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Tout ce qui a été posté par Vilfredo
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Images fun et leurs interminables commentaires
Vilfredo a répondu à un sujet de Librekom dans La Taverne
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C’est vrai en macroéconomie mais est-ce vrai en micro? Tu le dis après en parlant des expériences de Vernon Smith mais Je pense aussi aux expériences de thaler sur le théorème de coase (comme ex concret). Je pense à lui parce qu’il discute des problèmes épistémologiques de l’expérience en labo (petits enjeux etc) Et puis il y a le pb général de le labo/la réalité. Peut-on vraiment reconstituer les circonstances ceteris paribus Ensuite je trouve un peu difficile à comprendre l’idée que la méthode déductive est intéressante ssi on prête attention à vérifier les hypothèses fondamentales. En toute logique hypothético-déductive on n’a pas à vérifier les prémisses, on se les donne juste et ensuite on essaie d’être juste cohérent. Nonobstant, il y a un côté apodictique de certaines lois économiques (je pense en particulier à décroissance de l’utilité marginale et à la notion de préférences révélées, parce qu’on ne peut pas vérifier l’adéquation des préférences de l’individu a ses achats : ses achats sont littéralement ses préférences) qui résout, en particulier pour les Autrichiens, le problème (cf le débat avec Caplan mais je ne sais pas dans quelle mesure ça ne sort pas un peu du cadre académique). La méthodologie des deductivistes comme tu dis c’est un peu les Essays on Positive Economics de Friedman, et dun point de vue philo des sciences, je trouve ça utile de placer le débat dans le contexte de l’influence sur cette approche du néopositivisme logique et de l’empirisme de Carnap par exemple. C’est une filiation que décrit et critique bien sûr Hoppe (Economic Science and the Austrian Method) mais on trouve aussi un bon topo sur le sujet dans La Pensée libertarienne de Sébastien Caré. Dans The Poverty of Historicism, Popper discute de ces modèles des néoclassiques du comportement humain qui partent du principe dun “agent 0”, C’est a dire pas de l’homme comme il est observé mais de l’homme tel qu’il agirait s’il se conformait à certaines lois. Et oddly enough C’est cet homme fictif qui permet de rendre intelligible des phénomènes réels, que l’observation purement empirique n’éclaire pas. Cest le topos du “comme si”, que Dawkins pousse à son extrémité dans Le gene égoïste par ex en disant qu’un joueur de basketball joue comme s’il calculait la trajectoire de la balle en expert de balistique et de physique comme Ripley dans Alien resurrection. Bon pas sûr que ça simplifie par contre. Sinon, la encore simple suggestion, mais pourquoi pas évoquer l’usage des maths en éco? Ça tape en plein dans la problématique de “comment modéliser le comportement humain?” Mais malheureusement mes références seraient assez extra académiques aussi (il y a un texte de Rothbard dans Économistes et charlatans je crois, et la defense par Hayek des maths). C’est aussi lié aux débats sur l’application des outils de l’économie a d’autres champs (genre l’analyse économique du droit avec Posner). Ok maintenant pour simplifier: pour argumenter qu’on ne peut pas vérifier a posteriori les lois éco je propose d’une part de dire que dans l’approche de Friedman les Lois sont des règles pour formuler des prédictions et que les faits nous permettent non pas de vérifier mais de falsifier les théories. Un truc faux se spot plus facilement qu’un truc vrai (parce que too many factors etc comme tu dis: pour un truc vrai, il faut que tous les facteurs soient au rdv tandis que pour un truc faux, il suffit qu’un seul facteur n’agisse pas). Ex on s’est rendu compte que la stagflation posait des pbs aux keynésiens. Autre ex on s’est rendu compte que la courbe de Philips c’était des craques, @Rincevent m’avait expliqué pourquoi. d’autre part ça dépend de comment on définit les variables. Les débats sur les inégalités sont souvent des débats de définitions. Comment la mesure ton précisément vu que c’est si complexe? On calcule des index. La critique de Taleb est intéressante. Autre tip : pour parler du problème de l’être humain qui est son objet d’étude tu peux faire comprendre ça avec les prédictions auto réalisatrices. Ex simple les agences de notation. Hope it helps j’espère que les économistes du forum auront des choses à ajouter
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Je raconte my life 9 : hache de bûcheronnage et vaporetto
Vilfredo a répondu à un sujet de poney dans La Taverne
Je voulais dire que la fanfic était peut-être une façon détournée d’exprimer ses fantasmes sur Megille @personnesconfusedparmonprecedentpost btw mon post Imgur a été removed for violating community standards . C’était un extrait de Donna Tartt. Monde de merde -
Je raconte my life 9 : hache de bûcheronnage et vaporetto
Vilfredo a répondu à un sujet de poney dans La Taverne
Normalement c’est le latin ou le grec le cours kink Après je demande à lire mais peut-être que megille est rogue qui surprend la demoiselle dans Poudlard et qu’elle invite @Mégille à une sorte de role play ou, ce qu’à dieu ne plaise, à une petite séance photos déguisée -
Guerre civile culture, IDW, SJW & co
Vilfredo a répondu à un sujet de 0100011 dans Politique, droit et questions de société
A ce sujet https://www.nbcnews.com/feature/nbc-out/rand-paul-criticized-trans-gender-mutilation-remarks-rachel-levine-hearing-n1259004 et ce fact-checking qui donne des envies de baffes https://www.statnews.com/2021/02/26/sen-rand-paul-misunderstands-transgender-medicine-heres-the-truth/ -
Finalement un INTP low carb comme lui serait passé incognito sur liborg donc
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Ce sont les moins cultivés? Les ploucs de mon village de vacances votent tous Le Pen mais ils ne connaissent pas Zemmour houellebecq ou finkie
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Images pas cool, justice sociale & steaks saignants
Vilfredo a répondu à un sujet de Lancelot dans La Taverne
Surtout pourquoi ne pas écrire plus simplement: quand un noir tape un trans tu fermes ta gueule? -
et sinon vous aimez pas la téléréalité, nooon
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Ça dépasse mes connaissances mais c’est dans doute qqch qui a du occuper Thomas et ses copains so maybe look into that
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Note 1: la vertu n'a pas le même sens dans la Politique, parce qu'on distingue d'autres classes de vertus sociales (vertu du gouvernant/vertu du gouverné). Aristote écrit qu’il y a une différence entre la vertu de l’homme de bien (que tous les hommes libres ne peuvent avoir) et celle du citoyen (que tous les citoyens ont, mais elle dépend de la constitution, alors que la vertu de l’homme de bien est invariable) et que tous les citoyens ne sauraient être des hommes de bien (Politique, III, 4; mais il dira le contraire au chap. 18) : en effet, la cité est formée d’éléments dissemblables et ne peut donc être composée de citoyens tous hommes de bien, car il n’y a qu’une seule manière d’être un homme de bien. Mais dans le cas particulier du chef, la vertu du citoyen et celle de l’homme de bien se confondent : c’est la prudence (tiens!), alors que le bon citoyen n’est pas nécessairement prudent. Aristote est donc quand même cohérent, la prudence reste la vertu rectrice. La vertu du bon citoyen, quant à lui, consiste simplement à bien gouverner et bien obéir. La définition du citoyen change donc selon les régimes (III, 5), considère Aristote, alors qu’il affirme que dans l’Etat idéal, les artisans ne devraient pas être citoyens. Ils ne le seraient pas dans une aristocratie, car la vie d’homme de peine est incompatible avec la pratique de la vertu, mais ils le seraient dans une oligarchie, car ils peuvent fort bien être riches. Note 2 : il faut peut-être avoir en tête les concepts de la Métaphysique pour comprendre cette notion d'habitude. Dans quelle mesure le flûtiste, qui a la puissance de jouer de la flûte, peut-il être comparé au vertueux qui aurait la puissance de bien agir? La différence est que l'action vertueuse n'est pas seulement une question de savoir faire mais d'état (ou de "caractère"; la justice est définie comme un "état" par exemple, et comme la vertu finale, dans Nicomaque V). Well c'est pas étonnant parce que la puissance au sens de dynamis c'est la puissance du bien comme du mal, et c'est pourquoi il faut qu'intervienne le choix de la fin (bonne ou mauvaise). Je distinguerais pour être synthétique le bonheur comme une actualité (energeia, par contraste avec la puissance, dynamis), rendue possible par des vertus qui sont dynamiques mais stables, développées par l'habitude (un peu comme savoir jouer de la flûte). Mais pour @Ultimex, je vais essayer d'articuler puissance et habitude, à partir surtout de Théta, 1. Alors la dynamis a deux sens : d’abord la puissance pour A de produire un changement dans B et ensuite la possibilité de ce changement d’état. On parle de puissance d’être ou de puissance de devenir. Aristote s’oppose à Parménide et à sa métaphysique dépourvue de changement ("l’Être est ; le non-être n’est pas"), à quoi Aristote oppose le non-être relatif qu’est le devenir sensible qui se distingue aussi de la matière platonicienne qui n’était que pure réceptivité alors qu’elle tend, dans Aristote, vers la forme comme la femelle désire le mâle. La matière est indéterminée mais elle n’est pas une confusion purement négative : la forme permet de la doter d’une positivité que le platonisme lui nie. Le possible n’est pas seulement le pensable, c’est donc "un réel du second degré" (Tricot). L’energeia est l’acte qui réalise la dynamis et fixe son ambiguïté. L’energeia peut être hors de l’agent (la maison bâtie), auquel cas il y a un mouvement qui se distingue de l’acte (on n’a pas bâti la maison avant d’avoir fini le bâtiment), ou dans l’agent (la vue), auquel cas on ne distingue pas l’acte de l’actualisation (vivre et avoir vécu sont une même chose, bâtir et avoir bâti, non). Elle peut être activité immanente ou transitive. Mais l’actualisation de l’ambiguïté de la dynamis a plusieurs degrés. La possibilité pure s’actualise dans une hexis (habitude) et on a une double analogie entre la science/l’ignorance d’une part et l’acte/la puissance de l’autre et l’habitude pratique de la science (theoria) et la science simplement possédée et non mise en pratique (à l’image des oiseaux de la volière dans le Théétète, mais Aristote préfère évoquer dans De l’âme l’image d’un homme qui dort (et qui n’a que la science non pratique, épistémè) et d’un homme qui veille). De là, on peut développer l'articulation entre habitude et prudence (plus précis que "vertu") mais ça je crois que j'ai déjà un peu fait le boulot non? Enfin outre le schéma de mon "post de référence" (so proud), il faut juste bien garder l'idée que les deux sont rassemblées dans la décision. https://muse.jhu.edu/article/25950/pdf Oui. D'ailleurs la cause finale de la Cité est le bonheur. Oui je comprends. J'ai envie de dire oui mais je ne vois pas de passage où Aristote parle de la réforme morale d'un homme au tempérament lâche (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a pas), en revanche, j'ai en tête les passages où il dit qu'on est responsable de développer telle ou telle habitude ou tel ou tel caractère. Il ne faut juste pas faire d'Aristote un ascétique ou un intellectualiste. L'action morale résulte d'une orientation positive du désir raisonnable (la volonté si on veut) de l’agent vers le bien.
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Et selon Ricoeur, ça commence avec Descartes On peut parler de volonté dans Aristote juste pour le champ éthique: la différence entre les actions volontaires (vider la cargaison pour sauver le bateau dans la tempête) et involontaires (être poussé par le vent), qui permet de déterminer de quoi on est responsable. Après la notion moderne de volonté, peut-être, et surtout quand on commence à penser la volonté en termes métaphysiques (tout concept de volonté étant absent de la métaphysique d'Aristote). Mais il faut bien traduire boulomai. J'avais d'abord écrit , qui est plus clair, si on garde bien à l'esprit que la fin n'est pas une fin ultime mais la fin de notre action individuelle, la bonne fin (étant donné qu'il n'y a pas de bons ou de mauvais moyens). Mais le Souverain Bien est toujours défini comme une activité, ce n'est pas un truc qu'on atteint et qui est extérieur à l'action en situation (à une praxis). Ce n'est pas l'ataraxie. Être vertueux, c'est une forme d'excellence, mais un flûtiste est excellent parce qu'il pratique la flûte, même si l'apprentissage de la flûte n'est pas totalement analogue à l'apprentissage de la vertu. Je ne suis pas sûr que l'apprentissage soit de l'abnégation, parce qu'être vertueux n'est pas contraire à être heureux. En outre, c'est ce qui parachève la nature humaine, qui est la fin heureuse. Il peut y avoir de l'abnégation dans la mesure où il peut être nécessaire de renoncer à des biens extérieurs (mais en même temps j'ai dit que pour Aristote, ce côté-là était un peu limité). Mais ça me fait penser que la vertu est toujours sociale aussi dans Aristote, et qu'on est d'autant plus vertueux qu'on vit dans une Cité vertueuse (et donc que la boucle de rétroaction positive n'est pas limitée à l'échelle individuelle). Enfin ce ne sont pas des questions de noob, ça me force à préciser des trucs qui pour moi non plus ne sont pas forcément clairs. Pour continuer la discussion d'ailleurs, et vérifier des trucs, https://plato.stanford.edu/entries/moral-character/
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Vilfredo a répondu à un sujet de Librekom dans La Taverne
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Oui pour moi c'est ça. Bah sinon le reste de ton message m'intéresse beaucoup mais je ne peux pas ajouter grand chose. A part que je vais lire Sauer (tu avais déjà mentionné) et Haidt (The Righteous Mind je suppose?) quand j'aurai le temps. Par contre j'ai pensé à un petit truc en réponse à @Rincevent qui dérive de ma lecture récente de Sandel sur la pluralité des vertus. Soit on fait passer le juste avant le bien, soit on considère que cette neutralité n'est pas tenable, sachant que pour la première vision, celle de Rawls, un consensus autour des principes de justice est obtenu non en dépit de mais de façon compatible avec les différents "biens" (ou systèmes de vertus, par exemple les religions), et c'est ce que Rawls appelle le consensus par recoupement, alors que pour Hume par exemple (je parle sous l'autorité de Sandel), la justice disparaît dans les formes d’association extrêmement heureuses ou malheureuses. L'idée que la vertu est contextuelle est bien illustrée par un exemple latin qu'on trouve dans Horace et les Curiaces de Dumézil, mais je suis nul en mythologie donc je raconte l'histoire avec mes mots: un mec (Horace je crois) reviens de la guerre et à la guerre il faut être furatus (furieux), donc avoir la furor, mais pas dans la cité. Hors le guerrier en question continue d'avoir la furor même après avoir passé la porte de la ville, donc on le condamne à marcher sous une sorte de portique symbolique, qui représente le passage du monde de la vertu guerrière à celui de la vertu en gros domestique et civile. Je ne sais pas si 1) il développe davantage sa conception des vertus dans un cadre communautarien dans ses autres livres 2) s'il diffère beaucoup là-dedans des autres communautariens (Taylor par exemple). @F. mas, @Mégille ?
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Je raconte my life 9 : hache de bûcheronnage et vaporetto
Vilfredo a répondu à un sujet de poney dans La Taverne
j’adore le contraste de registre entre “cela” et “gros con” C’est un peu comme “ferme la monsieur, définitivement” (malheureusement je ne sais plus où j’ai entendu ça) Par association d’idée ça me fait penser que les jeunes bruyants en groupe quand je les dépasse dans la rue m’appellent “monsieur” a moitié parce que je ne suis pas dans leur groupe à moitié pour se foutre de ma gueule (je pense) -
Oui dans le cadre de Berlin c’est un débat sur la compatibilité des systèmes moraux dans le cadre libéral (le débat entre le juste et le bien) non?
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Oui, je comprends, je suis sans doute trop influencé par le cours de psychométrie de Peterson qui explique que, pour savoir si quelque chose est réel, en gros, il faut trouver une corrélation entre ce truc et qqch de réel (par exemple, le QI est réel parce qu'il est très hautement corrélé à la réussite professionnelle ou aux résultats scolaires; de façon un peu différente, le politiquement correct existe parce que des corrélations/tendances ressortent d'une factor analysis d'un questionnaire sur-échantillonné). Ce n'était pas un choix de mot très heureux, j'aurais juste dû écrire "indépendant de la volonté". Alors justement ça prête à débat. Il y a plusieurs façons d'être immoral, mais je ne sais pas s'il y a un gros consensus sur l'idée qu'il y aurait plusieurs façons d'être moral ou vertueux, bien qu'il y ait incontestablement plusieurs vertus. Il y a bien dans Aristote l'idée importante que l'homme vertueux est la mesure du juste. C'est un peu comme un modèle. Maintenant, on ne peut devenir prudent (càd vertueux, la traduction de phronimos prête à débat mais il faut être un peu obtus pour traduire autrement) en appliquant des règles. La vertu ici s'entend comme un savoir, mais un savoir personnel, qu'il a acquis en exerçant en situation cette vertu. Le problème, c'est qu'être vertueux suppose d'avoir des qualités naturelles et des vertus morales, à savoir le courage, la pudeur et la tempérance, qui est en qq sorte le gardien de la vertu. Il y a une sorte de cercle vicieux, relevé par P. Aubenque. Ce n'est pas forcément dirimant, parce que dans l'Ethique comme dans la Politique, Aristote n'a de cesse de souligner qu'il existe plusieurs types de vertus, ajustées à l'activité considérée ou à l'être (une vertu de la femme, une vertu de l'esclave etc.), à côté de l'"homme prudent". Dans l'Ethique à Eudème, il y a un passage où Aristote écrit que l'homme prudent est celui qui désire ce qui convient quand il convient et comme il convient. On verra plus loin, à la fin du post, un exemple: l'homme courageux est courageux où il faut quand il faut etc., thereby appliquant le modèle de l'homme prudent. Il y a là-dedans un élément d'élite naturelle (car réagir à l'imprévu ne s'apprend pas), et par conséquent, pas besoin de délibérer, en théorie. En fait, le monde est si incertain qu'on a bien besoin de délibérer, mais seulement sur les moyens, pas sur les fins, ce qui rend le statut moral (par opposition à scientifique) de la délibération douteux. En effet, aussi bizarre que ça puisse nous paraître, Aristote ne pense pas que les moyens aient un quelconque poids moral (seulement les fins). Un point important ici est que, pour Aristote, alors que la vertu est louable parce qu'elle est du ressort de la morale, l'habileté ne l'est pas particulièrement, parce qu'elle est du ressort de la science, et donc qu'elle est neutre. Ce sont deux domaines bien distincts. La vertu naturelle (les qualités naturelles) est donc dépassée dans la vertu morale (la prudence), qui a à voir avec le caractère, qui est cet ensemble de dispositions que j'ai décrit plus haut. Aubenque écrit éloquemment: "L'éthique d'Aristote est peut-être la seule éthique grecque pour laquelle il n'yait pas que des bons et des méchants, bien plus, pour laquelle il n'yait pas de bons ni de méchants absolument, mais seulement des hommes en chemin vers le bien ou vers le mal." L'indéterminisme moral d'Aristote est un peu étrange, parce que, comme j'ai dit, il y a un élément "naturel" dans la vertu. Mais il faut voir deux choses: d'abord, Aristote s'oppose consciemment à Platon, pour qui le déterminisme moral a eu une toute autre figure (le mythe d'Er). Ensuite, il faut résoudre le cercle des vertus naturelles et morales: comme je l'ai écrit dans mon premier post, la vertu n'existe pas hors de la situation dans laquelle elle est exercée, et Aristote distingue les vertus (comme le courage) de la vertu rectrice (la prudence). Les éléments naturels en question entrent en jeu donc, mais ne contredisent pas l'idée que la vertu rectrice, la prudence, soit issue de l'habitude. Ils entrent aussi en jeu dans la question du rapport entre vertu et bonheur. Socrate disait qu'on ne peut être heureux si l'on est méchant (notamment dans le Gorgias), mais Aristote pense que la vertu n'est pas une condition suffisante. Il faut aussi être beau garçon (le passage vient juste avant celui que j'ai cité dans mon précédent post) Aristote écrit encore, très en phase avec son insistance sur le rôle de la responsabilité, au sujet du bonheur: A un moment, je ne vais pas citer tout le livre I de l'Ethique, mais je précise aussi, en passant, que si Aristote considère qu'il y a une "baseline" de la vertu, il n'y a pas une "baseline" pour le bonheur: Précisons donc, comme j'avais commencé à le faire, sur vertu et bonheur: Aristote inclut les "biens extérieurs" dans les conditions du bonheur, et ceux-ci, bien sûr, ne s'acquièrent pas par habitude ou enseignement. La vertu a besoin de conditions pour s'exercer qu'on pourrait séparer en (1) conditions "négatives", càd un monde imprévisible réglé par la contingence (raison pour laquelle Aristote pense que les dieux sont amoraux) et (2) conditions "positives", càd par exemple être beau garçon, et, plus sérieusement, avoir de l'argent et des amis. Le bonheur est soumis à ces conditions car il suppose la stabilité: c'est la stabilité qui crée le bonheur, ce n'est pas que le bonheur est qqch de stable (une "baseline"). Au passage, je pense que c'est un des points sur lesquels Nietzsche est si différent du reste de la philosophie morale, parce qu'il rejette toute quête de bonheur et de stabilité (en faveur de celle de la puissance). L'idée est donc qu'on a besoin de certaines qualités naturelles pour exercer certaines vertus morales, qui permettent, avec d'autres biens extérieurs, d'être heureux, mais que la vertu seule, pratiquée dans l'habitude, ne suffit pas à rendre heureux, même si elle donne à l'homme vertueux une stabilité. J'espère avoir répondu A la question de savoir s'il y avait un type d'homme vertueux A la question de savoir s'il y avait un vice/des vices, une vertu/des vertus A la question du rapport entre vertu et bonheur. Je passe, tant qu'on est dans le texte d'Aristote, à la question du courage. Non, Aristote ne pense pas qu'on puisse être courageux sans être prudent, même si ça dépend ce qu'on entend par prudent. Aristote a une définition très complexe de "prudent" dont j'ai déjà parlée, et c'est une vertu rectrice, si l'on veut "supérieure" à toute vertu comme celle du courage. Dans la définition commune, il dirait qu'un "courageux non-prudent" est un téméraire, ce qui n'est pas une vertu. Mais je ne fais que supposer, malgré les apparences, la dernière fois que j'ai lu l'Ethique en entier, c'était il y a deux ans et j'alterne dans mes réponses entre la traduction anglaise qu'a chouchou chez elle et ma traduction Tricot selon celle que j'ai sous la main. Mais ça ne fait rien, car Aristote traite spécifiquement du problème du courage dans le livre III. Il commence par rappeler que vices et vertus sont volontaires (plus besoin qu'on s'y attarde maintenant), mais émet aussitôt la nuance que nos dispositions ne le sont pas (je crois que j'avais déjà écrit ça dans le 1er post), ce qui veut dire que la vertu n'est pas une disposition mais une action (je clarifie par rapport à la fin de mon 2e post), enfin pour Aristote dans ce texte bien sûr. Ma définition de la vertu comme disposition en situation reste celle qui capture le mieux sa pensée, mais c'est intéressant de voir les nuances. On peut d'ailleurs aisément voir comment réconcilier les deux points de vue en rappelant que la disposition est cristallisée à partir d'actions volontaires. Le courage est la 1e vertu évoquée par Aristote; il la définit comme le fait de garder le juste milieu (mésothès) en situation de peur comme de confiance. Aristote insiste que certaines peurs seyent à l'homme vertueux. "One who is fearless in regard to these things is not courageous either (although the term is applied to him, too, by analogy)". La chose la plus digne d'être crainte est la mort, pour la raison qu'après la mort, plus rien de bon ou de mauvais ne peut t'arriver. Ça a l'air d'une lapalissade, mais Kant élévera un fameux argument contre ce point de vue dans la Doctrine du droit (disant qu'on peut encore salir ta réputation, à laquelle tu as un droit qui dérive de la présomptions d'innocence). L'homme courageux doit surmonter sa peur, tout en ayant peur des trucs qui méritent qu'on en ait peur, mais ni trop peu ni trop beaucoup et au bon moment et de la bonne façon (Aristote écrit souvent comme ça, mais à sa décharge, ce sont souvent des notes et pas un texte écrit de sa main.) : c'est ainsi qu'il faut comprendre "le fait de garder le juste milieu." Finalement, Aristote s'en prend une nouvelle fois à Socrate, en distinguant le courage de la connaissance, car des soldats très expérimentés peuvent se montrer de complets lâches. TL;DR sur les vertus: il y en a plusieurs, mais d'ordres différents et qui ne se combinent pas n'importe comment. Je connais un peu Aristote mais, comme je l'ai dit (et à mon regret), assez mal les auteurs "aristotéliciens" modernes, à part McIntyre, mais j'ai juste lu After Virtue. On va y remédier. Oui c'est comme ça que je comprends aussi. Je ne sais pas, je pense qu'Aristote dirait quand même que la vertu est le Souverain Bien et que tout doit lui être sacrifié (et ne ferait pas un calcul de coût-bénéfice). La vertu est plutôt vue comme un truc qualitativement incomparable.
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Quelques idées qui me viennent: _ "les hommes sont victimes de la virilité parce qu'ils se mettent en danger pour montrer leur force": d'abord c'est voir le verre à moitié plein, parce que c'est pas comme si la virilité n'apportait aucun avantage. Ensuite ça n'a pas beaucoup de sens d'être victime d'un comportement qu'on choisit (il y a des hommes virils de toutes les corpulences). Ce n'est pas comme si la virilité était une drogue (et même une drogue ne te rend pas une victime de toi-même). _ on prend systématiquement les choses à l'envers: des gens non-sexués se mettent à faire des trucs pour se masculiniser, qui les font mourir plus tôt, alors qu'on pourrait penser qu'être un homme vient avec un package psychologique et un lobe frontal moins développé et cette partie du cerveau est liée à l'évaluation des conséquences d'une action; je ne sais pas si c'est lié mais les hommes ont aussi, dans le même esprit, une plus forte préférence temporelle que les femmes. _ je comprends pas ce qu'elle entend par "le comportement des hommes représente la norme": il représente sans doute la norme pour les hommes, par définition, et pas pour les femmes, duh. Mais ça ne veut rien dire "le comportement des hommes" indépendamment des groupes sociaux, c'est pas comme si le comportement des zommes était le même dans une classe prépa littéraire, à un bizutage de médecine, à un rallye et dans un bar gay. Les comportements sont modulables. Être viril, ce n'est pas être agressif. _ c'est assez cocasse qu'elle présente son travail sur le coût de la virilité comme un truc nouveau alors qu'elle est en train de découvrir le phénomène de la délinquance, qui, comme elle le dit, "a un coût colossal à la fois pour l'Etat et pour la société" lolilol _ je commente même pas "si les hommes étaient moins virils on comblerait le trou de la sécu" parce que le niveau est hilarant. Toujours aucune mention du gain de la virilité, par exemple, je sais pas moi, quand la police intervient pour arrêter les délinquants virils par exemple. Parce qu'il y a pas beaucoup de femmes dans la police quand même, et encore moins dans la police secours. _ les filles sont incitées à respecter les règles parce que leur cerveau est wired pour avoir des enfants _ c'est absurde de dire que sous prétexte que c'est une construction sociale on peut la déconstruire. Bien sûr que c'est une construction sociale: les mamelouks n'ont pas les mêmes standards de virilité que les mongols, mais c'est comme dire qu'on peut vivre sans médecine ou sans propriété parce que c'est des constructions sociales. Ou que c'est souhaitable. Enfin je ne sais pas parce que le sens de "pouvoir" dans "on peut la déconstruire" n'est pas très clair. Bref, qui envoie ça au Raptor?
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@Lancelot je réponds ici à ton commentaire sur Murray du thread sur le diabète et tout, que j'ai enfin compris, merci. L'idée de la baseline est d'abord très aristotélicien (Nicomaque, 1100b), mais en fait pas tellement. D'abord Aristote: Ensuite sur un plan psychologique, est-ce que la baseline ne se "réduit" pas à des traits du big five? Bas degré de neurotisme + stabilité émotionnelle? Pour être plus clair, est-ce que cette tendance dont Murray parle corrèle étroitement, disons, avec le neurotisme, de telle sorte que celui-ci est un bon prédicteur, ou est-ce que le neurotisme explique cette tendance, par exemple parce qu'une plus grande sensibilité à l'émotion négative augmente le désir d'en échapper par tous les moyens (d'où l'addiction; je ne dis pas que c'est ça, je donne juste un exemple)? My understanding est que si l'individu ne peut s'en écarter que temporairement (de la baseline), il faut que ce soit qqch de hardwired, enfin je ne vois pas d'autre explication. Cela correspond à une façon de voir le monde, qui est inséparable de la structure de la personnalité. Soit la moralité s'ajoute aux autres traits de personnalité, soit elle constitue une disposition que les traits de personnalité exemplifient, la vertu d'un individu étant un indicateur selon lequel l'individu sera plus ou moins prompt à faire ceci ou cela. Le problème est qu'il y a mille façons d'être immoral, compatibles avec à peu près tous les types de personnalité. On peut être pas vertueux et neurotique (je pense aux "victimes" par exemple) ou psychopathe (et donc pas vertueux, mais pas non plus neurotique), et la vertu serait plutôt la propriété émergente d'une personnalité bien régulée. Tout ceci suppose que la vertu soit personnelle et non contextuelle, un attribut des personnes et pas des actions. La vertu est donc soit une disposition à avoir tel ou tel profil de big 5, une sorte de matrice de personnalités, qui à leur tour sont des prédictifs du cours d'action ou des décisions pris dans certaines circonstances, soit une disposition directement à agir d'une certaine façon dans certaines circonstances, décorrélée du big 5 (comprendre: de la personnalité, je prends le big 5 comme mesure reconnue et scientifique de sa distribution). Dans le premier cas, je vois bien comment ça pourrait être une "baseline". Dans le second cas, pas vraiment, ça me paraît beaucoup plus fluide, et ça se rapproche d'une perspective aristotélicienne ou ryléenne, où la "vertu" serait définie dans les mêmes termes dispositionnels qu'il emploie pour définir l'esprit, qui n'est pas hardwired (mais qui est simplement mon inclination à faire et être ceci ou cela et rien d'extérieur à ces proclivités). Pour rendre le deuxième cas plus transparent, je pourrais écrire que plusieurs big 5 pourraient partager certaines proclivités et pas d'autres, ce qui détache la vertu de son ancrage dans l'agent pour la placer dans ses actions. Pour éviter toute confusion, je reprends ma distinction autrement: dans le premier cas, on comprend que les actions de l'individu puissent difficilement s'écarter de la baseline (entendue comme ce complexe d'interaction entre le big 5 et sa "vertu", qui est elle-même un complexe dispositionnel pas extérieur à mais exprimé dans sa personnalité, laquelle a des "racines" biologiques très complexes) dans le deuxième cas, les actions de l'individu ne sont pas distinctes de la vertu, puisque celle-ci est directement une disposition d'ensemble à entreprendre telle ou telle action/entreprise, donc on ne peut plus penser la relation en termes d'attachement à une baseline. Le slogan de cette option ça serait le "das Thun ist alles" de Nietzsche (l'action est tout, en allemand). worth noting, si, comme je l'imagine, chaque trait du big 5 est distribué sur toute l'étendue du continuum vertu/vice (càd qu'on trouve des individus hauts et bas dans chaque variable aux deux bouts du continuum dans des proportions semblables), la baseline peut se comprendre de deux façons: soit c'est plus ou moins déterminé, comme l'addiction à l'alcool, par des informations génétiques (grosso modo => premier cas) soit c'est plus qqch qui, l'influence des différents traits de personnalité s'annulant entre eux (hypothèse du point 3), se cristallise au fil des choix et des entreprises poursuivies par l'individu, qui créent une sorte de path dependence le nichant quelque part dans le continuum, après quoi il peut effectivement difficilement bouger beaucoup. (Je n'ajoute pas une 3e option complètement indéterminée parce que ça serait un peu jeter toute la psycho de la personnalité par la fenêtre. J'ajoute que ça n'aurait plus aucun sens de parler de tempérament si la vertu était strictement un attribut des actions et qu'il n'existait pas de disposition à agir comme ci ou comme ça, ce que le sens commun nie.) Là où je me pose des questions, c'est qu'Aristote défend l'idée que la vertu est néanmoins cultivée par l'habitude ou l'enseignement (cf. mon premier post), donc une morale naturelle ou avec une base génétique serait étrangère à son esprit. Je ne suis évidemment pas grand clerc en psychologie de la personnalité mais j'ai l'impression qu'il y a de la recherche là-dessus (une histoire de pléiotropie évidemment). A partir de là, si on adopte l'idée qu'une action est morale à proportion de l'abnégation qu'elle exige de l'agent, il faudrait pondérer la moralité de l'action en fonction du type de personnalité de l'agent (roughly speaking), et la catégorie "vice" et "vertu", en plus de se déployer en un continuum, dépend maintenant en partie des agents (contrairement à un point de vue qui ne reconnaîtrait que l'action vertueuse ou non). Par ailleurs, le fait que les gènes qui entrent en compte dans l'expression d'un tempérament plus ou moins neurotique soient pléiotropiques semble indiquer qu'il faille élargir le champ des actions morales, non au sens où elles sont volontaires mais au sens où elles sont statistiquement plus ou moins révélatrices d'un tempérament plus ou moins vertueux. Je note qu'outre l'alternative utilitariste/déontologique qui attribue la moralité à des actions, l'éthique des vertus insiste plutôt sur le caractère moral de la personne en général, sans, par exemple, s'intéresser à ce qu'elle ferait dans un dilemme particulier (distinction qu'il me paraît important de garder à l'esprit, mais j'ai peu lu de cette tradition à part les classiques (Hursthouse me fait envie par exemple)). Le problème de l'hypothèse de Murray est de prendre dès le départ position dans ce débat. TL;DR: la vertu s'applique aux personnes VS la vertu s'applique aux actions la baseline détermine les actions des individus VS la baseline est déterminée path-dependence wise par les actions des individus la vertu corrèle avec certaines dispositions de personnalité VS il n'y aucune corrélation entre les proclivités personnelles/les scores au big 5 et les proclivités morales, càd que la vertu n'est pas une propriété émergente ou une méta-disposition de la personnalité.
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Syndrome métabolique, diabète, résistance à l'insuline : les cibles préférées du coronavirus
Vilfredo a répondu à un sujet de Nick de Cusa dans COVID-19
C'est intéressant, mais ça me rappelle un autre bouquin que tu connais, le Kahneman, qui explique que le bonheur expérimenté est corrélé (négativement) avec le niveau d'éducation/le QI: plus on est éduqué, plus on examine précisément sa vie et moins on se considère heureux. Si je croise les deux raisonnement maladroitement, un QI élevé rendrait la pratique de la vertu plus difficile? ça suppose qu'être vertueux rende heureux au sens où 'heureux' est défini dans Murray/Kahneman, ce qui n'est pas sûr (worth noting), puisque dans Kahneman, c'est basé sur le self-report du pourcentage de temps où tu te sens heureux, ce qui n'a rien à voir avec la morale. Bref, il faut éclairer ce saut de propension à être heureux/propension à être vertueux et unifier la base définitionnelle pour les deux termes, histoire qu'on puisse comparer. On peut très bien être enclin au malheur (haut en neuroticism par exemple) et être, sinon vertueux, moins immoral qu'un mafieux dans son harem. -
Syndrome métabolique, diabète, résistance à l'insuline : les cibles préférées du coronavirus
Vilfredo a répondu à un sujet de Nick de Cusa dans COVID-19
quel rapport entre le qi et les vertus tho -
Oui je suis d’accord c’est l’impression qui se dégage de la première partie trop historique du livre Vielleicht because traduction pourrie
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Au sujet de Schmitt en général non, peut-être, mais c'est un spécialiste reconnu de Hobbes. De lui je n'ai pas lu La Décision métaphysique mais Hobbes et la pensée juridique moderne. Il critique la lecture strictement décisionniste que fait Schmitt de Hobbes et la confronte avec le texte. Elle semble factuellement inexacte.
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Oui tu disais que ça tombait dans la catégorie de "faire chier les gens", mais c'est difficile à argumenter si les gens applaudissent l'idée ET que ça mène à des résultats préférables pour eux et pour tout le monde d'ailleurs. Outre la critique anarcap axiomatiste ("il faut des fonctionnaires pour que ça fonctionne"), je pense que l'élément significatif d'une vie humaine morale est moins la satisfaction de ses désirs que le fait qu'on soit l'auteur de cette satisfaction. Enfin c'est mon idée pour l'instant.
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Ah bah cool @Doctrinaire je le mets sur ma wishlist goodreads Récemment, càd depuis janvier, j'ai lu donc (outre manuels et trucs qui n'intéressent personne ici) L Jaume, Hobbes et l'Etat représentatif moderne; A de Jasay, The State; M Sandel, Le Libéralisme et les limites de la justice; A Passerin d'Entrèves, The Notion of the State; Byrd & Hruschka, Kant's Doctrine of Right: A Commentary; pas mal de Nietzsche mais rien en entier (sachant que j'ai déjà lu Le Gai Savoir et Par-delà bien et mal) en lisant un ouvrage critique très recommandé, un petit bijou en son genre en fait, Kaufmann, Nietzsche. Philosopher, Psychologist, Antichrist, que je suis en train de finir et recommande très chaudement. Et j'ai enfin achevé la lecture de Misbehaving de Thaler, exclusivement aux toilettes. J'ai des livres de toilettes: j'ai ainsi lu, from cover to cover, exclusivement par passages aux toilettes plus ou moins prolongés, De l'inconvénient d'être né de Cioran (le format s'y prête) et les Nouvelles leçons d'économie contemporaine de Simonnot (là encore, le format s'y prête bien). Jaume est très bien, la partie sur la représentation où il analyse à la lettre le texte de Hobbes (les 100 premières pages) est la plus stimulante. Il offre une intéressante réponse à la critique de Pitkin sur la question de la représentation dans le Léviathan, à savoir: comment le Léviathan peut-il être l'acteur du corps politique si l'"auteur" ne peut pas contrôler cet acteur? L'"auteur" n'est-il pas réduit au rang de simple spectateur? Il montre que non, car la personne du Léviathan est artificielle. Il montre quel sens "personne" a pour un nominaliste comme Hobbes (rien à voir avec son sens chez Kant par exemple). Il fournit une très bonne analyse du frontispice, qui pose les bonnes questions (pourquoi les hommes ont-ils déserté les villes? comment peuvent-ils être représentés s'ils forment le corps du représenté, càd s'il n'y a pas d'extériorité?), seulement dommage qu'il écrive très mal. Ses considérations sur le fictionalisme dans Hobbes (on n'obéit qu'à ce qu'on a créé, comme on ne reconnaît comme vraies que les vérités que l'on a formulées dans son esprit) sont très éclairantes, et aident à relativiser l'interprétation décisionniste schmittienne du "auctoritas, non veritas facit legem" (de toute façon avoir lu Zarka m'avait déjà fait comprendre à quel point Schmitt racontait de la merde sur Hobbes). La seconde partie sur la représentation de façon plus générale, l'héritage de Hobbes, est un peu plus faiblarde, mais il y a des trucs très bien dedans. Pas bien compris le gain des élucubrations sur Sieyès, le mec dit tout et son contraire (Sieyès insiste sur l’idée que la nation ne parle que par ses représentants, tout en écrivant que la nation existe avant tout, à titre d’instance de légitimation ; c’est contradictoire, mais simplement parce que Sieyès voulait éviter la démocratie (i.e. la démocratie directe) et défendre le gouvernement représentatif (i.e. la démocratie représentative)), so what? J'avais déjà lu Les Origines philosophiques du libéralisme de Jaume, qui m'avait plu même si les chapitres étaient très inégaux. Alors pour Jasay, je ne suis pas entièrement époustouflé, mais c'est très bien. Les problèmes du bouquin sont, à mon avis (je n'ai rien lu d'autre de lui mais j'ai Political Philosophy, Clearly qui m'attend) (1) les considérations historiques chiantes (grosso modo les 100 premières pages, jusqu'au moment où il écrit no chill que Jules Ferry était d'EG), (2) le fait que le développement sur les comparaisons interpersonnelles d'utilité est si convaincant et engageant qu'il prend un peu toute la place et tout l'intérêt du bouquin, (3) le fait qu'il présente parfois certaines critiques de Rawls comme si elles étaient nouvelles (par exemple le maximin principle n'est pas une bonne base pour la moralité) alors qu'en vrai, en prenant une phrase de Nozick et une phrase de Harsanyi, on obtient un peu la même limonade. J'ai surtout retenu l'idée que les individus sous le voile d'ignorance ne sont pas rationnels parce qu'être rationnels c'est conformer son action aux probabilités de survenue des fins de l'action, or si tout le monde part du principe qu'il est le plus mal loti (comme le veut l'expérience de pensée) & qu'ils sont rationnels, cela voudrait dire qu'il y a une probabilité de 1 qu'ils finissent le plus mal loti, ce qui n'est pas le cas. Les considérations sur la symétrie sont intéressantes quand il discute de la justice distributive (nous aimons instinctivement la symétrie dans les allocations de ressources mais il y a plusieurs symétries possibles, pourquoi préférer tel ordonnancement à tel autre). Jasay a parfois le don de balancer des thèses morales les pieds dans le plat (il ne faut pas juger la moralité d'une action par ses conséquences period motherfucker) et de réussir à être convaincant (parce qu'il a un style sublime et très witty (ça change de Buchanan qui écrit comme un fer à repasser!), c'est un vrai plaisir de lecture: je retiens une phrase où il écrit Nozick machine guned this sitting duck to shreds ou qqch comme ça (il donne un peu envie de relie ASU d'ailleurs, alors même que je me souviens quel bordel argumentatif c'est)), mais après quelques heures ou en reprenant le bouquin le lendemain, t'es moins convaincu. Surtout, par rapport au big développement sur l'utilitarisme, ça ressemble à des remarques éparses peut-être intéressantes en elles-mêmes mais je sens que je les oublierai assez vite. Plus globalement, ce qui fait plaisir est le style de pensée de Jasay, qui vivisecte littéralement les problèmes, les décompose, les recompose, ne laisse absolument no stone unturned, c'est un peu comme s'il faisait un lavement aux problèmes de philo politique. Le Sandel je suis partagé. D'un côté c'est sûr que le mec a bossé Rawls et montre bien comment Rawls a le cul entre deux chaises, d'un côté voulant rejeter l'utilitarisme parce que ça applique au groupe une heuristique qui ne vaut que pour l'individu, de l'autre le kantisme, parce qu'il ne veut pas se taper la métaphysique de Kant et garder juste le déontologisme, ce qui le mène à imaginer des "mois désencombrés" (disencumbered selves) qui ressemblent à rien et posent des tas de problèmes, et sur lesquels il est obligé de s'appuyer, par exemple pour réfuter la méritocratie et le laissez-faire (sur une ligne d'argumentation assez pascalienne, disant que comme nous n'avons aucun attribut fixe, nous ne méritons rien du tout, et en particulier pas des droits naturels (genre de critiques que l'approche rothbardienne du droit de propriété coupe en morceaux ama)). Sandel prend appui sur une tradition humienne insistant sur la qualité contextuelle des vertus, et que la justice vaut entre communautés en conflit mais pas dans des communautés heureuses ou en bonne entente, et que faire primer le juste sur le bien (ce qui est la pierre angulaire de l'edifice rawlsien), c'est abolir dès le départ tout projet communautaire. Alors autant Sandel does a good job at pointing out les défauts de la théorie de Rawls, surtout que lui aussi est très rigoureux et tous les NTs en mettront partout à lire ce bouquin de ce point de vue, autant la partie "positive" du bouquin, quand il essaie plus ou moins de montrer que le neutralisme de Rawls sur les problèmes moraux de société (genre l'avortement, la moralité de l'homosexualité (le résumé de ce débat est priceless; en googlant j'ai vu qu'il y avait des textes de Michael Levin et Scruton sur le sujet, ça doit être des barres), l'esclavage) le mène à des positions intenables. Mais les positions de Rawls me paraissent beaucoup moins intenables que les siennes: en effet, l'Etat peut parfaitement rester neutre sur ces sujets en laissant les individus décider s'ils veulent être avortés, homos ou esclaves, et vu la nature des problèmes, la question se règlera assez vite. On n'a pas besoin de lois spécifiquement pour protéger les homos des agressions si on interdit les agressions tout court. Et son projet communautarien reste très vague et ressemble un peu à du youkaïdi-youkaïdisme, ou du embrassonsnousfollevillisme si vous préférez. La biblio est bien. Le Passerin d'Entrèves est un peu inégal (genre les articles sur le gouvernement des élites, la raison d'Etat, par exemple, on s'en bat totalement les couilles) mais c'est dans l'ensemble très utile comme introduction à la théorie classique. Il est sensiblement meilleur quand il parle de la période classique que de la période moderne (même sur Machiavel c'est assez inepte). Le chapitre sur la nation et le pays est très synthétique et concis, s'ils pouvaient tous être comme ça ça serait tiptop. L'autre avantage du bouquin est de mettre les idées au clair sur certains lieux communs, par exemple sur la phrase de St Augustin sur l'Etat bande de voleurs, qui spécifie que c'est l'Etat qui ne respecte pas la justice qui est une bande de voleurs, et que cette observation est typique du réalisme/scepticisme politique des théoriciens catholiques. APdE a un mépris un peu trop voyant (et injustifié) pour la philosophie politique médiévale, sur laquelle j'aurais bien aimé qu'il s'attarde plus au lieu de dire que le principe est qu'on règle tout par la coutume et que ça vaut pour les barbares. Le commentaire de Kant est un bonheur absolu. C'est d'une clarté exemplaire, j'ai pas grand chose à en dire, le texte est examiné, illustré de façon extrêmement pédagogique, quand Kant se contredit d'un texte à l'autre, la généalogie de sa pensée est retracée et les thèses de la Doctrine du droit sont replacées dans le système, c'est vraiment un modèle. Kaufmann est super. C'est un livre à recommander pour ceux qui veulent défaire tous les préjugés sur Nietzsche. Là encore, pas de commentaire très détaillé à faire, je peux juste dire que c'est un éclairage précieux qui saisit simplement les points compliqués (le sens de la puissance, la signification du surhomme, comment se combinent les principes apollinien et dionysiaque en art etc.) @Lancelot sera peut-être intéressé par les passages sur la théorie politique de Nietzsche, son opposition à Hegel. Un autre texte apparemment important sur le sujet mais que je n'avais pas cité quand tu me l'avais demandé est la 3e Considération inactuelle. Je lis le bouquin avec les livres de Nietzsche en allemand près de moi pour aller chercher les passages. C'est un plaisir fantastique, je vais me remettre à l'allemand l'année prochaine, l'allemand de Nietzsche est d'une telle beauté! Le Misbehaving de Thaler est une plaie à lire: je déteste les gens qui font du storytelling, et ce bouquin en fait tellement bordel de putain de merde. Tout ce que Thaler réussit à faire c'est passer pour un gros con prétentieux qui a toujours raison et que tout le monde a méprisé pendant toute sa vie et ils l'ont bien profondément dans le cul maintenant nananananèreu. Beyond that, le bouquin souffre d'un gros problème d'organisation, qui est que Thaler présente les résultats de ses recherches comme une liste de courses, donc on retient des bullet points mais tout ça n'est que lâchement relié par le fil conducteur dummy de Humans != Econs. Souvent, faut bien le dire, ses "découvertes" sont du bon sens, donc c'est pas le bouquin qui va vous ébouriffer d'originalité, surtout quand on a un minimum (je parle de moi là donc vraiment minimum) de background en théorie des jeux. Le passage sur sa réfutation du théorème de Coase dans les cas où on présente aux gens une transaction qu'ils jugent injuste indépendamment du fait qu'elle leur est utile really makes you think tho, et pas mal de passages really make you think, mais le problème mec est que c'est un bouquin, pas une liste d'articles. Donc faites comme moi, lisez-le aux chiottes. Bizarrement (puisqu'il présente le personnage comme un vieux con), il m'a donné envie de lire Posner. Parmi les points importants, sa discussion des "comme si" dans la théorie néoclassique (critique de Friedman), réponse à la critique que les behavioral economics ne sont pas significatives car elles n'utilisent que des enjeux trop bas dans leurs expériences de labo de fiottes, des illustrations des biais cognitifs célèbres complètement redondantes si on a lu Kahneman (sunk costs, transaction utility, dans quelles circonstances les gens perdent leur aversion au risque, etc), pourquoi il ne faut pas accepter de faire 100x un pari qu'on ne serait pas prêt à faire une fois (simplement pour laisser ouverte la possibilité de gagner plus), une illustration réussie du concours de beauté de Keynes. La discussion du Nudge arrive à la fin et il ne me convainc pas avec son truc, mais c'est tricky, parce que ce que ça challenge vraiment est la théorie des préférences révélées. Si les gens agissent de telle sorte qu'ils ne poursuivent pas les buts qu'ils se sont consciemment fixés à cause de biais cognitifs inconscients, ils manquent inconsciemment la satisfaction de leur préférence, et le nudge n'est pas une intrusion dans leur liberté: il réalise leur liberté. D'un autre côté, je ne vois pas très bien quoi (1) c'est le boulot du gouvernement ni (2) en quoi les politiques sont exempts de ces biais (au contraire en fait). A la limite ça peut servir à éviter que les mecs pissent à côté de la pissotière mais bon je sais pas si cet achievement mérite un prix Nobel. Maintenant j'ai reçu In Pursuit de Murray, donc je vais bientôt lire ça, je vais me mettre à Ryle (The Notion of Mind et Dilemmas), j'ai acheté un livre de Szasz (The Myth of Mental Illness), j'ai jamais lu Hume donc faudrait, j'ai The Blank Slate de Pinker, le Jasay dont j'ai parlé, des Mill (On Liberty, son texte sur Tocqueville, Representative Government), Foucault (l'Histoire de la sexualité et certains cours du Collège de France), Beccaria et deux-trois autres trucs sur la planche. En littérature ça sera plutôt pour cet été mais je voudrais me mettre à Nabokov et Burgess. Et aussi lire plus de Virginia Woolf.