faille généraliser la "fin de la religion" à l'ensemble de la planète. Elle reste assez vigoureuse un peu partout en dehors de l'Occident, et même en son sein. Je ne pense pas que les libéraux veulent son extinction. Il me semble même que la plupart s'en accommodent assez bien. Plutôt que de "religiosité", qui lie trop étroitement une façon de penser bien particulière ("suivre aveuglément une règle ou un maître") et la religion (qui ne suppose pas forcément la "religiosité ainsi définie), je parlerais plutôt du grand retour à la pensée magique. On est capable à la fois d'utiliser les technologies les plus avancées et de croire aux déclarations les plus rudimentaires, d'avoir un Ipod et d'apporter du crédit à l'astrologie, aux déclarations d'autorité des joueurs de foot et des fonctions de son téléphone mobile. Je pense qu'il y a un élément d'explication à chercher du côté du père Hayek : la société est plus complexe que nos pauvres cerveaux, qui lui a besoin de repères plutôt simples pour que nous puissions agir dans le monde. Du coup, la façon de choisir et de suivre les règles qui nous guident dans nos actions les plus quotidiennes demande l'assentiment sans réflexion (pour économiser du temps). Malheureusement, plus la société se complexifie, plus ces règles simples deviennent difficiles à repérer dans le flot de celles qu'on nous proposent. D'où problème. Enfin bon, je balance ça à chaud, hein…
  11. On comprends quand même à demi-mots que les émeutes ont surtout éclaté dans les quartiers "ethniques", cad ayant le plus grand nombre d'immigrés, en particulier africains (pour Tottenham par exemple). Les dernières émeutes raciales en GB remontent aux années 80, ça doit leur faire tout drôle. Et dire que certains politiciens et journalistes britanniques, au moment des émeutes de 2005, nous expliquaient que la France n'avait pas résolu ses problèmes liés à l'intégration des immigrés. Contrairement à eux. Enfin bon, ils n'ont pas encore déclaré l'état d'urgence.
  12. Quelqu'un a vu "Trip" avec Steve Coogan ?
  13. Mon propos n'était pas de faire le procès de la culture occidentale, mais de retrouver en elle ce qui l'a rendu si efficace dans le domaine des armes (et de l'extermination). Edit : j'ajoute que ce n'est pas non plus le propos de Victor Davis Hanson qui est tout sauf un modéré.
  14. Nous ne sommes pas si éloignés que ça en à l'air : je pense que l'idéologie rma est toujours ce qui donne le ton au département d'état et dans le petit cénacle du pouvoir ( l'insistance sur la coordination interarmes plus que sur la division classiquement clausewitzienne des armées, le gap technologique à entretenir entre les usa et ses concurrents, etc.), mais je n'ai pas dis pour autant que tout ça permet de gagner des guerres (en fait, pas trop, mais ça remplit les caisses des marchands d'armes, des lobbyistes, et des politiciens qui acceptent de voter les budgets faramineux consacrés à la recherche militaire). D'ailleurs, c'est assez marrant (ou tragique, c'est selon) de voir les querelles picochrolines des commentateurs autour de la redéfinition des buts de guerre (comment on fait pour voir qu'on a gagné la guerre ? Il semblerait qu'à l'heure actuelle, la définition se fasse en termes d'intensité de violence plus que de paix).
  15. J'exagère un peu, j'avoue.
  16. FreeJazz : La filiation avec les guerres démocratiques et plus largement humanitaires est effectivement assez claires. Par contre, l'explication par les passions mimétiques ne me convainc pas trop. Ça sent trop les théories girardiennes pour moi. Sur la révolution dans les affaires militaires, je ne suis qu'à moitié d'accord : l'idéologie rma est loin d'avoir du plomb dans l'aile : j'ai plus l'impression que c'est le développement des drones de combat qui est en train de plomber le développement des chasseurs de 5ème génération, et pas une remise en cause fondamentale des principes fondamentaux du airland battle (on mise tout sur le renseignement et les communications, on entretient le gap technologique entre nous et le reste du monde, l'infanterie n'est là que pour amuser la galerie) qui s'était déjà largement accommodé du passage des guerres conventionnelles aux conflits asymétriques. On a beaucoup parlé (enfin surtout chez les militaires et peut être plus encore chez les politiques) de revenir à la guerre contre-subversive, au grand retour de la contre-insurrection genre Galliéni-Galula-Trinquier : j'y vois de l'enfumage, du storytelling pour ménager les opinions publiques occidentales.
  17. Oh je ne parle qu'au nom de moi-même, hein. Je veux bien être un personnage de roman, mais pitié, pas un personnage balzacien ! S'il y avait autant de membres de liborg appartenant à l'hyperclasse, l'asso liborg serait pétée de tunes !!! Allez, que ceux qui ont leur appart sur Park Avenue se dénoncent…maintenant.
  18. A ce stade de la discussion, je vais me permettre une petite digression pédante, mais qui peut intéresser les bretteurs de ce post : j'invite à la lecture des ouvrages de l'historien militaire Victor Davis Hanson sur le sujet, et particulièrement "Culture et carnages". sa thèse centrale peut être résumée comme il suit. La spécificité du modèle moral, culturel et politique occidental est la source de son efficacité militaire voire de sa létalité hors du commun. Parmi les études de cas qu'il prend pour étayer sa thèse, il y a Salamines (480 av JC), Gaugamèles (331 av JC) et aussi Lépante (1571), qui a opposé la "Sainte Ligue" à la flotte ottomane commandée par Ali Pacha. Hanson retrouve derrière l'organisation militaire des deux parties, leurs choix tactiques et stratégiques l'ensemble culturel et politique qui a déterminé leurs positions, et aussi la victoire d'un camp sur l'autre. Dans le cas de Lépante, il souligne particulièrement la qualité d'hommes libres des combattants de la "Sainte Ligue", l'organisation capitaliste (vénitienne principalement) qui leur a fourni le pognon pour construire des bateaux surpuissants en un minimum de temps, et la qualité de ses stratèges qui pouvaient discuter rationnellement et de manière critique de leurs choix sans craindre de se faire étriper. Du côté ottoman, la plupart des hommes sur les bateaux avaient statuts d'esclaves (l'organisation sociale a été déterminante pour la victoire : une fois la galère d'Ali Pacha arraisonnée, ça a été la débandade, puis la curée : la coalition occidentale a massacré avec la meilleure conscience du monde le plus d'ottomans possibles, même désarmés), comme il n'existait pas de système bancaire, Ali Pacha se baladait avec l'intégralité de son pognon sur son bateau (ce qui fait qu'une fois défaite, l'Empire ottoman n'a pu se doter d'un personnel maritime valable pour faire face à ses concurrents) et il n'existait pas dans l'empire ottoman de culture de libre discussion stratégique (les généraux défaits devaient s'attendre à la décollation, ce qui n'incite pas vraiment à apprendre de ses erreurs). Tout ceci me porte à dire que oui, le modèle militaire occidental a toujours été particulièrement efficace, et même d'une redoutable efficacité mais : (1) une partie non négligeable de ses victimes furent d'abord les occidentaux (qu'on se souvienne de la conquête de la Gaule par César ! une campagne d'extermination de 10 ans qui a couté la vie à plus d'un million de gaulois !) (2) l'occident a fourni les outils pour l'extermination à grande échelle, mais aussi les outils intellectuels et critiques pour la prévenir (contrairement, par exemple, à l'empire aztèque) (3) Vu la rapidité d'adoption du système d'organisation militaire occidental par le reste du monde, ce ne sont pas des préventions morales qui ont restraint les non occidentaux dans leurs entreprises militaires diverses et variées, mais le gap technologique résultant de leurs organisations politiques et culturelles (4) il ne s'agit pas pour moi de laver ce modèle pour le rendre plus blanc que blanc : je suis assez fasciné -et horrifié il faut bien le dire- par l'alliance entre le sentiment de supériorité morale et la recherche constante de l'efficacité optimale dans l'organisation militaire des pays occidentaux. En gros, le schéma "une petite bande de barbares sanguinaires attaque un pays ou une cité occidentale horrifie sa population, ce qui la pousse à répliquer en l'exterminant purement et simplement". Et je répète, les victimes ne sont pas forcément extra-occidentales. Tiens, un autre exemple qui me vient à l'esprit : la guerre civile américaine (1861-1865), qui au nom des valeurs de la civilisation (l'esclavage, c'est ignoble) conduit à l'arasement pur et simple de la culture du vieux sud (la "reconstruction").
  19. 'Tention, je balance des explications plausibles, je ne prétends pas faire le tour de la question. Sur la réaction du peuple face aux élites, je dirais spontanément que l'alternative se fait entre Exit, voice or loyalty pour reprendre la typologie d'Hirschmann : soit acceptation passive de la plupart du peuple qui se désintéresse des problèmes politiques et économiques tant que ça ne touchent pas leurs portefeuilles (loyalty),soit protestation d'une minorité contre des élites (politiques ou financières) qui peut prendre des formes très différentes (populisme, idéologies anti-ou altermondialisation, nouvelles radicalités, etc.) (voice) soit stratégies de sortie du système en place (systèmes politiques radicalement alternatifs, altermondialistes ultras, néomarxistesou néofascistes, certains libertariens) (exit). Mais là encore, c'est un début de typologie, je suis preneur de toute réflexion plausible, intelligente et cohérente avec ce qui a été posé dans ce fil. Puisqu'on en est dans l'élaboration d'hypothèses un peu éthérées, ma propre expérience s'alimente de documents aussi scientifiques qu'"Idiocracy" de Mike Judge ou "Burn after reading" des Coen bros (j'aurai pu dire "La révolte des masses" d'Ortega y Gasset, c'est plus classieux, mais c'est faux). Curieusement, chaque fois que je sors de chez moi, que je prends le rer, participe à un dîner en ville ou que je me vois obligé d'aller faire un tour aux Halles, je me prends à comparer la substance de mon quotidien à celle des personnages des films précités (en prenant soin, je te rassure, de ne pas m'épargner dans le lot : il m'arrive de me retrouver dans Osbourne Cox -alias John Malkovitch- pour ceux qui ont vu Burn after Reading, c'est-à-dire un crétin prétentieux qui pense être épargné par la stupidité ambiante alors qu'en fait il porte son propre style de stupidité, à savoir une fatuité incroyable). Cette expérience filmographique poussée m'a porté à réfléchir à l'application (purement fantaisiste) de la théorie des avantages comparatifs appliquée aux qualités humaines pour rendre compte d'une autre forme de polarisation qui se superpose sur celle élite/peuple : arrivé à un certain stade de développement, la grande société n'a plus besoin de beaucoup de gens intelligents (et cultivés), et peut supporter la massification des qualités et des comportements. Le fossé se creuse alors entre une élite éduquée, très brillante, préservée ou volontairement retirée du commun (qu'on ne croisera jamais au coin de la rue, nouzot pauvres mortelles) et le reste du monde (qui n'est pas le contraire, bien entendu, mais dont les qualités diverses et variées ne sont pas forcément totalement utilisées pour leurs fonctions). Voilà, c'est la théorie de comptoir du jour.
  20. Je vais sans doute commencer par un lieu commun (mais ça va mieux en le disant), mais le mouvement anti puis alter mondialiste est une nébuleuse, un ensemble de tendances qui vont des réformistes (style attac) aux radicaux (les ex cocos ripolinés nouveaux résistants genre Negri). D'ailleurs, leurs discours ne parlent que de fédérer ou de coordonner des luttes partout dans le monde plus que de créer un ensemble politique unique et compact (sur le sujet, le bouquin de Phil Raynaud "l'extrême gauche plurielle" est assez bien fichu). J'ai l'impression qu'ils partagent toutes tendances confondues avec leurs adversaires de l'"hyperclasse"des prémisses communes (erronées). Leur problème, ce sont les inégalités de développement, c'est-à-dire de trouver la juste répartition des biens entre les individus à travers le monde pour que tout le monde y trouve son compte. Il y a là une réminiscence de JS Mill, qui proposait de comparer l'économie à un gâteau : on commence à faire le gâteau, puis on distribue les parts aux gens. La production des biens et des services, c'est le job de l'économie, mais la distribution de ses fruits, c'est celui de la société (où de ses représentants légitimes. Au choix les technocrates, les politiques, les syndicalistes, etc.). A partir de là, la critique altermondialiste devient soit une radicalisation d'un discours déjà présent au sein de l'hyperclasse (tu parles d'attac, tu mets dans le mille : les outils de régulations internationales visent à harmoniser le développement via les agences internationales, la taxation des transactions financières etc. Ca se retrouve autant parmi les soc dem à la Amartya Sen, Martha Nussbaum ou chez nous Montebourg côté hyperclasse que les andouilles d'attac et certaines franges du commerce équitable), soit un revival des vieilles lunes marxistes qui vise à faire basculer le rapport de force du moment de distribution des fruits de la croissance en faveur des plus démunis (c'est le bon vieil antagonisme de classes reloaded). Dans les deux cas, on reste prisonnier d'une vision fausse des rapports économiques (je me permets de renvoyer à ce petit article de de Jasay sur la question), le système dominant n'est certes pas libéral, mais son opposition est tout aussi factice.
  21. Je suis totalement d'accord. L'évolution technologique, qui va de pair avec celle économique, oblige en permanence à l'adaptation des systèmes de domination. C'est d'ailleurs pour ça que je parle d'évolution historique (et logique) de la démocratie vers la gouvernance. Pour faire simple : 1/ l'égalité des conditions apparait grâce à l'extrême efficacité du système de développement capitaliste 2/ surgissent alors les variétés de régimes les plus susceptibles d'entériner cette transformation égalitaire ou subjectiviste (le gouvernement représentatif puis la démocratie représentative) 3/ on passe de la démocratie représentative à la social-démocratie (l'achat du consentement par la redistribution sociale est plus efficace pour se maintenir au pouvoir que l'usage de la violence ou la seule protection des prérogatives régaliennes, les aventures impérialistes pour accroitre les ressources des instances dirigeantes), 4/ Le fossé des intérêts entre gouvernants et gouvernés se creusent par la dénationalisation de l'économie (et donc des intérêts individuels des classes les moins liées à la production nationale), sans se traduire par la disparition du dispositif de coercition et de contrainte qui font vivre les premiers sur le dos des seconds (au contraire, on assiste plutôt à son extension). Le gouvernement ou la gouvernance mondiale reste un idéal partagée par une frange non négligeable de l'hyperclasse (de Hans Morgenthau à Jacques Attali en passant par Russell, et consorts), ce qui à mon avis témoigne d'une ambition particulière pour le monde : transposer l'appareil de redistribution sociale à échelle planétaire, au plus grand bénéfice de ses organisateurs. Mais là effectivement, il n'y a pas d'unanimité, et il est difficile d'y déceler une vision univoque de l'hyperclasse.
  22. J'ai bien compris, et je ne le prends pas comme du complotisme. L'exemple de l'Ena est intéressant, parce qu'à l'origine, elle n'est qu'une école visant à former l'élite bureaucratique du pays (en France, il y a plusieurs écoles qui ont des fonctions assez similaires. Je pense à l'X ou polytechnique) et seulement marginalement à éduquer les élites étrangères. On a tous en tête la structure pyramidale du pouvoir gaullien puis pompidolien où le gouvernement n'était q'une succursale de fonctionnaires aux ordres de l'exécutif suprême à savoir le président. La globalisation depuis les 70's a en quelques sortes décentrée les lieux de pouvoir (et donc les pôles d'attraction en matière de rétribution et de postes) aux delà des frontières nationales, ce qui a obligé l'ena à adopter un profil plus international (en multipliant les partenariats et les échanges avec les grandes universités, les bizness school et tout le toutim), parce que justement, une bonne partie des nouvelles promotions envisage leur passage comme une étape vers des postes plus attractifs que ceux traditionnellement attachés à la haute administration publique (c'est plus attractif de piloter un hedge fund que de devenir maître des requêtes au conseil d'Etat).
  23. J'ajoute en complément de ce que je disais que l'idéologie de la gouvernance se distingue de ses ancêtres bureaucratiques ou managériales par son aspect dénationalisé : l'hyperclasse s'est substitué aux élites nationales traditionnelles qui sont en train de se décomposer (et de recomposer avec d'autres intérêts largement transnationaux).
×
×
  • Créer...