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Armageddon économique ?


vincponcet

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Nous vivons dans un monde où les économies dont la demande intérieure est faible (comme la Chine, le Japon, l'Allemagne) utilisent les exportations non pas pour payer les importations (ce qui serait le cas dans un environnement commercial qui fonctionne bien), mais plutôt comme un moyen d'externaliser le coût de la faiblesse de la demande intérieure. Comme l'a expliqué l'économiste anglaise Joan Robinson en 1936, dans cet environnement, l'objectif du commerce est d'exporter le chômage national qui résulterait autrement de la faiblesse de la demande intérieure. Il parlait alors de politiques commerciales de type « Politique du chacun pour soi », car l'objectif du commerce était de se décharger de ses problèmes intérieurs sur ses partenaires commerciaux.

Joan Robinson a également expliqué que lorsqu'un groupe de pays met en œuvre des politiques commerciales de type « Politique du chacun pour soi », ses partenaires commerciaux n'ont que deux options. L'une consiste à ne rien faire, auquel cas ils doivent absorber les coûts de la faiblesse de la demande intérieure dans les pays excédentaires. L'autre option est de prendre des mesures de rétorsion afin de protéger leurs économies. Finalement, s'inquiète Robison, tout le monde prend des mesures de rétorsion, ce qui entraîne une contraction du commerce mondial et une réduction de la croissance mondiale.

La politique du chacun pour soi dans les pays excédentaires signifie que les pays déficitaires - comme la France, le Royaume-Uni et les États-Unis - doivent absorber la faible demande des pays excédentaires. Pour éviter que cela n'entraîne une hausse du chômage, ces pays encouragent généralement l'endettement des ménages ou creusent des déficits budgétaires. C'est pourquoi, lorsqu'un pays comme l'Allemagne enregistre un excédent commercial et la France un déficit commercial, on peut considérer que l'Allemagne sous-traite la création de dettes à la France : au lieu d'enregistrer un déficit budgétaire pour empêcher la faiblesse de la demande intérieure d'augmenter le chômage allemand, l'Allemagne enregistre un excédent commercial, ce qui oblige ses partenaires commerciaux à équilibrer la faiblesse de la demande par une augmentation de l'endettement. C'est pourquoi, s'il existait un moyen pour la France de transférer son déficit vers l'Allemagne, d'où il provient, cela équivaudrait à transférer la création de dette vers l'Allemagne.

Contrairement à ce que beaucoup pensent, les pays ne dégagent pas d'excédents commerciaux parce qu'ils sont des producteurs efficaces. S'ils étaient vraiment efficaces, ils seraient récompensés par une augmentation des importations pour la même quantité de travail. L'objectif des exportations, après tout, devrait être de payer les importations qui améliorent le bien-être national, auquel cas le commerce est toujours équilibré.

 

Au lieu de cela, les pays enregistrent des excédents principalement parce que les salaires y sont faibles par rapport à la productivité, de sorte que les résidents de ce pays n'ont pas les moyens d'acheter une quantité égale à ce qu'ils produisent. C'est la raison pour laquelle ils doivent dégager des excédents, car la demande intérieure est trop faible pour satisfaire l'offre intérieure. C'est également la raison pour laquelle ils sont si « compétitifs ».

 

Moins vous payez vos travailleurs par rapport à leur productivité, plus vous serez compétitif sur les marchés internationaux.

La seule solution durable, dans ce cas, est que les salaires dans les pays excédentaires augmentent suffisamment pour permettre à leurs travailleurs et à leurs classes moyennes de consommer davantage, soit en consommant une plus grande part de ce qu'ils produisent, soit en important davantage de l'étranger.

Il y a en gros trois façons de corriger le système commercial mondial. La meilleure solution, et de loin la plus improbable, serait que les pays excédentaires acceptent d'augmenter les salaires jusqu'à ce que leurs résidents soient en mesure d'investir et de consommer un montant égal à ce qu'ils produisent. La Chine le promet depuis 2007, par exemple, et le Japon a commencé à le faire en 1986, mais jusqu'à présent la Chine n'a pas été en mesure de le faire et le Japon essaie toujours d'y arriver. Étant donné que les bas salaires par rapport à la productivité sont précisément ce qui rend les économies excédentaires compétitives au niveau international, il est beaucoup plus facile pour elles de continuer à enregistrer d'importants excédents commerciaux aux dépens de leurs partenaires commerciaux que de mettre en œuvre les politiques de rééquilibrage des revenus qui s'imposent.

La deuxième solution consiste, pour la communauté commerciale mondiale, à mettre en place un nouvel accord commercial mondial qui pénalise spécifiquement les pays qui enregistrent d'importants excédents commerciaux. C'est ce que Keynes a proposé à Bretton Woods en 1944, mais il est presque certain que les grands pays excédentaires refuseront de coopérer, mais cela n'aura pas d'importance. Il suffirait que quelques grands pays déficitaires (en particulier les États-Unis, qui représentent près de la moitié des déficits mondiaux) se mettent d'accord pour que les pays excédentaires n'aient d'autre choix que de suivre. Après tout, il est impossible de dégager un excédent si personne n'est disposé à creuser les déficits correspondants.

 

Enfin, le moyen le plus perturbateur est que les États-Unis et les autres pays déficitaires agissent unilatéralement en réduisant leur rôle dans la prise en charge des excédents ailleurs, soit en imposant des droits de douane à l'importation, soit en taxant les entrées de capitaux (cette dernière solution étant beaucoup plus efficace, à mon avis). Cela serait douloureux à court terme, en particulier pour les pays excédentaires, mais beaucoup moins douloureux à long terme, en particulier pour les pays déficitaires.

Je doute que les pays excédentaires soient disposés à prendre les mesures nécessaires pour parvenir à la première de ces trois voies, de sorte que le mieux serait peut-être de choisir la deuxième voie, dans laquelle les principaux pays déficitaires acceptent un nouveau système commercial mondial qui force progressivement les pays excédentaires à s'ajuster. Comme je pense que même cela est improbable, je soupçonne que nous suivrons la troisième voie, dans laquelle les pays déficitaires prendront de plus en plus de mesures unilatérales pour protéger leurs économies. Dans ce cas, comme l'a prévenu Joan Robinson, le commerce se contractera et l'économie mondiale s'en portera plus mal, mais si les pays excédentaires refusent de s'adapter, ce n'est qu'une question de temps avant que les pays déficitaires ne forcent l'ajustement.
https://atlantico.fr/article/decryptage/le-paradoxe-de-l-economie-francaise-qui-beneficierait-d-une-hausse-des-salaires-mais-qui-peine-tant-a-les-augmenter-michael-pettis

 

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Toute cette logorrhée pour dire « c’est la faute des autres. »

  • Yea 3
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21 minutes ago, Tramp said:

Toute cette logorrhée pour dire « c’est la faute des autres. »

Surtout que ça ignore énormément de causes.

Tu avais déjà cité des raisons au déficit commercial d'un pays :

-population vieillissante consommant son épargne

-endettement, ce qui me fait penser que l'article partagé par Adrian confond cause et effet

-etc

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Il y a 3 heures, Tramp a dit :

Toute cette logorrhée pour dire « c’est la faute des autres. »

Et pour tournoyer autour de S - I = X - M sans jamais accepter cette vérité comptable d'une simplicité pourtant proverbiale. 

 

Parce que "les économies dont la demande intérieure est faible (comme la Chine, le Japon, l'Allemagne)", ce sont des économies qui croulent sous l'épargne (ce qui est plutôt sain) bien plus que ce que demandent les possibilités d'y investir (parce que le PCC et le contrôle des changes en Chine, et pour ne pas avoir fait de gamins pour les deux autres).

 

Il y a 3 heures, Mister_Bretzel a dit :

Tu avais déjà cité des raisons au déficit commercial d'un pays :

-population vieillissante consommant son épargne

Moui, à ce titre-là l'Allemagne devrait avoir un déficit commercial supérieur à la France. 

Posté
Il y a 1 heure, Rincevent a dit :

Moui, à ce titre-là l'Allemagne devrait avoir un déficit commercial supérieur à la France. 


Les grosses masses qui sont à l’origine de la balance commerciale sont les déficits publics, le système de retraite et l’âge de la population. Bref, est-ce que le pays épargne ou non. Bon, désormais on a aussi des aberrations comme la France où les retraités sont ceux qui épargnent.

Posté
il y a 14 minutes, Tramp a dit :

Bref, est-ce que le pays épargne ou non

... plus ou moins qu'il n'investit. Parce que S - I = X - M.

  • 2 weeks later...
  • 3 weeks later...
Posté

Une pensée émue à toutes ces lumières de gauche chez Doze qui répondaient systématiquent "La France n'est pas la Grèce" quand on leur mentionnait les dangers d'un endettement et d'une taxation excessifs....

  • Yea 7
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Loin de moi l'idée de défendre la situation financière de la France, mais on reste à 2.4%. Ça en dit plus long sur le succès des efforts des Grecs que sur nous.

  • Yea 1
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Hm. Vu les montants en jeu, chaque point de base compte.

Et dans un contexte de monnaie commune, je pense la comparaison entre pays pertinente - plus que le taux en absolu : on est que à 2.4 car euro BCE et Allemagne (et demande structurelle pour de la dette en euro, merci S2 entre autres) ; sans ça il y a longtemps que la fin de la récré aurait été sifflée.

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On 9/27/2024 at 4:12 PM, MXI said:

Une pensée émue à toutes ces lumières de gauche chez Doze qui répondaient systématiquent "La France n'est pas la Grèce" quand on leur mentionnait les dangers d'un endettement et d'une taxation excessifs....

 

Ça serait si drôle de retrouver tout ces extraits, les mettre bout à bout dans une compilation "rigolote"

Posté
7 hours ago, MXI said:

Et dans un contexte de monnaie commune, je pense la comparaison entre pays pertinente - plus que le taux en absolu : on est que à 2.4 car euro BCE et Allemagne (et demande structurelle pour de la dette en euro, merci S2 entre autres) ; sans ça il y a longtemps que la fin de la récré aurait été sifflée.

L'Italie est à 2.75%, l'Espagne à 2.4%, la Belgique à 2.3%, l'Allemagne à 2%, ...

À 2.4%, la France reste dans le peloton (pour l'instant).

  • Yea 1
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4 minutes ago, Jensen said:

L'Italie est à 2.75%, l'Espagne à 2.4%, la Belgique à 2.3%, l'Allemagne à 2%, ...

À 2.4%, la France reste dans le peloton (pour l'instant).

Trop de copium et de déni 

 

La France est dans une situation budgétaire fragile, et il faut être bien bête pour acheter sa dette . et on est passé derrière la fucking Grèce 

  • Nay 1
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15 minutes ago, Lameador said:

Trop de copium et de déni 

 

La France est dans une situation budgétaire fragile, et il faut être bien bête pour acheter sa dette . et on est passé derrière la fucking Grèce 

Non, c'est toi qui voit ce que tu veux voir.

 

La France est dans une situation budgétaire catastrophique, mais ça n'est pas nouveau. Et pour l'instant les marchés s'en fichent. Deal with it.

 

Je ne sais pas combien de temps ça va durer, mais tu m'aurais demandé il y a 15 ans, j'aurais dit pas plus de 5. Donc on sait que l'inévitable va arriver, mais les choses peuvent encore durer 6 mois ou 16 ans.

"derrière la grèce" ne veut rien dire. Le dernier budget excédentaire de la Grèce, c'est 2019. Nous, c'est 1974. Leur déficit cet année, il est à 1.6% du PIB. Il est temps d'arrêter d'utiliser la Grèce comme mètre étalon des pays mal gérés (du point de vue endettement). Et pourquoi la comparaison à la Grèce et pas à l'Irlande? (qui ne faisait pas non plus la fière quand la Grèce était aux abois)

Posté
26 minutes ago, Lameador said:

 et il faut être bien bête pour acheter sa dette . et on est passé derrière la fucking Grèce 

Et pourtant il y a plus de demande que d'offre.

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22 minutes ago, Lameador said:

il faut être bien bête pour acheter sa dette

L'idée ne me viendrait même pas à l'esprit, mais parier sur la bêtise des investisseurs à peu de chance d'être couronné de succès.

Une partie de ces investisseurs à un pistolet sur la tempe. Mais assez pour expliquer la non-envolée des taux? pas sûr. Que voient les autres? Que la France préférera saisir le patrimoine des français dans sa totalité avant de faire défaut? Qu'il y a encore de beaux meubles à vendre? Que l'Allemagne viendra à la rescousse?

Dans tous les cas, les français vont morfler, mais les investisseurs, pas certain du tout.

Posté
32 minutes ago, Jensen said:

 

Une partie de ces investisseurs à un pistolet sur la tempe. 

Ne nous lance pas sur Bâle 2/ Bâle 3.

  • Yea 2
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Posté
41 minutes ago, Jensen said:

Une partie de ces investisseurs à un pistolet sur la tempe. Mais assez pour expliquer la non-envolée des taux? pas sûr. Que voient les autres? Que la France préférera saisir le patrimoine des français dans sa totalité avant de faire défaut? Qu'il y a encore de beaux meubles à vendre? Que l'Allemagne viendra à la rescousse?

 

Que, comme le Japon le montre, la stratégie Ponzi (cad : payer les intérêts de l’ancienne dette avec de la nouvelle dette) peut monter à des niveaux absurdes avant de poser problème, quand il s’agit de dette souveraine.

  • Yea 1
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il y a 19 minutes, Mathieu_D a dit :

Ne nous lance pas sur Bâle 2/ Bâle 3.

Ça m'intéresse beaucoup (pour les cours principalement) donc n'hésite pas au contraire !

Posté

Le problème de la Grèce et de l’Irlande c’est que les investisseurs ont eu peur qu’ils ne puissent pas rembourser le nominal parce que le pays n’est pas taillable à merci :) . On va avoir un problème quand les investisseurs vont se rendre compte qu’on a dépassé la convexité de la courbe de Laffer et que la situation politique empêche les économies.

 

2.4% vs 2%, de tête, c’est une probabilité implicite de défaut sur la moitié de la dette de 6%. C’est pas non plus rien.

Posté
3 hours ago, Jensen said:

L'idée ne me viendrait même pas à l'esprit, mais parier sur la bêtise des investisseurs à peu de chance d'être couronné de succès.

Une partie de ces investisseurs à un pistolet sur la tempe. Mais assez pour expliquer la non-envolée des taux? pas sûr. Que voient les autres? Que la France préférera saisir le patrimoine des français dans sa totalité avant de faire défaut? Qu'il y a encore de beaux meubles à vendre? Que l'Allemagne viendra à la rescousse?

Dans tous les cas, les français vont morfler, mais les investisseurs, pas certain du tout.

Je suis d'accord - demande structurelle pour de la dette eur (Bâle et Solva) et une Allemagne qui émet relativement peu.

Je suis aussi d'accord que les Français vont morfler bien plus que les investisseurs.

Mon point est que 2.4 vs 2, c'est bcp. Et un très mauvais signal de perte de confiance. Ça ira bien jusqu'à ce que ça n'ail.e plus, et à ce moment ce sera une avalanche

Posté
il y a 48 minutes, Bézoukhov a dit :

On va avoir un problème quand les investisseurs vont se rendre compte qu’on a dépassé la convexité de la courbe de Laffer et que la situation politique empêche les économies.

Allons, tu es en train de me dire que les zinvestisseurs ne font pas de due diligence et achètent n'importe quel étron pour peu qu'il soit noté à la bonne tête du client par Fitch et consorts ? :lol:

Posté
Il y a 10 heures, Rincevent a dit :

Allons, tu es en train de me dire que les zinvestisseurs ne font pas de due diligence et achètent n'importe quel étron pour peu qu'il soit noté à la bonne tête du client par Fitch et consorts ? :lol:


Les investisseurs croient aux même mythes que la plupart des gens

- il n’y a pas fondamentalement de difference entre public et privé

- la dépense publique fait de la croissance

- la dette peut etre monetisée

etc

  • Sad 1
Posté
Il y a 3 heures, Tramp a dit :

Les investisseurs croient aux même mythes que la plupart des gens

- il n’y a pas fondamentalement de difference entre public et privé

- la dépense publique fait de la croissance

- la dette peut etre monetisée

etc

... et tant que la faillite ne les menace pas, ils n'ont pas particulièrement intérêt à faire du tri dans leurs mythes.

 

Tiens, qu'est-ce qui mettrait en péril la survie des agences de notation ?

Posté
il y a 8 minutes, Rincevent a dit :

... et tant que la faillite ne les menace pas, ils n'ont pas particulièrement intérêt à faire du tri dans leurs mythes.

 

Tiens, qu'est-ce qui mettrait en péril la survie des agences de notation ?


La seule chose qui les mettrait en peril c’est que ce soit rentable d’internaliser et reformer le droit des securities aux US. 

Mais honnetement, ce n’est pas les agences de notation le problème pour la dette souveraine. Les données sont publiques et tout est très largement commenté. L’aveuglement collectif est total. 
Les agences de notation posent probleme quand elles filent un AAA à des CLO dont personne ne comprend le prospectus. 

  • Yea 3
  • 3 weeks later...
Posté

Des agriculteurs prennent d'assaut un conseil général, suite à des retards de paiements... J'ai l'intuition que ce genre d'anicroches va se répéter dans les mois qui viennent.

 

 

 

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