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Parabole de la barque


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C'est l'histoire d'une barque qu'on achète toute neuve. Le temps passant une planche se voile il faut la changer, puis c'est le tour d'un sabord et d'une autre planche qui finit par moisir… de proche en proche aux bouts de quelques années il ne reste plus aucune pièce d'origine : toutes ont été remplacées par de nouvelles. Est-ce que la barque finale est le même objet que la barque initiale ?

Il semblerait que cette vieille antienne philosophique trouve une application contemporaine dans le cadre de la perception qu'on se fait de l'homme et de l'humanité. Ce n'est un secret pour personne les nouvelles technologies qu'on applique à l'humain sont de plus en plus invasives et le transforment tous les jours un peu plus. On peut partir de l'extérieur (la chirurgie esthétique omniprésente) pour aller jusqu'au plus profond de l'être avec la thérapie génique qui modifie concrètement le patrimoine génétique d'une personne, en passant par tous les stades intermédiaires (multiplication d'implants, de prothèses, d'organes artificiels plus ou moins biologiques/mécaniques). Mon but n'est pas ici de faire une anthologie des utopies ou dystopies qui pourraient en découler et que l'on classe généralement sous le vocable transhumanisme.

La première remarque qui me vient à ce sujet est qu'il s'agit d'un exemple relativement rare qui soulève des questions éthiques avant même d'envisager un usage quelconque de la technologie (bon ou mauvais), un cas concret. Historiquement on a quelques découvertes de ce type (la théorie de l'évolution, la révolution copernicienne) mais on peut pas dire que ce soit si fréquent.

La question que je me pose est théorique et est la suivante : à partir de quand peut on dire qu'on est face à un post-humain ? D'ailleurs est il possible de le dire et si oui quel sens on peut donner à ce type de réflexion ? De plus cela a des répercussions sur le libéralisme en ce que des notions aussi basiques que l'individu (qui est au centre du libéralisme) sont impactées. En quoi le droit, les principes fondamentaux sont ils touchés ou non par ce type d'évolutions ?

J'aimerai bien qu'on ne parte pas sur "est ce que c'est bien/pas bien, moral/pas moral, est ce que ça revient à de l'eugénisme etc." (j'ouvrirai un autre fil pour ça) mais bien qu'on se limite dans ce fil à cette question fondamentale sur la notion d'individu.

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En pratique, cette parabole de la barque peut s'appliquer au corps humain en général, avec une exception notable : celles des cellules du système nerveux. En effet, la totalité des cellules sont renouvellées régulièrement sauf les cellules du système nerveux.

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En pratique, cette parabole de la barque peut s'appliquer au corps humain en général, avec une exception notable : celles des cellules du système nerveux. En effet, la totalité des cellules sont renouvellées régulièrement sauf les cellules du système nerveux.

Faux.

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En pratique, cette parabole de la barque peut s'appliquer au corps humain en général, avec une exception notable : celles des cellules du système nerveux. En effet, la totalité des cellules sont renouvellées régulièrement sauf les cellules du système nerveux.

Ton squelette (tes dents par exemple) est relativement stable mais c'est vrai que globalement ça marche aussi. L'identité quelque chose d'assez mystérieux. D'autant plus si on prend en compte les derniers développements des neuros sciences (où la "conscience" semble suivre et non précéder l'action).

Disons que là je pensais à un renouvellement encore plus brutal mais surtout extérieur (on t'injecte un rétrovirus pour modifier ton génome par exemple).

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Ton squelette (tes dents par exemple) est relativement stable mais c'est vrai que globalement ça marche aussi. L'identité quelque chose d'assez mystérieux. D'autant plus si on prend en compte les derniers développements des neuros sciences (où la "conscience" semble suivre et non précéder l'action).

Je ne sais pas quel est le rythme de renouvellement du tissu osseux, mais il se renouvelle également. Idem pour les dents.

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Faux.

Oui. Il a été prouvé dans les 10 dernières années que même le système nerveux se régénère.

à partir de quand peut on dire qu'on est face à un post-humain ?

Tu enlèves un grain de sable à un tas de sable. Puis un autre, puis un autre, etc… A partir de quand peut-on dire que tu as perdu trop de temps sur une question qui ne se posera finalement pas ?

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Pour préciser, les cellules gliales du système nerveux se renouvellent, ainsi que quelques exceptions comme les cellules olfactives, mais d'une façon générale, la cellule nerveuse ne suit pas le processus habituel de renouvellement.

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Tu enlèves un grain de sable à un tas de sable. Puis un autre, puis un autre, etc… A partir de quand peut-on dire que tu as perdu trop de temps sur une question qui ne se posera finalement pas ?

L'exemple récent de la participation ou non de Pistorius aux JO, eut égard à ses prothèses, montre que le problème commence déjà à pointer le bout de son nez sur le terrain juridique.

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C'est l'histoire d'une barque qu'on achète toute neuve. Le temps passant une planche se voile il faut la changer, puis c'est le tour d'un sabord et d'une autre planche qui finit par moisir… de proche en proche aux bouts de quelques années il ne reste plus aucune pièce d'origine : toutes ont été remplacées par de nouvelles. Est-ce que la barque finale est le même objet que la barque initiale ?

Tiens, ça me fait penser que…

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L'exemple récent de la participation ou non de Pistorius aux JO, eut égard à ses prothèses, montre que le problème commence déjà à pointer le bout de son nez sur le terrain juridique.

Justement, c'est exactement ce que je dis. De même qu'un grain de sable ne fait pas un tas, un cas juridique ne fait pas une généralité. Autrement dit, il s'écoulera plein d'eau sous plein de ponts avant qu'on se pose réellement des questions plus vastes, et d'ici là, les frontières que nous connaissons déjà auront considérablement bougé. Ce qui veut dire que se poser la question maintenant, c'est comme pour un type du moyen-âge se poser la question des implications philosophiques ou morales du voyage spatial.

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Justement, c'est exactement ce que je dis. De même qu'un grain de sable ne fait pas un tas, un cas juridique ne fait pas une généralité. Autrement dit, il s'écoulera plein d'eau sous plein de ponts avant qu'on se pose réellement des questions plus vastes, et d'ici là, les frontières que nous connaissons déjà auront considérablement bougé. Ce qui veut dire que se poser la question maintenant, c'est comme pour un type du moyen-âge se poser la question des implications philosophiques ou morales du voyage spatial.

Je ne pense pas. Si on veut juste se limiter aux JO on peut prendre l'exemple du tir : aujourd'hui on soigne la maladie de parkinson avec des implants qui font que tu ne trembles plus. Des yeux artificiels commencent à voir le jour (oui elle était facile celle là) et dès que tu as la vison électronique tu pourras zoomer at will. En résumé on pourrait très bien imaginer que le problème se pose dans quelques olympiades d'un aveugle parkinsonien qui ne tremble plus du tout et peut zoomer sur la cible comme il veut.

Je pense au contraire qu'on est plutôt dans la situation de l'europe de 1490, celle qui se croyait au centre de l'univers jusqu'à ce que Christophe Collomb et Galileo Galilei montrent que ce n'était pas trop raisonable comme point de vue.

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  • 2 weeks later...

En me documentant je suis tombé sur deux trois idées intéressantes. La première est une remarque de K. Popper : "Le devenir présente cette caractéristique essentielle que la chose soumise au changement conserve son identité à travers ce changement". Lumineuse remarque sur le fait que l'idée même du changement repose sur une identité qui survivrait à ce changement. Joli paradoxe auquel je n'avais jamais vraiment réfléchi.

De là ressort le vieux combat entre Héraclite et Parménide. Pour Héraclite tout change tout le temps, et l'identité une illusion mentale : ce qu'on observe autour de nous ne sont que des processus, imaginer une chose fixe n'est possible que dans notre esprit, en vrai les choses changent en permanence. Pour Parménide l'Etre est fondamental et la transformation n'est qu'une illusion.

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  • 4 months later...
(…)

La question que je me pose est théorique et est la suivante : à partir de quand peut on dire qu'on est face à un post-humain ? D'ailleurs est il possible de le dire et si oui quel sens on peut donner à ce type de réflexion ? De plus cela a des répercussions sur le libéralisme en ce que des notions aussi basiques que l'individu (qui est au centre du libéralisme) sont impactées. En quoi le droit, les principes fondamentaux sont ils touchés ou non par ce type d'évolutions ?

(…)

Comme tu m'y invites, je te réponds.

Post-humain est un peu un slogan. Très concrètement, on serait dans le post-humain en cas d'émergence depuis l'homme actuel d'une nouvelle espèce possédant une barrière reproductive. On aurait donc deux espèces humaines, dont l'un est "post" au sens temporel. En soi, cela doit être faisable : disons que s'il existe un pool reproductif assez important à la base, les individus de ce pool pourraient peut-être opérer divers changements biologiques rendant impossibles l'interfécondité avec des individus extérieurs à ce pool (non reconnaissance de gamètes, non assortiment chromosomique, des choses comme cela).

Le post-humain au sens courant, c'est simplement des modifications biologiques (type permutation génique) ou techniques (type implants) à partir des individus de l'espèce actuelle. En soi, cela n'a rien d'extraordinaire, notre espèce a connu des transformations locales au cours des 200 000 dernières années, nous n'avons pas les mêmes fréquences géniques que nos ancêtres, et nous opérons bien sûr toutes sortes d'interventions externes sur nos corps qu'ils ne pratiquaient pas (lunettes, prothèses diverses, médicaments, etc.). Simplement, nous avons aujourd'hui la possibilité technique d'intervenir de manière volontaire sur des éléments inconnus auparavant (gènes, protéines, cellules, tissus, etc.), de manière ciblée, en pouvant plus ou moins anticiper les conséquences de la transformation. Avant, la sélection naturelle opérait toute seule (par exemple, les individus qui n'avaient pas les gènes de tolérance au lactose chez les population d'éleveurs avaient une mortalité plus forte, la fréquence génique de la population se modifiait d'elle-même, lentement, et c'est vrai pour tous les gènes ayant une valeur adaptative).

Sur le reste : je ne crois pas que cela change beaucoup la notion d'individu, tant que l'on reste dans le domaine de ce qui est raisonnablement envisageable. Je ne suis pas dans le même état psychologique avant et après une cure d'antidépresseur, c'est néanmoins le même individu qui existe. Ce que cela semble remettre en question, c'est l'idée d'individu comme monade fixe, permanente, possédant une "essence" impossible à modifier. Le fait est que c'est possible, les annales de la neuropathologie (par exemple) montrent qu'une petite lésion cérébrale change durablement et irréversiblement la personnalité et le comportement d'un individu. De même que la vie d'un bébé-bulle (DICS-X) change selon qu'on lui a ou non donné la version du gène codant pour l'interleukine 2 (son récepteur).

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Post-humain est un peu un slogan. Très concrètement, on serait dans le post-humain en cas d'émergence depuis l'homme actuel d'une nouvelle espèce possédant une barrière reproductive. On aurait donc deux espèces humaines, dont l'un est "post" au sens temporel. En soi, cela doit être faisable : disons que s'il existe un pool reproductif assez important à la base, les individus de ce pool pourraient peut-être opérer divers changements biologiques rendant impossibles l'interfécondité avec des individus extérieurs à ce pool (non reconnaissance de gamètes, non assortiment chromosomique, des choses comme cela).

Je pense que si aujourd'hui la barrière de la fécondité a un sens aujourd'hui cela va vite disparaître. Les chimères sont déjà là comme dirait RH (cf https://www.liberaux.org/index.php?showtopic=37322 ). Je pense que le critère d'interfécondité est à prendre avec des pincettes (on peut imaginer des évolutions du clonage avec un mixage des gènes avec un pourcentage de mélange entre plusieurs espèces/personnes qui dépasse deux individus et même deux races).

Le post-humain au sens courant, c'est simplement des modifications biologiques (type permutation génique) ou techniques (type implants) à partir des individus de l'espèce actuelle. En soi, cela n'a rien d'extraordinaire, notre espèce a connu des transformations locales au cours des 200 000 dernières années, nous n'avons pas les mêmes fréquences géniques que nos ancêtres, et nous opérons bien sûr toutes sortes d'interventions externes sur nos corps qu'ils ne pratiquaient pas (lunettes, prothèses diverses, médicaments, etc.). Simplement, nous avons aujourd'hui la possibilité technique d'intervenir de manière volontaire sur des éléments inconnus auparavant (gènes, protéines, cellules, tissus, etc.), de manière ciblée, en pouvant plus ou moins anticiper les conséquences de la transformation. Avant, la sélection naturelle opérait toute seule (par exemple, les individus qui n'avaient pas les gènes de tolérance au lactose chez les population d'éleveurs avaient une mortalité plus forte, la fréquence génique de la population se modifiait d'elle-même, lentement, et c'est vrai pour tous les gènes ayant une valeur adaptative).

Et que dis tu du cas Pistorius par exemple ? Il est un peu triviale mais montre bien le problème : un homme "transformé" s'est vu refusé (dans un premier temps) la participation aux JO. Bien sûr on s'en fout un peu mais derrière arrivent directement les réglementation sur le droit du travail (il n'y a que ceux qui ont tel truc qui peuvent faire tel métier ou au contraire ne pas le faire etc.) etc. Bref, l'unité de l'humanité ne me semble plus du tout aller de soi dans un tel monde (qui vient). Je suis sur que les sportifs du tour de France sont intéressés par les trans-souris

Sur le reste : je ne crois pas que cela change beaucoup la notion d'individu, tant que l'on reste dans le domaine de ce qui est raisonnablement envisageable. Je ne suis pas dans le même état psychologique avant et après une cure d'antidépresseur, c'est néanmoins le même individu qui existe. Ce que cela semble remettre en question, c'est l'idée d'individu comme monade fixe, permanente, possédant une "essence" impossible à modifier. Le fait est que c'est possible, les annales de la neuropathologie (par exemple) montrent qu'une petite lésion cérébrale change durablement et irréversiblement la personnalité et le comportement d'un individu. De même que la vie d'un bébé-bulle (DICS-X) change selon qu'on lui a ou non donné la version du gène codant pour l'interleukine 2 (son récepteur).

Je pense au contraire que ça ouvre la boite de pandore dans les deux sens : si plusieurs lignées deviennent des espèces à par entière, et d'autre accèdent à un statut quasi humain (ie on arrive à rendre les singes nettement plus intelligents en bidouillant) alors c'est quoi l'humanité ? C'est quoi le droit naturel ? Il est inter ou intra-espèce ? Je vois une montagne de questions relativement nouvelles : on ne s'est jamais vraiment posé la question en termes concrets mais il existe pas mal de mythes et, n'en déplaisent à certains, les polythéismes antiquent offrent quelques pistes.

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Je pense que si aujourd'hui la barrière de la fécondité a un sens aujourd'hui cela va vite disparaître. Les chimères sont déjà là comme dirait RH (cf https://www.liberaux.org/index.php?showtopic=37322 ). Je pense que le critère d'interfécondité est à prendre avec des pincettes (on peut imaginer des évolutions du clonage avec un mixage des gènes avec un pourcentage de mélange entre plusieurs espèces/personnes qui dépasse deux individus et même deux races).

Je parlais du post-humain comme émergence d'une nouvelle forme d'humanité, dans une logique d'espèce, puisque nous en sommes une. A plus court terme, les chimères dont tu parles sont simplement des moyens d'éviter l'utilisation des ovocytes de femmes dans la recherche. Cela ne produit pas des individus, et ce n'est pas envisagé, simplement des cellules. En soi, on pourrait faire des humains fluorescents comme Kac et l'Inra le firent avec des lapins, par introduction d'exogènes. Mais outre que personne n'a envie de le faire, cela ne changerait pas tellement l'appartenance des individus fluos à Homo sapiens.

Et que dis tu du cas Pistorius par exemple ? Il est un peu triviale mais montre bien le problème : un homme "transformé" s'est vu refusé (dans un premier temps) la participation aux JO. Bien sûr on s'en fout un peu mais derrière arrivent directement les réglementation sur le droit du travail (il n'y a que ceux qui ont tel truc qui peuvent faire tel métier ou au contraire ne pas le faire etc.) etc. Bref, l'unité de l'humanité ne me semble plus du tout aller de soi dans un tel monde (qui vient). Je suis sur que les sportifs du tour de France sont intéressés par les trans-souris

Interdire d'être conducteur de bus à un individu ayant une prédisposition à la narcolepsie ne remettrait pas en cause l'unité de l'humanité, cela viserait simplement à prévenir le risque qu'il s'endorme au volant avec trente gosses derrière. Mais il y a là des débats très différents, les conséquences éventuelles de l'information génétique sur les professions (et surtout les assurances) sont une question à part entière. Sur Pistorius, je n'ai pas d'avis particulier, la décision semble conforme au règlement des jeux.

Je pense au contraire que ça ouvre la boite de pandore dans les deux sens : si plusieurs lignées deviennent des espèces à par entière, et d'autre accèdent à un statut quasi humain (ie on arrive à rendre les singes nettement plus intelligents en bidouillant) alors c'est quoi l'humanité ? C'est quoi le droit naturel ? Il est inter ou intra-espèce ? Je vois une montagne de questions relativement nouvelles : on ne s'est jamais vraiment posé la question en termes concrets mais il existe pas mal de mythes et, n'en déplaisent à certains, les polythéismes antiquent offrent quelques pistes.

Le droit naturel reste un mystère pour moi… et tout ce que j'ai lu à ce jour m'a convaincu que la "nature" dont il parle n'a de toute façon pas grand chose à voir avec ce que nous savons de la nature biologique de l'homme, modifiée ou pas. C'est le problème de la polysémie de "nature".

Les mythes antiques s'accomodaient très volontiers des chimères, les légendes gréco-romaines en débordaient même, cela baise dans tous les coins et c'est plutôt amusant. Mais bon, il vaut quand même mieux réfléchir sur des hypothèses plus réalistes, parce que sinon on file dans le fantasme. L'homme a beau ajouter la sélection artificielle aux anciennes formes de sélection (naturelle, sexuelle, culturelle), rien de sérieux ne nous laisse prévoir qu'il va avoir l'envie furieuse de donner naissance à des enfants rouges de trois mètres, avec une trompe, deux têtes et trois pattes.

La question "c'est quoi l'humanité" était déjà l'une des quatre questions fondamentales de Kant (qu'est-ce que l'homme?), et sans doute la plus importante. Il est probable que la science ne laissera pas intactes nos représentations de l'humain.

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Je parlais du post-humain comme émergence d'une nouvelle forme d'humanité, dans une logique d'espèce, puisque nous en sommes une. A plus court terme, les chimères dont tu parles sont simplement des moyens d'éviter l'utilisation des ovocytes de femmes dans la recherche. Cela ne produit pas des individus, et ce n'est pas envisagé, simplement des cellules.

Oui et comme tout le monde l'aura noté la chirurgie esthétique est restée limitée à la reconstruction des gueules cassées comme au lendemain de la première guerre mondiale..

Sur Pistorius, je n'ai pas d'avis particulier, la décision semble conforme au règlement des jeux.

Son cas à ceci de particulier est que c'est une première en ce qu'on considère, d'un point de vue légal, qu'un humain "augmenté" n'est plus tout à fait comme les autres.

Les mythes antiques s'accomodaient très volontiers des chimères, les légendes gréco-romaines en débordaient même, cela baise dans tous les coins et c'est plutôt amusant. Mais bon, il vaut quand même mieux réfléchir sur des hypothèses plus réalistes, parce que sinon on file dans le fantasme. L'homme a beau ajouter la sélection artificielle aux anciennes formes de sélection (naturelle, sexuelle, culturelle), rien de sérieux ne nous laisse prévoir qu'il va avoir l'envie furieuse de donner naissance à des enfants rouges de trois mètres, avec une trompe, deux têtes et trois pattes.

Non mais sans partir dans le fantasme cette coexistence/mélange entre Dieux et homme est intéressante. Il y a une différence mais pas si grande. Une voie pour la coexistence ? Au contraire j'y vois une manière d'éviter de tomber dans les fantasmes (qui en plus sont généralement d'une pauvreté d'imagination désolante).

La question "c'est quoi l'humanité" était déjà l'une des quatre questions fondamentales de Kant (qu'est-ce que l'homme?), et sans doute la plus importante. Il est probable que la science ne laissera pas intactes nos représentations de l'humain.

En effet…

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Oui et comme tout le monde l'aura noté la chirurgie esthétique est restée limitée à la reconstruction des gueules cassées comme au lendemain de la première guerre mondiale..

La chirurgie esthétique ne change rien à la commune humanité : tu as simplement des individus qui modifient leur aspect extérieur, éventuellement leur sexe (chirurgie de réassignation + traitement neuro-hormonal). En Occident, elle s'inscrit dans un souci hédoniste du corps et de l'apparence. Quand une Californienne de 45 ans se fait refaire seins, lèvres et rides pour ressembler à une bimbo de 25 ans, elle ne devient pas vraiment une "chimère". Tu as aussi des "mutants" volontaire comme Genesis P-O-Ridge (qui était d'ailleurs récemment en concert à Paris avec Throbbing Gristle) ou Orlan, mais ces expériences de marge en milieu artistique ont une faible probabilité de se généraliser à toute la population. C'est néanmoins intéressant comme expériences individuelles de transformations volontaires de son corps.

Son cas à ceci de particulier est que c'est une première en ce qu'on considère, d'un point de vue légal, qu'un humain "augmenté" n'est plus tout à fait comme les autres.

Je te ferai remarquer que le droit considère les humains "diminués" (handicapés mentaux par exemple) comme différents des autres, puisqu'ils n'ont pas le même régime de capacité et responsabilité juridiques. En un sens, c'est déjà plus troublant puisque cela implique que l'on est une personne à part entière sous certaines conditions de normalité biologique et psychologique.

Dans le cas de Pistorius, il est considéré comme différent au regard du règlement d'un jeu interdisant certains artifices de nature à fausser le déroulement du jeu. Cela ne va pas au-delà. En revanche, la compétition et l'émulation extrêmes des jeux modernes poussent à l'innovation biotechnologique dans la fabrique de champions. Le dopage génétique, par exemple, consistant à modifier localement des tissus pour améliorer leur oxygénation, sans que cela soit ensuite perceptible au contrôle antidopage.

Non mais sans partir dans le fantasme cette coexistence/mélange entre Dieux et homme est intéressante. Il y a une différence mais pas si grande. Une voie pour la coexistence ? Au contraire j'y vois une manière d'éviter de tomber dans les fantasmes (qui en plus sont généralement d'une pauvreté d'imagination désolante).

Le problème est que vu la vitesse de développement de la science, les possibilités en 2050 risquent de ne pas ressembler à celles de 2000, que ce soit en biotech, nanotech, robotique, pharmacopsychologie, biomécanique, etc. Tirer des plans sur la comète ne sert pas à grand chose, ou alors il faut carrément écrire de la science-fiction. En revanche, on peut mener une réflexion philosophique sur la transformation de l'humain à partir de ce que nous savons et observons déjà : est-elle critiquable, a-t-elle des limites a priori, existe-t-il des demandes probables et anticipables, quelles sont les modifications envisageables à moyen terme, etc.

Je pense que l'homme ne réfléchit pas tellement à sa fusion avec d'autres espèces, plutôt à des types ou des états qu'il juge désirable au sein de sa propre espèce. Jusqu'à présent, on considérait que seule l'action sur le milieu (et depuis lui) pouvait faire tendre vers ces types ou ces états (par exemple, étudier pour être plus intelligent, se maquiller pour paraître plus jeune, faire un voyage pour se changer les idées, s'entraîner pour avoir une bonne forme physique, etc.). Le fait est que nous sommes entrés dans une période où l'action directe sur la biologie de l'individu peut contribuer à réaliser ce genre de désirs. On serait tenté de dire qu'il faut brimer ces désirs… mais alors, pourquoi les accepter voire les encourager dans le premier cas (action sur le milieu) ?

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La chirurgie esthétique ne change rien à la commune humanité : tu as simplement des individus qui modifient leur aspect extérieur, éventuellement leur sexe (chirurgie de réassignation + traitement neuro-hormonal). En Occident, elle s'inscrit dans un souci hédoniste du corps et de l'apparence. Quand une Californienne de 45 ans se fait refaire seins, lèvres et rides pour ressembler à une bimbo de 25 ans, elle ne devient pas vraiment une "chimère". Tu as aussi des "mutants" volontaire comme Genesis P-O-Ridge (qui était d'ailleurs récemment en concert à Paris avec Throbbing Gristle) ou Orlan, mais ces expériences de marge en milieu artistique ont une faible probabilité de se généraliser à toute la population. C'est néanmoins intéressant comme expériences individuelles de transformations volontaires de son corps.

Je le prenais comme une illustration des "dérives" pour montrer que se limiter à ce que propose aujourd'hui la médecine ne préfigure en rien ce qui se fera plus tard. Bref quand tu dis

Cela ne produit pas des individus, et ce n'est pas envisagé, simplement des cellules.

permet moi de douter.

Je te ferai remarquer que le droit considère les humains "diminués" (handicapés mentaux par exemple) comme différents des autres, puisqu'ils n'ont pas le même régime de capacité et responsabilité juridiques. En un sens, c'est déjà plus troublant puisque cela implique que l'on est une personne à part entière sous certaines conditions de normalité biologique et psychologique.

Très exactement la normalité n'est plus ce qu'elle était.

Le problème est que vu la vitesse de développement de la science, les possibilités en 2050 risquent de ne pas ressembler à celles de 2000, que ce soit en biotech, nanotech, robotique, pharmacopsychologie, biomécanique, etc. Tirer des plans sur la comète ne sert pas à grand chose, ou alors il faut carrément écrire de la science-fiction. En revanche, on peut mener une réflexion philosophique sur la transformation de l'humain à partir de ce que nous savons et observons déjà : est-elle critiquable, a-t-elle des limites a priori, existe-t-il des demandes probables et anticipables, quelles sont les modifications envisageables à moyen terme, etc.

Au contraire je pense qu'il faut y penser avant d'avoir le nez dedans et de se mettre à réagir d'une manière que je qualifierais de Sarkozienne (ie au fil des faits divers). Pas trouver de solution, vu qu'on ne peut pas connaître les problèmes précis, mais au moins mettre sur pied un cadre intellectuel pour nous permettre d'y réfléchir au delà du fantasme (ce qui est la majeure partie des réactions aujourd'hui).

Je pense que l'homme ne réfléchit pas tellement à sa fusion avec d'autres espèces, plutôt à des types ou des états qu'il juge désirable au sein de sa propre espèce. Jusqu'à présent, on considérait que seule l'action sur le milieu (et depuis lui) pouvait faire tendre vers ces types ou ces états (par exemple, étudier pour être plus intelligent, se maquiller pour paraître plus jeune, faire un voyage pour se changer les idées, s'entraîner pour avoir une bonne forme physique, etc.). Le fait est que nous sommes entrés dans une période où l'action directe sur la biologie de l'individu peut contribuer à réaliser ce genre de désirs. On serait tenté de dire qu'il faut brimer ces désirs… mais alors, pourquoi les accepter voire les encourager dans le premier cas (action sur le milieu) ?

Je ne sais pas j'imagine que les manipulations génétiques profondes seront faites sur les animaux avant les hommes. De là à déboucher sur une nouvelle espèce de singe avec une intelligence supérieure pourrait bien arriver (ce serait alors eux qui rentreraient dans le giron de "l'humanité" plutôt que des humains qui en sortiraient). Mais c'est très prospectif c'est vrai.

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Je le prenais comme une illustration des "dérives" pour montrer que se limiter à ce que propose aujourd'hui la médecine ne préfigure en rien ce qui se fera plus tard. Bref quand tu dis

(…)

permet moi de douter.

Doute si tu veux, mais les chimères dont tu parlais sont simplement des cytoplasmes de cellules animales (type cochon) utilisées pour la culture cellulaire. Si tu crois que les chercheurs visent à faire des chimères homme-cochon vivantes et réelles, tu fantasmes. Et si tu penses que des humains auront un jour envie d'avoir des enfants à moitié homme à moitié cochon, je suggère que tu fantasmes aussi.

En revanche, doter un humain de certaines capacités spécifiques (par exemple une bonne vision nocturne) inspirées d'autres espèces, cela fait partie des choses envisageables, quoiqu'assez loin dans le futur. Je pense surtout qu'il sera a priori plus simple et mieux accepté psychologiquement de procéder par des implants matériels (réversibles) que de changer la biologie de l'individu (irréversible). Dans ce cas, les "chimères" ne seront guère différentes d'un individu possédant aujourd'hui un pace-maker, une hanche artificielle et un implant cochléaire : personne ne prend cet individu pour un monstre ou un post-humain.

Au contraire je pense qu'il faut y penser avant d'avoir le nez dedans et de se mettre à réagir d'une manière que je qualifierais de Sarkozienne (ie au fil des faits divers). Pas trouver de solution, vu qu'on ne peut pas connaître les problèmes précis, mais au moins mettre sur pied un cadre intellectuel pour nous permettre d'y réfléchir au delà du fantasme (ce qui est la majeure partie des réactions aujourd'hui).

Mais sache que l'on y pense beaucoup. Il paraît des kilotonnes de livres (surtout anglo-saxons il est vrai) sur les enjeux bio-éthiques de la science et la médecine apliquées à l'homme, aujourd'hui et demain. Ce renouveau du questionnement a commencé dans les années 1970, avec la conférence d'Asilomar sur les manipulations génétiques (1975, suite à la mise au point du clonage positionnel et de la transgenèse) et la naissance de Louise Brown (1978, premier bébé-éprouvette).

Je ne sais pas j'imagine que les manipulations génétiques profondes seront faites sur les animaux avant les hommes. De là à déboucher sur une nouvelle espèce de singe avec une intelligence supérieure pourrait bien arriver (ce serait alors eux qui rentreraient dans le giron de "l'humanité" plutôt que des humains qui en sortiraient). Mais c'est très prospectif c'est vrai.

Il y a déjà des manipulations génétiques "profondes" sur toutes sortes d'espèces animales. Mais cela vise à créer des modèles animaux de pathologies humaines. Crois-moi donner une "intelligence supérieure" à une souris, un rhésus ou un chimpanzé n'est ni dans les programmes de recherche présents et envisagés, ni surtout dans le domaine du faisable. La différence entre un cerveau humain et un cerveau d'autres primates (a fortiori murin, porcin, etc.), ce n'est pas un ou deux gènes que tu permutes. Même quand nous aurons une vue plus claire de la différence homme-singe, avec des milliers de facteurs génétiques et épigénétiques concernés, pourquoi donc voudrais-tu essayer de donner naissance à une espèce non-humaine de primates intelligents ? Il est bien plus probable que la robotique et l'IA auront d'ici là permis la mise au point d'artefacts simulant à la perfection des aspects de la cognition humaine.

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Post-scriptum : tout dépend aussi de l'échelle de temps envisagée dans cette discussion. Si l'on parle des deux prochaines générations, on peut bien sûr projeter trois ou quatre choses sur la base des modèles et concepts actuels de la science. En revanche, essayer d'imaginer à quoi ressemblera l'humanité en l'an 3000 ou en l'an 10.000 est bien sûr totalement hors de portée.

Ce qui est certain, c'est que les progrès opérés dans la compréhension du vivant et dans la manipulation de la matière ont été tels en un siècle que l'assurance d'une humanité future toujours identique à la nôtre a d'ores et déjà pris un sacré coup, de sorte qu'elle n'est plus qu'une hypothèse parmi d'autres. Cela fait bien sûr un sacré changement : l'ère darwinienne et mendelienne a déjà bouleversé notre vision du passé, puisque nous savons qu'il y avait plusieurs espèces humaines, que l'hominisation a été une lente transformation, que nous sommes assez proches cousins de certaines primates, etc. Mais en contre-coup, c'est notre vision du futur qui se trouve progressivement contaminée et modifiée. Si le vivant procède toujours par transformation de ses composantes matérielles et si l'homme se dote des moyens de pratiquer cette transformation, il est impossible d'avoir la moindre assurance sur ce qui sera fait dans 1, 10 ou 100 siècles.

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