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Vilfredo

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Tout ce qui a été posté par Vilfredo

  1. Oui "mon coeur" aussi. Ça ne marche pas avec tout malheureusement.
  2. Je pense comme Kant que la plupart des surnoms viennent d'une pulsion de dévoration, tempérée par la réalisation qu'on ne peut pas tout posséder d'un coup. C'est pour ça qu'on en est réduit à cette petite étreinte et à la consommation partielle dont parlent les blasons de la Renaissance. D'où aussi des surnoms comme mon canard, mon sucre d'orge, mon petit chou: ça se mange. That's enough shower thinking for today
  3. A quel point ces gens se posent des questions vides de sens tout de même: "Sortir avec des personnes qui correspondent à des critères de beauté particulier (sic) est-il excluant par rapport à d'autres ?" Evidemment, c'est si stupide que ça se passe de commentaire. Je retournerais d'ailleurs volontiers l'argument: on parle bien de préférence sexuelle, alors est-ce discriminant pour moi de refuser de coucher avec une femme? Je ne suis même pas d'accord que dire "ça me dégoûte" est déshumanisant: ce n'est pas l'être humain qui est attaqué ou qui répugne mais la perspective de coucher avec. Et je refuse qu'on proportionne l'humanité d'une personne à sa baisabilité (ce qui ne veut absolument pas dire que la baisabilité n'existe pas). L'auteur de l'article n'est pas choquée qu'on fasse cette équation entre humanité et baisabilité, non, non, ne vous y trompez pas: elle voudrait seulement maintenir ce rapport au même niveau pour tout le monde! Que tout le monde ait son petit plaisir, auquel il a "droit". Simplement dans la mesure où l'impératif est devenu celui de jouir ou de profiter, un être humain est entièrement réduit à sa dimension physique (son plaisir physique, son apparence, que ce soit dans le sens que déplorent les féministes (les femmes modèles soi-disant objectifiées), ou les grosses lesbiennes en une des magazines progressistes, tout tourne dans les deux cas autour de l'apparence physique comme ce qui chouine pour être accepté), et un reproche physique devient un crime contre l'humanité. Je me souviens de cette ligne dans La Possibilité d'une île où Daniel soupire: "A quoi bon maintenir en état de marche un corps qui n'est plus touché par personne?" On trouverait le même genre de mentalité chez les incels à mon avis, autres victimes collatérales de cet impératif de plaisir. Vous noterez que quand il s'agit de la sexualité des homos, ils n'ont pas le choix c'est dans leurs gènes, et dire le contraire c'est être un énorme réac, mais quand il s'agit de la sexualité des hétéros, là c'est tout de suite "la société". Sous couvert de supprimer les injonctions de "la société" donc, bien sûr les injonctions de l'article de yahoo sont encore plus obscènes: vous devez vous sentir coupables de votre dégoût. Dans l'histoire, on devait plutôt justifier son plaisir auprès de la société (l'état "par défaut" étant le travail enfin dans la morale protestante occidentale qui a gouverné notre paysage moral depuis le XVIe siècle en tout cas). Aujourd'hui, l'obscénité est redoublée, parce qu'on doit toujours justifier son plaisir (mais plus le plaisir en soi, plutôt le type de plaisir, la "préférence"), mais on doit aussi justifier son dégoût, car l'état "par défaut" est celui du plaisir indifférencié (non "discriminant"), et ce qui est anormal, c'est de ne pas "profiter" (Houellebecq a parfaitement diagnostiqué cette criminalisation de la non-jouissance). Le sommet de l'ironie, c'est la dernière phrase de l'article: "La déconstruction, c'est aussi apprendre à se départir du regard des autres." Après avoir lu un article entier sur comment je dois régimenter ma vie sexuelle, je sens au contraire plus que jamais le regard des petites licenciées de sociologie de yahoo sur mon nombril! C'est une condition nécessaire pour l'existence sociale de se régler selon le regard des autres, de maintenir les apparences. Et il n'y a pas d'existence non sociale. Donc il y aura toujours le regard des autres. On peut ne pas vouloir que les autres nous regardent, mais on ne peut pas les empêcher de regarder (il y a sans doute une connexion ici avec les réactions hystériques à la burqa dans les deux sens, pour et contre, à développer.) La réaction de ceux qui "en ont marre" est infantile, elle me fait penser à ce trait des enfants qui croient qu'ils deviennent invisibles quand ils ferment les yeux (généralement se mettent aussi les mains sur les yeux). Similairement, ces femmes croient qu'elles cessent d'être sous le regard de l'autre quand elles cessent de prendre soin d'elles. C'est faux. Ça ne veut pas dire qu'il y ait quelqu'un qui nous regarde. Mais il faut garder les apparences quand même, précisément pour cette raison. On vit dans un monde kantien, on est aussi responsable et auteur de l'autre pour lequel on maintient les apparences. Ça me fait aussi penser à cette phrase que j'ai si souvent entendu m'être adressée et que je commence à comprendre seulement maintenant: que je "juge" trop les gens ("d'où tu me juges?" "t'es en train de me juger"). L'idée, je pense, est que derrière la face physique et les actes, il y a un être vivant sensible, chaud et précieux que je ne peux pas connaître, donc je dois m'abstenir de tout jugement. Je n'y crois pas du tout: si cet être vivant est sensible chaud et précieux, alors je dois le voir. Il ne faut pas rigoler avec cette histoire d'intériorité: c'est exactement ça qui fout en l'air le sens moral de ma génération, qui croit que la responsabilité est un concept éthique et pas juridique (aidée en cela, il est vrai, par le droit français et son "responsable mais pas coupable"). Comme si on jugeait des consciences. On juge des actes. Arendt fait un commentaire très joli là-dessus, en disant que de cette réticence à "juger" fait qu'on déplace la responsabilité individuelle sur les groupes, sur la société en générale, et pourquoi pas sur les morts (et aujourd'hui les gènes). La responsabilité est remplacée par la culpabilité et la honte. C'est bien joli, et très facile en effet, de se sentir coupable ou honteux de ce dont on est pas responsable. On pourrait croire que les analyses de Freud ne sont plus applicables dans un monde où la sexualité est largement libérée par rapport au début du XXe siècle. Mais je pense le contraire. Freud écrivait très justement (dans Le Moi et le Ça) que l'impératif du Surmoi n'est pas éthique: le Surmoi bombarde l'ego de commandements obscènes et irréalisables. Je vous laisse imaginer les commandements obscènes irréalisables sur les grosses et les moches qui me viennent à l'esprit quand je lis cet article. C'est bien sûr l'effet pervers de la liberté sexuelle: vous pouvez coucher avec qui vous voulez devient: vous devez (vouloir, c'est là qu'est l'obscénité surmoïque) coucher avec n'importe qui. J'ai déjà eu l'occasion d'écrire que dans le débat stérile pour savoir si la vie sexuelle et la "satisfaction" était déterminée par les gènes (dans ce cas vous faites ce que vous voulez) ou la société (dans ce cas vous faites ce que yahoo vous dit de faire), je pense que la psychanalyse offre le seul espace, non pas où revient la répression sur le désir, comme à l'époque victorienne, mais où on est libérés de l'impératif de jouir. Car s'il y a bien en fin de compte quelque chose qui est complètement niqué dans cette affaire, c'est le cerveau de ces idiotes.
  4. Et moi qui suis un faux libéral qui ne veut pas sauver la démocratie, encore moins de raison alors
  5. Surtout pourquoi aller chercher Platon et Hegel quand on a des penseurs directement impliqués dans ces totalitarismes? Que Popper aille lire Schmitt! Pour un seul des livres duquel je donne toute l'oeuvre politique de Popper. Ce qui me plaît dans Popper politique c'est la théorie ultraconservatrice implicite dans son épistémologie. Pas les homélies prog de Open Society. Je n'ai pas lu The City and Man de Strauss comme le recommande @F. mas mais j'ai eu à lire Platon et sur Platon souvent cette année et j'ai eu cours dessus (notamment par un spécialiste de Platon que FMAs connaît peut-être, El-Murr) et si vous me permettez de partager ce que j'en ai tiré, qui répondra d'ailleurs au post de @Rincevent je crois Sur Platon, comme le dit @Mégille je soulignerais le rôle de la rationalité dans la politique pour Platon et son opposition totale à toute forme d'analyse politique à partir des rapports de domination. La question est: La rationalité d’une principe suffit-elle à le faire accepter? La réponse de Platon est non, et pour la motiver, il invente la notion de "préludes législatifs". Les Lois distinguent deux approches de la législation (722b-c) : 1° la force, 2° la persuasion. Les Lois expliquent qu’il faut utiliser les deux, en précédant les lois d’un prélude. La loi prescrit ou interdit, le prélude prépare la réception de la loi dans l’esprit des gouvernés. Platon introduit cette différence avec une comparaison célèbre : les docteurs esclaves et les docteurs hommes libres (720c). Comme le médecin persuade le malade d’adopter le remède de son plein gré, le prélude doit persuader le citoyen d’adopter les lois. Les préludes sont les arguments qu’un citoyen doit pouvoir intégrer pour accepter la loi, et qui auraient été obtenus, dans des conditions idéales, par le dialogue socratique (sans qu'il faille s'imaginer que le dialogue soit une sorte d'espace habermassien d'intersubjectivité à la oui-oui). Les citoyens sont libres d’être persuadés et de devenir volontairement des esclaves de la loi ; sans cela, ils ne sont pas des esclaves de la loi mais des esclaves tout court. Ils consentiront à l’être (persuadés) s’ils sont rationnels. Ce n’est pas du tout un contrat comme on le trouve chez les sophistes, mais un rapport entre persuadant et persuadé pour sortir du rapport dominant/dominé ou exploitant/exploité. L’idée centrale est la liberté rationnelle. De ce point de vue, les Lois sont en continuité avec la République, puisque les gardiens sont gardiens parce qu’ils sont persuadés du bien public et du bien que les autres citoyens veulent sans le savoir. L'organisation hiérarchique de la R découle en fait d'un souci de penser la politique hors des rapports de domination, contre Thrasymaque, pour qui il y a des dirigeants et des dirigés, des exploitants et des exploités, et (ajout crucial) il doit en être ainsi. Dans un passage fameusement commenté par Foucault, T soutient que le dirigeant est un expert et qu'il ne fait jamais que ce qui est bon pour lui, comme le berger avec les moutons. Socrate lui retourne l'argument: l'expert a un salaire en compensation qu'il satisfait l'intérêt des autres. C'est parce que Platon refuse la domination de l'homme par l'homme qu'il est anti-démocrate. Il y a beaucoup à apprendre des Lois pour penser la politique aujourd'hui (beaucoup plus que des tartines de Popper). Par contre, contrairement à @Mégille, je ne dirais pas que c'est "psychologique et pas politique". Le régime politique fabrique son anthropologie. L'homme démocratique est déterminé par ses désirs. Il fait une chose puis une autre, puis encore une autre. C'est un peu ce que décrit Heidegger dans Qu'appelle-t-on penser? quand il fait l'étymologie (fantasmée) d'"intérêt": être mû par l'intérêt, c'est être dans un état intermédiaire: être entre (inter-esse). C'est exactement cet étant pauvre qu'incarne l'homme démocratique. Une sorte de truc pas fini. Mon voisin disait l'autre jour quelque chose d'extrêmement juste sur la "psychologie" du tyran dans Platon (il commentait République 571c-d): le tyran est incestueux => désordre dans la société, il est parricide => rejet de l'origine, de la continuité entre les régimes, infanticide => refus de la descendance et de la succession, bref, l'epithumia manifeste les tendances politiques du gouvernement tyrannique. Dans le livre de Popper, ce qui est avant tout reproché à Platon est d'être anti-démocrate (c'est the spell of Plato), même si Popper identifie un anti-démocrate avant lui, Héraclite (le ridicule de cette espèce de généalogie anhistorique est total). Il se trouve toutefois que les Grecs parlaient moins de "démocratie" que d'"isonomie", qui est une question d'égalité de tous plutôt que de pouvoir de tous. Pour J Ober le mot "démocratie" signifiait sans doute originellement non le monopole des charges par certains membres du peuple mais la capacité collective de décision du peuple. Et ce seraient les critiques de la démocratie qui auraient fait évoluer le sens vers : le pouvoir du nombre, et du nombre dans un sens négatif. Le mot démocratie a donc probablement été forgé par les critiques de l’isonomie. Et Popper comprend démocratie comme "rationalité collective", ce qui n'a rien à voir. Donc Popper ne sait pas du tout de quoi il parle. D'autant qu'il ne parle pas dans mon souvenir du Protagoras, qui contient pourtant un argument développé sur la démocratie. Le commentaire de Protagoras sur son mythe répond à 2 objections : 1) il est normal que chacun prenne une part égale à l’expérience politique. 2) Puisque la vertu politique a été également répartie entre tous, il n’y a pas qu’un seul maître pour l’enseigner : tout le monde est maître, à tous les niveaux, à tous les âges ! Mais l’objection est toujours là : à quoi sert Protagoras ? Il est seulement meilleur maître que les autres, mais les autres sont maîtres aussi ! Pour les interprétations des conséquences du mythe sur la démocratie : cf. F Rosen, “Did Protagoras Justify Democracy?”, Polis (présente les deux réponses possibles : Protagoras défendait la démocratie, ou Protagoras ne la défendait pas, comme le pense P Nicholson). Selon Nicholson, l’argument de Protagoras est très différent des autres défenses de la démocratie (oraison funèbre de Périclès, Hérodote, Aristote). Le sujet du grand mythe, c’est la possibilité de l’enseignement de la vertu, et pas la démocratie. Protagoras s’intéresse dans son mythe à la question des constitutions en général, et pas de la démocratie. Enfin, Protagoras était relativiste, donc il ne défend pas la démocratie plutôt qu’autre chose. On peut répondre à ces objections : (ici je reprends le cours de El-Murr) la question de l’enseignement de la vertu n’est pas étrangère à celle de la démocratie, puisqu’on parle spécifiquement de l’enseignement de la vertu politique. Quand Socrate dit que la vertu politique ne s’enseigne pas, il fait une critique implicite de la démocratie (qui deviendra explicite dans la République et le Politique, avec l’analogie du navire). La réponse à ça de Protagoras est que nous nous enseignons tous la politique. L’analogie de Socrate ne marche pas : c’est quelqu’un d’autre qui nous enseigne la flûte et la voile, mais la flûte et la voile n’ont rien à voir avec la politique, pour laquelle nous naissons avec des aptitudes égales, alors que nous naissons avec des aptitudes inégales pour la flûte. La critique qui consiste à dire que Protagoras parle de la constitution en général, elle ne fonctionne pas non plus : Protagoras parle bien des pauvres et des riches dans ses assemblées. La dernière objection, sur le relativisme, est la meilleure : dans le Théétète, Protagoras se présente comme un relativiste conventionnaliste : ce que chaque société considère comme bon l’est (pour elle). Toutes les opinions se valent sous le rapport de la vérité mais pas sous le rapport de la valeur : certaines choses sont bonnes pour nous et d’autres non. Mais on ne peut pas savoir si on peut passer, pour Protagoras, de : l’homme est la mesure de toute chose à : tous les hommes sont la mesure de toute chose. Mais le relativisme n’est-il pas le meilleur argument pour la démocratie ? Certes, les hommes pourraient choisir la tyrannie, mais une tyrannie acceptée par le peuple n’est plus une tyrannie. Autre remarque : on peut distinguer des défenses du principe démocratique et des défenses des valeurs démocratiques (discussion, rotation des charges etc.). Protagoras défend aussi les principes (et non la forme… puisqu’il est relativiste). Et peut-être que c’est ça, la démocratie : une discussion continuelle sur la forme que le régime doit prendre. Bien sûr ça ne veut pas dire que je suis démocrate. Le plus drôle, c'est que Popper retrouve avec sa défense de la démocratie (no bloodshed, la rationalité collective) des arguments déjà lus et relus dans Platon. Sauf que sa version est auto-contradictoire (on ne peut pas réformer toute la société parce qu'on n'a pas la connaissance, mais on peut réformer des petits bouts par magie, ou alors il explique qu'on peut pas et qu'on va se planter, se replanter et se rereplanter, ce qui est effectivement un programme politique très attrayant; ou alors: on ne peut jamais savoir que quelque chose marche mais on peut savoir qu'une réforme ne marche pas, ce sophisme absolu). Le vrai penseur "totalitaire", comme Jasay l'a bien montré dans The State, c'est bien sûr Popper lui-même. Un point qui me vient pour finir, bien ennuyeux et histoire des idées mais nécessaire: Il n'y a pas d'Etat en Grèce antique, a fortiori pas d'Etat total. La Cité-Etat peut être comprise comme un mélange d’Etat et d’Eglise (c'est bien développé par Passerin d'Entrèves dans son livre que j'ai déjà eu l'occasion de recommander) : toute la destinée de l’homme y est contenue. L’époque romaine, en plus d’élargir considérablement l’unité politique, y ajoute l’élément légal : avec Cicéron, l’attention est déplacée de la fin (le souverain bien) au moyen (le droit) de la politique. Le mot d’Etat, dont la paternité est attribuée avec quelque raison à Machiavel, vient du latin status, qui signifie un état de choses, notion assez vague, qui évolue pour désigner une classe de la population (c’est l’origine du français Tiers-Etat), mais aussi et surtout pour désigner la structure légale particulière d’une communauté, sa "constitution". La parution du Prince, qui semble entendre par "Etat" la même chose que par république ou principauté, n’empêche pas Bodin de parler de "République" et les Anglais de "Commonwealth" ou "body politic". La distinction est clairement faite avec Pufendorf et Montesquieu, à partir de qui république ne désigne plus qu’un type d’Etat, par opposition à la monarchie. Mais il faut nuancer ce tournant, car les Anglais, précisément, ne l’ont jamais vraiment pris, de même que les Américains (qui parlent plus volontiers de country, federal government etc.). Il n'y a pas non plus de vérité construite, il n'y a que de que ma référence appelle la vérité factuelle ou révélée, et qui n'est pas une vertu politique. Popper veut nous faire croire qu'il n'est pas totalitaire parce qu'il ne veut ni reconnaître que la vérité existe mais ne doit pas être dite, ni qu'elle existe et qu'elle doit être l'étalon de la politique, mais qu'il n'y a que le faux et la réfutation. Sauf que si on sait que telle réforme ne marche pas, on sait qu'il est vrai qu'elle ne marche pas. Donc c'est idiot. Par association d'idées @Anton_K en écho à notre discussion sur l'évolution culturelle et Hayek, voici l'article de J Gray dont je t'avais parlé (pour une fois que le MI publie un truc bien) https://cdn.mises.org/4_2_1_0.pdf C'est un peu long et je regrette qu'il passe la moitié de son article à nous paraphraser DLL mais la fin est bien. Si ça te plaît tu vas passer du côté obscur du scepticisme nihiliste conservateur.
  6. Les impôts, le confinement etc, ok, mais le red flag c'est les t-shirts qu'il porte?
  7. Ça m'intéresse, j'ai jamais trop accroché à cette lecture straussienne. J'avais plutôt la position que la République était un modèle critique des constitutions existantes réellement (Sparte, Athènes), sans aucune indication de détail (juste l'éducation, le reste suivra), et donc à aucun moment un programme. On trouvera plus de détails dans les Lois, dont la seule lecture suffit à ridiculiser les inepties de Popper. La cité modèle est celle du communisme intégral, qui n'est pas la République, puisque dans la République, il est limité aux gardiens. Il faut arrêter avec le mythe de Platon, Rousseau totalitaires. Cela dit (après avoir lu l'article) c'est intéressant que les critiques "libérales" de Platon viennent justement de dogmatiques qui s'attendent à ce que la philosophie ressemble à un livre de Rand. Popper le premier bien sûr, qui fait souvent dans ses livres les catalogues "listes de course" de positions (Descartes dit ça, Platon dit ça, Héraclite dit ça). Ce que Strauss pointe, c'est en fait une incapacité à lire de la philosophie (toute cette thématique straussienne du problème de l'éducation, de l'enseignement des humanités).
  8. C’est un vrai running gag
  9. Mec complètement barge et raciste victime d’attaques racistes de mecs complètement barges. Je choisis mon siège près de l’arène et je regarde à mon aise
  10. Ce moment absurde où j’agite mon édition de Eichmann à Jérusalem avec une grosse photo de Eichmann dessus parce que je l’ai dans la main sans m’en rendre compte pour dire bonsoir à mon voisin qui me dévisage en conséquence
  11. Encore un trans?
  12. Certes, mais on voit déjà que le rôle de la boîte change selon qu'il y a quelque chose dedans ou pas. S'il n'y a pas quelque chose, on peut penser que la boîte laisse penser qu'il y a quelque chose alors qu'on ne penserait pas qu'il y a quelque chose s'il n'y avait pas la boîte autour comme quelque chose autour de rien, et s'il y a quelque chose dans la boîte, alors on a raison de penser que la boîte le cache. C'est l'histoire assez connue de tous les cours de philo de l'esthétique sur le peintre Zeuxis qui fait un concours, un gars peint des raisins si réalistes que les oiseaux viennent pour essayer de les manger, mais l'autre gars peint son tableau avec un rideau dessus et on lui demande d'enlever le rideau et en fait le rideau est dans le tableau. J'y pense quand je lis... ... parce qu'il y a une différence entre dire à quelqu'un ça m'a fait plaisir de te voir même si nous savons tous les deux que c'est faux, ce qui est effectivement une forme de politesse qui consiste à mentir sincèrement, et faire semblant de faire semblant pour tromper l'autre (ce qui serait l'analogue du peintre qui peint le rideau sur son tableau et en fait son tableau avec, par définition, rien "dessous"). Alors il se trouve que tout ce que je dis là est crypto-lacanien (c'est le concept de "semblant" élaboré par Lacan à la fin de sa vie, notamment dans le séminaire D'un discours qui ne serait pas du semblant) mais ne t'inquiète pas, je ne vais pas écrire de wot sur fucking Lacan, il y a un philosophe très analytique, logique et math qui a approché la question dans son article classique Truth in fiction: David Lewis. Il se demande quelle est la différence entre une erreur dans la fiction du type d'un personnage qui apparaît 2000 pages après qu'on avait entendu dire qu'il était mort, et où la réponse est ben l'auteur avait oublié, c'est la vie, et une erreur qui est plus "de la triche" où on nous fait prendre pour vrai ce qui est faux (je pense à American Psycho ou à la fin de Stage Fright de Hitchcock où on apprend que ce qui nous était montré dans un flashback était faux, alors que la règle c'est: soit pas de flashback, soit ce qui est dans le flashback est vrai (c'est d'ailleurs la raison pour laquelle l'adaptation ciné de American Psycho, aussi drôle qu'elle soit, est ratée en tant qu'adaptation)). Autrement dit comment je sais où on fait semblant et où on fait semblant de faire semblant (les cas de "triche": quand je vois le "faux" flashback, je me dis ok tout ceci est "faux" (au sens: ce sont des acteurs etc) mais c'est vrai dans la fiction, alors qu'en fait, c'est "faux" dans le sens que j'ai perçu, mais c'est aussi "faux" dans un autre sens, faux dans la fiction, mais à l'intérieur de cette fiction, ça passe pour vrai (jusqu'à ce que j'apprenne à la fin que c'était faux-dans-la-fiction)). Je vais raconter une anecdote personnelle qui 1/ illustre le problème 2/ explique peut-être pourquoi je m'intéresse à la philo du langage et how my mind works. Au début de l'année je lisais tranquillement Subject and Predicate in Logic and Grammar comme d'habitude à la bibliothèque quand une fille (il s'est avéré que c'était un mec excessivement maniéré avec des cheveux longs blonds et des ongles vernis mais peu importe) s'assied pas loin. Il y avait du bruit dehors cet après-midi donc j'avais enfoncé mes écouteurs dans mes oreilles en guise de boules quiès sans les connecter à mon téléphone, mais ça n'était pas visible. Tout ce qui était visible est que j'avais des écouteurs dans les oreilles. En bon sujet husserlien qui se respecte, je me suis projeté dans le point de vue de cette fille sur moi et je me suis dit que si elle réfléchissait comme moi, elle devait craindre d'être dérangée par le son de la musique qu'elle avait toutes les raisons de supposer que j'écoutais, voire a minima de craindre qu'elle ne vienne à être indisposée par la musique en question, l'envie dût-elle me prendre d'en monter le volume. Je me suis alors imaginé me lever et renforcer sa croyance fausse justifiée en lui demandant, par exemple, si "la musique la dérangeait" (la musique étant bien sûr ce rien avec quelque chose autour) et je me suis encore imaginé qu'elle réponde "oui" non pas parce que la musique la dérangeait, puisqu'il n'y a pas de musique, ce que je suis le seul à (pouvoir) savoir (elle sait seulement si elle est dérangée ou pas), mais en prédisant que si elle répondait "non", ça serait la porte ouverte à toutes les fenêtres et que donc elle préférait s'assurer par un mensonge la paix qu'elle sentait menacée. Nous aurions réussi à avoir un échange complet sur quelque chose qui n'existe pas, par pur loop de projections intentionnelles. Worth noting, tout ceci s'est passé seulement dans ma tête, je n'ai pas la moindre idée de ce qui se serait effectivement passé si j'avais fait quoi que ce soit, puisque, bien évidemment, je suis resté tranquillement à lire Subject and Predicate en souriant un peu en pensant à tout ça. Mais n'est-il pas clair dans ce cas que l'acte de nommer le concept crée le concept? Car enfin le concept n'est rien d'autre que le critère grâce auquel on sélectionne les individus qu'on subsume sous un universel (ceci est un chien, ceci en revanche est un loup, doesn't fit the concept, quel que soit le concept qu'on choisit pour trier, et je suis quinien, je veux bien reconnaître qu'il y en a plusieurs selon le but poursuivi dans le tri). Dans le cas de LW, il n'y a pas d'autre lien de cohérence ou d'adhérence des occurrences de S entre elles que l'acte par lequel je les signifie, et qui consiste pour moi à inscrire un S sur le calendrier. (Dans l'esprit de la philo de LW ça consiste à prouver que les concepts n'existent pas, qu'il n'y a que des ressemblances de famille.) J'en sais rien bien sûr mais la biblio est assez riche et son phd c'est ça: https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-030-46966-5 donc je dirais oui. Of course mais ce n'est pas l'inconscient freudien. Il y a une différence entre les biais inconscients qu'on étudie en sciences cognitives et l'inconscient freudien. Voilà une jolie façon qui me vient de formuler la chose, qui se marie non moins joliment avec l'article de Cadell Last (qui m'avait beaucoup plu (héhé on dirait qu'après deux verres de gin et un bon dîner je suis de meilleure humeur que tout à l'heure)): c'est peut-être parce que j'écris deux travaux sur Kant en ce moment mais dans la Critique de la faculté de juger (notamment §26, donc à peu près au milieu, dans l'Analytique du sublime), Kant explique le sublime par distinction du beau à partir d'un exemple étrange, celui de la basilique Saint-Pierre à Rome. Pour résumer les épisodes précédents, Bon dans le cas du sublime c'est très différent, parce que ce qui se passe, c'est que l'imagination et l'entendement ne parviennent pas à produire cette finalité sans fin dans la chose, mais cet échec (déplaisir) révèle seulement l'impuissance de l'imagination à rejoindre l'esprit (en fait la raison) dans sa conception des Idées (ce sous quoi la diversité des connaissances est unifiée en système). Donc il y a du déplaisir dans l'expérience du sublime (ah, mon imagination est limitée, gott im himmel) mais il y a aussi du plaisir (il y a en moi quelque chose qui dépasse l'imagination, du suprasensible; et bien sûr c'est l'homme nouménal, l'homme comme agent moral et non comme être humain biologique que cette expérience permet de penser). La finalité n'est plus dans l'objet (je ne sais pas ce que la nature fait avec ça mais je sens qu'elle sait ce qu'elle fait) mais dans le sujet (j'ai en moi les Idées de la raison que l'imagination échoue à se représenter). En cela, nous sommes supérieurs à la nature hors de nous (parce que nous pouvons aller "au-delà" du sensible) et donc nous pouvons être supérieurs à la nature en nous (vaincre nos désirs pathologiques et agir moralement, enfin essayer en tout cas). Mais l'histoire de la basilique saint-pierre ne dit pas ça. Kant explique quelque chose d'apparemment beaucoup plus trivial, il dit que quand on est dans la basilique, il n'y a pas moyen de tout embrasser du regard (comme une femme, la basilique n'est pas-toute, grosse lacanian vibe). Mais on a envie de dire que ça ne prouve rien d'autre que la limite du pouvoir de l'imagination ou de la perception et basta, sans aucune connexion au suprasensible. The catch, c'est qu'il faut lire ici un rapport analogique entre l'imagination/la basilique saint-pierre et l'entendement/les Idées. Pourquoi je parle de tout ça? Pas seulement parce que Kant est génial à lire avec Freud en tête mais parce que cette idée que c'est dans l'échec seulement que se révèle ce qui dépasse la faculté qui a échoué, c'est, à mon avis, exactement le fonctionnement "non technique" de l'inconscient freudien et de ce que Lacan va appeler la jouissance. On part toujours de ce qui a raté (le symptôme, l'attestation du fait qu'il n'y a jamais de refoulement sans retour du refoulé). Dans les exemples des sciences cognitives, on a l'équivalent de la lecture "empiriste" ou "naïve" de la basilique dans Kant: oh, mais ça ne nous dit rien d'autre que la pure limitation immanente d'une faculté, celle de l'imagination. C'est ce qui se passe dans les phénomènes subliminaux, dans les ancrages. L'anosognosie, si j'ai de bons souvenirs de L'Erreur de Descartes, c'est cette lésion du cortex de l'insula où les gens sont à moitié paralysés et assurent qu'ils ne le sont pas. Mais là encore, il s'agit toujours de ne pas voir ce qui est là, d'une limite immanente à l'une de leurs facultés (lésion dans l'hémisphère droit pour l'anosognosie). Il ne s'agit pas de l'inconscient psychanalytique, qui n'est pas technique. La technique, c'est l'art de réaliser ce qu'on veut, c'est l'artisan vs l'artiste. En kantique, on peut dire que c'est la différence entre l'impératif hypothétique (si tu veux séduire cette fille, invite-la au cinéma) et l'impératif catégorique, en ce qu'il est la pure forme du devoir ("fais ton devoir"): il ne dit pas quoi, il dit comment. Et l'inconscient est aussi une question de forme: il n'est pas un objet comme une région dans le cerveau, il est la capacité même de changer de forme (umformen dans Freud), raison pour laquelle Freud disait que tous les affects étaient trompeurs (sauf l'angoisse, et dans l'angoisse justement il n'y a pas d'objet, il y a: rien, l'absence impossible à combler). On pourrait presque dire que l'inconscient est artiste, mais il faut en fait dire que le sujet freudien est proche de l'artiste comme le décrit Kant (le génie), qui crée selon des lois qu'il ignore, instrument de la nature/des pulsions. Mais c'est peut-être pousser le parallèle loin. Quoi qu'il en soit, que l'inconscient ne fonctionne pas selon un principe technique ne veut pas dire que son fonctionnement est bordélique (ce que l'exemple de l'artiste était supposé montrer). Au contraire, le fonctionnement de l'inconscient, c'est le principe de jouissance ou la pulsion de mort, et ça n'est donc pas du tout une structure "technique" où j'ai (ou l'inconscient a) un but et cherche à l'atteindre. En langage freudien, ça, c'est le désir. Le désir a un objet, essaie de l'atteindre, est frustré, recommence. Mais la pulsion tire précisément sa satisfaction pour ainsi dire de l'itinéraire vers l'objet. Ou pour le dire autrement, la pulsion n'a pas d'objet comme: baiser mon voisin du cours de philo de demain après-midi qui s'assied toujours au bout du 3e rang, son objet est: la satisfaction. C'est exactement comme l'impératif catégorique: une loi qui produit son objet. C'est pourquoi, à la fin de Le Moi et le Ça, Freud fait cette remarque sur laquelle je réfléchis un peu ces derniers temps selon laquelle les pulsions sont "muettes": bah oui, elles ne disent pas fais ceci fais cela. Parce que ça supposerait une représentation, un but, etc donc toute la structure qui est du ressort d'Eros (le désir) et pas de thanatos (la pulsion), pour reprendre le vocabulaire de la seconde topique. Elles sont donc sublimes au sens kantien. TLDR l'idée est qu'avec la psychanalyse on touche à quelque chose qui n'est pas "parlable", pas représentable, le sublime pour Kant, la pulsion pour Freud, le réel pour Lacan, et ce selon une logique qui n'est pas celle, "technique" et représentative du but et des déviations par rapport à ce but (ce qui est exactement ce que les sciences cognitives font quand elles étudient les biais, si je ne m'abuse). Un truc susceptible de t'intéresser (et j'y ai pensé en lisant tes articles sur le fil d'esthétique, pas encore trouvé une réponse intéressante) c'est en fait la Critique de la faculté de juger, qui est de loin le meilleur bouquin de Kant que j'aie lu (je n'ai certes jamais lu la Critique de la raison pratique) et qui devrait beaucoup t'intéresser si tu veux lire un bouquin sur le beau parce qu'il n'y a pas beaucoup de livres qui vont à ce point contre tout ce qu'on peut spontanément penser sur la beauté, surtout depuis Darwin (et je dis ça alors qu'il y a des auteurs en esthétique qui commentent Darwin et qui sont passionnants à lire; pour mon travail en philo de la biologie j'avais lu Winfried Menninghaus avec grand plaisir) Alors disons-le comme ça (et j'espère parvenir à rendre Kant excitant dans ce qui va suivre): l'ensemble des représentations accessibles à l'entendement ne comprend pas les Idées, parce que les Idées, on ne peut pas les représenter tout court, et la grande question de Kant dans la 3e critique est de se demande quel genre d'accès on peut y avoir. Cependant, elles sont accessibles à la Raison, qui croit souvent pouvoir se passer de l'entendement dans la Critique de la raison pure, ce qui la rend "aveugle" selon le fameux mot de Kant ("Des concepts sans intuitions sont vides, des intuitions sans concepts sont aveugles.") Donc le problème, c'est comment le point de vue de la raison sur l'entendement peut-il impacter l'activité de l'entendement en dépit de ce déséquilibre? La solution à ce problème (voir avec le point de vue de la raison), c'est le sujet transcendental. Un exemple de ça: Donc j'ai un miroir concave à gauche, un oeil, un vase avec des fleurs et le vase est à l'envers, il est reflété dans le miroir concave et la réflexion est reflétée dans le miroir droit, qui est face à l'oeil, et qu'on voit à droite. En kantique, on va dire que les fleurs sont l'unité transcendantale de l'aperception. L'aperception, c'est dans la Critique l'unité du moi qui rend possible les perceptions en tant que successives. Elle est, en gros, la condition de possibilité de la représentation des objets. Les fleurs sont ça parce que l'oeil ( = le sujet) ne les voit pas, il ne les voit que grâce à ce qu'il y a "autour" à savoir le miroir concave, qui constitue l'unité que je vois à droite du schéma (qui est bien ce que je vois) non pas en soi mais pour moi. Le point important ici est que les deux miroirs sont exactement à rapprocher du système kantien, où non seulement il faut que la raison ait cet "accès" aux Idées, mais que cet accès soit lui-même accessible à l'entendement. En psychanalyse, on dit aussi que, pour que le sujet émerge, il ne suffit pas qu'il ait un point de vue sur lui (le Selbstgefühl hégélien: je sens mon corps, la proprioception en quelque sorte), il faut aussi qu'il voie le point de vue des autres sur lui (Selbstbewusstsein, la lutte pour la reconnaissance c'est-à-dire la reconnaissance avant tout de ce que le désir humain ne porte pas sur un objet mais sur le désir de l'autre (et là je crois qu'il faut aussi lire Hegel très littéralement: je ne désire pas coucher avec mon crush, je désire être désiré)) (là encore, deux miroirs: une perspective, et la perspectivisation de cette perspective par le sujet: la perspective de l'autre est un peu le miroir concave dans mon dos). Mais on voit bien qu'on ne peut pas voir le point de vue des autres, parce que ce n'est pas un objet, exactement au même sens où l'entendement ne peut pas avoir accès aux Idées, qui sont un concept de la raison, alors que les concepts de l'entendement sont les catégories. Le point à ne pas manquer est que je ne vois jamais l'unité de l'aperception elle-même, parce que c'est l'unité de la pensée, donc ce avec quoi je pense ou vois. C'est presque une faute de grammaire: je ne peux pas non plus "dire" ma voix. L'unité est certes déjà là dans le miroir concave, mais je ne la vois pas. Je pourrais me retourner (tourner l'oeil vers la gauche), mais il est clair que ne peux voir que ce que voir fait à ce qui est vu. Ce n'est donc pas une histoire d'intersubjectivité, car je ne vois pas le point de vue de l'autre. Et en regardant dans le miroir plat, je me vois aussi dans l'image, parmi les fleurs. Ça ne suffit pas de dire que l'image est dans mon oeil (même si c'est vrai, beauty is indeed in the eye of the beholder), il faut aussi voir que moi, je suis dans l'image. Si je peux donc me voir comme sujet, c'est toujours a posteriori. Ici, Kant parle la langue de Lacan. Pour Kant, quand j'agis non seulement conformément à mon, mais par devoir, j'actualise un universel qui n'existe pas avant (il ne s'agit pas de penser que l'universel, c'est donné dans l'impératif catégorique et qu'il faut ensuite l'implanter dans la réalité, sinon il n'y aurait pas de différence avec le commandement divin). On peut dire qu'il n'y a pas d'acte moral sans sujet à la hauteur de cet acte, ce qui implique, comme on le sait, qu'on ne peut pas, avec Kant, se cacher derrière la loi ou l'Etat pour dire "je ne fais que mon devoir" (parce que Kant est pire que le christianisme: non seulement tu es responsable de faire ton devoir, mais tu es aussi responsable de ce que tu as appelé "ton devoir"; il y a un truc un peu similaire avec Freud: non seulement tu es responsable de ce que tu sais, mais aussi de ce que tu ne sais pas). Donc le sujet de l'acte coïncide toujours avec son acte. Mais une fois l'acte accompli, le sujet est à nouveau vide: il doit agir à nouveau (pour rompre l'angoisse)! Il ne s'agit pas de découvrir le contenu de l'impératif catégorique (il n'y en a pas) ou d'agir moralement (on ne sait jamais, dit Kant, si on a vraiment agi moralement: on ne peut jamais être sûr d'être totalement purgé de tout désir pathologique; aussi le souverain bien est-il d'ordre nouménal), il s'agit plutôt de le convaincre qu'il existe. C'est assez bizarre, mais j'ai besoin qu'il existe pour donner un sens à mon action, quitte à après me dire "je sais bien qu'il n'existe pas mais quand même". (Il y a une blague comme ça c'est l'histoire d'un homme qui croit qu'il est un grain de blé. On l'emmène en HP, ça se passe bien. Ses amis le ramènent chez lui deux mois plus tard. Il va à peu près bien, mais dans la cour de l'immeuble il voit un poulet (un poulet vivant). Il panique, le poulet va me manger! Mais non, lui disent ses amis, tu sais bien que tu n'es pas un grain de blé, tu as vu les psychiatres. Et le pauvre homme répond: bien sûr que je sais que je ne suis pas un grain de blé! Mais le poulet, est-ce qu'il le sait?) On peut considérer, comme le disent certains commentateurs (Heidegger pour ne pas le citer) que l'acte moral dans Kant est un processus de subjectivation sans sujet. Le sujet n'est pas avant l'acte, il advient par l'acte, et seulement par l'acte. Donc il est sujet a posteriori. Le reste du temps, il est divisé entre sujet de l'énonciation et sujet de l'énoncé (Lacan) entre homo phaenomenon et homo noumenon (Kant). Il y a une scène dans Le Jeu de l'amour et du hasard de Marivaux (II, 7) qui dit ça très bien: il y a un valet qui répond au nom mignon de Bourguignon (qui est en fait un maître mais peu importe pour mon histoire) qui est amoureux d'une Silvia et il lui fait énormément la cour et elle ne veut pas reconnaître qu'il lui plaît. Elle dit "malgré tout ce qu’il m’a dit, je ne suis point partie, je ne pars point, me voilà encore, et je réponds !" Elle est non seulement ce "je" qui "n’est point parti" (sujet de l'énoncé), mais elle est aussi cet autre "je" qui se fait la réflexion "je ne suis point partie !" (sujet de l'énonciation). Lacan dit ça magnifiquement: "Effet de rétroversion par quoi le sujet à chaque étape devient ce qu’il était comme d’avant et ne s’annonce : il aura été, — qu’au futur antérieur." Dans le schéma, il y a une raison "structurelle" très simple pour laquelle je ne vois pas le point de vue l'autre: l'autre, par définition, est dans mon dos. Donc si je me retourne dans le miroir concave, j'ai toujours un (autre, lol) miroir dans le dos (le plat). Donc ça ne change absolument rien. Je ne vois jamais toujours que l'après-coup, l'effet de la vision, ou ce que j'ai appelé (je suis coquet et j'aime ma formule) voir ce que la vision fait à ce qui est vu. Il faudrait voir l'autre quand on ne le regarde pas. C'est l'expérience rêvée de tous les enfants, Proust raconte dans Le Côte de Guermantes la fois où il entre dans le salon et sa grand-mère ne l'a pas entendu entrer et il la voit donc dans son "milieu naturel" pour la première fois, left to her own devices. En kantique, il la voit comme chose en soi. (Le Côté de Guermantes, 1e partie; c'est long donc j'ai mis en cache mais cette page est une splendeur sans pareille) Ce que Kant peut apporter c'est une compréhension complexe de ce que ça veut dire que d'avoir des représentations accessibles à l'entendement, en expliquant quels autres "contenus" de pensée peuvent être présents à l'esprit sans être représentés, comment les différentes facultés de l'esprit interagissent, comment elles constituent le monde et comment cette constitution du monde présuppose la constitution a priori du moi (l'aperception). On n'exagère rien en disant que c'est l'un des plus grands penseurs de tous les temps. Mais ce n'est pas empirique. Il s'agit de savoir comment on peut penser, élaborer des concepts pour rendre compte de ces processus et les rendre pensables pour nous. Ce dernier point est très présent dans Kant, qui était un homme des Lumières et qui s'est toujours montré extrêmement soucieux d'être compris du grand nombre, écrivant introduction sur préface, publiant des résumés de ses livres, des corrections, des réponses à des objections etc. Je commence bientôt ce livre Et j'en profiterai éventuellement pour faire un résumé sur ce sujet. C'est-à-dire qu'à partir du moment où les catégories sont des concepts j'ai du mal à comprendre. Mais je suppose que c'est un peu begging the question que de te demander de m'expliquer avec le langage ce que ça fait de catégoriser sans y avoir recours. C'est drôle parce que le premier chapitre de Ontological relativity de Quine explique précisément comment tout l'inverse se passe (selon lui), que la capacité à réidentifier le même objet ou deux objets comme appartenant à une même catégorie émerge avec le langage. En gros il y a deux options que je vois en philo du langage contemporaine: l'option Heidegger/Wittgenstein exprimée par le vers (tout le temps cité par Heidegger) de Stefan George: Kein Ding sei wo das Wort gebricht (tu parles allemand non? mais dans le doute ça veut dire "qu'il n'y ait aucune chose là où le mot faillit"), et l'option Freud/Lacan, qui inverse le vers en Ein Ding sei nur wo das Wort gebricht (l'angoisse non pas comme sans objet, mais comme confrontation avec le seul objet qui vaille: la pulsion, le réel qui est au limite du parlable et auquel je me heurte chez le psy, tout le reste n'étant que "semblant"). Ce n'est pas directement lié à ta question mais c'est un bon résumé des enjeux je trouve (mais il n'est pa de moi). Si c'est automatique j'aurais justement pensé que tu le considérerais comme quelque chose d'inconscient. Sans faire référence à aucun philosophe, on dit même "je l'ai fait sans y penser" quand on fait quelque chose mécaniquement. Maintenant si je pense au premier philosophe qui vient à l'esprit sur ce sujet, Descartes, il y a une interprétation séduisante qui fait du cogito un acte (et même, pour Hintikka, un performatif). Donc si je pensais, je le saurais (en gros). C'est d'ailleurs comme ça que je sais que j'existe à chaque fois que je pense (la phrase de Descartes est: "De sorte qu’après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure et tenir pour constant que cette proposition, je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce ou que je la conçois en mon esprit." Sous-entendu par contre quand je n'y pense pas, peut-être que je cesse d'exister. Je ne peux pas le savoir parce qu'il faudrait que je m'attrape par la pensée quand je ne suis pas en train de penser, ce qui promet d'être difficile. Je décrivais la même chose plus haut en expliquant pourquoi je ne voyais pas le point de vue de l'autre.) De là on arrive assez aisément à Husserl et aux Méditations cartésiennes pour qui la pensée est un acte intentionnel, càd une projection du moi vers l'objet vers lequel il dirige sa pensée. Parfaitement d'accord
  13. Je pense que la réponse est ensuite dans Parce que justement l’idée est que le beetle pourrait être un rien Mais ce n’est pas un objet. C’est un signe. C’est comme si j’écrivais un S sur le calendrier à chaque fois que je ressentais une certaine sensation de sorte que ma seule façon de référer à cette sensation serait de dire qu’elle me fait écrire un S sur le calendrier (et pas ressentir qqch au fond de moi). Je pense que c’est aussi la rupture entre la psychanalyse et la psychologie empirique, qui étudie un objet positif (le cerveau) la ou la psychanalyse étudie un manque ou un vide dans le psychisme (l’inconscient). Comme tu m’avais parlé de Naccache je te recommande Cadell Last. https://cadelllast.files.wordpress.com/2020/06/the-difference-between-neuroscience-and-psychoanalysis-google-docs.pdf Ça commence à ressembler à Kant ça non? (Avec “entendement” à la place de “pensée humaine”) Sauf que Kant explique ensuite les modalités de l’accès aux Idées suprasensible dans la Critique de la faculté de juger. Ce qui fait qu’avant même la psychanalyse on est assez loin de l’opposition réalisme/idéalisme. Même dans Platon le rapport entre les Idées et le monde sensible est très compliqué, et un texte qui chamboule pas mal les préjugés à ce sujet c’est la Lettre VII qui défait la conception d’une chaîne ordonnée du sensible à l’idée. Même dans un texte aussi connu que l’allégorie de la caverne il n’y a pas deux entités (le soleil et les ombres) mais trois (les marionnettes qui projettent leurs ombres sur le mur). C’est aussi pour ça que je ne pense pas que les philosophes soient juste des gens qui s’amusent à définir les termes comme ils veulent et je m’excuse si je donne cette impression dans mes messages aussi longs et détaillés qu’ils soient (parfois). Ma prof de terminale parlait des plans “liste de courses” en dissertation quand tu fais juste I) tel philosophe pense ça II) tel autre philosophe pense ça III) etc. Par exemple pour Frege la pensée est le sens d’un énoncé, ça veut dire qu’elle détermine sa référence, et qu’elle doit être la même pour que la communication ait lieu. La révolution des années 70 en philo du langage (associée aux noms de Donnellan, Kripke et Putnam), c’est de montrer qu’on peut parler de choses qu’on ne peut pas définir et même réussir à référer avec des descriptions fausses (des quiproquos qui se passent bien si on veut; par exemple si je dis quel est cet homme qui boit un martini et que c’est une femme qui boit de la limonade mais que mon interlocuteur comprend quand même de qui je parle; bien sûr cela suppose un usage attributif et pas référentiel de la dénotation, ce dont on avait parlé dans le fil sur Kripke). Dans Hegel pour le dire vite ça a à voir avec la capacité de la pensée à l’abstraction c’est à dire la formation de concepts à partir du divers sensible dans la “synthèse”. C’est une chose d’avoir conscience de son corps (selbstgegühl) et c’en est une autre d’avoir conscience de soi (selbstbewusstsein), c’est à dire de se voir comme une puissance de négativité. Le problème c’est que Hegel c’est comme la physique quantique: au bout d’un moment il faut en passer par le jargon (ou les maths). Cela dit mon choix de Hegel et Frege n’était pas anodin car depuis une vingtaine d’années au moins c’est une tendance de relire la Phénoménologie avec un biais philo du langage. Ça donne les livres de Robert Brandom par exemple. Strawson avait fait ça pour Kant. Tout ce que je voulais déplorer était seulement l’absence d’une position philosophique des problèmes en “philosophie” de l’esprit (autrement dit faire comme si la philosophie commençait avec les années 1980; c’est aussi une tendance qu’on trouve dans les débuts de la philo analytique avec Russell et son Histoire de la philo ou en gros la philo commence quand Bertrand Russell commence à écrire). Avec cet aspect ridicule que certains philosophes analytiques redécouvrent l’eau tiède. Mais j’arrête de râler. Ca je ne suis pas d’accord je ne pense pas que tu voies ce que tu ne sais pas nommer. Je pense que ton regard est plutôt attiré vers ce que tu connais ou orienté faussement par ton ignorance. Elkins raconte dans son livre qu’il passe tous les jours devant des tuyaux muraux sans savoir lesquels conduisent l’eau lesquels l’électricité etc et non seulement il ne voit pas les différences mais il ne sait même pas qu’il y en a donc en fait il ne voit rien. Je pense qu’il y a un sens littéral dans lequel l’enrichissement du vocabulaire est un enrichissement de l’expérience (on le pensait à l’époque où on enseignait “les humanités” comme la culture de la sensibilité). Je ne sais plus où j’avais lu que si on montre un western à des indiens ils commentent l’allure des chevaux. Ils ne voient pas le film. L’exemple de l’art est extrême mais il s’applique aussi à la vie de tous les jours (ça nous ramènerait à qqch de développé plus tôt sur ce que c’est que vivre dans un monde pour Heidegger ou Husserl). Tout le livre de Elkins part de cette idée très Husserlienne que la perception est une entreprise active et en grande partie indépendante de notre volonté (mon regard évite telle chose, voit ce qu’il voudrait ne pas voir etc). Tu peux faire du vélo sans y penser ou en pensant à autre chose, mais ça ne prouve pas que quand tu penses à faire du vélo, cette pensée est non linguistique (je ne vois toujours pas ce que ça peut vouloir dire hors d’une interprétation psychanalytique). Moui pour le coup ça c’est un peu un cas de je définis des mots pour résoudre des problèmes non? A aucun moment n’est démontée la thèse basique que je pense en langage naturel. Ou alors peut-être des trucs sur penser par images mais je n’ai entendu ça que dans les cours de jbp donc j’attends d’avoir une meilleure caution intellectuelle
  14. Ps tres original. C’est du Schmittisme pas tres intéressant
  15. Non ça parle de psychanalyse Lidee que l’objet (petit a) renvoie le regard c’est un truc de Lacan. Après c’est anecdotique le mec en parle assez peu et se concentre sur la psychologie de la perception avec un point de vue d’historien de l’art
  16. Dans le dessin du bras, j'aime surtout le drap sorti de nulle part et qui couvre rien de très précis (et les clous qui tiennent les tendons distincts). Je ne pense pas que ça marche très bien pour apprendre l'anatomie en revanche (c'est en tout cas l'avis de Elkins).
  17. Issu du même livre: les planches anatomiques de Govard Bidloo (le bras notamment est magnifique)
  18. Je l'ai mis dans l'autre sens, oreille à droite edit grillé par @poincaré merci en tout cas
  19. AH MAIS OUI juste au moment où j'allais me résoudre à avoir un QI spatial de taupe je viens de voir le nez et la bouche en essayant de tracer la ligne qui va de l'oreille à l'oeil après m'être tripoté le visage pour être sûr que les deux étaient bien à peu près au même niveau. La tour avec la cible est un sourcil, l'espèce de porte dans le flanc de la montagne en haut est la lèvre inférieure. Sublime. Si vous aimez ça comme moi je vous recommande donc
  20. J'ai pivoté le truc et je vois un peu mais si la tour dont tu parles est bien la forme noire en bas qui ressemble à une teub, il a donc le nez... à côté de la bouche? L'autre tour étant celle sur laquelle est la cible je l'exclus et il n'y a rien entre les deux. Et tu arrives à voir ce que c'est que ça? En attendant il a l'air d'avoir un seul oeil et pas d'oreilles...
  21. Je n'ai pas lu Human Diversity (ça m'a ennuyé) donc je m'appuie sur un truc un peu plus daté, The Blank Slate de Pinker (également chiant cela dit) (Penguin, p350) Oui la thèse de Strauss est que Aristophane est en train de raconter une blague comme à son habitude, de même qu'il a passé son temps à rigoler avant de prendre la parole, ce que Platon indique en disant qu'il a le hoquet si je me souviens bien du détail. Mais ça n'enlève pas son pouvoir au mythe (ou à l'interprétation de Strauss).
  22. En parlant d'images où il faut voir des trucs, vous arrivez à voir un visage là-dedans vous? Je vois un oeil (la cible) et une bouche (la porte) mais je ne vois pas ce que c'est que cet arbre ou cette ombre devant.
  23. Je crois que quand on a dit ça on a tout dit. C'est ce qui explique en grande partie pourquoi la différence sexuelle est omniprésente dans l'imaginaire, qu'on a en tête un certain nombre de caractéristiques "masculines" et "féminines" qui ont tout à voir avec la sexualité (les garçons "féminins" finissent gays; les empêcher de jouer aux poupées n'y change rien; les différences de traitement éducatif entre garçons et filles sont minimes, et leur influence sur la vie professionnelle n'est pas prouvée) et que les hommes et les femmes n'aient pas les mêmes projets professionnels, qu'on leur "attribue" des fonctions sociales différentes ou pas (cf le nb d'ingénieures au Maghreb). La division sociale a donc toute la pertinence du monde, et elle n'est imposée par rien du tout. Ce que l'Occident a inventé pour lutter contre cette "division", c'est les congés paternité et la pilule pour homme. Laissez-moi rire. Avec Platon, je dirais volontiers que la différence sexuelle est fondatrice de l'humanité: il n'y a pas d'abord des hommes et ensuite deux groupes sexuellement différenciés. La différence précède l'existence de ces groupes comme tels. Avant la différence, càd la séparation des hermaphrodites dans le mythe platonicien (raconté dans le Banquet par Aristophane), il n'y avait pas d'hommes (mais des hermaphrodites). D'où ce passage du cours de Leo Strauss où il explique que la castration (différenciation des sexes) est le début de la civilisation. https://www.amazon.com/Leo-Strauss-Platos-Symposium/dp/0226776867
  24. Des fleurs qui poussent dans le sol et dans le ciel
  25. Et moi qui pensais qu'on allait parler de métaphysique
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