Paris, laboratoire du socialisme

[Lancelot]

Sur Paris spécifiquement, les facteurs important à mon avis sont (1) c'est une grande ville, toutes choses égales par ailleurs plus une ville est grande plus on va avoir une concentration de problèmes comme l'incivilité, les temps de trajet... (2) il y a la rivalité "Paris vs Province" qui relève du folklore gentillet plus qu'autre chose (les écossais contre les anglais c'est plus violent par exemple), (3) les français sont culturellement râleurs, il faut le prendre en compte quand on compare entre pays, (4) au delà de ça il y a des caractéristiques particulières de Paris qui la rendent peu vivable et qu'on a évoqué plus haut. Je pense que ça fait plus ou moins le tour.

Je ne doute pas que si un allemand débarque pour balancer sérieusement à n'importe quel français que Berlin c'est mieux que Paris, on aura le droit illico à une défense féroce de la capitale.

[frl]

J'ai lu ceci hier dans un petit roman de 1866 d'Alfred Assollant, Un quaker à Paris :

 

Quote

Quand je me promène sur le boulevard, moins je m’explique et plus je comprends la prodigieuse réputation de Paris.

Pour l’étendue et la population, Londres est bien supérieur. Pour le commerce, Paris ne rivalise ni avec Londres, ni avec New-York. Pour la propreté, il n’approche pas d’Amsterdam. Ses monuments ne valent pas ceux de l’ancienne Rome. Il n’est pas, comme Constantinople, situé à l’entrée de deux mers. Son ciel gris et pluvieux n’oserait se comparer à celui de Smyrne, d’Athènes ou d’Alexandrie. La Seine, qui n’a jamais porté que les canotiers d’Asnières, n’est pas la trentième partie du Mississipi, qui mesure deux cents pieds de profondeur en face de la Nouvelle-Orléans. D’où vient donc qu’au fond des deux Amériques, de la Perse, de la Russie et du Monomotapa, tout le monde se fait une fête de venir visiter Paris ?

[...]

Ami lecteur, je vais te parler avec la franchise d’un quaker. Ne m’en sache pas mauvais gré. Ils sont fort rares sur la terre, ceux qui osent parler sincèrement et sans crainte de déplaire. Je suis un de ceux-là. Si tu crains, la vérité, cesse de lire. Mon discours n’est pas pour toi.

As-tu remarqué quel est l’homme qu’on accueille le mieux et qu’on recherche dans toutes les assemblées ? Ce n’est pas le plus beau, car-celui-là excite naturellement la jalousie de tous les autres, ni le plus spirituel, car tous ceux qui veulent avoir de l’esprit (et qui donc est exempt de ce désir ?) s’élèveront contre lui ; ce n’est pas le plus vertueux, car tout le monde craindra sa sévérité ; ni le plus vicieux, car on a horreur du vice (d’autrui) ; ni le meilleur, car on abusera de sa générosité : non : celui qu’on préfère, c’est celui qui n’est ni laid, ni beau, ni vertueux, ni éloquent, ni muet, mais qui a quelques vices agréables et quelques vertus ou quelques talents qui n’éblouissent personne. Il faut que chacun en le voyant se dise : Je suis plus beau, ou plus spirituel, ou plus riche que cet homme-là ! C’est ce qui le rend supportable et même agréable à tous.

Eh bien ! voilà pourquoi Paris est devenu la capitale du monde. Il représente la moyenne de tous les peuples civilisés. Il n’excelle en rien, mais l’équilibre de ses facultés est admirable. Il n’est pas tout entier au travail comme Londres, ou à la paresse comme Naples, ou à la bureaucratie comme Berlin, ou aux parades militaires comme Pétersbourg ; mais il a un peu de toutes ces choses, et par-dessus tout il est artiste, c’est-à-dire qu’il met partout son empreinte, et que son œuvre se reconnaît au premier coup d’œil. S’il parle philosophie, c’est Voltaire ; s’il parle législation, c’est Montesquieu ; s’il fait des comédies, c’est Molière ; s’il raille les gens vicieux, c’est La Bruyère ; s’il marche au feu, c’est Hoche ou Condé.

Au premier mot, tout le monde l’a compris. Anglais, Hollandais, Allemands, Américains, Italiens, Turcs même, chacun sait ce que le Parisien veut dire, — et l’approuve ou le combat suivant son humeur. Mais qui s’inquiète de comprendre Blakstone ou même Kant et Fichte, si l’on excepte les gradués d’Oxford ou les patientes et studieuses cervelles que le ciel a placées dans ce vaste espace qui sépare le Rhin de la Vistule ?

Et cependant, ami, ne sois pas trop fier de ton rôle. Quelles grandes choses as-tu inventées ? C’est un Anglais, Bacon, qui inventa la poudre ; un Allemand, Gutenberg, qui inventa l’imprimerie ; un Italien, Colomb, qui découvrit l’Amérique ; un Portugais, Gama, qui doubla le cap de Bonne-Espérance ; un Américain, Fulton, qui a construit le premier bateau à vapeur. Les drames de Shakespeare valent ceux de M. Dennery. Ton génie n’est donc supérieur à celui d’aucun peuple, mais il est le plus varié de tous, et, de quelque côté qu’on l’aborde, il fait face partout. L’Anglais est plus robuste, l’Allemand est plus réfléchi, l’Américain est plus ardent, l’Italien est plus fin ; mais à quelque moment du jour qu’on surprenne le Parisien, qu’il faille danser, ou boire, ou se battre, ou travailler, ou parler philosophie, il est toujours prêt, comme un soldat sous les armes ; et c’est ce qui fait sa supériorité.

Va donc en avant, heureux échantillon de la race humaine. Et puisque tu es le seul peuple dont les poëtes et les philosophes aient su se faire entendre du monde civilisé tout entier, sois toujours à l’avant-garde, quoi qu’il en coûte, car la vie n’est rien, si l’on ne l’emploie à chercher la justice et la vérité.

Et ça m'amuse de voir que déjà, à l'époque... En tout cas, c'est une idée intéressante qui m'a fait sourire, cette idée d'une ville aimée parce que tous peuvent penser d'elle qu'ils ont mieux chez eux.

[Marlenus]

13 hours ago, Lancelot said:

Je ne doute pas que si un allemand débarque pour balancer sérieusement à n'importe quel français que Berlin c'est mieux que Paris, on aura le droit illico à une défense féroce de la capitale.

C'est notre différence.

 

 

[Lameador]

Petit affichage parisien