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Tout ce qui a été posté par Vilfredo
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Je raconte my life 9 : hache de bûcheronnage et vaporetto
Vilfredo a répondu à un sujet de poney dans La Taverne
Jecoute Yello non stop depuis 8h ce matin -
Oui en fait Hayek hérite du DN pré-moderne (plus médiéval qu'antique) l'idée d'une sorte de logique de la découverte légale (la compétition étant ce processus de découverte). Et j'ajouterais qu'avoir une conception non-critique du DN n'est pas si original que ça en fait: c'est aussi celle de Aristote, Montesquieu, Burke, Hegel etc (les conservateurs). Pour Aristote, il faut se rappeler sa métaphysique qui veut que les choses soient puissance et acte. L’exemple de cette physis est le germe d’une plante, qui peut se développer en arbre mais pas en chapeau pointu : le DN peut varier sans que ça empêche de distinguer ce qui est naturel de ce qui ne l’est pas. Ma typologie était en effet incomplète. Mettons les choses comme ça: La définition que tu proposes du DN me semble reposer sur 1) la distinction des droits objectifs et subjectifs. Mais j'ai essayé de montrer dans mon wot qu'elle n'était pas inhérente à la tradition jusnaturaliste antique ni médiévale. 2) Une conception anhistorique, critique du DN. Mais j'ai essayé de montrer, dans mon wot et ici aussi, que c'était une tradition parmi d'autres, qui s'opposait à la tradition "conservatrice", qui considère le droit d'un point de vue social, comme 'chose' au sens de Villey, complexe de relations, et non comme droit de propriété individuel, sans pour autant qu'on ne puisse pas utiliser le DN contre le droit positif. 3) Une conception égalitariste de la nature humaine (condamnation de l'esclavage), qui pour le coup ne me paraît ni antique, ni moderne (mais plutôt droit-de-l'hommiste ou contemporaine). Hayek, lui, mélange un peu tout, ce qui le rend difficile à classer. Il reprend, si je résume, aux médiévaux l'idée de la découverte du droit, aux conservateurs une conception non-critique et "plurielle" du DN, qu'il appuie sur une conception moderne de la nature, qui n'est pas le cosmos de la physis grecque mais la nature telle que la pense Hume et les Lumières écossaises, enrichie par l'évolutionnisme Darwinien, qui joue un rôle de pont entre l'historicisme hégélien et l'anhistoricisme du DN moderne relu et corrigé par Rothbard ou les droits de l'homme. (J'ai édité)
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Je ne sais pas si Marx dirait qu'on peut juger les sociétés selon le degré d'aliénation que permet leur superstructure (dont le droit positif fait partie), parce qu'il y a aussi un déroulement nécessaire de l'histoire. Les lois naturelles ne jouent donc pas un rôle critique mais seulement descriptif et scientifique (pseudoscientifique pour Popper ou pour Benjamin). En outre, ce sont les lois qui gouvernent la matière, mais je ne sais pas si on peut isoler dans ce matérialisme historique une théorie de la nature humaine, au sens où on la trouve dans Hobbes, pour citer quelqu'un qui fait une différence très claire entre loi naturelle et droit naturel: la loi naturelle, c'est que l'homme cherche à survivre; le droit naturel, c'est qu'il est libre de tout faire pour conserver sa vie (ça sera la base du droit de résistance dans l'état civil) (on pourrait aussi dire que dans Hobbes la théorie de la nature humaine n'est qu'une section de son matérialisme). Après je ne connais pas bien Marx donc je dis peut-être une bêtise. Mais sur la dichotomie loi/droit naturel, je vois pas le problème. Ou alors tu as une position straussienne, qui est que le "vrai" DN, c'est le DN antique. Hayek a une perspective évolutionniste (les normes émergent de la concurrence culturelle; il ne parle pas d'"histoire" parce que c'est déjà une façon très modélisée d'approcher l'histoire), pas historiciste. Je ne sais pas ce que Hayek pensait de l'esclavage en -300, mais à mon avis sa position à la fin de sa vie (quand il écrit Rules and Order) aurait été qqch de l'ordre de: tant que c'est économiquement profitable, c'est inutile de l'interdire parce que ça continuera en pire, et quand ça ne le sera plus, ça disparaîtra spontanément comme c'est venu. Au fond c'est ça l'ordre spontané: une evolutionary stable strategy. Amha, là tu décris un défenseur des droits de l'homme. Michel Villey fait du poisson torpille dans sa tombe. Pour m'excuser de trop solliciter parfois @Lancelot je vais moi-même faire un topo (j'avais lu plusieurs fois le livre de Villey l'an dernier donc je l'ai très bien en tête) Le terme de droit, rappelle Villey, s’entend en deux sens : (1) c’est d’abord l’"avantage" d’un sujet, une qualité personnelle (a) ou ce à quoi ce sujet peut prétendre, càd ce qui n’est pas interdit/ce qui est autorisé (dürfen) (b), et c’est ce qu’on appelle le droit subjectif ; (2) c’est ensuite l’ensemble des lois de l’Etat, qu’on appelle le droit objectif. Cette deuxième acception, le positivisme juridique, se targue de cultiver le droit "tel qu’il est", mais il se trouve que, justement, le droit a d’autres sources : la coutume, la jurisprudence et la nature de l’homme, d’où des "droits de l’homme" qu’on oppose au droit positif. Le juste, qu’analyse ensuite Villey, se conforme à l’ordre. L’esclave juste se limite à bien faire son travail d’esclave : une société juste est une société bien ordonnée (ce n’est pas nécessairement une société équitable et égalitaire). Aristote défend l’idée que le juste prospère davantage dans une Cité juste. Dans cette perspective, le droit est l’objet de la justice. Le juste est souvent de ne pas prendre plus que sa part, de respecter la juste mesure, dans les exemples d’Aristote, aussi le droit est-il originairement principalement la codification de la morale hellénistique. Le droit et le juste sont exprimés dans le texte grec par un seul mot, to dikaion, qui désigne un étant. Cet étant n’est pas une substance mais une relation, c’est pourquoi, par extension, il peut désigner la part qui revient à chacun. Cette conception, souligne Villey, est incompatible avec le partage moderne entre droits subjectif et objectif : il n’y a pas d’homme juste s’il n’effectue pas des actes justes et s’il n’est pas disposé à la justice par la vertu. Le juste n’a rien à voir avec la liberté. La notion de "partage" est le fondement de la justice distributive, mais son interprétation liberal est un contresens sur Aristote : il ne s’agit pas de "redistribuer" les richesses (comme si elles avaient été distribuées tout court), mais pour le juge de vérifier la justice d’une répartition préalablement établie (Aristote ne dit pas par qui). La notion de "mesure" s’étend à la "justice commutative", celle des échanges réglés par la rétribution et dont le principe est la loi du talion (qui est juste). Le droit romain reprend la définition aristotélicienne du droit, défini par sa fin, dans le cadre du monde sublunaire où tout est puissance et acte et tend vers sa fin naturelle, exprimée par Cicéron dans De Oratorio en ces termes : Sit ergo in jure civili finis hic : legitimae atque usitatae in rebus causisque civium aequabilitatis conservatio. (Ça veut dire: Soit (au sens: qu'il y ait) donc cette limite/fin dans le droit civil: la conservation, dans les affaires et les disputes (causis) des citoyens, d'une impartialité fondée sur la loi et les usages. Le "civium" veut dire que le droit civil est politique, et règle donc les relations entre des individus égaux et distincts : il ne s’occupe donc pas des relations familiales, car les individus ne sont pas assez distincts, ni des relations entre Etats, car le facteur d’égalité manque entre citoyens et étrangers. Mais le droit romain accorde une place différente à la loi : elle désigne l’organisation judiciaire et la procédure, si bien que, sans elle, il ne pourrait exister de jus civile. Mais il n’en reste pas moins que les deux sphères (droit et loi) sont séparées. Le droit civil est le travail d’interprétation des jurisconsultes, i.e. d’interprétation des mœurs, en l’absence de toute loi écrite ; le métier juridique n’est donc pas une déduction à partir de lois, mais connaissance de la réalité sociale. La loi décrit le droit, réalité qui lui préexistent, que les jurisconsultes recherchent. "Au-delà des règles, au-dessus des textes, est la réalité du droit." (Villey, ed PUF, 68). Ce n’est pas le DN moderne, il ne "tombe pas d’en haut", il est connu par observation. Il désigne un ensemble de choses. Par "chose", il ne faut pas entendre une définition physique, mais une cause, càd ce dont s’occupe le juriste. Saint Thomas explique en quoi ces choses dont on parle sont incorporelles en prenant l’exemple de la propriété (Somme, IIae, IIae, qu. 66, art. 2) : quand je reçois la propriété d’une terre, je ne reçois pas la terre, car la terre appartient à Dieu ; je n’en reçois pas l’usage, qui appartient à tous, et demeure commun ; je n’en reçois que la gestion. A Rome, c’est en effet le sens de la proprietas, qui est ce qu’aujourd’hui on appellerait seulement usufruit. Villey définit donc les "choses" comme "des compétences, des fonctions, des rôles à tenir dans la vie sociale intersubjective" (76). Comment réconcilier cette interprétation du droit avec l’idée de "droits subjectifs", propres au sujet ? Villey répond simplement : il n’y a pas de réconciliation à faire, car il n’y a pas de "droits subjectifs". Certes, le Digeste parle de droits comme celui de surélever sa maison, qui serait un droit subjectif, parce qu’il me donne un "avantage" ou un privilège ; mais juste après, il est aussi écrit que j’ai le "droit" de ne pas surélever ma maison, pour ne pas priver mon voisin de la vue. Interpréter ce second droit comme un quelconque avantage est grotesque : il s’agit d’une restriction, d’une obligation, qui souligne bien la définition donnée plus haut du droit comme "chose". "Le jus… n’est pas un attribut attenant au sujet…, mais cette part de choses qui revient à chaque personne dans le groupe" (78). Cette part qui revient à chacun est un complexe d’avantages et d’inconvénients (le jus civitatis, c’est le droit de vote et le service militaire). Ce n’est qu’avec la Modernité, Kant et Hegel, qu’est apparue la distinction entre droit réel (sur les res) et personnel (sur les personae). Villey, après cet exposé, affronte la critique évidente : comment appliquer ce droit antique à la modernité ? Dans l’Antiquité existait une anthropologie et une morale universalistes : c’est par exemple la loi de Zeus intimée à Antigone, par une sorte de divination selon Aristote (Rhétorique, I, 13), et qui n’est pas le DN (au sens moderne). Cette loi est morale, présente en tous, dicte les devoirs et indique les mauvaises actions (Cicéron, De Republica, III, 22). Les devoirs d’assistance, d’aide envers les pauvres, d’hospitalité, les livres d’Homère en fournissent de nombreux exemples. Les lois sont les instruments de cette morale universelle. Platon, comme Aristote, n’aborde pas le droit dans ses ouvrages de politique ; en revanche, il aborde l’éducation et la sexualité qui, si elles ne sont pas tempérées et bien réglées, provoquent la maladie du corps social. Villey me rappelle une remarque de E Barker dans Plato and His Predecessors, qui note que les Anciens étaient marqués par le primauté de la loi, tandis que les Modernes le sont par celle du droit. La morale sociale antique se donne plusieurs outils : l’éducation, la réputation (fama, infama) et la punition ou la récompense. Ici je vois bien ce qui fait bander les anarcaps dans Villey. On trouve un exemple de l’effectivité de cette morale sociale au début de l’Eutyphron, quand Eutyphron dit à Socrate vouloir intenter un procès à son père parce qu’il a laissé mourir un esclave au cachot. Il ne s’agit pas de défendre les droits de l’homme mais de laver une infamie, une souillure laissée par la conduite impie du père, c’est pourquoi Eutyphron demande justice devant l’Archonte roi. Que la situation réelle des esclaves à Athènes et Rome fût sombre est hors de doute ; mais la question est : quel système de normes, de la morale universaliste et sociale de l’Antiquité ou des droits de l’homme, protège le mieux les hommes ? La raison pour laquelle cette morale antique se distingue radicalement du DN moderne est que l’inégalité y est la règle, et qu’elle ne reconnaît pas de concept unifié de nature humaine : la femme ne saurait avoir les mêmes droits que l’homme, le débiteur que le créancier, le criminel que l’innocent ; l’Antiquité ne connaît pas la personne humaine (une notion chrétienne), l’homo noumenon de Kant ; elle ne connaît que des personnes et des cas. Que le droit civil s’élargît, par exemple à Rome, de façon significative, vu l’ampleur de l’empire, n’a jamais donné naissance à des droits de l’homme : ce droit restait civil, propre à une Cité (Rome). Il ne pourrait y avoir de droits de l’homme que dans une Cité mondiale, ce qui est un oxymore. Ce n’est pas Villey, c’est moi, mais on pourrait distinguer : Le droit naturel classique, relatif au cosmos ; Le droit naturel moderne, qui s’appuie sur la nature humaine seulement, avec plusieurs formulations très différentes (Hobbes, où on ne sait pas très bien d’où sortent ces droits, Locke, qui les fait dériver de Dieu) ; Je fais un encart dans le DN moderne pour Hayek, qui considère que le DN n’est pas premier, mais qu’il est le résultat de l’étude des effets des normes. Un mauvais parachute => risque d’accident étant donné la gravité => problème moral (qui relève du droit positif), et mauvais droit positif => risque d’accidents étant donné la loi naturelle => problème moral (qui relève du DN). Cette étude des normes, càd des droits positifs, qui collectionnent les normes en concurrence dans la société, aboutit à des jugements de valeur sur ce que les droits positifs devraient contenir ou pas pour être "bons", au sens précisément où on parle d’un "bon parachute" (merci Lancelot). Le DN devient une construction a posteriori et non a priori. Il y a une part d’a priori, qui est que les hommes ont une disposition au droit, un peu comme Chomsky a montré une disposition au langage, mais de même que cette disposition au droit n’est pas une disposition à tel ensemble de règles de conduite (comme le sont les droits de l’homme), de même la disposition au langage n’a pas abouti à un langage universel. Le droit positif ; Et cette étrange sorte de droit positif que sont les droits de l’homme, qui sont une sorte de droit positif universel, qui n’a rien à voir ni avec le DN classique, ni avec le DN moderne. Le point central, c'est que la nature humaine, ça ne veut pas dire l'égalité parmi les hommes. Marx ne s'y est d'ailleurs pas trompé en lisant la DDHC. Personne ne pense ça en Grèce, personne ne pense ça au Moyen-Âge, personne ne pense ça à l'époque de Hobbes et Locke (qui écrit quand même un chapitre entier sur le droit de conquête; pour lui, la political relationship n'existe qu'entre hommes libres, et on peut aliéner sa liberté naturelle en agissant mal), et même après la DDHC, on a conquis l'Afrique en son nom. Ma conclusion, c'est que je ne comprends pas quel DN tu critiques (moderne ou ancien), mais j'ai fortement l'impression que les seuls jusnaturalistes qui défendent vraiment la condamnation anhistorique de l'esclavage, c'est les libertariens à-la Rand et Rothbard. J'ai fait exprès de pas les inclure dans la typologie du DN parce que faut pas exagérer.
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Je trouve que ce message est déjà suffisamment clair: Ben à part parfois @Mégille, notamment sur l'école autrichienne, @F. mas et toi, il n'y a pas beaucoup de posteurs qui font des topos sur des questions d'idées. Ça doit être un truc de philosophes. En outre, les curieux peuvent lire wikipedia https://en.wikipedia.org/wiki/Natural_law#European_liberal_natural_law
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Ah j'ai encore créé un sujet sans le faire exprès donc (Il n'y pas pas beaucoup d'auteurs qui provoquent des discussions herméneutiques enflammées à part Hayek ici; je suis d'accord c'est génial Hayek mais c'est pas Dieu non plus.)
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On en avait parlé irl mais je ne suis pas d'accord. Je crois au contraire qu'il défend une version un peu particulière du DN qui est que la loi naturelle ce sont les lois économiques, qui sont testées au fil de l'évolution culturelle. Je crois que c'est néanmoins du DN dans le sens large d'un étalon au regard duquel on juge le droit positif. La finesse de Hayek est qu'il ne parle pas de "droit naturel" ou d'ordre naturel mais d'ordre spontané, mais cette spontanéité est ce qui émerge de l'inventivité humaine laissée à son libre cours, et ici Hayek reprend seulement la définition de la nature donnée par Hume, qui est toujours son grand maître, et qui rend son jusnaturalisme compatible avec sa critique du constructivisme (par exemple il déteste le jusnaturalisme de Locke) (Mankind is an inventive species; and where an invention is obvious and absolutely necessary, it may as properly be said to be natural as any thing that proceeds immediately from original principles, without the intervention of thought or reflection. Though the rules of justice be artificial, they are not arbitrary. Nor is the expression improper to call them Laws of Nature; if by natural we understand what is common to any species, or even if we confine it to mean what is inseparable from the species.) L'idée de Hayek est que l'existence de l'ordre spontané des règles est bénéfique pour nous, mais Dawkins corrigerait: est bénéfique pour les règles (nous sommes les véhicules). C'est assez difficile de concilier le darwinisme et le jusnaturalisme. Ce n'est pas la seule tension dans l'oeuvre de Hayek. Un mec qui pense comme moi https://www.amazon.com/Hayek-Natural-Law-Erik-Angner/dp/0415547822 @Lancelot avait aussi une lecture jusnaturaliste de DLL, et quelque part il doit y avoir des messages où il explique. J'ai mis du temps à retrouver: c'était il y a une dizaine d'années pendant un débat de haute voltige avec Gio:
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Non jamais mais j’aimerais bien lire Orthodoxy et Heretics!
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J’avais écrit un post plus long et puis je me suis dit de me calmer sur les wot. Ce que je voulais dire c’est que quand on dit pr exemple que la vie n’est qu’une succession de plaisirs vains, per hunc circulum curritur, et qu’il faut vivre dans la perspective de l’éternel, c’est sage. Quand je dis le contraire, que la vie est une souffrance et qu’il faut cueillir l’instant et le bonheur, vivre chaque moment comme si je devais le revivre une infinité de fois, c’est sage. Et si maintenant je mélange les deux, et que j’explique que c’est dans le moment présent que m’est donné un sentiment d’éternité (un truc à la Proust) et qu’il faut rechercher cette harmonie dans sa vie pour trouver la paix intérieure, c’est encore sage. La philosophie est souvent résumée à des doctrines toutes faites de ce type alors que c’est le contraire. Ces réponses sont toutes faites parce qu’elles répondent à des questions toutes faites aussi. La philosophie non seulement remet toujours en cause l’autorité (intellectuelle ou politique, c’est pourquoi nous sommes dangereux), mais elle ne donne même pas de réponses. Elle cherche plutôt à formuler les questions pour lesquelles nous avons déjà les réponses (dans notre vie quotidienne, notre sens commun). Alors que la sagesse est une recette pour vivre (bien, supposément), la philosophie n’est pas censé particulièrement rendre la vie plus facile. C’est autre chose d’avoir un cours sur Hume et de lire Hume: on ne cesse de s’arrêter et de ne pas comprendre tel ou tel point et de continuer à lire pour rétablir le sens, reconstituer le problème qu’il se posait (en quoi le commentaire et les classiques sont la meilleure éducation à la pratique de la discipline; je suis bien plus fier de mes bons commentaires que de mes bonnes dissertations ou même maintenant de mes bons mini mémoires de master). La sagesse je vois ça comme un roc à quoi on s’accroche pour mener sa vie. La philosophie n’offre pas de socle; c’est quand on prétend avoir compris qu’on arrête de chercher les questions et que comme un faible on se blottit contre les réponses. Quand maintenant je rencontre quelqu’un qui connaît bien Hume ou Nietzsche, si on peut lier conversation ce n’est pas pour se confirmer mutuellement c’est plutôt pour aiguiser nos interprétations. Par exemple Hume écrit à la fois que les trois principes fondamentaux de connexion entre les idées sont cause contiguïté et ressemblance, mais il écrit aussi que la causalité est une fiction (composée des deux autres principes plus la répétition, qui confère à l’idée de la cause que l’on croit être à la racine de tel phénomène une vivacité particulière en présence de ce phénomène). Je suis curieux de savoir quels arguments on pourrait me présenter pour me répondre. Entre deux sages, je ne vois pas quels échanges d’arguments il pourrait y avoir: à partir du moment où ta petite heuristique te rend heureux, more power to you, on ne reveille pas le chat qui dort. À l’inverse si un argument philosophique rend la vie plus malheureuse, ca ne l’invalide pas (la philosophie est remplie de célèbres paradoxes, par exemple, qui sont l’opposé de la sagesse: ils sont faits pour déranger, et nous rendre notre façon naturelle de penser étrangère). Dieu sait ce que, une fois qu’on commence à réfléchir, on va finir par découvrir.
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Présidentielles 2022
Vilfredo a répondu à un sujet de RaHaN dans Politique, droit et questions de société
Mais alors on en revient à la question centrale à chaque fois qu’on a ce débat: ce que l’ordre libéral préserve, et, selon ses meilleurs critiques, encourage, n’est-il pas justement la possibilité d’être indifférent à la sphère publique (la jouissance privée)? Dès lors que la jouissance privée est attaquée par le pouvoir, y a-t-il encore une différence entre l’indifférence et la protestation? Car être indifférent, c’est encore protester contre la politisation -
Comment ouvrir une porte correctement Tuto finlandais
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C’est vraiment des chimpanzés qui balbutient de la philo politique
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Présidentielles 2022
Vilfredo a répondu à un sujet de RaHaN dans Politique, droit et questions de société
Non pas vraiment. Je vote GK pour le remercier d’exister, un peu comme je like et je m’abonne sur YouTube. Comme je disais plus haut, c’est encore affectif, pas politique. -
Présidentielles 2022
Vilfredo a répondu à un sujet de RaHaN dans Politique, droit et questions de société
Ah non par contre si je peux je vote Koenig aussi je crois -
Littéralement, on pourrait interpréter ça comme: le mec qui s’est fait vacciner l’an dernier et vient de faire sa dose de rappel 6 mois plus tard sera privé de pass sanitaire à partir de février
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Un truc qui m’est antipathique avec Barres c’est comment les amoureux créent complètement leur objet (le moi (le concept de Barres) crée son monde en général certes mais en amour ça frise la psychose). Le fait que le narrateur, dans Sous l’œil des barbares notamment, imagine aussi entièrement les femmes explique peut-être pourquoi il couche jamais avec. Ça va bien dans le sens du roman d’ailleurs, puisque c’est l’histoire d’une femme, être charnel, qui veut attirer l’homme, être spirituel, du côté de la chair. Quand la femme, en revanche, se met à penser, la pensée déforme littéralement son corps. “Le sort, lui dit-il, t’avait donné un corps sain et beau. Faut-il y introduire la pensée qui déforme tout!” Comment voulez-vous lire des nunucheries comme cette réplique sans éclater de rire? CS Lewis a bien raison: love is a divine joke Edit il a aussi ce tic des mauvais écrivains de foutre un adjectif pour chaque nom commun. Ça donne ces phrases étouffe-chrétien comme : “Avec son cynisme absolu où l’on doit souvent reconnaître l’expression crapuleuse d’une magnifique clairvoyance, cet admirable garçon faisait l’admiration et la vie de ce monde de politiciens.” (L’Appel au soldat, chap 10)
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chaque jour je deviens un peu plus l’INTJ que je suis
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Non je répondais à Mathieu sur Barres
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Les généraux romains, le jour de leur triomphe, étaient accompagnés tout du long par un jeune garçon qui leur chuchotait à l’oreille, pour vaincre leur orgueil: souviens-toi que tu vas mourir. Moi c’est souviens-toi que tu vas écrire un article sur le Roman de l’énergie nationale. En vrai depuis tout ce temps j’ai lu un peu Leurs figures et c’est intéressant historiquement et tout et aussi Mes Cahiers (ennui mortel) mais je vois vraiment rien à commenter dans ce monde peuplé de stéréotypes (les femmes qui vont de la sainte vierge Bérénice à l’orientale mystérieuse Astiné d’Aravian je crois qu’à mon âge je peux m’autoriser d’autres fantasmes). La colline inspirée j’en ai un souvenir horrible. Tu peux toujours lire les articles de cet illuminé de Juan Asencio sur son blog il adore Barrès mais moi non malheureusement. Ce style de bourgeois qui écrit le petit doigt en l’air me met en fuite https://www.juanasensio.com/archive/2019/06/26/maurice-barres-dans-la-zone.html Mais je vais arrêter de promettre des trucs en termes d’articles je crois. La le prochain truc que je ferai ce sera sur le Covid et la dépression (l’Australie je ne trouve rien de spécifique à dire sur: pourquoi dans ce pays précisément? Et j’ai peur de partir dans une caricature de: c’est une île de xénophobes ils ont le fantasme de vivre dans une bulle autosuffisante; mais j’ai bien l’impression que la réponse est plus du type de ce que je disais ailleurs sur la culture et la violence que du type d’une analyse institutionnelle ou politique) mais je peux pas me forcer à lire des trucs. J’ai passé ma prépa à faire ça maintenant non. Même pour un cours d’anglais je devais lire un roman post colonial sur un pauvre homo indien immigre j’ai jeté le livre à travers ma chambre au bout de quarante pages (Hanif Kureishi, The Buddha of Suburbia) et je me suis fait dispenser du cours. edit J’ai aussi appris dans mes recherches infructueuses le nom du spécialiste fr de Barres, Vital Rambaud. Pierre Glaudes connaît bien aussi
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C’est de l’édification chrétienne comme tous les volumes des Signature Classics. Celui-ci est essentiellement consacré à la nécessité d’une borne transcendante à l’amour humain sous peine de dégénérescence en idolâtrie et en passion pour le plus grand mal de son objet. Il distingue 4 formes d’amour (affection, qu’il analyse très finement, amitié, et le rôle qu’elle joue dans le renforcement de la personnalité individuelle pour le meilleur ou le pire, d’où la méfiance qu’éprouve le pouvoir à son égard, car elle isole les hommes entre eux, amour et charité), à partir de deux tendances que sont l’amour comme besoin et l’amour comme appréciation. C’est inégal, moins bon par exemple que The Problem of Pain ou Miracles parce que parfois trop proche de la psychologie et pas assez de la théologie. Mais CS Lewis est un écrivain remarquable donc c’est toujours extrêmement plaisant à lire. Vers la fin il y a de très belles pages sur la nécessité de ne pas prendre l’amour (humain) trop au sérieux, de ne surtout pas en faire le substitut de la divinité, et sur le fait que la passion la plus apparemment spirituelle, en tant qu’elle est indissolublement liée aux mouvements les plus triviaux du corps, est un signe de l’ironie de notre condition: les plus grands élans d’amour nous rappellent toujours notre état déchu. Je pense lire bientôt Love and Friendship de Allan Bloom pour compléter mon éducation morale.
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Présidentielles 2022
Vilfredo a répondu à un sujet de RaHaN dans Politique, droit et questions de société
Comme le kantisme Moi aussi j'ai envie de voter Le Pen mais pourquoi? Pour voir Macron perdre. Donc c'est purement affectif, pas politique. Si le libéralisme pratique légitime mes passions les plus basses, c'est plutôt le libéralisme pratique qui devrait s'inquiéter. -
Présidentielles 2022
Vilfredo a répondu à un sujet de RaHaN dans Politique, droit et questions de société
Il a une conception complètement youkaidi-youkaida de la démocratie mais je suis d'accord avec lui sur probablement autant de points qu'avec Pécresse et plus qu'avec Zemmour et Macron réunis (i.e. 100% de son programme sécurité, 100% de son programme police, pas mal de son programme immigration, famille, drogues). Donc bon. C'est à moitié de la provoc mais en même temps c'est hors de question que je vote, donc si je peux souligner qu'on est aussi socialement éloignés de la droite qu'on est proches économiquement de la gauche, c'est pas plus mal. Et je sais qu'un programme est censé être cohérent et qu'on vote pour le projet d'ensemble mais dans les faits on privilégie toujours un aspect sur un autre si on accepte l'humiliation d'aller voter (e.g. la gauche qui a voté Macron parce que finalement pour elle l'économie est moins importante que le programme social en l'occurrence la politique migratoire). Donc si vous voulez voter à droite très bien, mais c'est pas par libéralisme, c'est juste parce que vous êtes de droite. Si vous voulez voter à gauche, très bien, mais alors vous êtes de gauche. Pour pasticher @Brock, c'est un problème personnel, pas un problème libéral. -
Burke m'ennuie. On peut se sentir chez soi chez les conservateurs, mais ils n'ont pas d'arguments. Leur philosophie est plus proche d'une forme de sagesse, et la sagesse, c'est le contraire de la philosophie (le philosophe n'aimerait pas la sagesse s'il était déjà sage; le sage, en comparaison, me paraît toujours prétentieux). Je sais son importance historique et l'influence de son naturalisme sur le destin du conservatisme, j'ai lu ce qu'en disent Arendt et Strauss. Mais le lire dans le texte n'ajoute ni surprise ni finesse à la version vulgarisée que j'en avais. Soit on est déjà convaincu et on rentre le nez dans les Reflections comme les pieds dans ses pantoufles, soit on ne l'est pas au départ et on continue. Il n'a aucune heuristique générale, aucune idée frappante qui me fait poser le livre et regarder autour de moi comme si le monde était renouvelé par la lecture. Ça ne veut pas dire qu'il n'est pertinent sur rien ou qu'il ne m'est pas sympathique (au contraire), mais par exemple, quand Strauss écrit que, sous prétexte qu'il dit qu'on ne peut pas implanter des idées abstraction faites de l'histoire de la société à laquelle on veut les appliquer, il ressuscite Aristote, je trouve que c'est un peu poussé. Dans mon histoire anachronique du conservatisme politique, c'est seulement du sous-Hegel (dont la critique de la révolution n'a pas besoin d'un appel au développement organique des peuples, ce qui est aussi bien). Maistre je l'adore pour plein de raisons. C'est un écrivain génial, je l'ai lu jeune et ignorant de toute culture religieuse et il m'a appris la signification du péché et de la grâce (j'ai lu Bloy avant de lire la Bible). Contrairement aux conservateurs il a un système, et même une théodicée. Et c'est un extrémiste, un défenseur de l'inquisition, des croisades, de la guerre comme hygiène des civilisations, donc je me sens davantage sollicité intellectuellement quand je le lis que quand je lis Burke. D'ailleurs si un jour je faisais la liste des livres qui ont changé ma vie quand je les ai lus, Les Soirées de Saint-Pétersbourg seraient bien haut dans le classement. Ce soir je finis The Four Loves de CS Lewis et je reprends les Reflections je vais voir ce que ça donne, même d'un point de vue littéraire comment ça se lit. Si je m'endors habillé je considère que j'avais raison, si je passe la nuit avec Burke je reviendrai faire amende honorable. Dans mon souvenir c'est aussi plein de détails historiques faux très spécifiques et très pas intéressants du tout mais bon on va voir.
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Présidentielles 2022
Vilfredo a répondu à un sujet de RaHaN dans Politique, droit et questions de société
Tiens alors comme ça le nouveau parti anticapitaliste n’est pas capitaliste? ou plutôt est encore moins libéral qu’on croyait? Grande nouvelle -
En tout cas, entre Maistre et Burke, je choisis Maistre every time
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Oui enfin Burke critique les philosophes français (ou “parisiens”, parmi lesquels il met Rousseau, qui n’est certainement pas parisien et même pas français). Il oppose la spéculation métaphysique sur les modèles de gouvernement (on peut voir dans les premiers chapitres des Considerations on Representative Government de Mill une réponse empiriste à cette attaque) à la pratique politique et à la sagesse de l’histoire (tradition “aristotélicienne” qu’il réintroduit en philosophie politique comme le souligne Strauss). Ce n’est qu’une tradition fort récente en philo analytique qui pratique les expériences de pensée debiles. Wittgenstein ou Quine diraient qu’une expérience de pensée ou le recours à la science fiction ne peuvent pas nous aider à clarifier les concepts que nous utilisons, puisque leur signification dérive de l’usage actuel et passé que nous en avons fait. Et Wilkes ouvre son Real People par un petit rant contre le recours aux expériences de pensée en éthique. C’est donc surtout une manie américaine, héritée du style que Putnam a introduit dans l’écriture de la philosophie, mais c’est vraiment éloigné de l’esprit de Burke. Du reste, la critique de la métaphysique n’est pas exactement étrangère à la philo analytique non plus (historiquement, plutôt Le contraire). Tout cela mis à part, Burke, c’est chouette par moments mais très ennuyeux à lire en entier.