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Nationalisme et libéralisme


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il y a 23 minutes, F. mas a dit :

Jusqu'au 16-17e siècle il me semble. Ensuite c'est l'Islam qui devient l'élément constitutif principal de l'empire. Et ce qui reste de romanité, que tu évoques, me semble assez résiduel (comparé à la place du droit ou à l'organisation institutionnelle comme en Occident). 

 

J'ajoute tout de même (pour éviter toute ambiguité) que la Romanité me semble essentielle à la culture européenne parce qu'elle fait le lien entre culture biblique et culture grecque.

 

Oui... mais à la fois, l'islam ne vient pas de nul part, et son droit ne tombe pas du ciel. Il me semble qu'une bonne partie des textes juridiques dans le Coran viennent directement du droit justinien. Flagellation des adultères, droit de l'héritage, etc... Une autre grosse partie, le voile pour les femmes par exemple, est issue du droit coutumier des chrétiens syriens d'alors, qui faisaient partie du monde romain. Ce qui reste (droit alimentaire, par exemple) est principalement une simplification du droit talmudique, qui a lui aussi eu son bout d'histoire en Europe ensuite.

 

Tout comme les romains ont réécrit et se sont réapproprié la culture grecque, les musulmans ont réécrit et réinventé le monde romain tardif. Peut-être que cette réinvention est intrinsèquement plus opaque et originale, justifiant une rupture avec cette antiquité plus forte qu'en occident... mais il me semble bien que cette exclusion des orientaux (ou auto-exclusion des occidentaux) de l'héritage méditerranéen commun est aussi dû à une révision de l'histoire. 

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il y a 20 minutes, Mégille a dit :

Sur l'héritage romain : les ottomans en étaient tout autant dépositaires que la chrétienté romaine.

En en ayant purgé ou largement amuï l'élément rationaliste-grec et l'élément prophétique-biblique. Donc le contenu est modifié... mais le contenant aussi au sens où dans l'héritage même qu'ils ont reçu, le droit byzantin d'origine impériale a progressivement étouffé le processus de "droit émergent" typique du droit romain classique (le seul Justinien aurait promulgué de son seil fait 600 lois, mais on pourrait aussi évoquer les modifications juridiques dont témoignent l'Ecloga de Léon III et plus encore les codes suivants). Ajoute à ça le césaropapisme, et tu comprendras qu'Occident et Orient étaient sur des trajectoires différentes. 

 

il y a 34 minutes, Mégille a dit :

Il me semble plutôt que l'Europe naît vraiment avec la modernité, au point que "européen" et "moderne" soient presque synonymes.

Non, tu oublies l'importance des réformes grégoriennes de la seconde moitié du XIème siècle (puis de la pensée de Thomas d'Aquin), que l'orthodoxie n'a évidemment pas suivi. 

 

il y a 41 minutes, Mégille a dit :

Presque toutes les grandes étapes de l'histoire moderne ont été vécues parallèlement et de façon assez similaire par tous les européens,

Comme je viens de l'exposer, non. Si tu considères que l'histoire moderne commence à la Renaissance, ne serait-ce que le rapport à l'Islam et à la Sublime Porte est radicalement différent : héritage direct pour les Albanais, oppresseur et ennemi identitaire pour les Roumains ou les Serbes, rival à repousser pour l'Autriche au sens large, élément exotique (allié ou non) pour la France... et si tu prends "moderne" dans un sens plus récent, alors considère un instant les cartes d'alphabétisation de l'Europe : la majorité des hommes du monde anglo-germanique (presque jusqu'en Livonie) savait lire avant la fin du XVIIIème siècle, alors qu'en Pologne aussi tardivement qu'en 1900 seuls les Juifs et les nobles avaient appris.

 

Encore une fois, pour Nemo, l'Occident c'est cinq choses et pas une seule de moins : Athènes, plus Jérusalem, plus Rome dont le creuset les hybride, plus la révolution papale et thomiste, plus les révolutions atlantiques (ou inspirées d'elles). Si il en manque, ce n'est plus l'Occident. 

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Il y a 21 heures, Rincevent a dit :

En en ayant purgé ou largement amuï l'élément rationaliste-grec et l'élément prophétique-biblique. Donc le contenu est modifié... mais le contenant aussi au sens où dans l'héritage même qu'ils ont reçu, le droit byzantin d'origine impériale a progressivement étouffé le processus de "droit émergent" typique du droit romain classique (le seul Justinien aurait promulgué de son seil fait 600 lois, mais on pourrait aussi évoquer les modifications juridiques dont témoignent l'Ecloga de Léon III et plus encore les codes suivants). Ajoute à ça le césaropapisme, et tu comprendras qu'Occident et Orient étaient sur des trajectoires différentes. 

 

Certes, mais attention à ne pas confondre tout l'islam avec ce qu'il tend à être aujourd'hui. L'islam ottoman avait quand même continué son bout de chemin hors de son substrat antique, mais avec sa mystique, son culte des tombes, son droit "émergent" d'une certaine façon aussi (mais avec peu de lien avec le précédent) etc

 

Il y a 21 heures, Rincevent a dit :

Non, tu oublies l'importance des réformes grégoriennes de la seconde moitié du XIème siècle (puis de la pensée de Thomas d'Aquin), que l'orthodoxie n'a évidemment pas suivi. 

 

Tu veux dire, en gros, le moment (gros moment, du XIème à Thomas d'Aquin) où on adopte les chiffres arabes, où on rénove notre architecture avec de l'architecture arabe (croisée d'ogives, arche en trèfle et en pointe, vitre teintée...), où on se met à imiter la musique arabe (poème/chanson en rimes, accompagné au luth...), et où les intellos se convertissent massivement à l'avicénisme ou à l'avérroisme ? Je ne pense pas qu'on puisse vraiment dire que ce soit un moment d'autonomisation de l'Europe par rapport à la méditerranée !

 

Il y a 21 heures, Rincevent a dit :

Comme je viens de l'exposer, non. Si tu considères que l'histoire moderne commence à la Renaissance, ne serait-ce que le rapport à l'Islam et à la Sublime Porte est radicalement différent : héritage direct pour les Albanais, oppresseur et ennemi identitaire pour les Roumains ou les Serbes, rival à repousser pour l'Autriche au sens large, élément exotique (allié ou non) pour la France... et si tu prends "moderne" dans un sens plus récent, alors considère un instant les cartes d'alphabétisation de l'Europe : la majorité des hommes du monde anglo-germanique (presque jusqu'en Livonie) savait lire avant la fin du XVIIIème siècle, alors qu'en Pologne aussi tardivement qu'en 1900 seuls les Juifs et les nobles avaient appris.

 

Encore une fois, pour Nemo, l'Occident c'est cinq choses et pas une seule de moins : Athènes, plus Jérusalem, plus Rome dont le creuset les hybride, plus la révolution papale et thomiste, plus les révolutions atlantiques (ou inspirées d'elles). Si il en manque, ce n'est plus l'Occident. 

 

Je voulais bien dire à partir de la Renaissance. 

 

Les trois premières de ces cinq choses ne sont pas spécifiquement européenne/occidentale. D'ailleurs, je pense qu'il faudrait ajouter les phéniciens à notre substrat antique (qu'on devrait peut-être nommer punico-greco-romain). Après tout, on leur doit quelques villes (Lisbonne, Barcelone, Monaco...), quelques dieux (Aphrodite, Adonis...), et surtout, l'alphabet. Et Thalès, notre premier philosophe/physicien. Même si rien de plus ne se cachait dans notre ignorance à leur sujet, ça ferait déjà pas mal.

La quatrième étape, ce moment central du moyen-âge occidental, se pense difficilement hors d'un monde élargie en contact étroit avec le monde musulman. A cause des apports que j'ai évoqué plus haut, mais aussi des croisades, coup de force du Pape pas indépendant de ses réformes, et qui fait que Jérusalem se met à faire partie (et quelle partie !) de l'histoire de "l'Europe" "occidentale".

D'accord pour la cinquième chose, et si je ne veux en enlever aucune, j'en ajouterais bien quelques unes, qui font que l'Europe a gardé/s'est créé une certaine unité que ne partage pas forcément le reste de "l'occident", notion que je trouve plus vague (l'Europe de l'est en fait-elle partie ? l'Amérique latine en fait-elle partie ?...).

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il y a une heure, Mégille a dit :

"l'occident", notion que je trouve plus vague (l'Europe de l'est en fait-elle partie ? l'Amérique latine en fait-elle partie ?...).

Personne ne t'empêche d'aller lire la bibliographie nécessaire. Pour une fois que Nemo n'a pas écrit un pavé...

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1 hour ago, Mégille said:

 

 

Tu veux dire, en gros, le moment (gros moment, du XIème à Thomas d'Aquin) où on adopte les chiffres arabes, où on rénove notre architecture avec de l'architecture arabe (croisée d'ogives, arche en trèfle et en pointe, vitre teintée...), où on se met à imiter la musique arabe (poème/chanson en rimes, accompagné au luth...), et où les intellos se convertissent massivement à l'avicénisme ou à l'avérroisme ? Je ne pense pas qu'on puisse vraiment dire que ce soit un moment d'autonomisation de l'Europe par rapport à la méditerranée !

 

 

Sans compter le retour des Anciens Astronautes ;)

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il y a 53 minutes, F. mas a dit :

 

Sans compter le retour des Anciens Astronautes ;)

 

Contestes tu que certaines de ces choses sont des emprunts ?

 

edit : j'ai l'impression que c'est une période qui est dans un cas similaire à ce que Rincevent dit de Harari : tout le monde la voit comme exceptionnelle de manière générale, malgré que les spécialistes de chaque domaine particulier concerné (histoire de la philosophie et des sciences, de l'architecture et de l'ingénierie, de la musique et de la poésie...) tendent à reconnaître que dans leur cas, il s'agit principalement d'emprunts...

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19 minutes ago, Mégille said:

 

Contestes tu que certaines de ces choses sont des emprunts ?

 

Je taquine, mais ce qui me fait un peu réagir, c'est de réduire l'architecture gothique à des emprunts, la conversion 'en masse' à l'averroisme, et l'imitation de la musique arabe. Ca me semble exagéré et un poil sheik anta diopesque. Mais je suis intéressé par des sources sur le sujet. Je ne suis pas un spécialiste, et je peux donc me tromper.

 

Tout en exagérant ces points, tu sous-estimes à mon avis les effets de la réforme grégorienne, qui va initier une révolution institutionnelle et politique qui va reconfigurer l'ensemble de l'Europe (avec l'invention du droit et des juristes comme profession, ce qui va appuyer la constitution de l'Eglise, des Etats qui vont s'en autonomiser et les différentes législations qui vont se fractionner avec la réforme).

 

Edit : je vois que ça fait polémique chez les médiévistes.

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Pour l'architecture c'est très exagérée comme proposition @Mégille. Il s'agit beaucoup plus d'approfondissement des techniques connues (l'arc roman n'a pas été perdu depuis les romains) accompagné d'essais multiples. Il est d'ailleurs frappant de voir cela dans certaines églises où l'on peut voir l'évolution des styles au fur et à mesure de la progression des travaux. Il faut arrêter de croire que tout progrès à la période médiévale vient des arabes...

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Sur l'architecture, je crois que j'ai découvert le plus gros avec ça :

 

 

Au fond, ce qui distingue l'architecture gothique de l'architecture arabe, c'est : (1) les pointes plutôt que les dômes, (2) les arcs-boutants (3) la limitation des arches seulement aux pointes et aux trilobes, sans pentalobe et autre forme plus complexe, (4) les croisées d'ogive laissées apparentes plutôt que dissimulées, et (5) les vitraux à motifs complexes. Les quatre premiers sont simplement dues à une infériorité technique. Le cinquième est bien une innovation. Esthétique plutôt que technique, puisque la teinture du verre vient d'orient, mais bien une innovation.

 

Je ne dis pas que l'occident médiéval n'a aucune originalité par rapport à l'orient. La Corée et le Japon, qui à la même époque sont dans un rapport similaire vis-à-vis de la Chine, ont eux aussi leur originalité, et même largement des originalités qui naissent dans un contexte d'imitation et de distinction à la fois. Mais cette originalité ne peut se comprendre qu'au sein d'un espace plus grand, où se trouve un modèle (ou contre-modèle) incontournable. Et pas seulement à partir de critères objectifs, mais aussi parce que c'est globalement de cette façon que les concernés percevaient leur monde, derrière leurs petites fiertés locales.

 

En fait, il me semble même que l'Europe a un petit âge d'or médiéval qui commence dès le Xème s, avec les renaissances ottoniennes et clunisiennes. Et ce petit âge d'or, la chrétienté occidentale le nourrit d'abord avec ses propres ressources. C'est l'architecture romane, la première scolastique (celle de la logica vetus avant la logica nova, celle d'Anselme, celle d'Abélard, celle des monastères et des écoles cathédrales, avant celle des universités, des ordres mendiants et des énormes pavés).

Mais que fait l'Europe dès qu'elle atteint cette relative prospérité ? Elle s'empresse d'importer les sciences (des chiffres à la philosophie) et les arts (de la musique à l'architecture) du monde arabe, et d'envahir le Moyen-Orient pour avoir une place dans la partie du monde qui compte vraiment. Il me semble que c'est assez parlant concernant la direction vers laquelle était tournée le regard des occidentaux.

 

Même les réformes grégoriennes se comprennent de cette façon double. D'un coté, il s'agit de restaurer une tendance théocratique de l'occident. Depuis la révolte contre l'impératrice Irène d'Athènes, et le sacre de Charlemagne comme shogun du Pape, la chrétienté occidentale était devenue une extrémité isolée et dissidente de la chrétienté, globalement plus pauvre et rustre que le reste, avec une église ayant globalement l'ascendant sur les pouvoirs séculiers plutôt que l'inverse. 

Les réformes visaient à restaurer la puissance du Pape contre l'Empereur, et donc, à rester ancré dans cette tradition occidentale. Mais d'un autre coté, ce renforcement du pouvoir papal contre les autorités séculières est aussi très solidaire des croisades, qui sont à la fois une manifestation du pouvoir fédératif de Rome et l'occasion pour lui de se doter d'armées propres avec les ordres militaires.

 

Coté philosophie : on voit aujourd'hui Albert le grand et Thomas d'Aquin comme de grands rationalistes, parce que leurs successeurs, franciscains en particulier, l'étaient beaucoup moins. Mais ce que font en fait réellement ces deux là, dans le contexte de l'époque, c'est de contrer un rationalisme encore plus fort, au point d'être dangereux de leur point de vue : celui d'Avicenne et d'Averroès, qui font fureur dans les universités. Et la stratégie d'Albert et de Thomas face à eux consiste effectivement à partiellement absorber leur néo-aristotélisme... mais tout en le subordonnant à la pensée d'un mystique oriental qu'ils dépoussièrent, (ps-)Denys l'Aréopagite. Qu'ils citent tous les deux presque autant qu'ils ne citent Aristote, d'ailleurs, même si on en parle beaucoup moins.

 

Je re-précise que je ne dis pas tout ça pour humilier l'Europe ou nier sa singularité... Mais au contraire, parce que je prends au sérieux sa singularité moderne. 

 

 

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Il y a 6 heures, Mégille a dit :

Les quatre premiers sont simplement dues à une infériorité technique.

 

J'ai besoin de cours de génie BTP là. Tu peux m'expliquer comment la supériorité technique arabe permet de construire une voûte à 50m de haut sans arcs-boutants, avec les techniques de l'époque ?

Posté

"Envahir le Moyen-Orient pour avoir une place dans la partie du monde qui compte vraiment" : la pensée magique mégillesque dans toute sa splendeur.

Si on voulait s'amuser à reprendre chaque élément…

Les croisés voulaient récupérer leur héritage : l'empire romain sur les rivages de la Méditerranée, non "avoir une place blabla". 

C'est le moment d'ailleurs où le temps des Arabes c'est fini. L'Islam prend d'autres visages. 

 

Et si j'ai bien compris ce qui distingue l'architecte gothique de l'architecture arabe c'est : ben, tout ce qui fait la spécificité de l'architecture gothique.

C'est beau la philosophie, tout de même. 

 

Mais bon, j'ai mieux à faire…

 

 

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18 minutes ago, Dardanus said:

 

Mais bon, j'ai mieux à faire…

 

 

C'est dommage, en tout cas pour ceux comme moi qui n'ont aucune connaissance réelle sur le sujet et qui aiment bien lire ce type d'échange ici.

 

 

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Le 10/04/2025 à 12:43, Mégille a dit :

Sur l'architecture, je crois que j'ai découvert le plus gros avec ça :

 

 

Au fond, ce qui distingue l'architecture gothique de l'architecture arabe, c'est : (1) les pointes plutôt que les dômes, (2) les arcs-boutants (3) la limitation des arches seulement aux pointes et aux trilobes, sans pentalobe et autre forme plus complexe, (4) les croisées d'ogive laissées apparentes plutôt que dissimulées, et (5) les vitraux à motifs complexes. Les quatre premiers sont simplement dues à une infériorité technique. Le cinquième est bien une innovation. Esthétique plutôt que technique, puisque la teinture du verre vient d'orient, mais bien une innovation.

 

Je ne dis pas que l'occident médiéval n'a aucune originalité par rapport à l'orient. La Corée et le Japon, qui à la même époque sont dans un rapport similaire vis-à-vis de la Chine, ont eux aussi leur originalité, et même largement des originalités qui naissent dans un contexte d'imitation et de distinction à la fois. Mais cette originalité ne peut se comprendre qu'au sein d'un espace plus grand, où se trouve un modèle (ou contre-modèle) incontournable. Et pas seulement à partir de critères objectifs, mais aussi parce que c'est globalement de cette façon que les concernés percevaient leur monde, derrière leurs petites fiertés locales.

 

En fait, il me semble même que l'Europe a un petit âge d'or médiéval qui commence dès le Xème s, avec les renaissances ottoniennes et clunisiennes. Et ce petit âge d'or, la chrétienté occidentale le nourrit d'abord avec ses propres ressources. C'est l'architecture romane, la première scolastique (celle de la logica vetus avant la logica nova, celle d'Anselme, celle d'Abélard, celle des monastères et des écoles cathédrales, avant celle des universités, des ordres mendiants et des énormes pavés).

Mais que fait l'Europe dès qu'elle atteint cette relative prospérité ? Elle s'empresse d'importer les sciences (des chiffres à la philosophie) et les arts (de la musique à l'architecture) du monde arabe, et d'envahir le Moyen-Orient pour avoir une place dans la partie du monde qui compte vraiment. Il me semble que c'est assez parlant concernant la direction vers laquelle était tournée le regard des occidentaux.

 

Même les réformes grégoriennes se comprennent de cette façon double. D'un coté, il s'agit de restaurer une tendance théocratique de l'occident. Depuis la révolte contre l'impératrice Irène d'Athènes, et le sacre de Charlemagne comme shogun du Pape, la chrétienté occidentale était devenue une extrémité isolée et dissidente de la chrétienté, globalement plus pauvre et rustre que le reste, avec une église ayant globalement l'ascendant sur les pouvoirs séculiers plutôt que l'inverse. 

Les réformes visaient à restaurer la puissance du Pape contre l'Empereur, et donc, à rester ancré dans cette tradition occidentale. Mais d'un autre coté, ce renforcement du pouvoir papal contre les autorités séculières est aussi très solidaire des croisades, qui sont à la fois une manifestation du pouvoir fédératif de Rome et l'occasion pour lui de se doter d'armées propres avec les ordres militaires.

 

Coté philosophie : on voit aujourd'hui Albert le grand et Thomas d'Aquin comme de grands rationalistes, parce que leurs successeurs, franciscains en particulier, l'étaient beaucoup moins. Mais ce que font en fait réellement ces deux là, dans le contexte de l'époque, c'est de contrer un rationalisme encore plus fort, au point d'être dangereux de leur point de vue : celui d'Avicenne et d'Averroès, qui font fureur dans les universités. Et la stratégie d'Albert et de Thomas face à eux consiste effectivement à partiellement absorber leur néo-aristotélisme... mais tout en le subordonnant à la pensée d'un mystique oriental qu'ils dépoussièrent, (ps-)Denys l'Aréopagite. Qu'ils citent tous les deux presque autant qu'ils ne citent Aristote, d'ailleurs, même si on en parle beaucoup moins.

 

Je re-précise que je ne dis pas tout ça pour humilier l'Europe ou nier sa singularité... Mais au contraire, parce que je prends au sérieux sa singularité moderne. 

 

 

Donc le seul argument, ou du moins point concret qui vient soutenir la thèse de Megille c'est l'importation des idées d'Avicenne et Averroes dont le degré d'influence sur la pensée occidentale est encore débattu chez les historiens aujourd'hui (mineure pour les auteurs nationalistes espagnols et Sylvain Gouguenheim, majeure pour d'autres plus orientalisants). 

Pour l'architecture, je suis du même avis que Dardanus, si on gomme toutes les spécificités d'une chose elle semble en effet semblable à une autre, et j'ajouterai que l'architecture arabe n'est pas une école apparue du néant, mais qu'elle a bien hérité des architectures byzantines, grecques, perses qui preexistaient sur les territoires conquis.

 

On peut même retourner l'argument de l'infertilité technologique puisqu'à l'époque de la Conquête j'avais lu que ce sont les architectes arabes qui étaient inférieurs à leur voisins, pat exemple pour la construction de mosquées ou bâtiments d'importances au debut du califat, il avait fallu que le calife Al-Walid engage des architectes grecs pour construire la Grande Mosquée de Damas dans les années 705-715.

 

Donc les échanges entre orient et occident sont mutuels, vouloir ne souligner qu'un des deux sens me paraît une vision biaisée et partiale de l'histoire.

 

Sur le lien entre réforme grégorienne et les croisades, si je me souviens des lectures de Jean Flori, le "processus theorique" menant aux croisades est plus large que la simple réforme grégorienne (il remonte carrement à saint Augustin), et le lien entre le deux seraient plutôt indirect et non de causalité, la suprématie morale du Pape rend ces expéditions possible mais parler de "forte solidarité" me semble excessif, on peut aussi relier les croisades à la défense/reconquete de l'empire romain et de la chrétienté, volonte de contrôle sur les individus par l'Eglise via les trois ordre de la féodalité, la militarisation progressive suite aux invasions du ix ème siècle, la diplomatie méditerranéenne etc.

 

De plus, les croisades n'ont pas doté le pape d'armées propres, les chefs des croisades, même sous la bannière de la croix, entendaient mener leurs propres ambitions territoriales et dynastiques (pour preuve les territoires conquis ne sont pas devenus des theocraties), et il n'était pas du question principale exemple d'aider le Pape contre ses ennemis temporels comme l'empereur germanique, byzantin ou les seigneurs italiens.  

Le pape a du user d'autres armes que les croisades comme l'excommunication, la diplomatie, les conciles, la legislation via les bulles d'or pour se défaire de ses adversaires et assurer sa primauté.

Les ordres militaires ont été fondés à l'issue des croisades, n'ont pas de lien direct avec la réforme grégorienne, et pareillement aux croisés sont sous l'autorité nominale du pape qui ne les dirige pas vraiment, voite pas du tout (cf les chevaliers teutoniques qui continuent de servir Frédéric II l'excommunié lors de la VI ème croisade). De même les templiers ne se sont pas revoltes contre phillipe le Bel pour défendre le Pape Boniface VIII lors des querelles entre ces deux là. La réforme grégorienne possède des causes internes à ce qu'on nomme habituellement l'occident, vouloir l'inscrire dans "un contexte plus large" et le relier au monde arabe musulman peut paraître savant et élaboré mais on finit par de concentrer sur des liens brumeux, des faits secondaires et des hypothèses hardies en négligeant la part essentielle , pourquoi ne pas aussi relier l'essor de l'occident aux invasions mongoles, à la chute des Tang ou au Vinland ?

 

Bon et je ne commenterais pas le "avoir une place dans la partie du monde qui compte vraiment". Les régions riches étaient l'Égypte et l'Irak, pour des raisons agricoles et de routes commerciales. Mais :

1) les croisés étaient surtout focus sur le Proche Orient et Jérusalem (et l'Égypte mais parce que cela rendait possible la Conquête de Jerusalem), donc pas le "Moyen Orient". De plus, Jérusalem c'est plutôt pas très riche commer

région, même les comtes de Tripoli ou edesse sont mieux lotis de ce point de vue là. 

 

2) les européens s'intéressaient à ces régions là avant "l'âge d'or du x ème siecle" que ce soit via les pèlerinages ou le commerce avec l'Égypte ou la syrie (qui ont d'ailleurs en partie permis ce décollage economique, donc on inverse un peu cause et conséquence ici).

 

3) la geographie rend certaines régions attractives et stratégiques mais il ne faut pas non plus abuser de cette notion, cela dépend d'autres facteurs plus importants comme le capital et le savoir faire des locaux, la stabilité politique, les technologies existantes, des conditions climatiques comme les inondations ou les ages glaciaires... parce que pour reprendre l'exemple de l'Irak et de l'Égypte c'etait de superbes régions au moment de l'âge d'or islamique, beaucoup moins à présent, et l'angleterre est parvenu à être le centre du monde au xix ème alors que les conditions initiales ne laissaient pas forcément présager de ce résultat.

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Il y a 2 heures, Pelerin Dumont a dit :

Donc le seul argument, ou du moins point concret qui vient soutenir la thèse de Megille c'est l'importation des idées d'Avicenne et Averroes dont le degré d'influence sur la pensée occidentale est encore débattu chez les historiens aujourd'hui (mineure pour les auteurs nationalistes espagnols et Sylvain Gouguenheim, majeure pour d'autres plus orientalisants). 

Non, il me semble bien que le débat a été plié par De Libera. 

 

Sur l'architecture, il me semble que les croisées d'ogives, les arches en pointe et en trilobe et le verre teinté sont quand même de gros morceaux, pas tout à fait anecdotique. Et puis, je crois que personne ne discute de l'influence des arabes à cette époque sur la musique et la poésie. Et puis, les chiffres, quoi. Même en ésotérisme, on se met à faire de la magie arabe à ce moment là, avec le Picatrix qui remplace presque entièrement les grimoires antérieurs. 

 

Ok pour l'originalité des réformes grégoriennes. Mais l'originalité de la période Heian au Japon, à peu près en même temps, n'empêche pas qu'il reste impossible de le comprendre sans comprendre en parallèle l'histoire de la Chine. Il me semble que c'est un regard similaire qu'on doit avoir de notre bout du mégacontinent. 

 

Sur le Moyen-Orient comme "partie de la carte qui compte vraiment", je ne faisais pas allusion spécifiquement à sa valeur économique ou stratégique (en vue d'autres objectifs), mais à son importance subjective aux yeux des européens, pour montrer comment eux-mêmes se situaient vraisemblablement dans le monde. Qu'ils se soient senti légitime pour y aller, et qu'ils l'aient fait dès que possible, me semble indiquer qu'ils se concevaient toujours, comme dans l'antiquité, comme faisant partie de ce même grand monde méditerranéen.

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Posté
Il y a 4 heures, Mégille a dit :

Non, il me semble bien que le débat a été plié par De Libera. 

 

 

:icon_ptdr: 

 

Quand dans un débat historique, un agrégé de philosophie fait face à un agrégé d'histoire, sauf à avoir des œillères idéologiques, c'est souvent l'agrégé de philosophie qui a tort.

 

Il y a 7 heures, Pelerin Dumont a dit :

Donc le seul argument, ou du moins point concret qui vient soutenir la thèse de Megille c'est l'importation des idées d'Avicenne et Averroes dont le degré d'influence sur la pensée occidentale est encore débattu chez les historiens aujourd'hui (mineure pour les auteurs nationalistes espagnols et Sylvain Gouguenheim, majeure pour d'autres plus orientalisants). 

 

 

Me souviens plus très bien d'Aristote au Mont Saint-Michel ; mais de mémoire, le côté amusant est qu'Averroès va déclencher bien plus de débats au sein de l'Université de Paris que dans le monde islamique entier.

 

 

 

 

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Posté
5 minutes ago, Bézoukhov said:

 

:icon_ptdr: 

 

Quand dans un débat historique, un agrégé de philosophie fait face à un agrégé d'histoire, sauf à avoir des œillères idéologiques, c'est souvent l'agrégé de philosophie qui a tort.

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Posté
Il y a 3 heures, Bézoukhov a dit :

Quand dans un débat historique, un agrégé de philosophie fait face à un agrégé d'histoire, sauf à avoir des œillères idéologiques, c'est souvent l'agrégé de philosophie qui a tort.

 

C'est possible en règle générale, mais ça me semble un peu moins évident si on parle d'un débat d'histoire de la philosophie. Si le philosophe est en théorie moins formé à l'histoire quantitative ou à l'évaluation de la pertiennce sources, il l'est quand même en théorie plus pour attribuer plus finement de la valeur à chaque influence et mesurer leur importance ultérieure dans leur contexte théorique. Je reconnais cependant ne pas avoir lu Aristote aumont Saint-Michel, faute de temps et d'intérêt. Par contre ces modèles d'interprétation d'Avicenne et d'Averroës sur la scolastique de Thomas ou Avicenne me paraît  a priori plutôt évidente. Leur modèle d'interprétation d'Aristote me paraissent bien avoir eu des conséquences extrêmemement lourdes sur les développements philosophiques ultérieurs. J'ai un peu du mal à percevoir ce qui pourrait les rendre secondaires. 

 

Que ce soit chez Albert le Grand, Henri de Gand,  Bonaventure, Thomas ou Duns Scot. La plupart des développements scolastiques que je trouve les plus intéressants pr ce qui est du traitement des concepts aristotélicien - me paraissent passer très fortement par le filtre d'Avicenne au moins dans la formulation, l'organisaion de la pensée ou même cetains conceppts. Ce qu'on y trouve de plus intéressant, que ce ce soit tout ce qui est relatif à l'intellect -et de ce qui y "chute" et s'y objective, les soucis explicites de formulation de l'intentionnalité, l'apport des transcendantaux, les problèmes d'univocité ou d'équivocité de l'être -, les questions de distinction formelle me semble extrêmement teinté d'une attention et de similarités dans les nuances dont il me paraît être une source relativement directe et évidente et ont une postérité lourde qui dépasse largement la scolastique - quoique plus implicitement. La figure d'adversaire d'Averroës me paraît aussi complètement incontourable également pour tenter de résoudre les paradoxes apparents de la raison et de la révélation et il sert quand même de référence ultime comme interprète d'Aristote, il est nommé "le Commentateur" pour une grande partie de ces noms

 

Alors c'est un peu relatif, et ça dépendra peut-être un peu des endroits. A Paris et Padoue sans doute un peu plus qu'ailleurs pour Averroës chez ceux qui s'en réclamaient. 

 

Il y a 3 heures, Bézoukhov a dit :

qu'Averroès va déclencher bien plus de débats au sein de l'Université de Paris que dans le monde islamique entier.

Ca par contre c'est assez vrai, la philosophie d'Averroës est une figure bien plus notable dans philosophie occidentale que de la philosophie arabe, il intéressait beaucoup  moins les penseurs arabes (probablement par l'effet d'une trop grande distance). C'est beaucoup moins vrai si on parle d'Avicenne par contre qui reste quand même un nom important assez tard, chez un Kammuna par exemple. Les débats philosophiques étaient devenus plus mineurs à cette époque et tombés dans un net déclin, par contre, je veux bien le concéder.

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Il y a 11 heures, Bézoukhov a dit :

 

Quand dans un débat historique, un agrégé de philosophie fait face à un agrégé d'histoire, sauf à avoir des œillères idéologiques, c'est souvent l'agrégé de philosophie qui a tort.

 

Outre qu'il s'agisse spécifiquement d'histoire de la philo, comme le rappelle Arlequin, le débat ne porte ni sur l'existence de manuscrit d'Aristote quelque part en Europe... ni sur le fait que d'Aquin se positionne dans un débat extra-européen, où les grands noms sont arabo-persans. La thèse, fringe, de "Aristote au Mont Saint Michel", était que malgré le fait que le retour en force d'Aristote s'accompagnait d'une discussion de ses commentateurs arabes, on aurait quand même pu avoir la même chose sans leur apport. L'argument était : même si on sait qu'il y avait du monde qui traduisaient Aristote en latin depuis l'arabe à ce moment là, même si on sait que les avicéniens et avérroistes pullulaient dans les universités, etc, puisqu'il y avait quelques manuscrits d'Aristote en latin quelque part ailleurs, on peut ignorer tout le reste.

Alors que, enfin... Thomas d'Aquin appelle Averroès "LE commentateur", tout comme il appelle Aristote "LE philosophe". Il faut beaucoup de mauvaise fois pour nier la tradition d'exégèse dans laquelle lui-même se place. Il y a même une recette de couscous dans la Somme Théologique !

(l'une des affirmations précédentes est fausse)

 

Il y a 11 heures, Bézoukhov a dit :

mais de mémoire, le côté amusant est qu'Averroès va déclencher bien plus de débats au sein de l'Université de Paris que dans le monde islamique entier.

 

Oui, bien sûr, il est quasiment ignoré, l'averroisme est un phénomène très latin. Avicenne, par contre, est d'une importance encore plus grande qu'un ne le soupçonne. 

 

Il y a 7 heures, Arlequin/TuringMachine a dit :

Que ce soit chez Albert le Grand, Henri de Gand,  Bonaventure, Thomas ou Duns Scot. La plupart des développements scolastiques que je trouve les plus intéressants pr ce qui est du traitement des concepts aristotélicien - me paraissent passer très fortement par le filtre d'Avicenne au moins dans la formulation, l'organisaion de la pensée ou même cetains conceppts. Ce qu'on y trouve de plus intéressant, que ce ce soit tout ce qui est relatif à l'intellect -et de ce qui y "chute" et s'y objective, les soucis explicites de formulation de l'intentionnalité, l'apport des transcendantaux, les problèmes d'univocité ou d'équivocité de l'être -, les questions de distinction formelle me semble extrêmement teinté d'une attention et de similarités dans les nuances dont il me paraît être une source relativement directe et évidente et ont une postérité lourde qui dépasse largement la scolastique - quoique plus implicitement. La figure d'adversaire d'Averroës me paraît aussi complètement incontourable également pour tenter de résoudre les paradoxes apparents de la raison et de la révélation et il sert quand même de référence ultime comme interprète d'Aristote, il est nommé "le Commentateur" pour une grande partie de ces noms

 

Il y a aussi la distinction entre l'essence et l'existence, et la preuve de Dieu par la contingence, qui viennent de Avicenne, et qui sont de gros morceaux. 

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Je vais peut être reexpliquer la controverse de 2008 parce que si on est pas hyper démonstratif les gens ne comprennent pas.

 

Il y avait des gens, appelons les les megilliens, qui étalaient des tonnes de confiture pour laisser accroire au public que la recette de la confiture venait principalement du monde islamo-arabe.

 

Ce a quoi SG (*) répond par un ouvrage de vulgarisation qui rappelle que (a) il y avait encore pas mal de recettes de confiture en Occident et (b) et surtout que l’Occident avait pendant tout ce temps des échanges soutenus avec les spécialistes ès confiture qu’étaient les byzantins.

 

La les megilliens font ce qu’ils savent faire de mieux, de la confiture. Non je blague. Des pétitions et des articles de diffamation dans la presse de gauche, bien évidemment. En expliquant quand même que SG ne fait pas de la Mackays (**).

 

Alors 20 ans plus tard ils sont contents parce qu’ils ont « plié le débat ». Enfin, disons que leur terrorisme intellectuel les a encore plus confinés entre le haut et le bas de la Rue Soufflot. Dommage qu’ils soient spécialistes de confiture et pas de distillation ; c’est un meilleur modèle.

 

(*) qui est quand même quelqu’un de très honnête et courageux. Il a juste tenu droit tout du long, n’a pas vrillé en s’acoquinant avec des gens douteux et utilise sa « notoriété » pour écrire dans Guerre et Histoire et tous les deux ou trois ans un (bon) livre sur son intérêt du moment.

(**) Confiture écossaise 

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Il y a 3 heures, Bézoukhov a dit :

Je vais peut être reexpliquer la controverse de 2008 parce que si on est pas hyper démonstratif les gens ne comprennent pas.

 

Il y avait des gens, appelons les les megilliens, qui étalaient des tonnes de confiture pour laisser accroire au public que la recette de la confiture venait principalement du monde islamo-arabe.

 

Ce a quoi SG (*) répond par un ouvrage de vulgarisation qui rappelle que (a) il y avait encore pas mal de recettes de confiture en Occident et (b) et surtout que l’Occident avait pendant tout ce temps des échanges soutenus avec les spécialistes ès confiture qu’étaient les byzantins.

 

La les megilliens font ce qu’ils savent faire de mieux, de la confiture. Non je blague. Des pétitions et des articles de diffamation dans la presse de gauche, bien évidemment. En expliquant quand même que SG ne fait pas de la Mackays (**).

 

Alors 20 ans plus tard ils sont contents parce qu’ils ont « plié le débat ». Enfin, disons que leur terrorisme intellectuel les a encore plus confinés entre le haut et le bas de la Rue Soufflot. Dommage qu’ils soient spécialistes de confiture et pas de distillation ; c’est un meilleur modèle.

 

(*) qui est quand même quelqu’un de très honnête et courageux. Il a juste tenu droit tout du long, n’a pas vrillé en s’acoquinant avec des gens douteux et utilise sa « notoriété » pour écrire dans Guerre et Histoire et tous les deux ou trois ans un (bon) livre sur son intérêt du moment.

(**) Confiture écossaise 

Je suis assez peu sensible à la rhétorique de l'innocent chercheur de vérité qui remet l'église au milieu du village contre l'establishment terroriste intellectuellement après avoir sorti un ouvrage grand-public avec un style et des arguments polémiques- quand il fait effectivement polémique et rencontre les résistances totalement attendues. C'est un meme efficace qui rencontre facilement beaucoup de succès et il est très susceptible de vrai dans beaucoup de contextes - le conformisme étant une barrière difficile à franchir. Très souvent je trouve qu'il manque souvent un certain nombre de nuances si on s'en arrête là car souvent, les propos des spécialistes, mêmes consensuels, sont aussi fondés en raison.  Aussi bien Galilée que les pires Charlatans sont susceptible de vouloir se retrouver sous ce manteau. Avec les probabilités qui penchent tout de même assez régulièrement dans la deuxième direction. 

 

Pour y aller un peu plus finement, ce que j'ai eu de seconde main - mais j'ai revérifié à l'occasion de ce débat en rapide les résumés synthétiques du livre que je pouvais en trouver et des critiques et des défenses - c'est que le propos de SG ne s'est pas du tout contenté de rappeler l'existence d'un certain aristotélisme latin qui a bien existé - et de rappeler les contacts avec les Byzantins. Il y a certains points qui sont vrais - c'est idéniable que la logique des prédicats était mieux reconstruite par Boèce et Abélard que par les Arabes par exemple qui eux foutaient un peu tout et n'importe quoi dans leur terme de logique plus simplement relatif aux arts du discours et du  raisonnement au sens très large, et très connecté à la médecine dans la tradition avicennienne  - mais de relativiser complètement l'importance des Arabes pour les scolastiques en prétendant que tous les ingrédients étaient déjà disponibles sur place et que les développements arabes ultérieurs étaient très mineurs. Ce qui me paraît considérablement plus révisionniste si tel est effectivement le propos parce qu'il y a 1/ toute l'énorme partie de la pensée qui n'était en fait pas en possession de ces copistes (ceux qui prédatent les contacts arabes plus poussés, par exemple au mont saint-Michel par exemple, étaient la traduction du Peri Hermeneias de Boèce et les catégories https://craham.hypotheses.org/1425 ) 2/ qu'elle n'était pas du tout développé dans ces termes et avec ce degré de systématicité dans les commentaires. Cf les traditions exegétiques très importantes auquel on a fait référence plus haut. 

 

Le fait de souligner que les interprétations arabes aient été sans importance ni originalité et l'expliquer à travers des hypothèses linguistiques bizarres sur la nature comparée des langues arabes et latines, consonante ou contextuelle, me paraît aussi juste faux. J'ai cru voir aussi voir qu'il ne s'est pas contenté de parler d'Aristote mais a étendu le propos aux mathématiques par exemple, en ne mentionnant pas  Al Khuarizmi, mais je n'ai pas été lire le livre pour vérifier si c'est vrai.

 

En tout cas, ne pense pas que son ouvrage aurait fait un tel éclat s'il s'était contenté d'insister sur les communications avec les byzantins ou sur la réforme grégorienne, ou le soin de certains copistes. En fait, ce qui me paraît plus probable du point de vue pragmatique, c'est que SG ait un peu troll, exagéré certains traits très considérablement, et totalement obtenu les réactions knee-jerks qu'il désirait pour populariser son bouquin - même s'il a au moins le mérite au moins de rappeler certains faits intéressants sur les traditions d'interprétation antérieures d'Aristote et de recentrer un peu l'attention du public sur la philosophie médiévale généralement. 

 

 

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Tiens, le club des lecteurs de quatrième de couverture est de sortie.

 

Je ne défendrais certainement pas Fanjul en ces termes parce que lui cherchait clairement la polémique. SG lui était étonné.

 

Apres bien sûr on peut croire que les aréopages de l’université se mettent à faire des pétitions parce qu’ils sont scandalisés d’une interprétation sur l’histoire des prédicats. C’est être naïf ou hypocrite.

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Il y a 2 heures, Arlequin/TuringMachine a dit :

je n'ai pas été lire le livre pour vérifier si c'est vrai.

Quand un livre fait tellement polémique et que l'on souhaite débattre de ladite polémique, ce n'est peut-être pas un luxe. Au minimum des extraits, quand même.

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il y a 59 minutes, Bézoukhov a dit :

Je ne défendrais certainement pas Fanjul en ces termes parce que lui cherchait clairement la polémique. SG lui était étonné.

 

Apres bien sûr on peut croire que les aréopages de l’université se mettent à faire des pétitions parce qu’ils sont scandalisés d’une interprétation sur l’histoire des prédicats. C’est être naïf ou hypocrite.

Mon propos ne se limitait évidemment pas à cela.

 

Evidemment que le thème est brûlant, et qu'il y a derrière un arrière-plan politique qui cadre sans doute avec  l'idéologie des universitaires et les pousse sans doute à adopter certaies positions plutôt que d'autres (encore que certains partisans d'une influence arabe nette que j'ai lus ici et là  me paraissent pas forcément tous être des gauchistes typiques, beaucoup des gens qui s'intéressent à la scolastique sont juste profondément catholiques. J'ai du mal à penser que quand un Pasqua va parler de l'influence profonde d'Avicenne sur Duns Scot ce soit pour ces raisons-là. 

 

Evidemment aussi que quand ça fait scandale dans la presse gauchiste, ça l'est pour d'autres raisons que de des seuls enjeux que la seule précision factuelle.  Par contre, on pourrait aussi rétorquer que c'est tout aussi naïf que de croire que cet étonnement est complètement sincère - quand il s'avance autant sur un sujet aussi brûlant dans un ouvrage destiné au grand-public. 

 

il y a 33 minutes, Rincevent a dit :

Quand un livre fait tellement polémique et que l'on souhaite débattre de ladite polémique, ce n'est peut-être pas un luxe. Au minimum des extraits, quand même.

Oui je suis d'accord, je me suis un peu trop empressé de répondre, et j'ai écrit un peu trop vite (et encore laissé trop de coquilles hélàs), je le confesse.

 

Ce que ce que j'en lisais me paraissait par contre être dans une très certaine discordance avec ce que je connais des interprétations d'Aristote au moyen-âge et cela m'a immédiatement frappé.  J'ai un peu trop tendance à faire confiance aux recensions universitaires quand je vois un argument revenir mais et javais tout de même vu certaines citations revenir, qui laissaient assez peu de place à l'interprétation. En attendant, si quelqu'un l'a lu il peut me préciser en quoi l'ouvrage est plus nuancé dans son propos sur l'originalité du monde arabe, cela m'intéresse tout aussi bien. 

 

Le sujet m'intéresse un petit peu plus du pdv historique maintenant que j'ai cherché à en débattre donc je vais y remédier très prochainement. 

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