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Anticapitalisme fasciste, réactionnaire et ou chrétien


Lexington

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Je cherche à creuser la question de l'anticapitalisme autre que marxiste ou anarchiste. Que conseilleriez vous comme auteurs, livres ou sites internet?

Il n'y a pas à proprement parler, de critique réactionnaire du capitalisme, mais du libéralisme politique. La critique réactionnaire anti-moderne et anti-lumières est de type aristocratique. Anti-moderne au sens où elle nie le principe rousseauiste de l'homme social en lui opposant l'homme individuel et va plus loin, en s'opposant à toute légitimité d'un contrat social, dans sa forme libérale ou socialiste. Elle reconnaît les mérites du capitalisme et ses immenses succès quant à l'enrichissement moyen de la population, mais rejette toute idéologie liée au libre échange, assimilée à une utopie dangereuse puisque reposant sur la servitude d'une idée.

L'angle d'attaque est différent de celui du conservatisme, qui n'a pas de direction propre et veut surtout un statu quo concernant l'ordre existant. La pensée réactionnaire vise la société libérale, son gouvernement démocratique et l'idéologie progressiste sous-jacente, considérés comme des vecteurs d'un égalitarisme forcené, destructeur de la civilisation. L'idée étant qu'en son principe, la civilisation repose sur une sélection, sur des formes et des distinctions, sur une hiérarchie sociale forte permettant l'émergence d'élites naturelles, que l'Etat-nation dans sa forme libérale de gouvernement, tend à empêcher par un nivellement éducatif et l'emprise croissante d'un contrôle social en vue de réguler les moeurs.

Le libéralisme, en introduisant l'égalité des droits comme principe politique, a préparé le terrain à la marche forcée vers une inflation de droits-créance qui débouche sur l'anomie. Le principe du suffrage universel ne peut amener qu'au règne des démagogues, puisque la masse, dévorée par l'envie, le désir de vengeance et la haine, est trop inculte pour sélectionner des prétendants sérieux. Si le parlement devient un repaire de canailles, les lois sociales iront donc vers toujours plus de démagogie, de lâcheté, de corruption et d'irresponsabilité.

On retrouve d'ailleurs cette critique de la démocratie libérale chez certains libéraux comme Tocqueville ou Hoppe, dont ils soulignent le risque qu'elle dégénère inévitablement en despotisme de la masse et tyrannie de la médiocrité, avec la complicité du législateur. Il s'agit donc d'une réaction anti-moderne au nom d'une défense aristocratique des traditions, d'une hiérarchie sociale, d'une esthétique individuelle et de la liberté définie comme faculté de discriminer.

Si l'on prend des auteurs authentiquement réac comme Bonald, de Maistre, Chateaubriand, Flaubert, Burke, Dostoïevsky, Nietzsche, Pareto ou Michels, ils rejettent quasiment autant le socialisme populaire que le conservatisme de la société bourgeoise, en les assimilant aux deux facettes d'un même système, issu du processus moderne d'extension d'un empire démocratique. Bernanos traite pareillement "d'imbéciles" les maurrassiens des années 1930, et "les affreux cuistres bourgeois de gauche".

Les auteurs réac ne doivent donc pas être confondus avec les agitateurs nationalistes de la mouvance action française ou barresienne, qui sont des révolutionnaires promouvant un Etat corporatiste et une forme de socialisme. Le vrai réactionnaire est anti-nationaliste, puisque l'idéologie de la nation est un produit de la révolution et donc de la souveraineté du peuple.

Le problème est que le mot de réactionnaire a été dévoyé par un abus de la novlangue contemporaine, comme repoussoir de tout ce qui tend à s'opposer à la dictature du Bien :

En l’espace de quelques décennies, réactionnaire s’est étendu au social pour désigner ce qui n’est pas conforme au iota près à l’injonction moderne, c’est-à-dire ce qui s’écarte de la nouvelle religion, sociale, solidaire, occultiste et qui ne se soumet pas à ses dogmes.

http://nouvellelanguefrancaise.hautetfort….ctionnaire.html

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Excellent résumé.

Si l'on prend des auteurs authentiquement réac comme Bonald, de Maistre, Chateaubriand, Flaubert, Burke, Dostoïevsky, Nietzsche, Pareto ou Michels, ils rejettent quasiment autant le socialisme populaire que le conservatisme de la société bourgeoise, en les assimilant aux deux facettes d'un même système, issu du processus moderne d'extension d'un empire démocratique. Bernanos traite pareillement "d'imbéciles" les maurrassiens des années 1930, et "les affreux cuistres bourgeois de gauche".

J'y rajouterai René Guénon et à un degré moindre le regretté Philippe Muray.

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Bernanos avait du talent en littérature, mais en matière politique, c'était une bille. Sur le topic : Maurras : Mes idées politiques, Enquête sur la monarchie, Kiel et Tanger, La démocratie religieuse. Plus généralement, pour le rapport de la réaction au libéralisme : Sternhell (Zeev), Les antilumières ; la droite révolutionnaire ; ni droite ni gauche…(Sternhell a tort quand il fait du fascisme le prolongement du mouvement contre les Lumières initié par la Contre-révolution, mais il est bien documenté, un peu comme Nolte) ; Huguenin (François), Le conservatisme impossible. Libéralisme et réaction en France depuis 1789.

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Péguy, un anticapitaliste ?

Enfin comme l'a répondu FZ, parmis les auteurs réactionnaires ou conservateurs il n'y pas de critique anticapitaliste, mais plutôt antilibérale.

Si tu cherches une critique anticapitaliste "de droite", c'est du côté des fascistes et nationalistes qu'il faut regarder.

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Enfin comme l'a répondu FZ, parmis les auteurs réactionnaires ou conservateurs il n'y pas de critique anticapitaliste, mais plutôt antilibérale.

Si tu cherches une critique anticapitaliste "de droite", c'est du côté des fascistes et nationalistes qu'il faut regarder.

On peut résumer cette distinction comme ceci :

Le projet réactionnaire prône la restauration, le fascisme est révolutionnaire.

La politique réactionnaire est aristocratique, le fascisme est républicain.

La société réactionnaire est traditionnaliste, la société fasciste est progressiste.

Le réactionnaire est économiquement capitaliste, le fascisme est socialiste.

Le réactionnaire est spiritualiste ou chrétien, le fascisme est matérialiste, païen ou athée.

La morale réactionnaire repose sur l'honneur, la morale fasciste sur l'obéissance.

La philosophie réactionnaire est anti-idéologue, le fascisme est idéocratique.

Le gouvernement réactionnaire est minarchiste, le gouvernement fasciste nécessite un Etat fort, voire total.

Le réactionnaire est anti-nationaliste, le fasciste est ultra-nationaliste.

Le réactionnaire est individualiste, le fasciste est collectiviste.

etc

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On peut résumer cette distinction comme ceci :

Le projet réactionnaire prône la restauration, le fascisme est révolutionnaire.

La politique réactionnaire est aristocratique, le fascisme est républicain.

La société réactionnaire est traditionnaliste, la société fasciste est progressiste.

Le réactionnaire est économiquement capitaliste, le fascisme est socialiste.

Le réactionnaire est spiritualiste ou chrétien, le fascisme est matérialiste, païen ou athée.

La morale réactionnaire repose sur l'honneur, la morale fasciste sur l'obéissance.

La philosophie réactionnaire est anti-idéologue, le fascisme est idéocratique.

Le gouvernement réactionnaire est minarchiste, le gouvernement fasciste nécessite un Etat fort, voire total.

Le réactionnaire est anti-nationaliste, le fasciste est ultra-nationaliste.

Le réactionnaire est individualiste, le fasciste est collectiviste.

etc

de Maistre ne me semble ni minarchiste, ni encore moins individualiste, pourtant j'en ferai l'archétype de la réaction.

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La politique réactionnaire est aristocratique, le fascisme est républicain.

Ça, c'est très hautement contestable. Républicain n'est pas le mot correct.

La société réactionnaire est traditionnaliste, la société fasciste est progressiste.

Là encore, je ne suis pas certain que "progressiste" soit le bon terme, même si je vois ce que tu veux dire.

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de Maistre ne me semble ni minarchiste, ni encore moins individualiste, pourtant j'en ferai l'archétype de la réaction.

Par définition, prôner la restauration consiste à vouloir restaurer le pouvoir régalien et donc à limiter le gouvernement à ses fonctions régaliennes. Contrairement au fascisme, la pensée réactionnaire est hostile à l'absolutisme hobbsien du Léviathan.

Il n'y a cependant rien de systématique, elle est par nature hostile à tout système.

Concernant de Maistre, il est individualiste au sens où il part du principe que l'Homme abstrait est une fiction, de même que le citoyen. Il n'y a donc de gens que particuliers. Le contrat social est impossible puisque ce sujet fictif ne peut créer une nouvelle société par sa volonté, ce qui revient à une illusion anthropomorphique.

Il ne l'est pas au sens où il affirme que l'individu isolé est également illusoire, que l'individu autonome promu par les Lumières tend vers l'anomie. Ce qu'il rejette c'est donc l'atomisme des sociétés modernes qui détruit les liens traditionnels d'autorité ou de solidarité. Les rapports entre individus sont constitutifs de leur nature sociale, ils conditionnent leurs actions.

Effectivement, de Maistre se distingue par sa conception organiciste de la société, qui prime sur l'individu. En cela, il se montre plus théocrate et monarchiste que représentatif de l'esprit aristocratique, qui dans la pensée politique représente le gouvernement des meilleurs.

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On peut résumer cette distinction comme ceci :

La société réactionnaire est traditionnaliste, la société fasciste est progressiste.

Le réactionnaire est spiritualiste ou chrétien, le fascisme est matérialiste, païen ou athée.

Le réactionnaire est anti-nationaliste, le fasciste est ultra-nationaliste.

Sur ces questions, j'ai l'impression des gens comme Marx ou Hegel grippent plus ou moins ces généralités en rejoignant le point de vue réactionnaire et une forte critique antimoderne.

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Que penser de Lasch ?

Il vient de la gauche marxiste, mais finit par renvoyer dos à dos capitalisme et socialisme.

Sa critique du capitalisme est assez pertinente. Bien qu'il s'en prenne au progressisme et à la culture de masse, ce n'est pas un réac.

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Invité jabial
Le projet réactionnaire prône la restauration, le fascisme est révolutionnaire.

Oui.

La politique réactionnaire est aristocratique, le fascisme est républicain.

Ah non alors. Le fascisme est tout sauf aristocratique, mais de là à le qualifier de républicain… Il est dictatorial, comme le projet socialiste dont il est d'ailleurs clairement issu (pour ceux qui prennent ça pour une provocation, se documenter sur la vie de Mussolini).

La société réactionnaire est traditionnaliste, la société fasciste est progressiste.

Oui.

Le réactionnaire est économiquement capitaliste, le fascisme est socialiste.

Non. Le fascisme est socialiste, mais le réactionnaire n'est pas capitaliste. Le réactionnaire est traditionaliste. L'économie dite traditionnelle repose sur un certain nombre de corporations fermées (aujourd'hui… les dockers?) et sur des barrières douanières qui protègent les producteurs locaux.

Le réactionnaire est spiritualiste ou chrétien, le fascisme est matérialiste, païen ou athée.

Faut voir. Mussolini n'a pas particulièrement brillé par son caractère antireligieux. Le fascisme peut aussi être chrétien - jusqu'à un certain point. Contrairement notamment au nazisme, ultra-païen et antichrétien.

La morale réactionnaire repose sur l'honneur, la morale fasciste sur l'obéissance.

Toute morale repose sur une certaine forme d'honneur.

La morale réactionnaire repose sur la tradition. La morale fasciste repose effectivement sur la fidélité au guide.

La philosophie réactionnaire est anti-idéologue, le fascisme est idéocratique.

Je pense que pour des anti-idéologues les réacs ont des idées bien arrêtées sur ce à quoi devrait ressembler notre vie quotidienne.

Le gouvernement réactionnaire est minarchiste, le gouvernement fasciste nécessite un Etat fort, voire total.

Oui, si tant est qu'on reste dans la réaction brute, ce qui n'est à mon sens pas possible. On ne peut pas remonter le temps. Seule la révolution existe ; et en croyant retourner en arrière on la réinvente. C'est pour ça que, si les réacs sont parfois sympathiques en tant que groupe de pression, je reste convaincu qu'au pouvoir ils se comporteraient aussi mal que les autres. On ne peut impulser par l'Etat le changement dans une société, quelque soit le sens de ce changement, sans augmenter le pouvoir de cet Etat.

Le réactionnaire est anti-nationaliste, le fasciste est ultra-nationaliste.

Pour reprendre les propos d'un communiste, la gauche est nationaliste où la droite est patriote.

Le réactionnaire est patriote, le fasciste est nationaliste.

Le réactionnaire est individualiste, le fasciste est collectiviste.

Le réactionnaire est vraiment tout sauf individualiste. On pourrait dire qu'il est familliste, mais ça ne se limite pas à ça. Pour un réactionnaire, la société se subdivise en sous-ensembles : la patrie, le village, la famille. L'individu ne peut exister qu'à leur service. Ca reste du collectivisme, même si ce n'est clairmeent pas dans le même sens que dans le socialisme.

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Ah non alors. Le fascisme est tout sauf aristocratique, mais de là à le qualifier de républicain… Il est dictatorial, comme le projet socialiste dont il est d'ailleurs clairement issu (pour ceux qui prennent ça pour une provocation, se documenter sur la vie de Mussolini).

Mussolini n'a-t-il pas fondé la République Sociale Italienne? (dite aussi République de Salò)

Dictature et république ne sont pas antinomiques (voir 1793).

Le fascisme est socialiste, mais le réactionnaire n'est pas capitaliste. Le réactionnaire est traditionaliste. L'économie dite traditionnelle repose sur un certain nombre de corporations fermées (aujourd'hui… les dockers?) et sur des barrières douanières qui protègent les producteurs locaux.

J'ai remarqué que les anarcaps purs et durs n'arrivent pas à apprécier correctement ce problème des corps intermédiaires. Ils les voient uniquement comme des barrières au libre échange, mais ne comprennent pas que ces corps de métiers forment justement une protection des consommateurs et des producteurs en fournissant un certains nombre de services, qui autrement, seraient accaparés par l'Etat et transformés en une industrie spoliatrice par les hommes du gouvernement. Ils jouent donc au départ un rôle de frein à l'extension de la violence politique.

On en a déjà discuté, mais je pense que dans une situation de marché libre, la formation de corporations et de corps intermédiaires est inévitable et juste, parce que ce sont des phénomènes émergents et pacifiques. L'existence des corporations, que soit l'ordre des avocats, des médecins, ou la confrérie des hôteliers est parfaitement compatible avec le bon fonctionnement d'une économie marchande capitaliste. Ce qui ne l'est pas ce sont les privilèges, les monopoles accordés par le gouvernement à tel ou tel corps, qui générent une inflation de règlementations et de taxes ad hoc.

En un mot, ce qui est anti-capitaliste, c'est l'Etat corporatiste et non les corps traditionnels. D'où l'opposition avec le fascisme.

Concernant les barrières d'entrée, elles sont également compatibles avec le capitalisme si elles sont conçues comme des péages. Quand tu traverses la propriété de quelqu'un, c'est normal de payer une taxe, si tu veux éviter les chemins communaux ou les grandes routes commerciales.

Faut voir. Mussolini n'a pas particulièrement brillé par son caractère antireligieux. Le fascisme peut aussi être chrétien - jusqu'à un certain point. Contrairement notamment au nazisme, ultra-païen et antichrétien.

Mussolini a instauré une religion d'Etat néo-païenne, qui s'inspirait de la Rome antique.

Ensuite je ne suis pas spécialement compétent sur la religion, mais je dirais que les relations incestueuses entre l'Eglise et le fascisme furent tout de même marquées par un certain révisionnisme théologique initié par Pie XI dans son encyclique Quadragesimo Anno (1931), qui consacre le thème d'une justice sociale articulée autour d'une économie contrôlée par un Etat fort. Encyclique qui inspirera la doctrine sociale de l'Eglise, et par ailleurs dénoncée par Hayek. Mais nos amis catholiques pourraient nous en dire plus.

Ici on rejoint le sujet ciblé par Lexington, il y a un article du QL dessus.

Toute morale repose sur une certaine forme d'honneur.

La morale réactionnaire repose sur la tradition. La morale fasciste repose effectivement sur la fidélité au guide.

Il se trouvent aussi des morales qui préfèrent la solidarité dans le déshonneur.

Je pense que pour des anti-idéologues les réacs ont des idées bien arrêtées sur ce à quoi devrait ressembler notre vie quotidienne.

Certes, mais ils n'en font pas une idéologie qui a réponse a tout ni n'érigent ce genre de vie en système, puisque le réactionnaire se distingue par son élitisme qui ne peut s'appliquer qu'à quelques uns. Et pour cause, son inégalitarisme lui fait rejeter la généralité, l'Universalisme et donc l'égalité des droits. Le réac conçoit le droit comme particulier, spécifique à une catégorie définie de personnes et subordonné à un ordre local. (Pour un objectiviste, c'est l'enfer des jurisprudences…)

Par nature il se méfie des fanatiques, puisque le fanatisme est de mauvais goût; c'est un vice pour la foule.

Oui, si tant est qu'on reste dans la réaction brute, ce qui n'est à mon sens pas possible. On ne peut pas remonter le temps. Seule la révolution existe ; et en croyant retourner en arrière on la réinvente. C'est pour ça que, si les réacs sont parfois sympathiques en tant que groupe de pression, je reste convaincu qu'au pouvoir ils se comporteraient aussi mal que les autres. On ne peut impulser par l'Etat le changement dans une société, quelque soit le sens de ce changement, sans augmenter le pouvoir de cet Etat.

Tes lunettes anarcaps ne peuvent de toute façon envisager le minarchisme que comme un compromis contradictoire et provisoire, car bancal.

Pour reprendre les propos d'un communiste, la gauche est nationaliste où la droite est patriote.

Le réactionnaire est patriote, le fasciste est nationaliste.

Le concept de nation est une création récente, liée à la construction des Etats modernes. Au moyen-âge, il n'y a pas plus de patriotisme que de nationalisme. Par ailleurs l'Europe, en tant qu'espace chrétien caractérisé par une culture commune existait avant que les Etats-nations ne viennent la diviser. Au XVIIè, savants, marchands et banquiers, se déplacent relativement librement.

Le réactionnaire est vraiment tout sauf individualiste. On pourrait dire qu'il est familliste, mais ça ne se limite pas à ça. Pour un réactionnaire, la société se subdivise en sous-ensembles : la patrie, le village, la famille. L'individu ne peut exister qu'à leur service. Ca reste du collectivisme, même si ce n'est clairmeent pas dans le même sens que dans le socialisme.

C'est moins le concept de société au sens moderne que celui d'enracinement dans un terroir, attaché à la famille, au village, dans une hiérarchie, dans un ordre, etc. Effectivement, ce n'est pas l'individu atomisé, uniformisé et nomade que l'on connaît, mais on pourrait dire l'honnête homme.

L'aristocratie (au sens politique) suppose la reconnaissance du mérite individuel, qui se détache nécessairement de la masse. Autrement dit il y a une morale des meilleurs (méritocratie), qui est individualiste et une morale commune, plus basse, pour le peuple. L'essentiel est qu'une élite naturelle d'entrepreneurs et de mandarins puisse émerger pour maintenir l'ordre social.

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Invité jabial
Dictature et république ne sont pas antinomiques (voir 1793).

Si c'est le sens qu'on donne à république, certes. Il n'en reste pour moins que pour moi, une république non démocratique n'en est pas une. Ce qui ne signifie pas que je sois favorable à la république ou à la démocratie, sinon comme un pis-aller.

J'ai remarqué que les anarcaps purs et durs n'arrivent pas à apprécier correctement ce problème des corps intermédiaires. Ils les voient uniquement comme des barrières au libre échange, mais ne comprennent pas que ces corps de métiers forment justement une protection des consommateurs et des producteurs en fournissant un certains nombre de services, qui autrement, seraient accaparés par l'Etat et transformés en une industrie spoliatrice par les hommes du gouvernement.

Tu imagines une seconde une société libre avec des "corps intermédiaires" semblables à ce qui existait au moyen-âge? C'est impossible. Ces "corps intermédiaires" sont des attributs du pouvoir. Ils ne peuvent exister que par l'usage illégitime de la coercition. Personne n'est légitimement en mesure de m'interdire d'aller chez un coiffeur non membre de l'Ordre National des Coiffeurs. Ce n'est tout simplement pas réaliste. Les corporations ne sont rien d'autres que les ancêtres de nos syndicats, et leurs privilèges acquis par les mêmes moyens - la voie de fait.

Ils jouent donc au départ un rôle de frein à l'extension de la violence politique.

Non, ils en procèdent. Nourir le crocodile en espérant qu'il ne nous bouffera pas ne sert qu'à le rendre plus grand et donc plus vorace. Le jour où on n'a plus rien à lui jeter et où se défendre n'est plus un choix mais une obligation, la possibilité de vaincre a disparu. Il ne faut pas croire que les choses ne peuvent pas encore s'aggraver - elles le font quotidiennement.

On en a déjà discuté, mais je pense que dans une situation de marché libre, la formation de corporations et de corps intermédiaires est inévitable et juste

Le rôle d'un syndicat dans une situation de droit (je préfère éviter de dire Etat de droit qui prête à confusion) n'a strictement rien à voir avec celui des corporations ou des syndicats actuels. Tout acte illégal serait lourdement puni. Ce seraient des associations, et rien de plus - certainement pas les dépositaires d'un des Pouvoirs Autorisés.

parce que ce sont des phénomènes émergents et pacifiques.

Historiquement, c'est faux. Les corporations émergent comme les mafias émergent, et elles n'ont rien de pacifiques.

L'existence des corporations, que soit l'ordre des avocats, des médecins

Fais une petite recherche sur l'origine de l'ordre des médecins, et la raison pour laquelle ils ont pris pour modèle l'ordre des avocats. Ces structures paraétatiques sont des abominations.

ou la confrérie des hôteliers est parfaitement compatible avec le bon fonctionnement d'une économie marchande capitaliste. Ce qui ne l'est pas ce sont les privilèges, les monopoles accordés par le gouvernement à tel ou tel corps, qui générent une inflation de règlementations et de taxes ad hoc.

Dans la vraie vie, quand le gouvernement n'intervient que pour éviter que ces "corps intermédiaires" n'utilisent la force pour assurer leur monople, ce qui se passe c'est qu'il n'y a pas un "ordre" (hah!) par profession mais plusieurs associations professionnelles concurrentes. C'est le cas dnas les professions non réglementées, et curieusement on n'y retrouve pas les mêmes comportements nuisibles.

En un mot, ce qui est anti-capitaliste, c'est l'Etat corporatiste et non les corps traditionnels. D'où l'opposition avec le fascisme.

Détacher les monopoles de l'Etat qui les protège est artificiel et illusoire. Les monopoles ne peuvent exister de façon stable que par la force. Soit cette force est étatique, soit c'est simplement un ensemble de crimes mafieux mais non moins oppressifs.

Concernant les barrières d'entrée, elles sont également compatibles avec le capitalisme si elles sont conçues comme des péages.

On a déjà expliqué mille fois comment, l'espace public n'étant pas légitiment approprié, l'analogie n'était pas valide. Combien de fois faudra-t-il? Comparer le comportement de l'Etat et celui d'un légitime propriétaire, c'est comparer des pommes et des poires. À ce train-là, pourquoi pas justifier le racisme institutionnalisé si la majorité le désire?

Ensuite je ne suis pas spécialement compétent sur la religion, mais je dirais que les relations incestueuses entre l'Eglise et le fascisme furent tout de même marquées par un certain révisionnisme théologique initié par Pie XI dans son encyclique Quadragesimo Anno (1931), qui consacre le thème d'une justice sociale articulée autour d'une économie contrôlée par un Etat fort. Encyclique qui inspirera la doctrine sociale de l'Eglise, et par ailleurs dénoncée par Hayek. Mais nos amis catholiques pourraient nous en dire plus.

L'Eglise vit dans le monde, il ne faudrait pas l'oublier. Même avec un grand respect pour l'institution et surtout pour ce qu'elle représente, on peut constater que ses bonnes intentions ne la conduisent pas toujours aux meilleures actions. Tous les membres de l'Eglise, même le pape, sont des hommes avec tout ce que ça implique.

Il se trouvent aussi des morales qui préfèrent la solidarité dans le déshonneur.

Je te mets au défi de me donner un exemple. Non, ils changent le sens de l'honneur et de la solidarité. La plupart des hommes ont un compas moral qui se cale sur ceux qu'ils considèrent comme leurs pairs. C'est une sécurité, mais aussi une faille. Deux personnes c'est déjà une petite secte ; en se coupant de l'extérieur et en se renforçant mutuellement, une secte peut arriver à une moral sincèrement partagée au moins par la base, et qui est fort différente de celle rencontrée à l'extérieur. La morale dans les sociétés socialistes est pour le moins terrifiante. Relire le matin des magiciens, l'archipel du goulag, etc.

Certes, mais ils n'en font pas une idéologie qui a réponse a tout ni n'érigent ce genre de vie en système, puisque le réactionnaire se distingue par son élitisme qui ne peut s'appliquer qu'à quelques uns. Et pour cause, son inégalitarisme lui fait rejeter la généralité, l'Universalisme et donc l'égalité des droits. Le réac conçoit le droit comme particulier, spécifique à une catégorie définie de personnes et subordonné à un ordre local. (Pour un objectiviste, c'est l'enfer des jurisprudences…)

Les réactionnaires sont comme les libertariens : de toute façon ils ne sont d'accord sur rien sauf une vague trame de fond. Je parie que je peux trouver un réac pour dire qu'au contraire seule la réaction peut conduire à l'Universel, par le biais notamment de la religion, et surtout du retour au vieux principe cuius regio, eius religio qui garantit l'absorption, par la force au besoin, des nouveaux arrivants.

Par nature il se méfie des fanatiques, puisque le fanatisme est de mauvais goût; c'est un vice pour la foule.

Seuls les "fanatiques" changent jamais quoi que ce soit. C'est trop souvent en mal, certes, mais comme disait l'autre les hommes raisonnables s'adaptent au monde plutôt que de tenter de l'adapter à eux.

Tes lunettes anarcaps ne peuvent de toute façon envisager le minarchisme que comme un compromis contradictoire et provisoire, car bancal.

Non, ce n'est pas du tout mon problème. J'ai déjà dit qu'une certaine vision du minarchisme était tout à fait cohérente.

Le concept de nation est une création récente, liée à la construction des Etats modernes. Au moyen-âge, il n'y a pas plus de patriotisme que de nationalisme.

Oh que si. Oh que si. Nation est récent, mais patrie, c'est très, très vieux. C'était plus petit, c'est tout. La patrie n'est rien d'autre que la terre des pères, et la figure paternelle par excellence c'est le roi.

Par ailleurs l'Europe, en tant qu'espace chrétien caractérisé par une culture commune existait avant que les Etats-nations ne viennent la diviser. Au XVIIè, savants, marchands et banquiers, se déplacent relativement librement.

Il a rarement existé une époque où les gens dont le déplacement était visiblement utile au pouvoir ne pouvaient pas se déplacer. Simplement, à mesure que le pouvoir s'étend, il tente de contrôler les déplacements de ceux qu'il juge inutile, voire d'une utilité négative. À l'origine ça se gérait au niveau des villes, mais ce n'est qu'une question de moyens, pas de volonté.

C'est moins le concept de société au sens moderne que celui d'enracinement dans un terroir, attaché à la famille, au village, dans une hiérarchie, dans un ordre, etc. Effectivement, ce n'est pas l'individu atomisé, uniformisé et nomade que l'on connaît, mais on pourrait dire l'honnête homme.

Cherche le sens originel du mot honnête et de l'expression "honnête homme". Ce n'est même pas l'individu "pas atomisé", ce n'est pas l'individu du tout. Et certains points du christianisme aujourd'hui mis en exergue étaient paradoxalement bien moins prégnants qu'actuellement.

L'aristocratie (au sens politique) suppose la reconnaissance du mérite individuel, qui se détache nécessairement de la masse.

Ca dépend de quelle époque tu parles. À la fondation des aristocraties, le mérite avait plus à voir avec le concept actuel de réussite (guerrière, certes, à l'époque) qu'avec l'idée de faire le bien ou de rendre un service. Et à l'époque que la plupart des réactionnaires ont à l'esprit, la noblesse était de naissance dans des proportions rendant l'anoblissement anecdotique. In fine, une aristocratie nettement plus noble s'est développée sur les ruines de l'ancienne exactement comme les exilés de Sion ont réinventé le judaïsme pour faire face. Projeter ça sur le moyen-âge alors même que les écrits nous renvoient l'histoire d'un monde qui ignorait la plupart des notions actuelles de morale, c'est guère plus éclairé que les visions républicaines du moyen-âge terrible et ténébreux.

Autrement dit il y a une morale des meilleurs (méritocratie), qui est individualiste et une morale commune, plus basse, pour le peuple. L'essentiel est qu'une élite naturelle d'entrepreneurs et de mandarins puisse émerger pour maintenir l'ordre social.

L'aristocratie, du moins en pays latins, n'a strictement rien à voir ni avec le commerce ni avec la science mais bien avec la guerre. Ce sont eux, les héritiers d'un ordre encore plus ancien que l'ancien régime - l'ordre nomade, dont je pense avoir dit assez de mal ici pour que mon opinion sur cette morale délétère fondée sur la violence "virile" soit connue de tous. J'espère que je ne t'apprend rien en te disant que la plupart d'entre eux ne savaient pas lire au moyen-âge - et ce n'était pas faute du temps d'apprendre. Cette occupation était dévolue aux clercs.

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L'ordre des avocats est un cas particulier : ses "privilèges" sont légitimes. Il est normal, par exemple, que l'avocat puisse communiquer avec son client en prison sans surveillance de ses courriers et de ses appels ni qu'on puisse lui interdire de visiter son client alors qu'on peut le faire pour des tiers pour des raisons d'ordre public ou pour les besoins de l'enquête (cf permis de visite) voir même comme sanction disciplinaire du détenu. Le contrôle disciplinaire des avocats par l'ordre ainsi que les conditions d'accès au barreau sont une contrepartie logique de cette fonction particulière. La simple concurrence entre avocat ne suffit pas puisqu'il n'est pas question ici de l'intérêt de celui qui choisit l'avocat (le client) mais de ceux à qui ce choix s'impose (les différentes parties, les différentes instances de justice et de police et… la société).

Je vois pas comment un tribunal, même en anarcapie, pourrait priver un accusé de ces droits et prétendre lui assurer un procès équitable. A l'inverse je vois mal comment il pourrait permettre à n'importe qui d'assurer la défense de n'importe quoi. Le contrôle disciplinaire pourrait toujours être assuré par le tribunal lui même (donc par l'état dans notre monde) mais ce serait une confusion des genres et une atteinte à l'indépendance des avocats.

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L'aristocratie, du moins en pays latins, n'a strictement rien à voir ni avec le commerce ni avec la science mais bien avec la guerre.

C'est vraiment très, très loin d'être vrai. L'aristocratie en Occident a toujours été essentiellement lié à la possession de la terre. Possession qui, loin des clichés classiques, s'obtenait le plus souvent par faveur royale. Les aristocraties mérovingiennes, carolingiennes, etc. étaient des aristocraties terriennes et de service monarchique (des hauts fonctionnaires quoi). L'aristocratie militaire n'apparaît qu'avec l'institution de la chevalerie vers l'an mil. Mais cette aristocratie sera toujours très minoritaire et disparaître assez rapidement, absorbée par l'aristocratie classique ou disparue sur les champs de batailles.

…la plupart d'entre eux ne savaient pas lire…

Un chef, un vrai, n'a pas besoin de savoir lire. Ou vraiment très peu. Comme Churchill, un quart de feuille. Une quatrième de couverture.

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Invité jabial
L'ordre des avocats est un cas particulier : ses "privilèges" sont légitimes. Il est normal, par exemple, que l'avocat puisse communiquer avec son client en prison sans surveillance de ses courriers et de ses appels ni qu'on puisse lui interdire de visiter son client alors qu'on peut le faire pour des tiers pour des raisons d'ordre public ou pour les besoins de l'enquête (cf permis de visite) voir même comme sanction disciplinaire du détenu.

Ce que tu décris là, ce ne sont pas les privilèges de l'avocat mais les droits de l'accusé et du détenu. Ca n'a strictement rien à voir avec le fait qu'un type soit avocat. Ca pourrait très bien fonctionner si on pouvait nommer une personne de son choix comme conseil. Quant à éviter les abus, il suffit que les personnes condamnés pour des infractions autres que des simples contraventions ne puissent être nommés comme conseils. Aucun besoin d'un ordre unique et monopolistique pour ça.

Le contrôle disciplinaire des avocats par l'ordre ainsi que les conditions d'accès au barreau sont une contrepartie logique de cette fonction particulière. La simple concurrence entre avocat ne suffit pas puisqu'il n'est pas question ici de l'intérêt de celui qui choisit l'avocat (le client) mais de ceux à qui ce choix s'impose (les différentes parties, les différentes instances de justice et de police et… la société).

Si l'accusé choisit son tribunal, alors il devra accepter les conditions de celui-ci qui peuvent légitimement restreindre le choix de son conseil. Si le tribunal lui est imposé parce qu'il refuse d'être jugé, par contre, je ne vois pas ce qui permet légitimement de lui interdire de se faire défendre par son pote Georges, sauf bien sûr si celui-ci est un criminel.

Je vois pas comment un tribunal, même en anarcapie, pourrait priver un accusé de ces droits et prétendre lui assurer un procès équitable.

Moi non plus, sauf bien sûr quand on choisit librement d'être jugé (procédure d'arbitrage) auquel cas on peut par exemple très bien imaginer qu'il existe une procédure "de paix" peu onéreuse qui peut s'accéder sans avocat si le litige ne dépasse pas un certain montant, comme le TI actuellement.

A l'inverse je vois mal comment il pourrait permettre à n'importe qui d'assurer la défense de n'importe quoi.

Moi je le vois très bien.

Le contrôle disciplinaire pourrait toujours être assuré par le tribunal lui même (donc par l'état dans notre monde) mais ce serait une confusion des genres et une atteinte à l'indépendance des avocats.

Certainement pas autant que le fait d'appartenir à un ordre national monopolistique. Tu sais ce qu'étaient les judenrate? C'est pas parce qu'on met des mecs "comme toi" pour te contrôler que tu es moins baisé.

C'est vraiment très, très loin d'être vrai. L'aristocratie en Occident a toujours été essentiellement lié à la possession de la terre.

C'est ce que tu dis qui est vraiment loin d'être vrai. Possession, certes, mais possession issue de la guerre et plus tard par extension du roi. Il existait aussi des paysans libres possédant leur terre, mais ils n'avaient rien de nobles.

Possession qui, loin des clichés classiques, s'obtenait le plus souvent par faveur royale.

Ca c'est le stade 2. C'est comme ça que l'aristocratie s'est perpétuée, mais certes pas qu'elle s'est créée, la puissance du roi étant à l'époque très insuffisante pour ça, à moins de considérer que le royaume se limite à l'Ile-de-France. 90% du territoire rallié à la couronne était constitué de seigneuries parfois capables de lever des armées aussi importantes que celle du roi, et dont le lien avec celui-ci était un serment féodal.

Les aristocraties mérovingiennes, carolingiennes, etc. étaient des aristocraties terriennes et de service monarchique (des hauts fonctionnaires quoi).

Ce n'est pas parce que les premiers titres de noblesse sont des titres de hauts fonctionnaires romains qu'il faut se laisser convaincre que l'aristocratie est née ainsi. Ce sont bien ceux qui ont réussi qui à conquérir, qui à défendre une zone dans l'empire déchu qui sont devenu les seigneurs de ces lieux.

L'aristocratie militaire n'apparaît qu'avec l'institution de la chevalerie vers l'an mil. Mais cette aristocratie sera toujours très minoritaire et disparaître assez rapidement, absorbée par l'aristocratie classique ou disparue sur les champs de batailles.

Ca, c'est le stade 3. Comme toujours, on recherche la légitimité dans l'imitation du passé. Mais ce ne sont pas les tournois qui ont fait la noblesse - c'est l'ensemble des luttes pour le pouvoir local qui ont suivi la chutte de l'empire romain.

Un chef, un vrai, n'a pas besoin de savoir lire. Ou vraiment très peu. Comme Churchill, un quart de feuille. Une quatrième de couverture.

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(…) sur la critique anticapitaliste des réacs, plus que sur la critique antilibérale (…)

Je vous conseille dans ce cas la lecture d'un livre : (qui est en plus la thèse d'un ami proche soutenue sous le direction de Loubet Del Bayle) Kessler, (Nicolas), Histoire politique de la Jeune droite (1923-1942) paru à l'Harmattan en 2003. Il y parle pas mal des non-conformistes dans le sillage des dissidents de l'Action Française, qui tenteront de créer une troisième voie entre communisme et capitalisme dans les années 1930.

Sur les descriptions successives de la figure réactionnaire :

Je serai plutôt d'accord free jazz (qui distingue fortement fascisme et réaction) avec les réserves faites par Jabial et Lucilio quant au caractère organiciste de la pensée réactionnaire, qui lui donne un aspect à la fois déterministe et hostile à la marchandisation généralisée (après tout, les sociétés traditionnelles ne sont que très partiellement disponibles à la libre circulation des biens et des services). Toutefois, si on suit par exemple Robert Nisbet, la communauté traditionnelle défendue par les réactionnaires est beaucoup plus libérale que celle de l'état moderne contemporain, puisque les communautés naturelles et les querelles sur les titres de propriété se font à l'intérieure de la société, par la médiation du droit privé, sans que l'Etat n'intervienne comme arbitre, organisateur ou agence de justice sociale (Nisbet l'a bien vu, certes, mais comme Jouvenel et Hoppe, par ailleurs).

Par contre, je ne crois pas que la réaction "procède de la violence politique", ou alors il faut qu'on s'entende sur ce que ça signifie : la réaction ré-agit contre l'extension de la violence révolutionnaire, qui commence avec la révolution française, mais se perpétue à travers ses manifestations postérieures de 1830, 1848 et 1917. Burke, Bonald, de Maistre, mais aussi Veuillot, Cortés, Metternich ou Carl Schmitt (période Zentrum) dénonceront inlassablement l'illimitation de la violence politique révolutionnaire (qu'ils mettront en rapport avec la modernisation industrielle), mais sans forcément en appeler à une violence en sens contraire. Il est même exceptionnel de voir des réactionnaires défendre un programme politique bien précis sur le sujet (au point qu'un type comme G. Gengembre a pu caractériser la posture réactionnaire comme "haine de la volonté"). Ils y a des exceptions of course, mais bon. En cela le parcours d'un Donoso Cortés est symptomatique : il commence comme libéral doctrinaire, mais, face aux exactions issues de la révolution en Espagne, et surtout face à la faiblesse du camp libéral (la "classe discutante") qui est incapable de répondre politiquement à la crise, il vire réactionnaire, soutient la dictature comme prélude au retour à une société plus traditionnelle. Il y a un truc à méditer à mon sens ici, mais bon, c'est une autre histoire. :icon_up:

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Invité jabial

La dictature comme le prélude à… c'est typiquement le mode de pensée révolutionnaire. C'est le piège typique. C'est exactement ce qui ne marche pas et ne marchera jamais. Ce qu'on met en place sera aussi difficile à renverser que ce qu'on avait combattu originellement. Je connais exactement une exception, qui est Pinochet. Gorbatchev ne compte pas car d'une part il n'est pas l'instigateur du régime qu'il a détruit de l'intérieur, et d'autre part il a hérité d'une situation qui rendait cette destruction inévitable - il n'aurait pu que la retarder à un prix humain très élevé. Il n'en reste pas moins que si Pinochet a fait preuve de sens de l'honneur en rendant son pays à la démocratie lorsqu'il a perdu son plébiscite, il est peu probable qu'il l'avait organisé s'il avait envisagé la possibilité d'un tel résultat.

La seule vraie réaction c'est d'empêcher, au besoin par la force, une révolution. Le "changement réactionnaire" est une impossibilité qui conduit tout droit au socialisme de droite. La restauration d'un ancien régime ne peut se faire que si la génération qui l'a connu est encore en activité. Dans le cas contraire, c'est trop tard, ça ne peut être qu'une nouvelle révolution.

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La dictature comme le prélude à… c'est typiquement le mode de pensée révolutionnaire. C'est le piège typique. C'est exactement ce qui ne marche pas et ne marchera jamais. Ce qu'on met en place sera aussi difficile à renverser que ce qu'on avait combattu originellement. Je connais exactement une exception, qui est Pinochet. Gorbatchev ne compte pas car d'une part il n'est pas l'instigateur du régime qu'il a détruit de l'intérieur, et d'autre part il a hérité d'une situation qui rendait cette destruction inévitable - il n'aurait pu que la retarder à un prix humain très élevé. Il n'en reste pas moins que si Pinochet a fait preuve de sens de l'honneur en rendant son pays à la démocratie lorsqu'il a perdu son plébiscite, il est peu probable qu'il l'avait organisé s'il avait envisagé la possibilité d'un tel résultat.

La seule vraie réaction c'est d'empêcher, au besoin par la force, une révolution. Le "changement réactionnaire" est une impossibilité qui conduit tout droit au socialisme de droite. La restauration d'un ancien régime ne peut se faire que si la génération qui l'a connu est encore en activité. Dans le cas contraire, c'est trop tard, ça ne peut être qu'une nouvelle révolution.

Je précise que la dictature pour Cortés est la dictature de salut public ou la loi martiale (il ne s'agissait pas d'une révolution en sens contraire). Il s'agissait de la seule manière d'empêcher par la force une révolution (c'est d'ailleurs en ça qu'il s'agit d'un choix tragique, que les libéraux du 19e siècle n'étaient pas prêts à faire, parce que ça supposait la suspension de l'état de droit et le décret de l'état d'exception, ce qui revient, pour tout libéral normativiste sur les bords, au retour à l'arbitraire de la politique). C'est un thème qui revient souvent (en fait, c'est même le thème central) dans le décisionnisme de C. Schmitt (d'ailleurs, il n'y a pas de hasard, Schmitt a écrit un livre sur Cortés).

Je parle de choix tragique parce qu'il y a ici comme une fatalité : pour contrer la contamination révolutionnaire, il a fallu pour un certains nombres d'individus répondre dans la même gamme politique (dictature de salut public contre émeute à caractère révolutionnaire), ce qui a eu pour conséquence de détruire le fragile équilibre de l'état de droit du 19e siècle (qui fonctionnait parfaitement en situation considérée comme normale par tous, mais a disparu après la révolution industrielle et face aux différents mouvements révolutionnaires de droite et de gauche).

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