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De la séparation étanche du droit et de la morale


Luis

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C'est une idée que j'ai vue revenir souvent ici, sous une forme ou une autre : il faudrait complètement séparer droit et morale. Dit autrement, le libéralisme est une philosophie du droit qui n'a rien à dire sur la morale.

J'avoue que c'est une idée qui me satisfait très peu. Cette séparation n'est-elle pas complètement artificielle, comme on sépare la religion et la science ?

Je sens que ça va être un topic un peu fourre-tout mais je ne sais pas trop comment canaliser le débat. J'espère en particulier qu'il n'y aura pas trop de redites car c'est un sujet qui, j'en ai l'impression, revient souvent sous des formes différentes.

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Séparer, non. Le droit axiomatique est l'incarnation de la morale la plus minimaliste qui soit, une sorte de PGCD moral. Le DN façon mélo-lucilienne, lui, se voudrait la partie objectivable de la morale (ou du savoir-vivre). Mais la question mérite d'être creusée intelligemment.

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Avec de grandes precautions dues a ma faible connaissance du droit:

Cela depend, a mon sens, du type droit. Le probleme principal avec un droit de type "romain" moderne et laicise c'est qu'il est pour ainsi dire erige par l'etat ou tout du moins fortement influence par celui-ci. Je vois donc mal comment il serait possible d'y introduire une morale qui serait fortement relative et mieux vaut ne pas parler ici de ce qu'est cette relativite moderne…

Si l'on considere le droit "anglo-saxon" ou Common Law, je dirais que c'est deja plus jouable puisque ce droit permet plus facilement de chercher a decouvrir le droit naturel et donc la morale qui lui est sous-jacente.

Liberalement parlant, et dans le contexte moderne laic, le droit anglo-saxon presente donc la meilleure solution au risque de perdre une certaine simplicite qui caracterise le droit romain (encore qu'aujourd'hui ce soit discutable)

En terme d'influence, les liberaux ne peuvent qu'inciter a ce que le droit respecte les droits naturels (droit a la vie, liberte et propriete) comme axiomes initiaux, le reste dependant grandement du type de systeme en place.

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C'est une idée que j'ai vue revenir souvent ici, sous une forme ou une autre : il faudrait complètement séparer droit et morale. Dit autrement, le libéralisme est une philosophie du droit qui n'a rien à dire sur la morale.

DANGER, question semantique detectee.

J'avoue que c'est une idée qui me satisfait très peu. Cette séparation n'est-elle pas complètement artificielle, comme on sépare la religion et la science ?

La religion est un phenomene de societe, ca n'a pas grand chose a voir avec la science.

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:icon_up:

par definition pratiquement

AB : comment évacuer ce danger sans retirer la question… ?

A toi de voir, precise ta question… il faut que tu fixes ce qu'est le liberalisme pour poser une question sur ce qu'il comprend.

Une question par exemple : certaines regles morales conduisent-elles plus facilement a un ordre ou le droit liberal est respecte ?

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Ah…la question éminemment complexe du rapport entre droit et moral. En général, on commence par expliquer que ce qui distingue la pensée politique moderne de celle classique, c'est justement cette nette séparation. La condition de l'universalité du droit (et donc son opposabilité à tous) dépend de sa neutralité vis à vis des conceptions subjectives (personnelles et sociétales) du bien. Pour L. Strauss, la division remonte au moins à la déclaration de D. Hume sur l'impossibilité de déduire le devoir être de l'être, c'est-à-dire de toute évaluation normative à partir du donné de la nature. Depuis, certains auteurs ont cru possible l'isolation de l'être du devoir être, bref, de construire une science "dépourvue de jugements de valeur", que cette science soit sociale ou "exacte".

Le droit n'a pas échappé au phénomène, et la "science" juridique, depuis les tentatives positivistes originelles jusqu'au normativisme kelsénien plus récent, tente régulièrement d'acquérir une légitimité en s'appuyant sur une théorie de la connaissance aux énoncés garantis comme vrais.

Je pense ne pas me tromper en affirmant que la claire séparation entre les deux domaines est un mythe, même si la distinction en droit et morale ne l'est pas, parce que le droit en général répond à plusieurs finalités parfois contradictoires (dire le juste,mais aussi asseoir la paix civile et la conservation de la propriété)

Premièrement, empiriquement, tout étudiant en droit (nb j'ai fait du droit avant de faire de la philosophie) sait que sa pratique ordinaire mobilise à tout bout de champs son secours comme garantie de l'effectivité du droit (assurance du respect des contrats, gestion en "bon père de famille", etc). Mais encore une fois, cette interpénétration est limitée, il existe de larges domaines où la morale n'intervient pas. Parfois, le droit devient même ammoral quand il répond à des impératifs d'ordre public plus que de justice (les prescriptions, les lois ne dérangeant pas la propriété établie, certains pans du droit financiers, etc.).

Deuxièmement, pour que le droit soit vraiment, pour paraphraser Aristote, une raison sans désir, il faudrait réussir à garantir une procédure qui ne laisse pas la place aux motivations, intérêts et passions individuelles qui participent de sa création : bref, à l'image d'une création en labo, la fabrication d'un droit neutre devrait être le résultat de la mise en oeuvre d'un protocole scientifique visant à isoler clairement le législateur dans toute sa subjectivité de la législation dans toute son objectivité. Bref, tout ce que la création pratique du droit n'est pas, parce qu'il n'est pas possible d'étudier et de construire le droit sur le modèle de la science naturelle. nb : ce que je dis pour le droit, c'est pareil pour la science : l'idée qu'il s'agisse d'un étalon neutre qui permette de juger les autres activités me parait faux.

Troisièmement, au coeur du rapport entre droit et moral, il y a celle du droit et de ses principes. Le droit positif est incapable de se comprendre s'il ne justifie pas de son existence (de sa positivité même). Cette question, celle du droit naturel, est à la fois juridique, moral et politique.

Mais je reviendrais là dessus, ça peut être intéressant comme discussion.

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A toi de voir, precise ta question… il faut que tu fixes ce qu'est le liberalisme pour poser une question sur ce qu'il comprend.

Une question par exemple : certaines regles morales conduisent-elles plus facilement a un ordre ou le droit liberal est respecte ?

Oui, il me paraît évident que le respect de la propriété de l'autre, entre autres, est une règle morale. Si ça peut t'éclairer, ma question renvoie à des cas concrets comme, je crois, la NAPD : j'ai vu certains ici dire que c'était mal d'obliger une personne par la loi à en sauver une autre mais que celui qui ne le faisait pas était quand même un salaud.

Position parfaitement absurde : ce qui est juste est moral.

D'une certaine façon, je suis d'accord. Mais dans ce cas, plus besoin du droit !

F. Mas, tu dis des choses intéressantes, et aussi à propos d'une question à laquelle je n'avais pas vraiment pensé : est-il bon que droit et morale se confondent totalement (ou à la rigueur, que l'un soit inclus dans l'autre) ?

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C'est une idée que j'ai vue revenir souvent ici, sous une forme ou une autre : il faudrait complètement séparer droit et morale. Dit autrement, le libéralisme est une philosophie du droit qui n'a rien à dire sur la morale.

J'avoue que c'est une idée qui me satisfait très peu. Cette séparation n'est-elle pas complètement artificielle, comme on sépare la religion et la science ?

Je sens que ça va être un topic un peu fourre-tout mais je ne sais pas trop comment canaliser le débat. J'espère en particulier qu'il n'y aura pas trop de redites car c'est un sujet qui, j'en ai l'impression, revient souvent sous des formes différentes.

Je pense que ce bouquin (dans la première partie) traite de ta question et te permettra peut être de la préciser :

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Cela dit, Villey est très différent de Leoni (et plus profond que lui).

Tout à fait. Mais les deux éclairent les deux facettes qui font que la modernité dissocie la morale du droit :

  1. Villey explique comment le subjectivisme juridique des Modernes, qui fait naître - à tort - le droit de l'individu, évacue le principe même d'une morale hétéronome applicable à tous ;
  2. Leoni explique comment l'usurpation abusive de la détermination du droit par le législateur selon le mode démocratique rend caduc l'idée morale, qui est désormais perçue comme l'imposition des préjugés d'une partie de la population sur l'autre.

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Tout à fait. Mais les deux éclairent les deux facettes qui font que la modernité dissocie la morale du droit :

  1. Villey explique comment le subjectivisme juridique des Modernes, qui fait naître - à tort - le droit de l'individu, évacue le principe même d'une morale hétéronome applicable à tous ;
  2. Leoni explique comment l'usurpation abusive de la détermination du droit par le législateur selon le mode démocratique rend caduc l'idée morale, qui est désormais perçue comme l'imposition des préjugés d'une partie de la population sur l'autre.

Absolument.

Ou Atias…

Atias Shrugged ?

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Tout à fait. Mais les deux éclairent les deux facettes qui font que la modernité dissocie la morale du droit :

[*]Villey explique comment le subjectivisme juridique des Modernes, qui fait naître - à tort - le droit de l'individu, évacue le principe même d'une morale hétéronome applicable à tous ;

Kant est celui qui a conçu explicitement ce renversement; c'est sa critique qui a détruit la possibilité de se référer à l'ancienne idée de nature, en la discréditant et en montrant que la connaissance doit se régler sur les catégories logiques du sujet (causalité) et non sur le désordre du monde (anomique). Ce faisant il séparait aussi la morale de la connaissance objective et la rattachait à des postulats subjectifs (des hypothèses). Mais je trouve Michéa assez pertinent quand il établit une correspondance entre ce subjectivisme moderne et le type de rationalité induite par la compréhension libérale du droit, elle aussi réglée sur l'individu et les catégories qui en découlent. La critique de Michéa recoupe ainsi celle du faux individualisme par Hayek, niant l'ordre social spontané.

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"Il vaut mieux adopter franchement et délibérément la subjectivité que de prétendre le contraire, qui ne saurait être ; car la pure objectivité n'existe pas."

(Isaac Husik).

DN moderne 1 - DN antique 0.

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"Il vaut mieux adopter franchement et délibérément la subjectivité que de prétendre le contraire, qui ne saurait être ; car la pure objectivité n'existe pas."

(Isaac Husik).

DN moderne 1 - DN antique 0.

:icon_up: Quand on parle de subjectivisme juridique, c'est n'est pas par opposition à une quelconque objectivité. Faudrait se renseigner un peu.

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:icon_up: Quand on parle de subjectivisme juridique, c'est n'est pas par opposition à une quelconque objectivité. Faudrait se renseigner un peu.

Je sais bien, tu l'as suffisamment expliqué récemment. Sauf qu'à chaque fois que tu expliques en quoi consiste le DN antique, le mot "objectivement" apparait toujours, et ce, dans l'acception dont il est ici question. Le point, contesté, reste dans le camp du DN moderne. :doigt:

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Je sais bien, tu l'as suffisamment expliqué récemment. Sauf qu'à chaque fois que tu expliques en quoi consiste le DN antique, le mot "objectivement" apparait toujours, et ce, dans l'acception dont il est ici question. Le point, contesté, reste dans le camp du DN moderne. :icon_up:

Encore faudrait-il qu'il l'ait gagné, ce point.

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Je sais bien, tu l'as suffisamment expliqué récemment. Sauf qu'à chaque fois que tu expliques en quoi consiste le DN antique, le mot "objectivement" apparait toujours, et ce, dans l'acception dont il est ici question.

Pour ta gouverne, le subjectivisme juridique prétend tout autant à l'objectivité que le Droit naturel classique. Alors, à part te tirer une balle dans les roubignolles, je ne vois pas le sens d'amener Isaac Husik à la cause.

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