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Multiculturalisme, l'utopie moderne ?


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Il faut que tu saches, sur la foi de messages que je reçois en MP (de lecteurs), que plusieurs intervenants dans ce fil dont toi passez pour des malades relevant de la psychiatrie : on a beau leur démontrer que le ciel n'est pas vert, ils reviennent toujours à cette thèse. Ce que j'ai répondu c'est que c'est l'orgueil qui empêche d'avouer qu'on a tort sur un forum. Les faits parlent d'eux-mêmes, 100% de ce qui m'a été opposé a été réfuté. J'ai demandé, demandé, demandé, demandé des précisions, maccache. Que du pipeau, des :icon_up: des :doigt: des insultes et compagnie, mais en terme de fond, rien du tout.

Relax y'a pas mort d'hommes, :mrgreen:

On t'a dit que tes arguments statistiques (et tu es le premier en général à rejeter tout argument statistique) pour réfuter les multiples preuves que le multiculturalisme est en train de rentrer et est déjà rentré par la petite porte n'avaient pas de sens (cf mon message), la réalité c'est dur à accepter, mais en fait je ne sais pas ce que tu prétends défendre.

Et excuser les messages pipeau d'idéologues bobo de la mairie de Paris par: "Paris est une ville où il y a beaucoup de touristes" alors que le lien de FreeJazz ne parle que des vagues d'immigration débarquées à Paris pour lesquelles on va ériger un monument d'adulation, c'est juste très drôle, mais on va pas en faire une histoire.

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Il serait d'ailleurs fort aimable à la modération d'inciter le sieur Chitah à baisser d'un ton en cessant de psychiatriser les opinions contraires. Je veux bien qu'on ait un problème avec la contradiction, mais nous ne sommes plus en URSS.

Tu devrais éviter de faire appel à la modération en public, d'une part parce que c'est hors charte, et d'autre part parce que cela pourrait être un retour de flammes assez contrariant te concernant. La modération lit tous les messages des fils, pas seulement les posts que tu indiques pour faire taire ceux qui te gênent.

Mes questions sont précises : tu n'as qu'à y répondre, d'autres ont essayé.

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On t'a dit que tes arguments statistiques (et tu es le premier en général à rejeter tout argument statistique)

Faux, archifaux, j'ai rejeté un type de statistiques en disant non pas "c'est de la statistique c'est de la merde", mais "cette statistique ne prouve rien". C'est de l'interprétation fallacieuse et partiale.

pour réfuter les multiples preuves que le multiculturalisme est en train de rentrer et est déjà rentré par la petite porte n'avaient pas de valeur (cf mon message), la réalité c'est dur à accepter, mais en fait je ne sais pas ce que tu prétends défendre.

Je défends la réalité, les faits, les preuves.

Le multiculturalisme est entré par la petite porte : toute petite alors, puisque personne n'est capable de montrer où. Et je ne parle même pas de savoir quoi est entré, quand, et dans quel but. On n'est pas à ce niveau de précision.

Et excuser les messages pipeau d'idéologues bobo de la mairie de Paris par: "Paris est une ville où il y a beaucoup de touristes" alors que le lien de FreeJazz ne parle que des vagues d'immigration débarquées à Paris pour lesquels on va ériger un monument d'adulation, c'est juste très drôle.

Bien sûr, comme quand on baptise une rue "Louison Baubet" ou "Bernard Hinault", c'est une capitulation boboïde devant la propagande cycliste j'imagine.

Non mais mon petit loulou, ce n'est pas réfutable. Vous pouvez hurler tant que vous le voulez que le ciel est vert fluo et que des éléphants volent dans le ciel, ca ne changera rien à la facon dont les choses se passent dans la REALITE.

D'ailleurs vous vous êtes tellement monté le bourrichon avec cette histoire que vous n'avez même pas vu que ce que je disais vous offrais une discrète porte de sortie qui aurait permis d'éviter certains dégats sur votre égo (démesuré).

C'est bien.

Je deviens donc le sujet de conversation de ce fil : ça porte un nom ça.

Un conseil : essaie de contribuer sur le fond, au début ça fait drôle, mais c'est la raison d'être de ce forum.

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Faux, archifaux, j'ai rejeté un type de statistiques en disant non pas "c'est de la statistique c'est de la merde", mais "cette statistique ne prouve rien". C'est de l'interprétation fallacieuse et partiale.

Tu as dit que 1 élément sur 6 dans la fête de la diversité de Metz était dédié au multiculturalisme donc qu'il n'y avait pas de multiculturalisme, c'est de la statistique poubelle ça ne prouve pas que le multiculturalisme n'existe pas, bien au contraire. Ce n'est pas parce que nos donneurs de leçon pensent aussi à glorifier les handicapés ou les femmes qu'il n'y a pas de multiculturalisme, ça n'a rien à voir l'un n'empêche pas l'autre.

Je défends la réalité, les faits, les preuves.

Ta réalité, pas la nôtre.

Le multiculturalisme est entré par la petite porte : toute petite alors, puisque personne n'est capable de montrer où. Et je ne parle même pas de savoir quoi est entré, quand, et dans quel but. On n'est pas à ce niveau de précision.

On t'a montré qu'il existait de multiples fêtes culturelles uniquement dédiées à vanter les minorités, que les manuels scolaires faisaient une place disproportionnée à la diversité avec un contenu parfois orienté, et puis il y a aussi nos expériences de tous les jours, près de chez moi le nombre d'associations culturelles subventionnées (hip hop, reggae, arts du tiers-monde, bouddhas et j'en passe), mais je peux pas te le pouver c'est certain.

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Bien-sûr le mythe républicain reste un totem mythique, mais ce qui importe dans ce tissu de propagande, c'est moins la mémoire (avec son lot de repentance) que la construction du projet célébrant la diversitude, avec ses lendemains qui chantent et ses troupeaux de rappeurs debouts:

Franchement pour la mémoire collective, tant mieux. Chaque fois que je passe devant un monument aux morts pour 14-18, ça me rappelle la boucherie qui a régné alors. Ne pas oublier ce qu'est une guerre ni ses victimes indirectes, surtout quand il n'est plus possible de s'entretenir avec les témoins. Est-ce de la repentance ? Je m'en fous, j'espère juste que mes très hypothétiques enfants n'en viendront pas à s'étriper avec leur voisin.

Quant au projet de promouvoir une citoyennetude ecofestive et diverse, ça ne m'étonne pas que dans le fatras des subventions, on trouve aussi la promotion de cette idée farfelue. On trouve bien des féministes hurlant contre les catalogues de Noël, après tout. :icon_up:

Pour moi ça reste timide et sans nul doute moins envahissant que les machins écolos et bio (tiens, "l’objectif du Grenelle de l’environnement, 20% de bio dans les cantines en 2012" par exemple), sans parler des intrusions dans la santé et des pignouferies sur l'éducation. Bref, en termes d'influence, la doctrine du multiculturalisme reste mineure quand on observe le reste.

De toute façon, pour moi, ces bidules se rejoignent sur le culte statolâtre laïcard, un et indivisible comme il se doit. J'aimerais mieux vivre dans une société civile franchement catholique que parmi ces arbitrages d'Etat sur la diversitude républicano-correcte.

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Bah, je sais pas ce qu'en pense la modération mais je trouve que le fil tourne en rond et n'a plus vraiment de raison d'être.

On a déjà noirci pas mal de pages, des arguments et contre-arguments ont été présentés de part et d'autre. Et ça commence à ne plus qu'être de l'ad hominem.

Si on arrêtait là ?

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Excellent article de Philippe Raynaud sur les nouvelles radicalités identitaires à gauche, entre révolution culturelle et démocratie égalitariste.

LA FRACTURE COLONIALE

Ce tableau des nouveaux courants radicaux ne serait pas complet si on ne faisait pas sa place à l’évolution assez notable qu’a connue ces derniers temps la problématique « antiraciste ». Celle-ci a toujours été pour l’extrême gauche, comme pour la gauche en général, à la fois un thème fédérateur et une source de divisions: la lutte contre le racisme permet de ressusciter l’antifascisme, et donc de donner aux combats de la gauche une coloration dramatique favorable aux mobilisations, mais elle fait aussi apparaître des clivages importants, entre « républicains universalistes» et « multiculturalistes », entre ennemis des religions et amis de l’islam, entre féministes et défenseurs du voile islamique, etc., clivages qui ne sont pas très différents de ceux qui traversent la société française. Depuis quelque temps, en revanche, de nouvelles revendications et de nouveaux courants sont apparus, dont le but proclamé est de faire éclater le consensus sur lequel vit tant bien que mal la société française, et qui sont ainsi de nature à recomposer assez profondément toutes les familles politiques, extrême gauche comprise.

Le plus médiatisé de ces nouveaux courants est sans doute le mouvement dit des « Indigènes de la République », apparu en janvier 2005 sur Internet, où il a recueilli plusieurs milliers de signatures. Les « Indigènes de la République» se présentent comme des descendants de « colonisés », dont l’ « exclusion» par la société française proviendrait de la persistance, largement inconsciente mais d’autant plus pesante, de schèmes de pensée et de perception ou de techniques de gouvernement datant du colonialisme. La France, dit-on, a été et reste un « État colonial », qui continue d’intervenir dans son ancien empire, qui traite comme des sujets ses citoyens issus des DOM, et qui inflige aux « banlieues » un traitement semblable à celui que subissaient jadis les colonies françaises. Ce thème a l’avantage de pouvoir réunir sous la même identité victimaire des populations d’origines très diverses (Antillais et Réunionnais, Maghrébins, Noirs d’Afrique), mais il pose évidemment quelques difficultés à ceux qui le reprennent dans le but d’unir toutes leurs luttes sans trop s’interroger sur leurs intérêts respectifs ou sur leurs relations réciproques. D’un côté, en effet, il n’est nullement évident que les politiques d’immigration soient toujours la duplication de l’expérience coloniale – les pays sans passé colonial ne sont pas nécessairement les plus accueillants – et, de l’autre, l’immigration en France des anciens colonisés suggère sans doute entre ceux-ci et celle-là l’existence d’un « lien» au moins aussi fort que la fracture1. L’écho militant de l’appel des « Indigènes de la République» a d’abord été assez faible, mais il n’en reste pas moins que leur discours a eu un certain écho dans la société française, parce qu’il se trouvait au point de jonction exact entre des phénomènes sociaux et politiques importants et d’un mouvement intellectuel qui pouvait leur donner un sens. Du point de vue strictement politique, la problématique des « indigènes» est arrivée à point nommé pour éclairer ou dramatiser la polémique provoquée par un malencontreux article de loi, dans lequel la République reconnaissait le « rôle positif» de la colonisation et demandait qu’on l’enseignât dans les écoles: c’était bien là la preuve de la fidélité de la droite à l’héritage colonial, et le silence initial des socialistes sur ce texte montrait bien que Guy Mollet n’était pas mort! Pour beaucoup, -.les violences urbaines de l’automne 2005 sont venues ensuite confirmer la justesse de l’analyse des « indigènes»: les habitants des banlieues, soumis depuis longtemps à des contrôles policiers semblables à ceux que subissaient leurs aïeux dans les colonies, s’étaient révoltés contre l’oppression et on répondait à leur soulèvement par un » état d’urgence » régi par une loi datant de la IVe République, et donc de la guerre d’Algérie. Mais tout cela n’aurait pas tant d’importance si ce n’était pas étayé par une littérature assez abondante, qui permet à une partie des sciences sociales d’informer les nouvelles causes militantes, allant parfois jusqu’à définir les principaux axes de mobilisation. La remise en cause du passé colonial de la France a en effet besoin de l’apport des Postcolonial Studies, qui restaient jusqu’ici peu développées en France du fait des rigidités de l’ordre académique, mais qui connaissent maintenant un certain essor, favorisé par les nouvelles passions militantes. La plupart du temps, et notamment chez les historiens, cela se traduit par une reprise somme toute modérée de la problématique de la « fracture coloniale » qui, en « historicisant » celle-ci, finit bon gré mal gré par la relativiser, ne serait-ce qu’en rappelant les divisions du milieu colonial ou en montrant comment les idéaux républicains ont pu se retourner contre le colonisateur2. Dans certains cas, cependant, les Postcolonial Studies à la française fournissent aux militants un discours à la fois assez radical et fortement structuré pour forger quelque chose comme une idéologie. Un des thèmes favoris de cette littérature est celui de la continuité entre la colonisation et les grandes exterminations du xxe siècle, et donc entre les crimes du «colonialisme» et le nazisme, thèse dont on trouve une version particulièrement vigoureuse dans le livre d’Olivier Lecour­-Grandmaison sur la conquête de l’Algérie3.

La France et la colonisation

Le propos de Coloniser, exterminer est de montrer que la colonisation, et plus spécialement la colonisation française de l’Algérie, a en quelque sorte été le laboratoire ou la matrice où se sont élaborées des formes de domination politique que l’on retrouvera par la suite dans les entreprises totalitaires du XXe siècle, y compris et surtout dans les régions de l’Est européen où le Ille Reich entendait conquérir son « espace vital» (le Lebensraum devenant ainsi une notion française). La thèse s’appuie essentiellement sur l’analyse des discours et des pratiques d’origines diverses qui ont articulé, d’une part, la problématique de la conquête et, de l’autre, celle de l’état d’exception ou, plus généralement, des dérogations à l’État de droit justifiées au nom des spécificités de la situation coloniale. Sur le plan proprement historique, le livre de Lecour-Grand­maison fourmille d’anachronismes et d’approximations qui le rendent à peu près inutilisable: les conflits religieux qui ont suivi la Réforme, les guerres de conquête de l’Ancien Régime, les affrontements issus de la Révolution française et de la Contre-Révolution et les différents épisodes de la «guerre sociale» du XIXe siècle abondent en épisodes sanglants où n’étaient absents ni la visée « exterminatrice », ni la dénégation de l’humanité des ennemis, et il est pour le moins aventureux de voir dans l’internement administratif colonial 1′ « ancêtre majeur des mesures visant à interner des étrangers ou des opposants politiques ou raciaux en vertu des dispositions exceptionnelles pour des motifs d’ordre public ou pour une durée indéterminée» (op. cit., p.210)4. Ces erreurs n’en ont pas moins une cohérence, qui repose sur deux arguments d’origine distincte, mais qu’il est assez aisé de combiner. Le premier vient d’Hannah Arendt, ou plutôt d’une certaine lecture de son œuvre majeure, Les Origines du totalitarisme, qui aboutit à radicaliser la thèse de la continuité entre l′« impérialisme » et le « totalitarisme » pour ne plus voir de différences que de degré entre les procédés de la colonisation, ceux de la conquête nazie du Lebens­raum et ceux de l’extermination elle-même. Le second vient de Carl Schmitt et, plus précisément, de l’usage qu’en font des penseurs radicaux comme Étienne Bali­bar: il consiste à insister sur la présence, dans le droit des États démocratico-libéraux, de dispositions qui rendent possibles diverses « exceptions », qui sont évidemment d’une importance particulière dans les situations de crise intérieure grave ou, a fortiori, de guerre de conquête. L’utilisation des thèses d’Hannah Arendt n’est’ pas vraiment convaincante, dans la mesure où elle ne conserve de celles-ci que ce qui concerne la colonisation en oubliant l’importance que l’auteur des Origines du totalitarisme attribuait à l’impérialisme continental, intra-européens5, et, surtout, en faisant l’impasse sur ce qu’elle-même trouvait essentiel: la singularité du totalitarisme, le rôle central qu’y joue l’idéologie, qui fait que le totalitarisme n’est plus un régime sans lois mais se présente au contraire comme la mise en œuvre des lois de l’histoire et de la nature. En fait, ce qu’il y a de vrai dans la thèse d’Olivier Lecour-Grandmaison vient de ce qu’il reprend à son compte, pour les retourner contre le colonialisme français, des arguments utilisés par les fascistes (voir la défense par Mussolini de la conquête de l’Éthiopie) et par les meilleurs théoriciens de l’État national-socialiste6. Cela ne suffit pas pour autant à les rendre pleinement convaincants et on peut en particulier estimer tout à fait essentiel que les nazis aient tenu à détruire toute discontinuité entre l’exception et la règle en considérant la force brute comme la vérité de toute politique et non comme un moyen utilisable à des fins limitées.

L’essentiel est donc dans le propos politique d’Olivier Lecour-Grandmaison : faire du colonialisme français la matrice principale des horreurs du xxe siècle, afin de placer tous les combats démocratiques sous l’hégémonie du nouveau discours « antiraciste », quitte à délégitimer l’ensemble de l’histoire nationale, Ille République et Résistance gaulliste incluses7. Ce livre à la fois talentueux8 et approximatif, qui pourrait servir de manuel aux Indigènes de la République et à leurs émules, s’inscrit du reste dans une conjoncture beaucoup plus large, qui est marquée à la fois par la crise de la mémoire nationale née avec le retour du « refoulé» du passé de Vichy et par l’effacement progressif de la réflexion antitotalitaire. D’un côté, en effet, la relecture de l’histoire coloniale permet d’attribuer aux victimes de la colonisation ou de la traite négrière occidentale un statut comparable à celui des victimes du nazisme (et en tout premier lieu de la Shoah), de l’autre, il fait apparaître les aspects les plus tragiques de l’histoire du communisme comme de simples épisodes d’une barbarie transhistorique ou, mieux encore, fondamentalement occidentale, rencontrant ainsi une tendance fortement représentée dans l’historiographie récente des révolutions modernes, qui a en France un écho non négligeable 9. L’ouvrage d’Olivier Lecour-Grandmaison ne nous apprend sans doute par grand-chose sur l’histoire de la colonisation, mais c’est un symptôme intéressant de ce qui est en train de se jouer autour de la réinterprétation « coloniale » de l’histoire de France: il s’agit de définir une nouvelle frontière de classes en affirmant, contre l’État et les élites dirigeantes, l’unité de ce qui reste de la vieille classe ouvrière et des nouveaux Français issus de l’immigration, tout en surmontant le trouble jeté, à gauche, par les effets anticommunistes de la problématique antitotalitaire. Tel qu’il s’exprime chez les « Indigènes de la République », ce nouveau combat de classes débouche d’ailleurs tout naturellement sur un nouvel » internationalisme» qui replace le combat intérieur contre l’ » État colonial» dans le cadre d’une sorte de guerre civile internationale où les « colonisés» sont naturellement solidaires des peuples opprimés10 et où leurs adversaires sont évidemment des agents de la « pensée bushienne »11 : la critique de l’héritage colonial dépasse évidemment le cadre français et elle nous ramène assez vite dans les eaux familières de l’anti-impérialisme.

La nouvelle question noire

Ces dernières années ont vu également s’affirmer une conscience nouvelle des « minorités visibles » et, singulièrement, de la minorité noire, d’origine antillaise ou africaine. Fondamentalement, ce mouvement s’inscrit dans la dynamique de l’égalité des conditions et, même s’il réactive des tensions qui traversent toutes les démocraties mais qui ont une portée particulière en France du fait, notamment, de l’idéologie « universaliste » de la nation, il n’a rien en soi de particulièrement « radical », ce qui explique pourquoi certaines de ses revendications sont peu à peu reprises par la plupart des familles politiques démocratiques: le Parlement a accepté à l’unanimité de condamner la trait§négrière (que, du reste, personne n’a jamais défendue), le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a créé une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) et les grandes chaînes de télévision acceptent peu à peu de promouvoir les « minorités visibles » sur leurs plateaux. Il n’en reste pas moins que, là aussi, des thèmes nouveaux apparaissent, qui introduisent des clivages politiques inédits et qui vont sans doute au-delà du consensus « normal » de la démocratie française.

Du point de vue d’une «politique des intérêts », il n’est nullement certain, en effet, que la communauté noire soit homogène: les Antillais et Réunionnais ne sont pas des immigrés africains, beaucoup d’entre eux sont fonctionnaires français et leurs revendications s’inscrivent pour partie dans une politique « nationale » de redistribution déjà ancienne qui n’a pas grand-chose à voir avec, par exemple, la question des banlieues; c’est d’ailleurs pour cela que beaucoup de « Domiens »ont assez mal accueilli la création en 2005 d’un Conseil représentatif des associations noires (CRAN), dans lequel ils dénonçaient un «lobby racial »12 ne pouvant que créer de la confusion sans pouvoir ni combattre le racisme ni prendre en charge les problèmes des départements d’outre-mer. L’homogénéité n’est pas non plus évidente du point de vue du principal thème du combat des Noirs pour la reconnaissance, à savoir la dénonciation de la traire négrière atlantique: quels qu’aient pu être les effets de celle-ci sur les sociétés africaines, les Africains n’en ont pas été les victimes au même titre que les esclaves vendus aux marchands européens, et certains de leurs ancêtres ont pu participer, comme vendeurs, au commerce triangulaire. Tout cela n’empêche pas, néanmoins, que puisse se former sur ces bases une communauté qui, en cela du moins semblable aux nations, pourrait fort bien devenir réelle après avoir été imaginaire.

Dans le combat pour la reconnaissance, la question de la mémoire de l’esclavage joue évidemment un rôle décisif, et elle n’est pas sans relation avec les problèmes posés par la « fracture coloniale « 13 ; or, si la condamnation rétrospective de l’esclavage ne soulève aucune difficulté, il n’est nullement certain, contrairement à ce que supposait le Parlement au moment du vote de la loi Taubira le 10 mai 2001, qu’elle puisse donner lieu à un discours ou à un récit universellement partagés. L’historien Olivier Pétré-Grenouille au, auteur d’une remarquable histoire des traites négrièresl4, l’a appris à ses dépens, qui a été la cible d’une campagne d’une rare violence parce qu’il avait eu l’audace de replacer la traite atlantique dans la longue durée pour être ensuite l’objet de plaintes civiles et pénales sur la base d’une interview au Journal du dimanche où il s’interrogeait sur les limites de la comparaison entre l’esclavage des Noirs et la Shoahl5. De la même manière, on se souviendra sans doute assez longtemps que l’activisme du Collectif DOM a été assez efficace pour empêcher en décembre 2005 la commémoration de la bataille d’Austerlitz par la République française, qui avait peu avant participé en Angleterre aux célébrations de la défaite de Trafalgar (!) mais ne pouvait plus commémorer une victoire éclatante de ce qui restait l’armée de la Révolution sur les régimes coalisés. Personne ne nie, même chez les admirateurs de Napoléon Bonaparte, que le rétablissement de l’esclavage par le Premier consul a été une faute ou un crimel6, mais on peut néanmoins s’étonner que la France, intimidée par un pamphlet sommaire17, ne sache plus « regarder son histoire en face» sans s’interdire d’en commémorer les pages glorieuses, supposées sans doute annulées par le souvenir de ses forfaits passés. Rien n’empêchait les autorités de rendre hommage à une grande victoire des armées françaises au cours d’une guerre dans laquelle la cause française avait quelques arguments tout en faisant droit aux demandes des victimes en prenant en compte les « ombres» (assez nombreuses) de la période napoléonienne. On est bien loin, en tout cas, de la IIIe République, qui, tout en se définissant contre l’Ancien Régime et l’Empire, avait su promouvoir une vision, ou un « récit », de l’histoire de France assez intégrateur; on dira sans doute que ce discours est mort avec l’empire (colonial) et avec l’émancipation des peuples autrefois soumis, mais cela ne suffit pas à invalider la recherche d’une nouvelle « synthèse républicaine» dont rien ne prouve qu’elle doive se fonder sur un discrédit général du passé.

Quoi que l’on pense de la manière dont la République prend en charge cette nouvelle configuration de la mémoire nationale, on ne peut évidemment pas considérer que la criminalisation d’une partie du passé suffise à définir une position extrémiste ou inassimilable par le consensus national. Le vote de la loi Taubira par le Parlement et l’exclusion des grandes victoires de Napoléon de la liste des commémorations nationales peuvent être considérés comme des gestes de réparation envers une partie de la communauté nationale qui n’impliquent pas directement de nouvelles exclusions, et dont on peut envisager qu’ils apparaissent un jour comme un moment de recomposition, et non de dissolution, d’une identité nationale en cours. La synthèse républicaine serait ainsi à refaire, et non pour autant définitivement impossible. Mais on doit aussi remarquer que les mêmes questions (la traite, l’esclavage, le colonialisme) peuvent également être reprises dans des discours ou dans des revendications dont l’objet semble précisément être d’attiser les conflits, de telle façon, d’une part, que la minorité n’ait plus de monde commun avec le reste de la société et, de l’autre, qu’une partie elle-même minoritaire de la communauté politique se voie attribuer une responsabilité particulière dans l’oppression passée ou présente des victimes. Or il est malheureusement assez clair qu’une partie de ceux qui prétendent parler au nom de la «communauté noire» s’engagent aujourd’hui dans cette direction.

Comme on le sait, le retournement de la logique victimaire en ressentiment haineux a trouvé un porte-parole hélas assez populaire dans la personne du sinistre comique Dieudonné, dont les dérives successives de l’antiracisme à l’antisionisme et vers une forme nouvelle d’antisémitisme ont fini par inquiéter Christiane Taubira et Maryse Condé18 elles-mêmes, ainsi que des militants antiracistes aussi irréprochables que Pierre Vidal-Naquet, Benjamin Stora ou Michel Wieviorka, ou encore d’éminents intellectuels noirs comme Achille Mbembe ou Pap Ndiaye. Dans une pétition sur les «démons français» publiée dans Le Monde du 5 décembre 2005, ces derniers dénoncent ainsi les «discours inacceptables de l’humoriste Dieudonné », chez qui, « par glissements successifs, ce qui « au départ était une revendication fondée de la mémoire de l’esclavage tend à devenir une machine infernale à énoncer des idées antisémites » 19. L’intérêt du «cas» Dieudonné ne vient du reste pas de sa marginalité mais au contraire de sa capacité à toucher un public large et hétérogène, tout en se situant à l’intersection exacte de divers milieux militants que beaucoup de choses séparent mais qui peuvent s’unir dans ce qu’il faut bien appeler de la haine. Le public de Dieudonné n’est pas constitué seulement de jeunes «issus de l’immigration» ou de Noirs, mais touche en fait des gens issus de toutes les couches populaires, qu’il enferme dans le ressentiment en leur fournissant une explication facile de leurs malheurs. Son discours politique général privilégie évidemment des thèmes antisionistes qui lui permettent d’atteindre un public assez large (voir son soutien à la .liste Europalestine aux élections européennes), mais cet engagement en faveur de la cause palestinienne ne prend vraiment son sens que par les cibles qu’il permet d’attaquer et par les alliés qu’il permet de toucher. Les cibles, ou plutôt la cible, de Dieudonné est de plus en plus clairement désignée: selon lui, le malheur des peuples vient en grande partie des Juifs (et non pas seulement du « sionisme »), qui, après avoir inventé le racisme, ont joué un rôle majeur dans la traite négrière et dominent aujourd’hui les médias en imposant la « pornographie mémorielle » des commémorations de la Shoah pour mieux faire oublier les malheurs d’autres peuples qui sont souvent leurs victimes. Ses alliés ne se trouvent pas seulement chez les amis de la cause palestinienne mais aussi dans des mouvements dont le but explicite est de promouvoir une nouvelle identité des « Noirs» en rivalité avec les Juifs ou encore en opposition ouverte avec l’ensemble d’un monde «blanc» dont les Juifs constituent évidemment le centre. Du côté de la « concurrence des victimes », on retrouve par exemple le Collectif des filles et fils d’Africains déportés (COFFAD) 20, qui se consacre à la dénonciation de la traite négrière désignée sous l’appellation de «Yovodah », terme composé de deux mots empruntés au fon, une langue du Bénin: le. mot désigne explicitement la « cruauté» des Blancs, mais il est difficile de ne pas y percevoir une imitation de « Shoah ». Du côté de l’hostilité générale au monde blanc, on trouve divers groupuscules voués à la défense de l’identité des «kémites21» contre les « leucodermes22 », qui importent en France diverses théories construites en Afrique et chez les extrémistes africains-américains (toute la civilisation européenne vient de l’Égypte ancienne et de ses pharaons noirs, dont l’apport a ensuite été volé par les Grecs pour être retourné contre les « kémites », etc.23).

Il est évidemment difficile de savoir quelle est l’influence exacte de ces courants, et il serait absurde de supposer qu’ils sont aujourd’hui hégémoniques chez les Français noirs, dont la plupart des porte-­parole désavouent leur dérive et s’inquiètent du jeu dangereux que ces groupes jouent avec Dieudonné. Il reste qu’ils sont néanmoins un peu inquiétants en ce qu’ils présentent déjà bien des caractères d’une idéologie totalitaire tout en donnant une expression élaborée de sentiments qui semblent malheureusement assez répandus: il y a bien, notamment, un malaise noir et, notamment, un «grand malentendu» entre Juifs et Noirs, qui n’est pas sans rappeler ce qui s’est passé il y a quelques années aux États-Unis et qui pose un défi majeur à la société française24.

NOUVEAUX CLIVAGES DANS LA GAUCHE RADICALE?

Il est donc possible qu’une grande partie de la gauche radicale soit en train de se fédérer dans un nouveau « front de classes », construit sur la solidarité entre un peuple français victime de la «mondialisation libérale », des enfants de la colonisation et de la traite héritiers des malheurs de leurs parents ou de leurs ancêtres (et toujours objets du racisme français) et divers peuples du tiers-monde en lutte contre 1′« Empire» et ses alliés sionistes. Cette reconstruction risque cependant de se heurter à quelques obstacles majeurs, qui tiennent à trois séries de problèmes, liés mais distincts. Une première difficulté vient de la tolérance dont une partie de l’extrême gauche fait preuve à l’égard de l’islamisme radical, ce qui la met en conflit à la fois avec les « républicains » à l’ancienne et avec certains féministes et ou défenseurs de la liberté des mœurs, qui perçoivent 1′« intégrisme» musulman comme un danger (au moins) aussi grave que le conservatisme traditionnel. Ensuite, la «déconstruction» combinée de l’histoire nationale, de l’État français et du modèle «républicain» d’intégration peut diviser une « gauche de gauche» attachée à l’héritage de la Révolution et de la IIIe République. Enfin, le soutien inconditionnel à la cause palestinienne, lorsqu’il conduit à une négation du droit à l’existence de l’État d’Israël, ne peut pas être accepté par ceux qui, si radicaux qu’ils soient, souhaitent depuis toujours la coexistence de deux États-nations, juif et palestinien. De là viennent de multiples divisions qui vont peser sur plusieurs courants radicaux.

La division la plus constante concerne les courants ouvertement révolutionnaires, et plus particulièrement les trotskistes: si la LCR est structurellement accueillante à toutes les formes de contestation, le Parti des travailleurs et le groupe Lutte ouvrière sont naturellement méfiants envers tout ce qui, de la taxe Tobin à la Gay Pride, leur apparaît comme une « diversion» par rapport au combat anticapitaliste; les « lambertistes » du PT voient par ailleurs les revendications culturelles des musulmans comme des menaces «obscurantistes» contre la laïcité, là où la LCR les défend au nom de la solidarité avec les opprimés. Dans le cercle plus large de l’altermondialisme organisé, la question islamiste (qui se mêle à celle de l’antisémitisme) divise également militants et dirigeants, comme le montrent les débats suscités par la personnalité controversée de Tariq Ramadan et par ses mises en cause d’intellectuels juifs25 : les progressistes classiques comme Bernard Cassen ou Jacques Nikonoff sont hostiles à ce prédicateur islamique chic, que José Bové est tout près de traiter comme un frère. Quant à la mise en cause historique et politique de la nation et de l’imaginaire républicain, elle condense toute une série de difficultés qui rendent à peu près impossible une union solide entre les divers « courants» altermondialistes et les « nationaux-républicains» regroupés autour de Jean-Pierre Chevènement. Les altermondialistes sont pour la plupart postnationaux (à la fois régionalistes, européens et mondialistes), antimilitaristes, multiculturalistes et modernistes en pédagogie, là où le leader du Mouvement des citoyens défend l’Etat-nation comme forme supérieure de la communauté politique, plaide pour une intégration qui a toutes les apparences de 1′« assimilation» honnie par les postmodernes, et défend une école « républicaine» assez exigeante qui est à l’opposé de ce que souhaitent la plupart des libertaires. On remarquera du reste que, au moment des discussions sur les Indigènes de la République et sur la mémoire de l’esclavage, Jean-Pierre Chevènement (qui a toujours eu un jugement pour le moins nuancé sur le passé colonial) n’a en rien soutenu les nouvelles revendications et qu’il a par ailleurs vivement regretté que la République ne célèbre pas le souvenir d’Austerlitz.

DIALECTIQUE DE L’ÉMANCIPATION

Plus encore que les critiques de la mondialisation, les héritiers de la culture libertaire des années 1970 sont divisés devant les nouvelles revendications portées par les défenseurs des minorités. On l’a vu clairement au moment des discussions au sujet de la loi sur le port des signes religieux à l’école: une partie des féministes voit dans le foulard islamique un signe de soumission des femmes dont l’État républicain doit éviter qu’il soit imposé aux jeunes filles, là où d’autres considèrent qu’il peut être un moyen d’affirmer une cc identité» et qu’il doit être défendu comme tel. Plus encore, dans certains milieux radicaux, le mouvement « Ni putes, ni soumises» est accusé de participer à une stigmatisation « raciste» des jeunes (garçons) des cités, dont les comportements «sexistes» devraient donc être relativisés pour éviter d’alimenter la xénophobie26. Par contrecoup, certains défenseurs de la liberté sexuelle, féministes et/ou militant(e)s homosexuel(le)s, qui voient dans l’islamisme un des grands ennemis de leur cause, se trouvent conduits par la logique de leur position à considérer une partie de l’extrême gauche comme complice de l’oppression et de l’obscurantisme, en faisant un lien entre le « sexisme », 1′« homophobie» et d’autres formes d’intolérance comme l’antisémitisme. Le cas le plus célèbre est ici celui de Charlie Hebdo, qui a récemment pris le risque de publier les caricatures de Mahomet parues dans un journal danois, et dont le directeur Philippe Val voit dans l’attitude à l’égard des tendances les plus dures de l’islamisme un clivage central entre deux cultures de gauche opposées, qu’il n’est guère difficile de rapprocher d’autres divisions antérieures dans la gauche française. Très significative aussi est l’évolution de la revue Pro Choix, publiée par trois personnalités typiques du féminisme français, la chercheuse Fiametta Venner, la journaliste Caroline Fourest (elle-même journaliste à Charlie Hebdo) et la militante féministe Moruni Turlot. Cette publication, dont le titre fait référence aux mouvements améri­cains en faveur de l’avortement (ProChoice), se présente comme « une revue d’investigation, de réflexion et d’analyse au service de la défense des libertés individuelles menacées par l’essentialisme, le racisme, l’intégrisme et toute idéologie totalitaire ou anti­choix» et défend une conception extensive de la liberté individuelle qui, au-delà de la question de l’avortement, défend une ligne qu’on pourrait qualifier d’individualisme radical. Or les responsables de cette revue, dont les adversaires principaux furent d’abord la droite religieuse américaine et le conservatisme catholique, sont de plus en plus engagées dans un combat assez dur contre l’islamisme et, surtout, contre les complaisances à son égard de divers courants de la gauche et de l’extrême gauche (Verts, altermondialistes, sociologues critiques, etc.27). De ce fait même, elles entrent en conflit avec tout un pan de l’idéologie radicale d’aujourd’hui, où la défense des minorités ethniques côtoie les formes les plus louches de l’antiaméricanisme et de 1′« antisionisme » 28. Dans le dernier livre de Caroline Fourest, La Tentation obscurantiste29, celle-ci est ainsi conduite à présenter la division de la gauche devant la question islamiste comme une suite logique des divergences antérieures sur le communisme et le tiers-mondisme. Selon elle, il existe en effet deux sensibilités de gauche; la « sensibilité A» (prioritairement antitotalitaire) voit dans le nazisme le paradigme du mal: « Cette sensibilité-là est viscéralement attachée à la notion de liberté et traque en permanence la menace d’un nouveau danger totalitaire et/ou génocidaire. » La « sensibilité B » (prioritairement tiers-mondiste) s’oppose avant tout au « colonialisme»: «Cette sensibilité-là est viscéralement attachée ‘au droit à l’autodétermination et traque en permanence la manifestation du colonialisme et de l’impérialisme. » L’ouvrage de Caroline Fourest n’a pas manqué de susciter des réactions très vives, où la critique politique se mêlait de manière assez convenue à la mise en question, par des chercheurs en sciences sociales, de la légitimité «scientifique» des travaux d’une journaliste31, mais qui ont d’une certaine manière confirmé que le clivage qu’elle entendait mettre à jour était bien réel: ceux qui, à gauche, relèvent de la «sensibilité B» et veulent donc en finir avec la culture antitotalitaire en diabolisant le « libéralisme» ne manquent pas de dénoncer le virage à droite de Philippe Val et les compromissions réactionnaires, «bushiennes» et, bien entendu, sionistes, des rédactrices de ProChoix. L’avenir nous dira si la nouvelle «deuxième gauche» qu’appelle de ses vœux Caroline Fourest peut devenir un courant politique significatif dans la politique française, mais on peut déjà être certain que de nouveaux clivages sont en formation, dans lesquels les relations entre conservateurs, libéraux et libertaires vont connaître des mouvements assez profonds. Plus généralement, le débat autour des nouveaux thèmes radicaux traverse toute la gauche; or, dans un pays comme la France où, sans être toujours politiquement majoritaire, la gauche est idéologiquement hégémonique, cela signifie en fait qu’il pèse sur l’ensemble de la vie politique nationale, comme le montre, par exemple, le refus général de la référence libérale, y compris à droite. On peut évidemment considérer que tout cela n’est qu’un phénomène superficiel, et que la force des choses ne manquera pas, tôt ou tard, de réduire l’influence des courants les plus radicaux dès lors que le système politique aura « récupéré» une partie de leurs revendications. Mais on peut aussi envisager l’hypothèse que la ‘crise politique française soit assez profonde pour provoquer une percée durable de ces courants, comparable sur le plan électoral à celle qu’a effectuée l’extrême droite il y a bientôt vingt-cinq ans, mais en fait plus lourde de conséquences encore, du fait de la légitimité relative que la culture française reconnaît à l’extrême gauche alors qu’elle la dénie radicalement à l’extrême droite. Pour poser la question autrement, on est en droit de se demander si, comme le croyait François Furet, « la Révolution française est terminée » ; pour répondre à cette question, il est sans doute utile d’examiner ce qu’est devenue l’idée révolutionnaire dans la culture radicale d’aujourd’hui.

PHILIPPE RAYNAUD

http://alanhaye.wordpress.com/2010/09/17/t…ratie-radicale/

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