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L'échange inégal


Pegase

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Je vois ce concept un peu partout ces derniers temps dans les groupes communistes que j'ai le malheur de suivre.

 

Il aurait été développé par Arghiri Emmanuel. Si j'ai tout compris l'idée c'est :

- on assiste à une égalisation des taux de profit dans le monde (le capital circule davantage)

- cependant, les salaires entre le nord et le sud eux ne s'égalisent pas.

- en conséquence, les salaires augmentent au nord ce qui leur permet de capter les ressources et les biens produits par les pays du sud à bas coût.

 

Ce sera plus détaillé ici : https://en.m.wikipedia.org/wiki/Unequal_exchange

 

Ces théories sont en réalité assez vieilles. Les sciences économiques se sont penchées un peu dessus ? 

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Je crois qu'un point de vue autrichien dirait qu'il n'y a pas d'échange objectivement inégal, mais que chacun "préfère" ce qu'il retire de l'échange (moi le livre, le libraire mon argent). C'est le subjectivisme inhérent à la position autrichienne, qui est une radicalisation de la thèse de l'impossibilité de faire des comparaisons interpersonnelles d'utilités, mais qui conduit à une forme de théodicée de l'échange ou du moins de preuve par le fait ("tout ce qui arrive est juste, parce que si ça n'était pas juste, ça n'arriverait pas") (le contenu de l'argument est un avec sa forme: toute critique est reçue soit comme si toute autre approche était inconcevable ou absurde, soit comme si toute autre approche ne pouvait être qu'une "conception" arbitraire de la justice, ou une façon (arbitraire elle aussi) de la "définir" (comme une variable)). (C'est aussi ce qui rend le grand écart que les autrichiens tendance Rothbard font entre Mises et le jusnaturalisme pour le moins anachronique et acrobatique en cela.)

 

Quoting from An Austrian Perspective on the History of Economic Thought Before Adam Smith (pp. 16-17, my emphasis):

Citation

Aristotle's famous discussion of reciprocity in exchange in Book V of his Nichomachean Ethics is a prime example of descent into gibberish. Aristotle talks of a builder exchanging a house for the shoes produced by a shoemaker. He then writes: 'The number of shoes exchanged for a house must therefore correspond to the ratio of builder to shoemaker. For if this be not so, there will be no exchange and no intercourse'. Eh? How can there possibly be a ratio of 'builder' to 'shoemaker'? Much less an equating of that ratio to shoes/houses? In what units can men like builders and shoemakers be expressed?

 

The correct answer is that there is no meaning, and that this particular exercise should be dismissed as an unfortunate example of Pythagorean quantophrenia. And yet various distinguished historians have read tortured constructions of this passage to make Aristotle appear to be a forerunner of the labour theory of value, of W. Stanley Jevons, or of Alfred Marshall. The labour theory is read into the unsupportable assumption that Aristotle 'must have meant' labour hours put in by the builder or shoemaker, while Josef Soudek somehow sees here the respective skills of these producers, skills which are then measured by their products. Soudek eventually emerges with Aristotle as an ancestor of Jevons. In the face of all this elaborate wild goose chase, it is a pleasure to see the verdict of gibberish supported by the economic historian of ancient Greece, Moses I. Finley, and by the distinguished Aristotelian scholar H.H. Joachim, who has the courage to write, 'How exactly the values of the producers are to be determined, and what the ratio between them can mean is, I must confess, in the end unintelligible to me'.

 

Another grave fallacy in the same paragraph in the Ethics did incalculable damage to future centuries of economic thought. There Aristotle says that in order for an exchange (any exchange? a just exchange?) to take place, the diverse goods and services 'must be equated', a phrase Aristotle emphasizes several times. It is this necessary 'equation' that led Aristotle to bring in the mathematics and the equal signs. His reasoning was that for A and B to exchange two products, the value of both products must be equal, otherwise an exchange would not take place. The diverse goods being exchanged for one another must be made equal because only things of equal value will be traded. The Aristotelian concept of equal value in exchange is just plain wrong, as the Austrian School was to point out in the late nineteenth century. If A trades shoes for sacks of wheat owned by B, A does so because he prefers the wheat to the shoes, while B's preferences are precisely the opposite. If an exchange takes place, this implies not an equality of values, but rather a reverse inequality of values in the two parties making the exchange. If I buy a newspaper for 30¢ I do so because I prefer the acquisition of the newspaper to keeping the 30 cents, whereas the newsagent prefers getting the money to keeping the newspaper. This double inequality of subjective valuations sets the necessary precondition for any exchange.

 

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il y a 11 minutes, Vilfredo a dit :

Je crois qu'un point de vue autrichien dirait qu'il n'y a pas d'échange objectivement inégal, mais que chacun "préfère" ce qu'il retire de l'échange (moi le livre, le libraire mon argent).

... pour peu que l'échange soit libre, évidemment. (Je sais que tu sais, mais j'explicite pour ceux qui sont moins versés en économie).

 

Amusante citation de Rothbard sur Aristote, qui montre (en bon Américain qu'il était) qu'il est infoutu d'apporter une quelconque finesse d'esprit et d'interprétation à sa lecture de la philosophie antique (caractère qui me semble partagé avec l'ensemble des "austro-rationalistes", on passera le bonjour à Popper).

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il y a 8 minutes, Rincevent a dit :

pour peu que l'échange soit libre,

Certes, mais “libre” veut dire que personne ne me force. La non-force s’observe à ce que mes préférences soient satisfaites. Donc à ce que l’échange (si je le souhaite) ait lieu. Donc on tourne en rond.

 

il y a 1 minute, Lancelot a dit :

Quelle serait l'interprétation fine en l'occurrence ?

Elle interpréterait le point d’aristote ontologiquement: il y a des rapports de mesure entre toutes choses (qui sont naturels). Aristote écrit “must” (je n’ai pas envie d’aller chercher le grec): c’est un principe. Ce n’est ni une description relative à des agents ou sujets, ni une prescription éthique normative telle qu’on la conçoit après que les positivistes ont absolutisé la dichotomie fait/valeur.

 

Il est vrai que la lecture d’aristote demande une decontextualisation telle qu’on se demande comment le texte peut rester intelligible pour nous, et c’est ce genre de problèmes (épistémologiques en fait) que des gens comme Strauss essaient de traiter.

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Au passage, même argument pour Platon (puisque Rincevent citait Popper): on peut dire que la république est une utopie si on comprend la réalité à partir de l’économie, des sciences empiriques comme définitoires de ce qui est, et si on pense que ce qui mène le monde est l’appétit et le désir de puissance. Sauf que la philosophie de Platon défend tout le contraire: qu’il y a des réalités qui existent seulement pour l’intelligence (et qui sont, au degré maximal même), l’intelligence est “plus forte” que la partie désirante et la plus haute science n’est pas empirique, mais (la) dialectique.

 

/digression marronnier Platon 

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il y a une heure, Vilfredo a dit :

mais que chacun "préfère" ce qu'il retire de l'échange


Avec deux caveat :

- pas de fraude 

- au moment où l’échange se fait (les gens ont des regrets).

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1 hour ago, Vilfredo said:

Elle interpréterait le point d’aristote ontologiquement: il y a des rapports de mesure entre toutes choses (qui sont naturels). Aristote écrit “must” (je n’ai pas envie d’aller chercher le grec): c’est un principe. Ce n’est ni une description relative à des agents ou sujets, ni une prescription éthique normative telle qu’on la conçoit après que les positivistes ont absolutisé la dichotomie fait/valeur.

 

Il est vrai que la lecture d’aristote demande une decontextualisation telle qu’on se demande comment le texte peut rester intelligible pour nous, et c’est ce genre de problèmes (épistémologiques en fait) que des gens comme Strauss essaient de traiter.

J'admets bien volontiers qu'en tous cas ce n'est pas très intelligible pour moi, au final ce que j'en conclus (et tu peux me corriger si je me trompe) est que toute interprétation de ce passage d'Aristote pour fonder, attaquer ou défendre une théorie économique moderne est nécessairement hors sujet.

Si c'est le cas Rothbard s'égare peut-être en qualifiant le passage de "gibberish" ou fallacieux (ou peut-être pas tant que ça d'ailleurs si on considère qu'il parle du point de vue de l'économie moderne), mais il est pertinent quand il critique les "tortured constructions of this passage to make Aristotle appear to be a forerunner of the labour theory of value, of W. Stanley Jevons, or of Alfred Marshall". Quelque part ce n'est pas à Aristote lui-même qu'il s'attaque mais à l'interprétation moderne d'Aristote au service de telle ou telle théorie.

D'un point de vue personnel je considère que bien souvent chercher à faire mousser sa théorie en se réclamant d'un vieux grec (ou d'un vieil allemand ou autre, on se comprend) relève de la coquetterie et n'a pas lieu d'être.

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Les vieux grecs ont l’avantage de faire ressortir des présupposés des modernes. (Par exemple que la justice dune situation ou dun échange est relative aux agents; ce n’est pas très clair pour moi la différence entre juste et libre dans cette perspective (autrichienne) (“libre”, en revanche, pourrait être plus étroitement relié à l’agent, explicitement d’ailleurs dans l’éthique à nicomaque)).

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Je ne suis pas sûr qu'on puisse faire dire aux anciens des choses sur les modernes (faire ressortir leurs préjugés et ce qui s'ensuit) et en même temps interdire aux modernes de dire des choses sur les anciens. D'une part parce que ça implique que ça soit un moderne qui se serve d'un ancien pour critiquer un autre moderne, et il y a donc nécessairement dans la boucle une interprétation de l'ancien par un moderne (donc quelque part c'est recadré en débat moderne contre moderne et je me retrouve encore une fois à me demander si impliquer l'ancien là dedans était réellement nécessaire), et d'autre part parce qu'il me semble qu'on devrait être cohérent : soit c'est interprétable dans les deux sens, soit c'est ininterprétable (ou difficilement interprétable mais je schématise) dans les deux sens, mais pourquoi l'ancien aurait-il une position plus privilégiée que le moderne ? À la limite l'inverse aurait plus de sens puisque le moderne peut étudier l'ancien alors que l'inverse est plus compliqué.

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il y a 1 minute, Lancelot a dit :

interdire aux modernes de dire des choses sur les anciens.

Le point de vue de Strauss et de bien d'autres, c'est que pour que les Modernes puissent dire des choses sur les Anciens, il n'est pas inutile que les premiers tentent de comprendre ce que voulaient réellement dire les derniers. Si toute traduction est au moins un peu traitresse, ce n'est pas nécessairement un luxe de tenter d'en avoir de moins traitresses ou moins réductrices que d'autres, et de les croiser (puis de leur ajouter ce que l'histoire sait de l'époque) pour tenter de saisir ce que ces gens assez lointains pouvaient avoir à dire sur des problèmes qui ne sont peut-être pas si différents des nôtres. Mais prendre la première traduction venue pour la lire en diagonale et en tirer des jugements à l'emporte-pièce sur des auteurs qui n'étaient pas forcément plus bêtes que nous, ça ne me semble ni sérieux ni raisonnable.

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il y a 13 minutes, Lancelot a dit :

D'une part parce que ça implique que ça soit un moderne

Moderne est une façon de penser. Leo Strauss n'est pas un philosophe moderne, même s'il écrit au XXe.

 

Je ne pense pas qu'il s'agisse d'interdire quoi que ce soit. Il y a une critique moderne (postmoderne) des "anciens": depuis Nietzsche, on a considéré que la métaphysique telle qu'elle a été instituée avec Platon (avec un partage entre sensible et intelligible) a été limitante (pour la pensée, la culture, l'humain etc), et la déconstruction de sa pierre fondatrice, l'ontologie, a ouvert de nouvelles "pratiques" (pas des pratiques) philosophiques qui sont souvent anti-platoniciennes ou tournées contre une certaine conception de la métaphysique classique (phénoménologie, déconstruction à proprement parler, et même la critique kantienne ou la philosophie du langage). Ce n'est pas la même chose que de faire de la philosophie dans l'ignorance bienheureuse des limites ou des impensés de son cadre de réflexion, pour dire les choses de façon un peu floue mais générale. Et ce même si certaines de ces "pratiques" à leur tour sont 1° plus ou moins auto-conscientes de leurs limitations (cette position du problème est elle-même philosophiquement déterminée (mais, cette position étant la position qu'elle est, ce n'est pas totalement un problème): c'est Hegel qui relit l'histoire de la philosophie comme l'histoire d'une prise de conscience de soi) et 2° plus ou moins sujettes à de telles limitations (et parfois l'un en conséquence de l'autre). Le truc méta devient bien sûr de maximiser le niveau d'invulnérabilité "critique" sans n'avoir plus rien à dire (et c'est difficile).

 

Par contre, je pense que l'attitude qui consiste à privilégier absolument l'Ancien sur le Moderne n'est pas absente (de Strauss par exemple), mais je n'avais pas Strauss en tête en particulier en écrivant le point sur le pouvoir "décontextualisant" des Grecs.

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