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Interview Neila Charchour - Middle East Quaterly


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J'en parlais dans le sujet "Madelin Chez Ardisson", mais je ne pouvais publier l'interview avant sa parution officielle dans le Middle East Quaterly.

C'est désormais chose faite, donc la voici.

N CH anime le pôle Monde Arabe de GCOM, n'hésitez pas à l'y retrouver pour lui poser des questions : http://www.gov-forum.com

Une interview de Neila Charchour dans le prestigieux Middle East Quaterly

Version originale en anglais: http://www.meforum.org/article/732

Version française sur le site de N CH : http://pages.zdnet.com/plm/id328.html

Le Middle East Quarterly

Depuis sa création en 1994, le Middle East Quarterly est devenu le journal le plus crédible concernant les affaires du Moyen Orient. Hommes politiques, leaders d’opinions, académiciens et journalistes consultent d’abord le Middle East Quarterly, pour lire des analyses profondes concernant un territoire en mutation rapide dans la région la plus instable du monde. Le Quartely publie des études d’avant-garde, des interviews exclusives, des commentaires perspicaces, et de forts comptes-rendus qui couvrent la totalité des affaires contemporaines allant de la politique à l’économie et à la culture à travers une région qui s’étend du Maroc à l’Afghanistan. Le Quarterly fondé par Daniel Pipes et édité par Michael Rubin existe en version imprimée et est reproduit (à l’exception du numéro en cours) en totalité sur le siteweb.

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Neila Charchour Hachicha: « Les élections Tunisiennes étaient antidémocratiques à tous les niveaux »

Publié par le Middle East Quarterly, Eté 2005, pp. 77-81.

Neila Charchour Hachicha est la fondatrice du parti tunisien le Parti Libéral Méditerranéen [1]. Architecte, née à Tunis en 1955, Hachicha est la fille du défunt Mahmoud Charchour, un proéminent diplomate et une figure clé du parti au pouvoir le Rassemblement Constitutionnel Démocratique, longtemps dirigé par l’homme fort et modernisateur, Habib Bourguiba. Après la prise du pouvoir par Zine El Abidine Ben Ali en 1987, Hachicha devient de plus en plus active dans l’opposition et est devenue l’une des chefs de files des voix dissidentes en Tunisie. A travers la plateforme de son Parti Libéral Méditerranéen elle appelle à mettre fin au pouvoir de l’Etat-Parti et l’instauration démocratique d’un système libéral fondé sur le multipartisme. Todd Orenstein, un assistant chercheur au Washington Institute for Near East Policy, a interviewé Hachicha par e-mail le 24 Février 2005.

Réformes en Tunisie

Middle East Quarterly : Qu’est-ce que le Parti Libéral Méditerranéen cherche à établir en Tunisie ? Quels sont ses objectifs ?

Hachicha : Le Parti Libéral Méditerranéen ou PLM croit que la démocratie peut consolider la cohésion nationale plutôt que de créer des divisions et de l’animosité au sein d’un même peuple. Plus spécifiquement, le PLM vise à consolider les visions du libéralisme politique et économique. Pendant trop longtemps nous avons enduré un système économique socialiste qui a facilité la dictature. Nous cherchons donc à éduquer autant le peuple que le régime sur la nécessité d’évoluer vers le libéralisme. Nous voulons aussi construire un support populaire autour de l’Union du Maghreb Arabe qui nous aidera à intégrer une région plus grande encore qui est la région méditerranéenne. En tant que femme Musulmane et Tunisienne, je me sens bien plus proche de la culture méditerranéenne que du monde Arabo-musulman. Mais, nous ne pourrons rien faire de tout cela sans la légalisation du PLM. En Tunisie, cette légalisation n’est pas un droit que l’on exerce mais plutôt une faveur que l’Etat peut choisir d’accorder ou de refuser.

MEQ : Ben Ali a gagné un quatrième mandat présidentiel en Octobre 2004 avec 94,49 pour cent des votes contre deux opposants. Ces élections étaient-elles légitimes ?

Hachicha : On ne peut pas dire que les élections étaient illégitimes. Le Rassemblement Constitutionnel Démocratique est au pouvoir depuis l’indépendance. Avec deux millions d’adhérents sa légitimité ne fait aucun doute. De plus, la communauté internationale soutien Ben Ali. Il a à son service exclusif le soutien de toute la machine étatique. Par conséquent Ben Ali détient une légitimité surtout parce qu’il est le chef d’un parti mais ceci est très différent d’une légitimité démocratique détenue de chez la totalité des Tunisiens. Les élections ont pu être légitimes techniquement, mais dans ces conditions elles ressemblaient bien plus à une course entre une voiture de sport et une chaise roulante. Elles étaient inéquitables et antidémocratiques à tous les niveaux.

MEQ : Comment est-ce Ben Ali utilise les mécanismes de l’Etat pour marginaliser l’opposition ?

Hachicha : Le régime use de toutes sortes de procédures et moyens inéquitables et même illégaux pour réprimer l’opposition. L’accès aux médias et le soutien financier sont restreints au stricte minimum même pour les candidats et partis légalement reconnus. Il en résulte que l’opposition demeure injustement méconnue. Il n’y avait aucune comparaison possible entre le temps accordé par la télévision au Président ben Ali et son épouse durant la campagne présidentielle, et le temps accordé aux autres candidats. Il n’y a eu aucun débat. Malgré l’illégalité la répression était importante. Alors que la démocratie requiert la responsabilité du leadership, le fait est que seul le citoyen est tenu d’être responsable. Grâce à la complaisance citoyenne, il est plus qu’aisé pour Ben Ali de gagner plus de 90 pour cent des votes.

MEQ : Est-ce que la pression intérieure peut forcer Ben à accepter les réformes démocratiques.

Hachicha : La pression intérieure est trop faible. Malgré qu’elle soit quand même nécessaire, elle est loin d’être suffisante. Du fait que nous n’avons aucune liberté d’_expression et d’association et que l’intimidation est répandue, les Tunisiens se sentent inconfortables vis-à-vis de toute activité politique. La peur contrôle leur raisonnement. Par conséquent, aucun mouvement politique n’arrive à acquérir suffisamment de soutien populaire transparent apte à créer une pression sur Ben Ali. Nous sommes encore au stade où chaque mouvement politique essaye seulement de se construire une crédibilité afin de pouvoir acquérir une légitimité.

MEQ : Est-ce que les partis d’opposition détiennent un poids significatif dans le champ politique ?

Hachicha : Absolument pas ! Le régime ne montre aucune volonté de partager le champ politique. Il n’y a aucune ouverture pour un débat national. La situation est aggravée par le silence de la communauté internationale face aux abus du pouvoir. Lorsque le Président Bush a reçu le Président ben Ali à la Maison Blanche [2], Bush a insisté sur la nécessité de la liberté d’_expression et des libertés politiques. Presque en même temps, le Président français Jacques Chirac a parlé du miracle tunisien et a dit que le premier des droits de l’Homme était de boire et de manger. Récemment aussi le Ministre de la Défense italienne a cité la Tunisie comme un exemple de démocratie dans la région. Espérons que la tournée du Président Bush en Europe [3] consolidera les relations trans-atlantiques et permettra aux Etats Unis et à l’Europe de coordonner leurs visions, déclarations et actions afin de nous aider à être plus confiant en nous-même pour résoudre nos problèmes internes.

MEQ : Alors il y aurait un rôle pour la pression extérieure ?

Hachicha : La communauté internationale a bon nombre d’outils pour mettre la pression sur de tels régimes sans interférer dans les problèmes internes puisque nous pensons tous que la souveraineté nationale est très importante. Malheureusement, la communauté internationale n’a jamais mis de pressions sérieuses sur les dictatures jusqu’au 11 septembre lorsqu’un tel objectif a fait partie de l’agenda du gouvernement américain. Malgré cela, il y a encore des pays comme la France qui soutiennent les dictatures. De part l’Histoire et la position géographique l’impact politique européen reste plus important sur un pays comme la Tunisie que l’impact politique des Etats-Unis avec lesquels nous n’avons pas d’intérêts vitaux.

MEQ : Est-ce que l’Initiative de Partenariat de l’Administration Bush avec le Moyen Orient ou MEPI [4] peut rendre la pression américaine plus effective ?

Hachicha : Alors que Washington fait beaucoup d’efforts, je ne suis pas sure que l’Administration Américaine soit entrain de résoudre les problèmes de la meilleure manière. Je vous donne deux exemples. Le MEPI est une excellente initiative qui offre beaucoup de moyens financiers pour renforcer la société civile dans le Monde Arabe. Mais dans un pays comme la Tunisie qui n’a pas de société civile indépendante, avec qui le MEPI va-t-il travailler ? Serait-ce avec la société civile légalement reconnue qui n’est qu’une extension du régime ? Ou va-t-il travailler clandestinement avec des associations ou des mouvements politiques non reconnus ? Je pense qu’avant de mettre à disposition des moyens financiers, l’Administration Américaine devrait favoriser un meilleur contexte politique qui permettrait aux sociétés civiles de se développer librement et équitablement. Ce n’est qu’à ce moment là que le MEPI sera efficient. C’est ironique, mais lorsque j’ai publié un résumé d’une conversation que j’ai eu avec Scott Carpenter, assistant député du Secrétaire d’Etat chargé du MEPI, dans lequel j’ai suggéré que l’Administration Américaine mette la pression sur les présidents élus à plus de 90 pour cent des votes, pour démissionner des partis au pouvoir afin de permettre l’émergence de nouvelles personnalités politiques, le gouvernement tunisien a censuré le site du PLM et le Département d’Etat Américain n’a montré aucun soutien. Alors quel genre de démocratie et de liberté d’_expression sommes nous en droit d’attendre ? Les Etats-Unis ne devraient pas mettre moins de pression sur la Tunisie sous prétexte que nous sommes plus développés que le reste du Monde Arabe. D’autre part, beaucoup d’ONG Américaines ne sont pas autorisées en Tunisie alors qu’elles pourraient être d’excellents espaces de libertés, de coopération et de formation. Il est bien plus facile à l’Administration Américaine d’obtenir l’autorisation d’implanter ses ONG en Tunisie que pour les Tunisiens de former de telles organisations dans leur propre pays. Au moins les membres d’une ONG américaine ne seront pas persécutés.

MEQ : Qu’en est-il de l’Europe ? En 1998 la Tunisie a signé un accord de partenariat [5] avec l’Union Européenne qui oblige le gouvernement tunisien de promouvoir les Droits de l’Homme et le pluralisme politique. Cet accord a-t-il été effectif ? Est-ce que l’Union Européenne a représenté une force pour les réformes démocratiques ?

Hachicha : Oui, la Tunisie a signé un accord avec l’UE mais l’accord est bien plus économique qu’autre chose. Pour les droits de l’Homme et le pluralisme politique l’UE a mis très peu de pression du fait que le régime se défendait en avançant que des réformes politiques pouvaient mener une débâcle du style algérien, et que celles-ci devaient être précédées par la résolution du problème Palestinien. Par ailleurs, alors que l’UE sait parfaitement que la démocratie commence par le respect des droits des minorités, sa priorité a continué à être la stabilité à tout prix. Seul un pluralisme superficiel sous le contrôle total de l’Etat a pu émerger.

Islamisme

MEQ : Le gouvernement Tunisien a interdit Al-Nahdha, le principal parti Islamiste. Est-ce que les Islamistes pourraient dominer une Tunisie démocratique ?

Hachicha : Si la Tunisie était une démocratie, Al- Nahdha ne dominerait point. Dans une dictature les Islamistes semblent être la seule opposition effective puisqu’ils ont accès au peuple à travers les mosquées et ne dépendent pas de la liberté de presse ou d’aucune autorisation d’association. En réalité, autant le régime que les Islamistes ont besoin l’un de l’autre. Le régime avance l’Islamisme pour justifier les restrictions démocratiques et les Islamistes s’appuient sur ces mêmes restrictions pour prôner une légitimité.

MEQ : Mais est-ce que des réformes démocratiques ne mèneraient pas à une débâcle sanguinaire comme celle de l’Algérie en 1992 ?

Hachicha : Un parti Islamiste légal en Tunisie ne peut pas mener au scénario Algérien. N’importe quel parti que le gouvernement tunisien autoriserait, serait difficilement plus restrictif que le régime actuel. Par railleurs, la Tunisie est immunisée contre le scénario Algérien pour deux raisons. La première tient de l’éducation des femmes et du code du statut personnel que le Président Bourguiba a imposé au début de l’indépendance. Ceux sont aujourd’hui deux acquis irréversibles. Les femmes représentant la moitié de l’électorat, les Islamistes n’auront d’autre choix que de respecter leur voix. Deuxièmement, notre économie est basée sur le tourisme. Les Islamistes ne peuvent interdire le tourisme puisque contrairement à nos voisins, Algériens et Libyens, nous n’avons ni gaz ni pétrole. N’importe quel parti Islamiste sera donc tenu d’être modéré pour obtenir des votes et survivre dans l’arène politique. De plus, les différences post- indépendance entre l’évolution de l’Algérie et de la Tunisie limiteraient les atteintes Islamistes puisque la Tunisie a toujours été ouverte vers l’Occident alors que l’Algérie penchait surtout vers le nationalisme arabe. Par ailleurs, l’armée algérienne a joué un rôle politique important alors que l’armée tunisienne ne l’a jamais fait. Enfin, l’existence du pétrole est aussi très importante puisque la prospérité qu’il permet est une motivation de taille pour le peuple qui devient prêt à se sacrifier à la poursuite du pouvoir et du contrôle.

MEQ : Qui soutien les Islamistes Tunisiens ?

Hachicha : Officiellement personne ne les soutient. Officieusement nous pensons tous que les régimes islamiques les ont financés au moins jusqu’au 11 Septembre. Mais il reste utile de souligner qu’être un bon Musulman ne veut nullement dire être un Islamiste ou soutenir un mouvement politique Islamiste comme souvent Al-Nahdha s’en prévaut. Les Tunisiens sont des Musulmans modérés laïques dans leur mentalité même si la laïcité n’a jamais été inscrite dans notre constitution. Bien sûr depuis le 11 Septembre, les Tunisiens se sentent le devoir de protéger leur religion, mais ils ne soutiendraient pas massivement un parti Islamiste surtout après toutes les violences qu’ils ont pu voir en Irak venant des Islamistes sunnites. Les Tunisiens ne sont pas un peuple violent et ne permettraient jamais à des Islamistes étrangers d’importer leur violence. Quant aux chefs de file radicaux de l’Islamisme tunisien, ils sont depuis longtemps en exil en Occident. Le fait qu’ils ne rentrent pas chez eux indique qu’ils ne voient pas d’avenir prometteur ici. Au moins à l’étranger ils bénéficient d’un accès à la presse pour continuer leur démagogie.

Le Futur

MEQ : Les élections irakiennes auront-elles un impact sur la Tunisie ?

Hachicha : Bien sûr, il n’y a aucun doute à cela. Elles n’auront pas un impact seulement sur la Tunisie mais bien sur toute la région. Comme le Président Bush l’a dit [6]: « Les graines de la liberté ne poussent pas seulement là où elles sont semées ; emportées par des vents puissants, elles traversent les frontières, les océans et les continents pour prendre racine dans d’autres terres lointaines. » Les élections irakiennes n’affecteront pas immédiatement ceux qui sont déjà au pouvoir et peuvent obtenir 90 pour cent des votes, mais elles auront un impact certain sur la maturité politique de tous les peuples oppressés. Le processus de la liberté même s’il est lent et souvent violent, est irréversible maintenant. On peut le constater clairement en Irak, au Liban, en Egypte et même en Arabie Saoudite. L’effet domino fonctionne. Quant à la Tunisie, il y a seulement une année, je n’aurai pas osé exprimer mes opinions comme je le fait actuellement. Aujourd’hui, la politique du silence est autrement plus dangereuse sur le court terme que d’exprimer des opinions constructives. Espérons que Ben Ali écoutera attentivement pour éviter à la Tunisie une profonde crise politique.

MEQ : Vous avez écrit sur une initiative de réconciliation nationale[7]. Pourquoi une réconciliation nationale serait nécessaire dans un système politique apparemment stable ?

Hachicha : Vous le dites vous-même « Un système politique apparemment stable ». En effet, le Tunisie semble stable, mais il s’agit d’une stabilité imposée à travers la répression, une stabilité à un prix excessif en dignité et en droits humains. Or, nous avons besoin d’une stabilité construite autour des libertés individuelles, de la démocratie et d’un Etat de droit pour assurer une stabilité authentique et durable. Maintenant pourquoi la réconciliation ? L’Islamisme n’est pas une fatalité. L’Islamisme est la résultante de la dictature conjuguée à la pauvreté et au désespoir. L’Islamisme est la preuve que notre système politique a échoué à établir un Etat de Droit. Autant le régime que les Islamistes sont responsables de la dictature puisque tout deux de manières différentes ne respectent pas la constitution. Le cercle des condamnations étant contreproductif, nous avons besoin d’une réconciliation nationale. Sinon, comment pourrait être n’importe quel mouvement démocratique crédible d’autant que le régime renie l’existence de prisonniers politiques ? Comment pouvons-nous exclure même une minorité de citoyens du champ politique et prétendre en même temps être démocrate ? La réconciliation est la condition d’une vraie démocratisation. Si nous voulons être un exemple de démocratie dans la région, la première étape serait la démission du Président Ben Ali du parti au pouvoir. Nous avons besoin d’un gouvernement ouvert et non violent durant une évolution démocratique authentique et inclusive.

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[1] Parti Libéral Méditerranéen at http://www.plmonline.org

[2] White House news conference, Feb. 18, 2004.

[3] Feb. 21-24, 2005.

[4] “Middle East Partnership Initiative,” U.S. Department of State, accessed Apr. 27, 2005.

[5] “The EU's Relations with Tunisia,” EU External Relations, Europa website, accessed Apr. 27, 2005.

[6] White House news release, Bratislava, Slovakia, Feb. 24, 2005.

[7] Neila Charchour Hachicha, “Appel à la Réconciliation Nationale,” Parti Libéral Méditerranéen, Feb. 13, 2003.

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Merci AK72!

Mon commentaire: Neila Charchour dit des choses très justes au sujet du régime tunisien, toléré tant par la France que par les Etats-Unis. En ce qui concerne l'Irak, je note que l'entretien eut lieu le 24 février, à l'époque où la communauté internationale était encore grisée par les élections irakiennes du 30 janvier. Je serais curieux de savoir si Neila Charchour est toujours du même avis aujourd'hui. Pour ma part, je connais assez bien le Liban et je suis certain que les élections irakiennes n'y ont joué qu'un rôle minime (pour ne pas dire inexistant) en comparaison du ras-le-bol de la tutelle syrienne et de l'assassinat d'Hariri et d'autres figures politiques depuis. Les Libanais ont une longue tradition de vote et de mobilisation politique, qui remonte à bien avant le prétendu effet domino.

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Hachicha : On ne peut pas dire que les élections étaient illégitimes. Le Rassemblement Constitutionnel Démocratique est au pouvoir depuis l’indépendance. Avec deux millions d’adhérents sa légitimité ne fait aucun doute.

[…]Les élections ont pu être légitimes techniquement, mais dans ces conditions elles ressemblaient bien plus à une course entre une voiture de sport et une chaise roulante. Elles étaient inéquitables et antidémocratiques à tous les niveaux.

L'art de l'euphémisme doublé de langue de bois: le style négatif en est l'emblème, elle ne voulais pas dire "On peut dire que les élections étaient légitimes".

Lorsque le Président Bush a reçu le Président ben Ali à la Maison Blanche [2], Bush a insisté sur la nécessité de la liberté d’_expression et des libertés politiques. Presque en même temps, le Président français Jacques Chirac a parlé du miracle tunisien et a dit que le premier des droits de l’Homme était de boire et de manger. Récemment aussi le Ministre de la Défense italienne a cité la Tunisie comme un exemple de démocratie dans la région. Espérons que la tournée du Président Bush en Europe [3]  consolidera les relations trans-atlantiques et permettra aux Etats Unis et à l’Europe de coordonner leurs visions, déclarations et actions afin de nous aider à être plus confiant en nous-même pour résoudre nos problèmes internes.

:icon_up:

Hachicha : Si la Tunisie était une démocratie, Al- Nahdha ne dominerait point. Dans une dictature les Islamistes semblent être la seule opposition effective puisqu’ils ont accès au peuple à travers les mosquées et ne dépendent pas de la liberté de presse ou d’aucune autorisation d’association. En réalité, autant le régime que les Islamistes ont besoin l’un de l’autre. Le régime avance l’Islamisme pour justifier les restrictions démocratiques et les Islamistes s’appuient sur ces mêmes restrictions pour prôner une légitimité.

Marrant, ce n'est pas du tout ce qu'écrit AK72, je suis bien d'accord avec cette femme.

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ce n'est pas du tout ce qu'écrit AK72

C'est au contraire exactement ce que je disais à Ronnie dans le sujet "Madelin chez Ardisson", lui disant que N CH avait la même vision que lui de l'utilisation du terrorisme islamiste par les dictatures.

C'est aussi mon point de vue, celui que j'ai souvent défendu ici, et qui justifie la politique actuelle de Washington, récemment rappelée par Condie Rice :

pendant longtemps, l'Amérique, (comme la France), a cru que les dictatures stables étaient un bon rempart contre l'Islamisme radical. Le 11 septembre a montré le contraire. Les dictatures ne font que renforcer l'Islamisme radical, elles le nourrissent, et s'en nourrissent pour se légitimer.

Depuis le 11 septembre, l'Amérique a donc entrepris un mouvement inverse, elle cesse de soutenir le modèle des dictatures stables, et préfère risquer une transition par des démocraties instables, voire hostiles à l'Amérique, pour permettre un développement pluraliste de la société qui ne nourrisse plus l'Islamisme radical.

Très clairement, dans cette nouvelle optique, Washington a dit qu'il valait mieux un Iraq provisoirement hostile à l'Amérique, chiite, et démocratique, plutôt qu'une dictature non islamiste type Saddam Hussein. Le premier modèle avait plus de chance d'évoluer à terme vers une démocratie saine, pacifiée avec le monde, et non islamiste que le second.

Si tu es d'accord avec N CH tu es donc aussi d'accord avec le fait qu'il faut mettre un terme aux dictatures artificielles qui servaient de remparts illusoires aux Euro-Américains.

Après, tu peux toujours dire que l'intervention US n'était pas la meilleure voie pour amener la démocratie et le pluralisme, qu'il fallait attendre un mouvement spontané de la société civile irakienne, tu peux toujours le dire et le croire, mais sans l'intervention US l'Iraq serait très certainement toujours une dictature sous Saddam, et donc rien ne serait fait pour rompre avec ce système non pluraliste générateur de radicalisme.

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Depuis le 11 septembre, l'Amérique a donc entrepris un mouvement inverse, elle cesse de soutenir le modèle des dictatures stables, et préfère risquer une transition par des démocraties instables, voire hostiles à l'Amérique, pour permettre un développement pluraliste de la société qui ne nourrisse plus l'Islamisme radical.

A l'énorme différence, d'après ton propos même, que la dictature irakienne était loin d'être soutenue par les Etats-Unis. Ce qui est un obstacle assez conséquent pour intégrer l'intervention de 2003 dans la logique que tu décris…

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la dictature irakienne était loin d'être soutenue par les Etats-Unis. Ce qui est un obstacle assez conséquent pour intégrer l'intervention de 2003 dans la logique que tu décris

Le maintien au pouvoir de Saddam Hussein avait été décidé par Washington en 1991, au moment de la première guerre du Golf.

Précisément parce que l'Amérique craignait à cette époque que l'Iraq ne devienne chiite. Elle n'a donc pas poussé l'intervention jusqu'à Bagdad et n'a pas délogé Saddam.

L'embargo ensuite n'a fait que renforcer le pouvoir de Saddam.

L'embargo, en passant, a fait plus de morts que l'intervention de Bush.

Mais Bill Clinton passe pour un joyeux compère, et Bush fait figure de monstre sanguinaire, dans la vision ultra-simpliste répandue en France.

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[…]

Depuis le 11 septembre, l'Amérique a donc entrepris un mouvement inverse, elle cesse de soutenir le modèle des dictatures stables, et préfère risquer une transition par des démocraties instables, voire hostiles à l'Amérique, pour permettre un développement pluraliste de la société qui ne nourrisse plus l'Islamisme radical.

[…]

Bait-and-switch, disent les Américains.

Lorsque Bush a déclenché l'invasion de l'Iran, il s'agissait d'éliminer les armes de destruction massive et d'agir contre les terroristes du 11 septembre. Ce sont là les explications données dans la lettre adressée par Bush au Congrès afin d'entériner le déclenchement des hostilités.

Maintenant que ces deux raisons se sont avérées fausses (et sans doute fallacieuses, comme des documents publiés récemment le démontrent), Bush est contraint d'inventer de nouvelles raisons pour justifier la présence américaine en Irak. Il s'agit maintenant de cesser de soutenir des dictatures stables et de promouvoir la démocratie (éventuellement défavorable aux Etats-Unis, des fois que les choses se passeraient mal en Irak :icon_up: ).

Alors, je pose quelques questions simples. Pourquoi les Etats-Unis continuent-ils de soutenir la dictature stable de l'Arabie Saoudite? Pourquoi les Etats-Unis continuent-ils de soutenir le régime répressif de Karimov en Ouzbékistan? Pourquoi les Etats-Unis continuent-ils de faire ami-ami avec le régime dictatorial d'Azerbaidjan?

Je dis moi que cette nouvelle explication est tout autant du flan que les précédentes.

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Maintenant que ces deux raisons se sont avérées fausses (et sans doute fallacieuses, comme des documents publiés récemment le démontrent), Bush est contraint d'inventer de nouvelles raisons

Les déclarations au Congrès sur les armes de destruction massive, étaient justifiées par le fait que jamais le Congrès n'aurait voté la guerre pour des raisons géopolitiques, sans que l'intérêt vital des USA ne soit menacé à court terme.

C'est un mensonge semblable à ce qui fut fait pour Pearl Harbor, un prétexte pour mobiliser la nation.

Tous les analystes un peu sérieux savaient, et ont dit depuis le début, que la guerre était justifiée non par les armes de destruction massive, mais par la nécessité d'en finir avec la dictature de Saddam qui était un abcès bloquant toute évolution du Moyen Orient.

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Les déclarations au Congrès sur les armes de destruction massive, étaient justifiées par le fait que jamais le Congrès n'aurait voté la guerre pour des raisons géopolitiques, sans que l'intérêt vital des USA ne soit menacé à court terme.

C'est un mensonge semblable à ce qui fut fait pour Pearl Harbor, un prétexte pour mobiliser la nation.

[…]

Merci de confirmer ce que j'ai toujours pensé, c'est à dire que Bush a menti au Congrès et au peuple américain en vue de déclencher une guerre offensive. C'est un crime de haute trahison.

La comparaison avec Pearl Harbor ne tient pas la route, car Pearl Harbor a bien eu lieu et seuls quelques acôtés (la transmission de la déclaration de guerre japonaise a été retardée, si je me souviens bien) ont fait l'objet d'arrangements avec la vérité.

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Il n'est pas sûr que Bush ait menti. Il a pu être trompé par les rapports des Services, et croyait sincèrement à la présence d'armes de destruction massive. Mais ça n'était pas le motivation première et dernière de l'opération.

Pour Pearl Harbor, difficile de savoir la vérité, mais il semble que Washington était au courant de l'opération, les porte-avions stratégiques ont été écartés, et seule une flotille non vitale pour gagner la guerre est restée exposée à l'attaque. Tu peux toujours sortir des gros mots, "mensonge" etc. On ne gouverne pas un Etat en temps de guerre (déclarée et conventionnelle, ou sournoise contre le terrorisme) comme on joue aux cartes à l'Ecole, avec des préceptes moraux et le refus de la triche. Au lendemain du 11 septembre, Washington a déclaré que tous les moyens seraient employés pour venir à bout du terrorisme, "y compris le mensonge". Le mensonge a toujours été un instrument politique comme un autre, il me choque moins que l'imprévoyance, la naïveté, ou la lâcheté, qui me semblent des crimes politiques plus grands. Quand Briand dit des Allemands qu'ils sont pacifiques et qu'ils ne déclencheront pas la guerre, quand sur la foi de cette naïveté il ne prépare pas la France à la 2e guerre mondiale qui arrive, ça me semble bien plus grave qu'un mensonge. Il n'est pas à la hauteur de sa charge, il n'assure pas la protection de son peuple. La haute trahison, c'est quand un Chef d'Etat ne fait pas tout pour protéger son peuple d'un péril majeur. Je ne vois pas où est la haute trahison dans le fait d'utiliser la désinformation à fin de gagner la guerre. Sinon tu refais l'Histoire façon bande dessinée édulcorée pour enfants de maternels.

Churchill a aussi utilisé des moyens peu moraux pour gagner la guerre : ainsi le sacrifice des habitants de Coventry, alors qu'il était au courant de l'attaque allemande, mais ne souhaitait pas dévoiler le fait que les Services Anglais avaient déchiffré les codes d'Enigma :

http://www.memorial.fr/archives/collec_obj_hist_5.asp

les Allemands ne se sont jamais rendus compte que les messages transmis par Enigma étaient interceptés et décryptés par les Alliés. Pour quelles raisons ?

en novembre 1940 une information Ultra annonce le bombardement de la ville anglaise de Coventry.

Churchill refuse l’évacuation de la ville afin de ne pas compromettre la sécurité de la source

Pour ce que tu dis de l'Arabie Saoudite, on en a maintes fois parlé ici.

Etre présent en Iraq était l'étape obligée pour pouvoir ensuite être plus ferme vis-à-vis du régime saoudien.

On ne peut pas tout faire d'un coup. L'idée de "l'effet domino" ne signifie pas que le Moyen Orient va être métamorphosé en 6 mois par magie. Mais il y a des étapes obligées qui permettent ensuite d'en entraîner d'autres.

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Il n'est pas sûr que Bush ait menti. Il a pu être trompé par les rapports des Services, et croyait sincèrement à la présence d'armes de destruction massive. Mais ça n'était pas le motivation première et dernière de l'opération.

[…]

C'est possible mais je suis persuadé du contraire. Les minutes des réunions secrètes avec la GB sont très claires: Bush voulait se débarrasser de Saddam Hussein dès juillet 2002 (et sans doute même bien avant) et les services secrets ont été priés d'"embellir" (to fix en anglais) les informations dans ce sens. Or Bush a prétendu vouloir éviter la guerre jusqu'à la dernière minute. Ce qui signifie qu'entre juillet 2002 et mars 2003, Bush mentait.

Pour le reste, il est inutile de noyer le poisson en argumentant sur le concept de haute trahison, qui est clairement défini dans la Constitution américaine. Un mensongé délibéré au Congrès afin de déclencher une guerre tombe indéniablement sous le coup de la haute trahison. On ne pourra sans doute jamais prouver qu'il a menti délibérément, mais cela pourrait tout de même lui valoir un impeachement pour incompétence. C'est mon souhait en tout cas.

Il y a une différence entre feindre et mentir. Les manoeuvres de Churchill et de Roosevelt étaient des feintes, pas des mensonges délibérés. Ce que je veux dire, c'est qu'il ne s'agissait pas d'assertions complètement à l'encontre de la vérité. Au contraire de l'Irak, l'Allemagne et le Japon menaçaient vraiment les citoyens de la GB et des USA.

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