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Le Révisionnisme En Histoire


Taranne

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De la Révolution à Auschwitz

par Jean Blain

Lire, mars 2006

Dans un esssai, Domenico Losurdo démonte les thèses révisionnistes. Un exercice salutaire!

Le juriste et politologue allemand Carl Schmitt, dont une polémique récente est venue rappeler le rôle qu'il avait joué dans l'idéologie nazie, est à l'origine de la lecture «révisionniste» de l'histoire contemporaine, à l'analyse critique de laquelle est consacré l'ouvrage du philosophe italien Domenico Losurdo, Le révisionnisme en histoire. La thèse de Schmitt consiste à affirmer que le projet révolutionnaire - du jacobinisme au bolchevisme - aurait inventé la figure de l' «ennemi absolu» et lui aurait déclaré une guerre «totale» sans règles ni limites, avec pour conséquence inéluctable les exactions en tout genre qui ont marqué l'histoire du XXe siècle. L'ennemi, cessant d'être protégé par les lois et étant désormais purement et simplement assimilé à un bandit, aurait été dès lors livré à la vindicte du vainqueur, comme cela fut le cas, juge Schmitt, lors du traité de Versailles ou du procès de Nuremberg. D'où la conclusion: la tradition révolutionnaire ayant inauguré l'ère du fanatisme et du massacre de masse, le nazisme ne serait lui-même - nous sommes là au cœur de la thèse révisionniste - qu'un avatar parmi d'autres de cette tradition et perdrait ainsi son caractère exceptionnel, Hitler n'ayant finalement fait qu'imiter la violence sanguinaire de ses ennemis et lui répondre.

L'historien allemand Ernst Nolte s'est employé, dans les années 1980, à revisiter l'histoire de la Seconde Guerre mondiale dans cette perspective et à défendre l'idée selon laquelle la politique nazie - Shoah comprise - n'aurait été qu'une politique de «contre-anéantissement». Les thèses de Nolte, qui ont soulevé une vive polémique en Allemagne, ont en revanche trouvé chez nous un accueil favorable, voire complaisant, chez l'historien François Furet, lui-même engagé dans une entreprise, plus politique qu'historique, de réévaluation de la Révolution française, origine présumée de tous nos maux. La revendication révolutionnaire de l'égalité abstraite et universelle entre tous les hommes ne pouvait en effet, estime Furet, que conduire au manichéisme et au fanatisme idéologique et engendrer la Terreur, inspiratrice à son tour des crimes de l'époque contemporaine - Furet opposant ici à la «mauvaise» révolution française, fanatique et sanglante, ces «bonnes» révolutions pacifiques qu'auraient été les révolutions anglaise et américaine inspirées par la tradition libérale anglo-saxonne.

Contre ce révisionnisme historique, Domenico Losurdo commence par rappeler que les histoires anglaise et américaine n'ont rien à envier à la nôtre en matière de violence: les Indiens d'Amérique ont été victimes, on le sait, d'un authentique génocide, et les Anglais se sont livrés en Ecosse puis en Irlande, à partir du XVIe siècle, à une politique d'extermination infiniment meurtrière (quel rapport? - T.). Domenico Losurdo récuse enfin la thèse selon laquelle les crimes nazis n'auraient fait que copier la violence bolchevique, elle-même parente de la Terreur révolutionnaire française. Il s'attache au contraire à montrer que rien ne vient attester cette filiation. Tandis que la violence révolutionnaire s'accompagne toujours, dans ses pires excès, d'une condamnation ou délégitimation morale et politique de l'ennemi (le «contre-révolutionnaire», l' «ennemi de classe», etc.), le nazisme se caractérise, en revanche, par une négation pure et simple de l'humanité de l'autre et sa «racisation». Il montre que, loin d'avoir sa source dans l'idéologie égalitariste révolutionnaire, comme le prétendent les révisionnistes, cette négation de l'humanité de l'autre plonge sans doute plutôt ses racines dans la tradition coloniale, que le IIIe Reich, en quête d'espace vital, a lui-même reprise et radicalisée.

Domenico Losurdo - à la différence des historiens révisionnistes - ne cherche pas quant à lui à excuser les crimes des uns par ceux des autres, mais nous rappelle simplement qu'on ne gagne rien à abdiquer, en histoire, le sens des nuances et des différences. Et quoi qu'il en soit de telle ou telle de ses hypothèses et de ses interprétations, on ne saurait trop recommander la lecture de ce livre riche et précisément argumenté, tant y est salutaire l'examen critique d'une mystification, qui revient à exonérer à bon compte le nazisme de ses crimes en faisant pour ainsi dire porter à 1789 la reponsabilité d'Auschwitz.

Non, ca ne vient pas du Monde Diplo, mais bien de Lire:

http://www.lire.fr/critique.asp/idC=49686/idR=210/idG=7

Je serais curieux de connaître l'opinion des historiens professionnels ou amateurs de ce forum.

UPDATE. Mouais bon, on comprend mieux:

http://netx.u-paris10.fr/actuelmarx/m4act.htm

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Non, ca ne vient pas du Monde Diplo, mais bien de Lire:

http://www.lire.fr/critique.asp/idC=49686/idR=210/idG=7

Je serais curieux de connaître l'opinion des historiens professionnels ou amateurs de ce forum.

UPDATE. Mouais bon, on comprend mieux:

http://netx.u-paris10.fr/actuelmarx/m4act.htm

Bof ! N'étant pas historien professionnel, ni même amateur, mais amateur d'histoire, les conflits entre écoles je m'en tape. L'orientation générale des études historiques est essentiellement politique car on dispose d'infiniment moins de documents pour étudier l'économie. Or en politique l'ère des révolutions (fin du 18éme première moitié du 19éme) c'est la prise de conscience par les élites cultivées, mais non intégrées au systéme politique dominant, que cette domination n'avait rien d'inéluctable et d'éternel. Il y a donc eu remise en question, en europe, du systéme monarchique et nobiliaire.

Bon ! Mais une fois qu'on a changé l'agencement interne du pouvoir la rivalité entre systémes politiques demeure. En d'autres termes qu'on ait affaire à des dictatures ou à des démocraties les risques d'affrontements perdurent. On a toujours le même jeu compliqué d'alliances et de rapports de forces. On peut invoquer des motifs religieux, ethniques, l'histoire elle même (contentieux historique), géographiques (accès aux mers chaudes ou a des détroits, libre circulation des mers…) noirceur foncière du régime politique (figurez vous ma bonne dame que ce n'est pas une démocratie…) accés à des ressources etc…

Mais tous ces motifs ne sont à mes yeux que des prétextes.

Maintenant pour me prononcer sur le fond de l'article que tu nous soumets il semble effectivement que les marxistes orthodoxes montent au créneau pour défendre ce que j'appellerai l'esprit de 1793, et ils le font à partir de la polémique récente sur les "bienfaits de la colonisation". Le mal en gros, nous disent ils, vient d'un esprit colonial (dont ils vont nous expliquer plus tard, j'en prends les paris, qu'il s'agit d'une émanation du capitalisme) et la preuve nous en est apporté par hitler avec son obsession de l'espace vital. La conclusion viendra plus tard sous la forme d'un accommodement du théme : "l'impérialisme, stade suprême du capitalisme"

Nous serons alors peut être amené à leur rappeler que "Ferry Tonkin" n'était pas vraiment Boulangiste, que le petit père Adolf n'a pas choisi le rouge de son drapeau par hasard, et que l'oeuvre pionnière (pour parler comme le monde diplo) en matière d'antisémitisme en France est celle d'un certain Toussenel, grand socialiste devant l'éternel.

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L'intérêt de la "pensée" de gauche, c'est sa grande malléabilité.

Exemple, durant l'entre-deux guerres, les marxistes considéraient que le fascisme et le nazisme étaient l'expression de la réaction capitaliste contre le communisme. Quarante ans plus tard, Nolte a sensiblement la même analyse, mais là c'est évidemment une preuve de son fascisme.

Remarquez par ailleurs la manière dont on excuse et masque les crimes de la révolution française, par la condamnation "morale" de l'adversaire. C'est à pisser de rire quand on y pense; un socialiste "moral", c'est l'équivalent politique d'une pute vierge. L'impudence de ces charognes ne connait décidément aucune limite.

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Ce que l'on ne pardonne pas à Nolte et à Furet est d'avoir établi une parenté idéologique entre le communisme et le nazisme. D'après Nolte, l'URSS et l'Allemagne Nazie ne seraient finalement que l'image dans un miroir l'une de l'autre. La violence et la grossièreté de l'attaque dont il est la victime démontre l'hypocrisie de la dénonciation du totalitarisme soviétique par l'extrême-gauche, qui est en réalité encore nostalgique de la Mère-patrie bolchevique.

EDIT: d'après http://netx.u-paris10.fr/actuelmarx/num35.htm, Domenico Losurdo est "président de l'association Hegel-Marx pour la pensée dialectique". Sans commentaire.

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Ce que l'on ne pardonne pas à Nolte et à Furet est d'avoir établi une parenté idéologique entre le communisme et le nazisme. D'après Nolte, l'URSS et l'Allemagne Nazie ne seraient finalement que l'image dans un miroir l'une de l'autre. La violence et la grossièreté de l'attaque dont il est la victime démontre l'hypocrisie de la dénonciation du totalitarisme soviétique par l'extrême-gauche, qui est en réalité encore nostalgique de la Mère-patrie bolchevique.

Plus précisément, ce que les bien-pensants reprochent à Nolte est d'avoir écrit que le totalitarisme nazi s'expliquait comme une réaction au totalitarisme bolchevique (thèse que les mêmes auraient pourtant soutenue il y a 40 ou 50 ans en y voyant la main de la "bourgeoisie industrielle") et surtout qu'il lui a emprunté ses méthodes criminelles. L'antériorité des crimes communistes, en somme, est aujourd'hui encore niée par les propagandistes bolcheviques.

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C'est d'autant plus "comique" qu'elle est revendiquée dans les écrits des principaux intéressés, des inconnus appelés Lénine, Trotsky,…

Il me semble qu'aujourd'hui plus que jamais, un anti-communisme de combat est une nécessité.

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A noter que les réponses à Furet et au Livre Noir se font toujours à peu près sur le même mode, à savoir convocation d'historiens ou de "spécialistes" dont on "oublie" de mentionner qu'ils sont d'anciens cocos ou des marxistes actifs. Pour autant qu'on puisse en juger, aucun historien ou philosophe n'ayant pas un intérêt direct dans la question n'a jamais attaqué Furet, Nolte ou Courtois. On est donc bien dans l'idéologie, pas dans l'Histoire.

Tenez, pour dégueuler un peu (s'il vous reste quelque chose à vomir bien entendu)

http://www.monde-diplomatique.fr/2002/11/LACROIX_RIZ/17037

http://www.regards.fr/archives/1997/199712/199712pla01.html

http://biosoc.univ-paris1.fr/actu/livres/lsdc3.htm

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C'est d'autant plus "comique" qu'elle est revendiquée dans les écrits des principaux intéressés, des inconnus appelés Lénine, Trotsky,…

Lesquels n'étaient pas avares de métaphores zoologisantes, anticipant en cela Hitler et consorts. Djerzinski recommandait ainsi, dès 1918, d'employer de "mesures prophylactiques" (sic) en écrivant par exemple: "les plus efficaces sont les prises d'otages parmi la bourgeoisie, à partir de des listes que vous avez établies pour les contributions exceptionnelles levées sur les bourgeois (…) L'arrestation et l'enfermement de tous les otages et suspects dans des camps de concentration." No comment.

Il me semble qu'aujourd'hui plus que jamais, un anti-communisme de combat est une nécessité.

Absolument, vu la persistance de la nostalgie bolcho en France et même, dans une moindre mesure, en Belgique francophone.

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Plus précisément, ce que les bien-pensants reprochent à Nolte est d'avoir écrit que le totalitarisme nazi s'expliquait comme une réaction au totalitarisme bolchevique (thèse que les mêmes auraient pourtant soutenue il y a 40 ou 50 ans en y voyant la main de la "bourgeoisie industrielle") et surtout qu'il lui a emprunté ses méthodes criminelles. L'antériorité des crimes communistes, en somme, est aujourd'hui encore niée par les propagandistes bolcheviques.

Si ce n'était que ça! Ils l'accusent plus ou moins violemment d'être un crypto-négationniste:

Les historiens intentionnalistes et les historiens fonctionnalistes, contrairement aux pseudo-révisionnistes qui sont en réalité des négateurs du génocide, ne contestent pas la véracité du génocide, mais divergent quant à l'interprétation, à l'explication de la politique d'extermination mise en œuvre dans le cadre de la « solution finale » ( 10 ) .

Dès les années 1950, les historiens intentionnalistes tels que Léon POLIAKOV ( 11 ) et Raül HILBERG ( 12 ) considèrent que la « solution finale » procède d'une volonté systématique d'extermination des « sous-hommes », inhérente à l'idéologie nazie, inscrite dans Mein Kampf et exprimée ouvertement dès avant l'arrivée au pouvoir d'Hitler en Allemagne, mise en œuvre avec obstination à partir de 1933 à travers les mesures antisémites des nazis, et conduisant tout droit au génocide symbolisé par Auschwitz-Birkenau.

Les historiens intentionnalistes privilégient la responsabilité d'Hitler et des nazis, définissent le génocide comme un mal absolu programmé par Hitler et les nazis.

Dans les années 1980, les historiens fonctionnalistes allemands tels que Ernst NOLTE et Klaus HILDEBRAND, sans nier la réalité du génocide, ont tenté d'en donner une interprétation différente et double.

Tout d'abord, les historiens fonctionnalistes avancent l'idée que le système nazi n'était pas aussi monolithique qu'on le croyait jusqu'alors, qu'il était traversé de rivalités, de divisions, de contradictions, qu'il n'y avait pas qu'un seul centre de décision entièrement entre les mains d'Hitler, mais plusieurs centres de décision, impliquant un fonctionnement complexe.

Les historiens fonctionnalistes mettent aussi en avant le poids des circonstances, insistent sur le fait qu'avec l'invasion de l'Union soviétique en juin 1941, la guerre a changé de nature, et placé l'Allemagne hitlérienne dans une spirale de radicalisation, dans une sorte d'engrenage qui aurait conduit à la mise en œuvre de la « solution finale ».

Les thèses fonctionnalistes aboutissent à élargir le cercle des responsabilités trop strictement limité à HITLER et à son entourage immédiat, à l'ensemble des nazis, à la Wehrmacht, au peuple allemand, à ses alliés, avec le risque de minimiser la responsabilité spécifique des nazis et finalement le risque de banaliser le génocide des Juifs.

Le débat engagé entre historiens intentionnalistes et historiens fonctionnalistes, qui a permis de relancer et de renouveler l'analyse historique concernant la nature du nazisme et le fonctionnement du système nazi, ne porte pas que sur l'alternative entre un génocide prémédité et programmé ou au contraire un génocide circonstanciel, résultat d'un engrenage.

Les historiens fonctionnalistes allemands, en particulier l'historien conservateur et nationaliste Ernst NOLTE ( 13 ), ont aussi ouvert une brèche à ceux qui tentent de remettre en cause la singularité, l'unicité du génocide des Juifs perpétré par les nazis et qui, sous prétexte de normaliser, d'objectiver le passé de l'Allemagne, présentent la violence nazie comme une réaction à la violence communiste, les camps d'extermination nazis comme la réponse au goulag communiste et stalinien, l'« extermination de race » comme la riposte à l'« extermination de classe ».

L'effondrement du communisme en Europe de l'Est, la disparition de l'Union soviétique et la réunification de l'Allemagne ont contribué à raviver les thèses des « révisionnistes » allemands qui veulent effacer ce qu'ils appellent « le mythe négatif du mal absolu » symbolisé par Auschwitz, qui cherchent à banaliser le nazisme et le génocide des Juifs, voire à le justifier, à le légitimer, en renversant les termes du débat et en présentant la « solution finale » comme un acte d'autodéfense face au véritable « mal absolu » qui, selon eux, est le communisme bolchevique stalinien symbolisé par le Goulag.

Cette pseudo historicisation ou mise en perspective historique du génocide pose en postulat « l'antériorité du goulag, seul véritable mal absolu », tandis que le nazisme et le génocide ne seraient finalement que des « accidents de parcours » dans la riposte légitime au totalitarisme communiste, présenté comme plus dangereux que le totalitarisme nazi ou fasciste ( 14 ).

http://www.crdp-reims.fr/memoire/enseigner/memoire_vichy/12shoah.htm

Ou encore:

Au milieu des années 1980, l'attitude de certains politologues et historiens allemands, principalement Ernst Nolte, Andreas Hillgruber et Michael Stürmer, qui tenaient un discours relativiste sur le nazisme et le génocide, fut violemment critiquée par Jürgen Habermas. Des échanges acerbes, principalement dans la grande presse eurent lieu, qui furent baptisés de « querelle des historiens ». A ce propos on se reportera à Ian Kershaw, Qu'est-ce que le nazisme? Problèmes et perspectives d'interprétation, Folio histoire, nouvelle édition, 1997. On trouvera les principaux articles de ces échanges dans Devant l'histoire. Les documents de la controverse sur la singularité de l'extermination des Juifs par le régime nazi, Cerf, 1988. Nolte a depuis, basculé dans un négationnisme édulcoré (interview au JHR, correspondance avec la soeur de Faurisson et Faurisson lui-même, reprise de « l'argumentaire » négationniste, fourni par Faurisson, dans l'ouvrage commun avec François Furet, qui n'a rien relevé, dans Fascisme et Communisme, Plon, 1998, p. 87-95.

http://www.phdn.org/negation/negainter/forumfr.html

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J'avais lu dans le magazine L'histoire une interview de Zeev Sternhell, qui disait à peu près la même chose : il est très dangereux d'associer fascisme et communisme, la révolution française n'a rien en commun avec les totalitarismes du vingtième, les anti-rationnalistes sont mis sur le même pied que les nazis, etc. En clair du grand n'importe quoi, j'ai jamais lu un truc aussi nul ; y'a de tout partout, l'auteur se contredit quasiment, et se permet de commenter des auteurs qu'il n'a pas lu (par exemple Burke, vu les conneries qu'il a raconté à son propos il n'en a àmha pas lu une page)

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J'avais lu dans le magazine L'histoire une interview de Zeev Sternhell, qui disait à peu près la même chose : il est très dangereux d'associer fascisme et communisme, la révolution française n'a rien en commun avec les totalitarismes du vingtième, les anti-rationnalistes sont mis sur le même pied que les nazis, etc. En clair du grand n'importe quoi, j'ai jamais lu un truc aussi nul ; y'a de tout partout, l'auteur se contredit quasiment, et se permet de commenter des auteurs qu'il n'a pas lu (par exemple Burke, vu les conneries qu'il a raconté à son propos il n'en a àmha pas lu une page)

Oui, j'ai aussi lu cette interview. Sternhell s'y est, à mon avis, exprimé bien plus en député travailliste qu'en historien rigoureux. Pourtant, il vaut beaucoup, beaucoup mieux que cela. Ses travaux historiques sur l'histoire du fascisme et du nationalisme français sont désormais des classiques.

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N'ayant guère de temps aujourd'hui, je signale simplement que je partage en gros les opinions des intervenants sur le sujet.

Les crimes de gauche sont toujours fait en toute bonne conscience car pour la bonne cause : on massacre mais on ne nie pas l'humanité de ceux que l'on massacre (ben voyons) c'est juste de la vermine qu'on écrase.

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Le problème de la recherche des origines d'une idéologie est qu'il n'y a pas de science des idéologies comme il y a une science économique avec des méthodes, des règles de raisonnement,etc.

Donc chacun peut dire à peu près ce qu'il veut. Je me suis posé la même question hier en réflechissant aux origines du libéralisme en occident et du lien avec la religion chrétienne…

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Si ce n'était que ça! Ils l'accusent plus ou moins violemment d'être un crypto-négationniste:

http://www.crdp-reims.fr/memoire/enseigner/memoire_vichy/12shoah.htm

Ou encore:

http://www.phdn.org/negation/negainter/forumfr.html

Enfin tout cela n'a pas l'air très nouveau si l'on en juge par ce que disait Revel en 2000 dans :

Faut il bruler Nolte ?

Déjà connu en France par son histoire du fascisme européen (1), l'historien allemand Ernst Nolte déclencha un concert de clabauderies outre-Rhin lorsqu'il publia, en 1987, sa « Guerre civile européenne, 1917-1945 ». Pourquoi ce raffut idéologique, connu sous le nom de « querelle des historiens », qui donna naissance à une trentaine d'ouvrages et à plus de douze cents articles ?

Il tient à l'originalité même de l'interprétation de Nolte. Elle consiste à montrer qu'il existe un « noeud causal » entre la révolution bolchevique et l'émergence des fascismes à l'Ouest.

En effet, le communisme ne se borne pas à instaurer la guerre civile permanente en Russie même. Il la déclare à toute l'Europe. A peine finie la Première Guerre mondiale, Lénine transporte la guerre entre classes dans plusieurs pays européens, où les partis communistes, récemment créés, jouent le rôle de corps expéditionnaires.

C'est, en 1919, la « république des Conseils » de Bela Kun en Hongrie ; c'est le mouvement Spartakus en Allemagne, dont l'échec n'empêche pas le PC allemand de croître en puissance durant les années 20. En France, la scission de Tours, en 1920, sépare les socialistes résolus à rester autonomes de ceux qui se transforment en soldats volontaires de Moscou.

A l'origine de la montée des fascistes en Italie, puis des nazis en Allemagne, on trouve un réquisitoire contre le parlementarisme démocratique, jugé trop faible pour barrer la route aux Partis communistes, désormais fer de lance de l'URSS. Le fascisme et le nazisme naquirent comme des contre-feux au léninisme, mais -- et c'est là tout le paradoxe -- ils en copièrent les méthodes pour mieux le refouler. Les trois totalitarismes eurent en commun leur haine du libéralisme, leur instauration d'un Etat omnipotent incarné par un chef unique et sacralisé, leur organisation de la répression policière et culturelle, enfin leur logique exterminatrice, surtout les nazis et les communistes. François Furet, qui, en citant Nolte dans son « Passé d'une illusion », en 1995, contribua opportunément à lui faire franchir le barrage de la police intellectuelle française, montre que le communisme fut pour le nazisme à la fois la cible à détruire et le modèle à imiter, en ce sens que Lénine avait légitimé « la violence pure érigée en système de gouvernement ». Furet poursuit : « Issus du même événement, la Première Guerre mondiale, les deux grands mouvements idéologiques de l'époque se définissent largement l'un par rapport à l'autre… La relation dialectique entre communisme et fascisme est au centre des tragédies du siècle. » La mutuelle hostilité des deux totalitarismes était donc ambiguë. Elle se doublait d'une complicité qui aboutit au Pacte germano-soviétique de 1939. Elle les rapprochait dans une identique volonté d'anéantir la liberté dont héritèrent plus tard Mao, Kim Il-sung, Hô Chi Minh, Castro ou Pol Pot, tous sosies de Lénine et de Staline.

A partir de 1945, le communisme se répand dans le monde et, en même temps, se retrouve seul face à la démocratie, son véritable ennemi de toujours. A la guerre civile européenne succède ce que Nolte appelle la guerre idéologique mondiale, dont il situe le point final en 1991, année où se désagrège l'Union soviétique. Mais nous voyons bien que cette guerre dure encore aujourd'hui, quoique dans le vide. Faute de « socialisme réel », elle est désormais privée de tout enjeu concret. Or c'est précisément ce néant politique qui ouvre un nouveau champ libre à la pléthore idéologique.

Déjà lors de la « querelle des historiens » contre Nolte, nombre d'intellectuels allemands prenaient parti pour le communisme au moment même où il était en train de disparaître.

Comble de perspicacité, la mode était alors, en Allemagne, de considérer la RDA comme le noyau d'une future Europe progressiste ! Jürgen Habermas, en 1997, flétrissait chez Nolte une « philosophie de l'Otan, aux couleurs du nationalisme allemand » qui tendait à déguiser l'Union soviétique en une puissance hostile. Deux ans plus tard, le vent des peuples soulevés avait balayé ces âneries, dont les auteurs, toujours sûrs d'eux et donneurs de leçons, n'en continuent pas moins de pérorer.

Comparer entre eux les deux grands partis-Etats idéologiques du XXe siècle était encore interdit voilà quinze ans et le demeure dans une large mesure. C'est pourquoi l'ouvrage de Nolte fut plus attaqué que lu. Or ce qui est vrai de tout livre sérieux l'est encore plus de celui-ci : l'analyse, le résumé, si scrupuleux soient-ils, ne peuvent remplacer la lecture intégrale, à conseiller en l'espèce d'autant plus vivement que « La guerre civile européenne » est servi par une traduction d'une exceptionnelle qualité. A chaque page, on trouve sous la plume de Nolte la thèse et ce qui nuance la thèse.

C'est le cas, en particulier, pour la formule de Nolte la plus controversée, lorsqu'il parle de « noyau rationnel » de l'antisémitisme hitlérien. Elle permit aux « néo-antifascistes » de le traiter de révisionniste, injure qui, comme dit Stéphane Courtois dans sa préface, ne déshonore que leurs auteurs. Nolte ne veut aucunement dire que l'antisémitisme nazi fut fondé en raison, encore moins justifié. Il veut dire que tout thème de propagande, pour avoir prise sur le réel, doit nécessairement rencontrer une aspiration dans les masses qu'il veut mobiliser. L'efficacité politique suppose toujours une certaine rationalité et la plus démente des idéologies doit unir folie et réalisme pour fonctionner.

Ainsi, le « noyau rationnel » du communisme, c'est qu'il faut exterminer tous les « ennemis de classe » potentiels. En 1918, Grigori Zinoviev déclare qu'a priori il faudra fusiller 10 millions de Russes, soit un dixième de la population. En 1934, un auteur soviétique écrit, après les massacre des koulaks: « Aucun d'entre eux n'était coupable de quoi que ce fût ; mais ils appartenaient à une classe coupable de tout. » La même année, Staline ordonne à Iejov de faire exécuter « non seulement les ennemis du peuple, mais les épouses des ennemis du peuple ».

L'acte fondateur, le « code génétique » des deux totalitarismes est le crime de masse, dont les victimes sont désignées en fonction de ce qu'elles sont et non pas de ce qu'elles ont fait.

« La guerre civile européenne, 1917-1945. National-socialisme et bolchevisme », d'Ernst Nolte. Traduit de l'allemand par Jean-Marie Argelès, préface de Stéphane Courtois (Edition des Syrtes, 672 pages, 218 F).

1. « Le fascisme dans son époque », d'Ernst Nolte, 3 volumes (Julliard, 1970).

Ernst Nolte

Né le 11 janvier 1923 à Witten, Ernst Nolte est, dans le milieu intellectuel allemand, aussi célèbre que controversé. C'est Martin Heidegger, entre autres, qui lui enseigne la philosophie. En juin 1986, il se fait véritablement connaître avec un article qui provoque une polémique intense outre-Rhin. Son texte, intitulé « Un passé qui ne veut pas passer », tente de démontrer qu'on ne peut comprendre le nazisme si l'on oublie que le bolchevisme l'a précédé. Bref, que le goulag est antérieur aux camps de la mort. Nolte est alors taxé de « révisionniste » et Habermas lui répond violemment en l'accusant de banaliser la Shoah. Ainsi, en 1987, éclate la fameuse « querelle des historiens ». Par la suite, l'historien François Furet rend un hommage très appuyé à Nolte dans « Le passé d'une illusion ». Il s'ensuit une correspondance entre les deux hommes, publiée sous le titre « Fascisme et communisme » (Plon).

Le Point, 12 mai 2000

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Enfin tout cela n'a pas l'air très nouveau si l'on en juge par ce que disait Revel en 2000 dans :

Faut il bruler Nolte ?

Le Point, 12 mai 2000

J'espère qu'il est possible de faire référence à Revel dans ce fil (l'anticommunisme étant tempéré ailleurs par les disputes entre néocons et anarcaps).

cf aussi autre article : Nazisme-communisme : l'éternel retour des tabous (10 octobre 1998) reproduit dans

Fin du siècle des ombres

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  • 4 weeks later...

Pour rigoler un peu, un vibrant hommage à Lusardo sur un site dont vous me direz des nouvelles.

Il peccato originale del Novecento, Domenico Losurdo

Sous le titre Il peccato originale del Novecento, Domenico Losurdo (*) a publié en 1998, aux éditions Laterza un court essai qui répondait aux déferlements de commentaires qui ont accueilli la publication du Livre noir du communisme sous la direction de Stéphane Courtois.

Losurdo dénonce tout d'abord la manière dont les chiffres sont utilisés par les auteurs du Livre Noir. Relayés complaisamment par les médias, ils sont censés dispenser le lecteur de tout autre raisonnement. La montagne de cadavres - 100 millions de morts - est dissuasive. Pourtant cette comptabilité ne dispense personne d'un minimum de culture historique. Dans L'Impérialisme (Seuil, collection Points), Hannah Arendt estime que la population du Congo est passée de 20-40 millions d'habitants à 8 millions entre 1890 et 1911. Les victimes des guerres coloniales de la deuxième moitié du XXe siècle se comptent aussi par millions. Ce qu'omettent les auteurs du Livre Noir, c'est justement ce que souligne Arendt : la continuité de l'impérialisme et du nazisme qui fut seulement " l'impérialisme le plus horrible que le monde ait connu. "

Au mépris de cette réalité historique, les révisionnistes du Livre Noir affirment que le nazisme ne fut rien d'autre que la réplique du totalitarisme communiste, une simple réaction à ce qui est pour ces auteurs le péché originel du XXe siècle. Losurdo démonte patiemment ce mensonge. Les théoriciens du génocide précèdent et de loin les années 20 et 30. Le XIXe siècle est hanté par la lutte des races que Gumplowicz oppose à Marx dès 1883. Théodore Roosevelt de son côté observe qu'il est difficile de civiliser " les races inférieures " et si celles-ci se révoltent et agressent " la race supérieure " alors il faut être prêt à mener une " guerre d'extermination ", comme les " croisés " [décidément, les présidents américains rêvent de croisades] les soldats blancs doivent " mettre à mort les hommes, les femmes et les enfants ".

Il ne s'agit pas seulement de proclamations, mais de réalités. Celles du colonialisme qui fut l'école de la cruauté et du crime de masse d'où est sortie la barbarie du XXe siècle. Celles de la guerre d'extermination menée contre les Indiens d'Amérique du Nord, une guerre dont Losurdo montre qu'à tous égards elle fut le véritable " laboratoire du Troisième Reich ". Celles enfin des théories eugénistes mises en application aux États-Unis dès les années 1900.

C'est pourquoi la " Belle époque ", loin d'être l'apogée du libéralisme et du progrès démocratique ne fut rien d'autre que la démocratie du Herrenvolk, du " peuple des seigneurs, pour reprendre une des expressions favorites d'Hitler. Même les théoriciens du libéralisme n'échappent pas à cette ambiance idéologique et politique. Le bon Stuart Mill lui-même, féministe et socialisant, justifie la nécessité de tenir en esclavage les peuples barbares. " L'histoire de l'Occident nous met face à un paradoxe qui peut être bien compris à partir de l'histoire de son pays-phare d'aujourd'hui : la démocratie dans le milieu de la communauté blanche s'est développée simultanément aux rapports d'esclavage des noirs et de déportation des Indiens. Pendant trente-deux des trente-six premières années de la vie des USA, la présidence a été détenue par des propriétaires d'esclaves et ce sont aussi des propriétaires d'esclaves qui ont élaboré la déclaration d'Indépendance et la Constitution. " (p. 16/17)

Il ne s'agit pas, pour Losurdo de se lancer dans un de ces procès de l'histoire dont notre époque est si friande. Il s'agit plus simplement 1° de restituer un contexte historique qu'on oublie singulièrement dans les " analyses " des spécialistes du " phénomène communiste " et 2° de liquider la légende qui fait de la pensée anglo-saxonne la patrie des droits de l'individu, de la tolérance et de l'habeas corpus, par opposition au fanatisme des jacobins et au totalitarisme socialiste ou communiste. Il épingle au passage certains des maîtres à penser du néolibéralisme, par exemple Mises, économiste autrichien ami de Karl Popper et membre de la société du mont Pellerin fondée par Hayek qui réclamait que soient traités comme des " bêtes dangereuses " aussi bien les éléments " antisociaux " vivant en Occident même que les " populations sauvages " des colonies…

Face à ce fond commun de la classe dominante, Losurdo rappelle que Lénine et les bolcheviks furent les premiers à appeler les peuples colonisés à la révolte. Ainsi la haine des puissantes dominantes contre la révolution d'Octobre ne fut pas seulement la haine ordinaire contre les " partageux " mais peut-être plus la haine contre ceux qui appelaient les " peaux rouges " et les " peaux noires " à intervenir sur la scène politique. On n'oubliera pas non quel rôle a joué le thème du " complot judéo-bolchevik " dans l'organisation de l'Entente contre-révolutionnaire des pays occidentaux au lendemain de la révolution de 1917, une petite musique antisémite dont usèrent et abusèrent, par exemple, les dirigeants britanniques, Churchill en tête.

Losurdo, s'il s'oppose aux aberrations des auteurs du Livre Noir, essaie de comprendre le cours effroyable pris progressivement par la révolution russe. Il montre que le qualificatif " totalitaire ", appliqué à tort et à travers au communisme sous toutes ses formes est tout simplement absurde. Si Staline et Ortega sont également totalitaires, si la dictature impitoyable et l'anarchie de la " révolution culturelle " sont " totalitaires ", c'est que ce mot est vide de tout sens. Losurdo admet que la comparaison entre nazisme et stalinisme est légitime. Quand le communisme " poursuit obsessionnellement l'utopie d'une société épurée de toute contradiction et de tout conflit, il finit par produire une sorte de révolution et de guerre civile permanente. " (p.45) Néanmoins l'identification de l'Union Soviétique et de l'Allemagne hitlérienne est une " sottise ", affirme Losurdo.

Le livre se termine par l'examen des conflits moraux et politiques auxquels conduit nécessairement l'action. Conflits entre l'individu et la communauté politique, conflits entre le bonheur et la liberté. Contre ceux qui font de Rousseau le père putatif de Staline et du jacobinisme l'ancêtre du " communisme totalitaire ", il rappelle que toute la pensée de Rousseau est tendue vers la défense des droits sacrés de l'individu. " La sûreté particulière est tellement liée avec la confédération publique, que sans les égards que l'on doit à la faiblesse humaine, cette convention serait dissoute par le droit, s'il périssait dans l'État un seul citoyen qu'on eût pu secourir; si l'on en retenait à tort un seul en prison, et s'il se perdait un seul procès avec une injustice évidente : car les conventions fondamentales étant enfreintes, on ne voit plus quel droit ni quel intérêt pourrait maintenir le peuple dans l'union sociale, à moins qu'il n'y fût retenu par la seule force qui fait la dissolution de l'état civil. " (Article " Économie Politique " de l'Encyclopédie) Mais cette défense des droits sacrés de l'individu, qui pouvait être interprétée dans un sens conservateur devint une arme révolutionnaire avec la proclamation du droit et même du devoir sacré d'insurrection contre un pouvoir tyrannique. La question qui se pose alors et sur lequel Losurdo nous invite une fois de plus à méditer est celle, difficile entre toutes, du rapport entre la fin et les moyens. Ainsi, " l'abolition de l'esclavage, après une guerre conduite comme une croisade pour la cause de la liberté, renforça dans la république nord-américaine la bonne conscience démocratique et l'idée de mission ; les poussées impériales et coloniales en reçurent une puissante impulsion… " (p.72) C'est cette dialectique tragique qu'il voit encore à l'œuvre dans le destin de l'Union soviétique. Ces dilemmes moraux et politiques ne peuvent être éliminés. Ils sont ceux de notre temps. Et c'est à eux qu'on doit nécessairement se coltiner si on ne veut pas renoncer à l'action politique. En rappelant ces quelques vérités aussi modestes qu'essentielles, Losurdo nous rend un grand service et mériterait d'être lu par les lecteurs français.

Le 18 déc. 01 Denis Collin

(*) Domenico Losurdo, né en 1941, est professeur d'histoire de la philosophie à l'Université d'Urbino. Plusieurs ouvrages ont été traduits en français. Signalons particulièrement son "Hegel et les libéraux" (PUF) et "Heidegger et l'idéologie de la guerre" (PUF, collection Actuel Marx)

http://denis-collin.viabloga.com/news/57.shtml

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Critique plus nuancée dans Marianne qui, contrairement à Lire, ne fait pas l'impasse sur les coordonnées idéologiques du monsieur.

Il faut réviser le révisionnisme

N° 463 Semaine du 04 mars 2006 au 10 mars 2006

Dans un essai stimulant, le philosophe Domenico Losurdo réfute entre autres les interprétations de François Furet sur la Révolution française. Au point de justifier parfois l'injustifiable.

Auteur : Bollon Patrice

Pendant longtemps, la conjonction, au XXe siècle, des deux plus grandes catastrophes politico-idéologiques qu'ait sans doute connues l'humanité, le nazisme et le stalinisme, n'a eu, au fond, que des incidences très limitées sur la pensée. Il était en effet entendu que les deux régimes n'entretenaient pas grand rapport entre eux; le stalinisme bénéficiant, en outre, en dépit de ses crimes très tôt révélés, du préjugé favorable qu'on accordait alors à toute révolution, en particulier à celle d'octobre 1917, dont il se posait comme l'héritier.

Tout a changé dans les années 70-80. On a commencé d'abord par explorer les liens existant entre les deux événements et à les rassembler sous le terme de «totalitarisme». Hannah Arendt fut celle par qui cette évolution se matérialisa, avec ses Origines du totalitarisme, écrites en 1951 mais qui furent traduites en français en 1971. Et l'on se mit ensuite à questionner la filiation entre stalinisme et léninisme, puis entre ce dernier et le jacobinisme, avec, à la clé, la période de la Terreur, de septembre 1793 au 9 thermidor de l'an II (27 juillet 1794), date de l'arrestation de Robespierre.

C'est incontestablement François Furet, avec Penser la Révolution françaiseFolio Histoire., paru en 1978, qui donna l'impulsion décisive à ce dernier réexamen. S'inspirant de Tocqueville, pour qui la Révolution n'avait fait que parachever la construction de l'Etat moderne entamée par l'Ancien Régime, d'Augustin Cochin, qui voyait dans le jacobinisme un phénomène de surenchère autoentretenu, et d'Edmund Burke, le contre-révolutionnaire anglais, qui, dès la fin du XVIIIe siècle, dénonçait en celui-ci une «idéologie délirante», Furet concluait que la Terreur n'avait pas été, ainsi que le soutenait avant lui l'historiographie, le produit des «circonstances», celles de la guerre civile menée par les émigrés, mais bien de l'idéologie «égalitaire» de la Révolution.

De tout cela surgirent une nouvelle interprétation de 1793-1794 puis de 1789 et, de fil en aiguille, une remise en question de l'idée même de révolution, dont le caractère utopique était censé mener inéluctablement au totalitarisme. Une dénonciation qu'Hannah Arendt développera de son côté sur d'autres bases, en opposant le caractère démocratique et «pacifique» de la révolution américaine à l'idéal étouffant de «vertu» de l'Incorruptible.

Estampe du XVIIIe siècle représentant la décapitation de Louis XVI, le 21 janvier 1793. La Terreur jacobine de 1793-1794 était, autrefois, analysée comme le produit des «circonstances». Elle l'est, aujourd'hui, comme le résultat de l'idéologie «égalitaire» de la Révolution.

Bilan «globalement positif»

C'est ce vaste tournant interprétatif, ce changement radical de paradigme, que le philosophe politique italien Domenico Losurdo, dans un livre qui vient d'être traduitLe Révisionnisme en histoire. Problèmes et mythes, Albin Michel, 24 euros., appelle le «révisionnisme historique» - une expression commune en Italie et en Allemagne, moins chez nous - et qu'il s'emploie à critiquer. Il ne fait d'ailleurs pas référence qu'à 1789, mais aussi à la «querelle des historiens» lancée outre-Rhin par Ernst Nolte, spécialiste de l'histoire des mouvements fascistes, ainsi qu'aux réhabilitations entreprises aux Etats-Unis des ségrégationnistes du Sud. Car, depuis Arendt et Furet, le révisionnisme a débordé le cadre du bolchevisme et du jacobinisme. Nolte a ainsi cru pouvoir établir un lien de causalité entre le goulag et Auschwitz; d'autres, traiter des «aspects positifs» de l'hitlérisme dans la lutte antistalinienne; d'autres encore des «vertus» de la colonisation, de l'esclavage, etc.

On pourrait se contenter, à partir de ces derniers exemples, de rejeter en bloc les révisionnistes, comme tenants d'un état d'esprit réactionnaire ou droitier. C'est ce que fait plus ou moins Losurdo, en s'appuyant sur une dénonciation de leurs erreurs et «oublis» historiques intéressés. Il note ainsi que la révolution américaine fut l'inverse de cette partie de plaisir vantée par certains. Les opposants loyalistes, qui entendaient rester dans le giron anglais, y furent pourchassés avec une rare cruauté, le nombre de ceux qui durent s'exiler étant, comparé à celui des aristocrates chassés de France par 1789, quatre fois plus élevé en pourcentage. La Glorious Révolution anglaise s'accompagna, de même, de phases de terreur qui n'avaient rien à envier à celle de 1793-1794, sans compter la colonisation de l'Irlande qui devait dépeupler l'«île malheureuse» de la moitié de ses habitants! Quant au massacre des Indiens nord-américains, Losurdo sourient qu'il fut le plus grand génocide de l'histoire, pis que la Shoah. La «déspécification de l'ennemi», son rabaissement au rang de sous-humanité, dont les révisionnistes rendent responsable l'idée de révolution, est enfin, selon lui, non seulement plus encore un trait du nazisme que du stalinisme, mais a été, de plus, partagée par les régimes démocratiques réalistes, les plus éloignés de toute idée d'une «croisade révolutionnaire», telle que Jacobins et bolcheviks en menèrent pour étendre leur modèle de société au reste du monde. Toutes ces précisions sont utiles. Le problème, c'est qu'on en vient vite, ce faisant, à une sorte de jeu égal ou nul entre des régimes opposés et détestables. Voire, ce qui semble la tentation secrète de Losurdo, un marxiste de gauche, membre de Rifondazione comunista, les héritiers altermondialistes du PCI, à une réhabilitation rampante de la Terreur, puis d'octobre 1917 et enfin du stalinisme, perçus, selon l'expression de Georges Marchais à la fin des années 70, comme des événements au bilan «globalement positif»…

Depuis Hannah Arendt et François Furet, le révisionnisme a débordé le cadre du bolchevisme et du jacobinisme. On a ainsi cru pouvoir établir un lien de causalité entre le goulag et Auschwitz, et traiter des «vertus» de la colonisation ou de l'esclavage.

Dialectique du changement

La question du révisionnisme mérite mieux que cela. Et d'abord, une approche plus différenciée. Car on peut tout de même rejeter le stalinisme sans devoir, pour autant, réhabiliter le nazisme ou les ségrégationnistes du Sud américain! Et même s'il apparaît comme du pain bénit pour le néolibéralisme, on peut tenir compte de certaines de ses objections, sans en tirer la conséquence que la révolution est devenue suspecte en soi et doit être abandonnée au profit de l'acceptation de la réalité la plus prosaïque. Bref, le révisionnisme comporte sans nul doute une part d'excès et d'erreur, mais aussi une part de vérité. La question essentielle qu'il pose est de savoir comment mener à bien un objectif de transformation sociale et politique sans que celle-ci engendre des épisodes de terreur similaires à celles qu'installèrent Jacobins et bolcheviks. Il pousse à une analyse critique de la dialectique du changement. Soit: comment faire surgir l'autre du même, sans reproduire ce dernier et en réussissant à maintenir l'idée d'une pluralité politique nécessaire?

On sait que ce fut précisément cette interrogation autour de laquelle rôda, à la fin de sa vie, Arendt. Elle croyait avoir trouvé la réponse dans la formation d'un lieu politique pur, détaché de tout enjeu économique et social, en évitant donc le besoin d'unité que celui-ci suppose et, partant, le totalitarisme potentiel qu'il induit. C'était revenir aux principes premiers de la démocratie grecque, mais en oubliant que cette réinvention s'est accompagnée, aux Etats-Unis, d'un contrôle économique parfois aussi étouffant et liberticide que l'unanimisme professé par les révolutions.

Sous ce regard, bâtir une organisation politique viable exige qu'on procède à un réexamen de certaines des catégories fondamentales sur lesquelles repose la pensée occidentale, en particulier la notion de la vérité une et indivisible. Le révisionnisme historique nous offre ainsi l'opportunité d'une réflexion sur la nécessité d'un renouvellement de fond de nos conceptions. On ne saurait ni l'accepter ni le rejeter en bloc, il faut, aujourd'hui, songer, lui aussi, à le réviser…

http://www.marianne-en-ligne.fr/archives/e…_marianne.phtml

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Tu as le don pour nous dénicher des trucs horribles, toi, Taranne ! :icon_up:

Juste pour relever un passage qui me semble particulièrement à côté de la plaque (même si l'ensemble l'est)

Contre ceux qui font de Rousseau le père putatif de Staline et du jacobinisme l'ancêtre du " communisme totalitaire ", il rappelle que toute la pensée de Rousseau est tendue vers la défense des droits sacrés de l'individu.

La pensée de Rousseau conduit à donner mains libres au législateur (dixit Constant, notamment), puisque expression de la volonté générale. Je rappelle à tout hasard que non seulement le jacobinisme s'inscrit parfaitement dans cette idée de fusion entre la nation et le législateur, mais encore qu'ignorer la relation entre le jacobinisme de la Révolution et le "communisme totalitaire" relève d'une lecture totalement biasée de l'Histoire. Robespierre avait rejeté l'application début 1794 de la constitution de l'An I sous prétexte qu'elle n'était applicable que dans le seul cadre d'une société composée de "citoyens vertueux". Société obtenue, bien entendu, par les massacres vendéens, par la cruauté des représentants en mission (Carrier qui noyait les Nantais dans la Loire, c'est plus facile pour épurer ; Fouché qui faisait tirer à boulet rouges sur les Lyonnais, etc.) ainsi qu'au moyen de lois liberticides au possible (la loi des suspects du 22 prairial, permettant la condamnation de n'importe qui, sans preuves ni procès). On retrouve bien ici les principales caractéristiques du totalitarisme communiste : fuite vers l'utopie au prix d'une toute puissance du pouvoir politique (la liberté sera pour plus tard), regénération de la nation (quasiment l'avènement d'un homme nouveau)…

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La pensée de Rousseau conduit à donner mains libres au législateur (dixit Constant, notamment), puisque expression de la volonté générale.

Le problème (central) de Rousseau, outre les joyeusetés assez courantes sur la religion, est qu'il distingue la volonté générale et la volonté de chacun, de telle manière que la volonté générale soit de toute façon infaillible ("ne peut errer"). Comme la volonté générale est la volonté de l'individu en tant que citoyen, en s'accordant donc avec la définition rousseauiste de la "liberté", il se trouve alors que quelque soit la volonté particulière de l'individu, la "régle de sa volonté" sera pourtant toujours en accord avec la volonté générale une fois que celle-ci aura été déterminée.

En bref, si à l'issue d'une procédure de vote, i.e. de détermination de la volonté générale, on obtient un resultat particulier, toute avis individuel dissident sera qualifié de contraire à la volonté générale, c'est-à-dire également contraire à ce que chaque individu pense en tant que citoyen. On obtient in fine une schizophénie délirante entre l'individu et le citoyen de telle manière qu'il n'y a aucunement façon de critiquer l'issue du vote. D'un point de vue pratique, puisque Rousseau n'insiste pas du tout sur des droits inaliénables, ça peut vouloir dire que, si l'on vote l'exécution d'une personne pour raisons politiques, ceci est légitime et même pire, puisque l'individu mis à mort est, par définition, (en tant que citoyen) également d'accord avec la décision d'exécution. Du grand n'importe quoi totalitaire et liberticide.

Hors ce contrat primitif, la voix du plus grand nombre oblige toujours tous les autres; c'est une suite du contrat même. Mais on demande comment un homme peut être libre et forcé de se conformer à des volontés qui ne sont pas les siennes. Comment les opposants sont-ils libres et soumis à des lois auxquelles ils n'ont pas consenti?

Je réponds que la question est mal posée. Le citoyen consent à toutes les lois, même à celles qu'on passe malgré lui, et même à celles qui le punissent quand il ose en violer quelqu'une. La volonté constante de tous les membres de l'État est la volonté générale: c'est par elle qu'ils sont citoyens et libres. Quand on propose une loi dans rassemblée du peuple, ce qu'on leur demande n'est pas précisément s'ils approuvent la proposition ou s'ils la rejettent, mais si elle est conforme ou non à la volonté générale, qui est la leur: chacun en donnant son suffrage dit son avis là-dessus; et du calcul des voix se tire la déclaration de la volonté générale. Quand donc l'avis contraire au mien l'emporte, cela ne prouve autre chose sinon que je m'étais trompé, et que ce que j'estimais être la volonté générale ne l'était pas. Si mon avis particulier l'eût emporté, J'aurais fait autre chose que ce que j'avais voulu; c'est alors que je n'aurais pas été libre.

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Le problème (central) de Rousseau, outre les joyeusetés assez courantes sur la religion, est qu'il distingue la volonté générale et la volonté de chacun, de telle manière que la volonté générale soit de toute façon infaillible ("ne peut errer"). Comme la volonté générale est la volonté de l'individu en tant que citoyen, en s'accordant donc avec la définition rousseauiste de la "liberté", il se trouve alors que quelque soit la volonté particulière de l'individu, la "régle de sa volonté" sera pourtant toujours en accord avec la volonté générale une fois que celle-ci aura été déterminée.

En bref, si à l'issue d'une procédure de vote, i.e. de détermination de la volonté générale, on obtient un resultat particulier, toute avis individuel dissident sera qualifié de contraire à la volonté générale, c'est-à-dire également contraire à ce que chaque individu pense en tant que citoyen. On obtient in fine une schizophénie délirante entre l'individu et le citoyen de telle manière qu'il n'y a aucunement façon de critiquer l'issue du vote. D'un point de vue pratique, puisque Rousseau n'insiste pas du tout sur des droits inaliénables, ça peut vouloir dire que, si l'on vote l'exécution d'une personne pour raisons politiques, ceci est légitime et même pire, puisque l'individu mis à mort est, par définition, (en tant que citoyen) également d'accord avec la décision d'exécution. Du grand n'importe quoi totalitaire et liberticide.

Comme le remarquait B. Constant : "Le peuple, dit Rousseau, est souverain sous un rapport et sujet sous un autre: mais dans la pratique, ces deux rapports se confondent. Il est facile à l'autorité d'opprimer le peuple comme sujet, pour le forcer à manifester comme souverain la volonté qu'elle lui prescrit."

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Tiens ! question aux encyclopédies vivantes du forum

Je viens de faire une recherche sur un outil de recherche professionnel et, sous auteur : Hitler, je ne trouve que

Adolphe Hitler"libre propos sur la guerre et la paix T.1 et T. 2".

Serait-ce la traduction de mein Kampf ? ou ca n'a rien à voir ?

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