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Pontourny, déradicalisation : extraits d'un rapport d'information.


FabriceM

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Le 22 Février a été le jour de la publication du rapport d'information No 438 de Mmes Esther BENBASSA et Catherine TROENDLÉ, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale. Ce rapport d'information est un rapport d'étape de la mission d'information (attachée à la commission du sénat précédemment citée) intitulée  "Désendoctrinement, désembrigadement et réinsertion des djihadistes en France et en Europe"

 

Le rapport en lui même n'est, à l'heure actuelle, pas disponible en ligne, mais le contenu est connu via la présentation du rapport qui a été faite par les deux rapporteures à la commission des lois du sénat le 20 Février. Et dont le compte rendu est disponible.

 

Leur propos est clair.

 

Sur le centre pilote de Pontourny, un centre qui a traité 9 personnes au lieu de 30, pour 27 encadrants et un cout de 2.5 millions d'euros :

Citation

Mme Catherine Troendlé, rapporteur :

[..]

Le bilan des six premiers mois d'activité de ce centre est assez négatif.

[..]

Le programme suivi par les pensionnaires s'appuyait sur quatre piliers : la distanciation, l'engagement citoyen, l'approche thérapeutique et l'insertion professionnelle.

[..]

En raison des départs anticipés, aucune personne n'est restée plus de cinq mois, et le programme n'a donc pu être mis en oeuvre jusqu'au bout.

[..]

Plusieurs personnes entendues ont regretté que le message adressé par la direction du centre se résume à un discours mettant en avant les points positifs et à admettre uniquement des erreurs de communication. Notre conclusion est différente : il s'agit d'un fiasco.

[..]

Au final, la visite du centre de Pontourny et nos rencontres ont mis en lumière une relative impréparation dans l'ouverture de ce centre. Plusieurs témoignages ont attesté qu'à la suite de la décision du Premier ministre, M. Manuel Valls, de créer une telle structure, les arbitrages interministériels étaient réduits s'agissant du public à accueillir - mineurs ou majeurs -, de la forme juridique à donner à ce centre ou du contenu du programme. Seuls quelques choix symboliques avaient été arrêtés comme le port de l'uniforme ou la présence d'un mât pour les couleurs nationales.

[..]

trois enseignements principaux doivent être tirés de cette expérience. [..]

le déracinement des personnes accueillies de leur milieu d'origine pour une destination éloignée et isolée ne favorise pas nécessairement la réussite du programme

[..]le volontariat sur lequel repose le programme crée une véritable fragilité. Il permet des départs anticipés avant le terme du programme, rendant le suivi aléatoire et dépendant de la bonne volonté de la personne

[..]Enfin, les effets en matière de lutte contre le phénomène d'emprise sur des personnes en voie de radicalisation sont loin d'être avérés. Ainsi, trois pensionnaires s'étaient autoproclamés la « bande des salafistes rigoristes ».

 

Sur la déradicalisation

Citation

Mme Catherine Troendlé, rapporteur :

Plusieurs témoins du phénomène de radicalisation que nous avons entendus ont convenu que la radicalisation n'était pas une pathologie, même si elle peut comporter des éléments psychiatriques. Certains d'entre eux ont même récusé l'approche consistant à assimiler l'engagement djihadiste à une dérive sectaire, car cette approche nie la motivation religieuse et politique. Cette idée a d'ailleurs pu conduire à « victimiser » les jeunes femmes, au risque de sous-estimer leur dangerosité.

[..]

Enfin, se dégage de nos travaux la conviction claire que le concept de « déradicalisation » n'est pas pertinent. Comme l'a souligné l'un des sociologues entendus : « on ne démonte pas une croyance, surtout pour le haut du spectre de la croyance ». Plus direct, l'un de nos interlocuteurs nous a, quant à lui, affirmé que : « la déradicalisation : seuls ceux qui en vivent y croient ».

[..]

Mme Esther Benbassa, rapporteur. - Je voudrais d'abord dire quelques mots sur cette question de déradicalisation. La déradicalisation, en soi, n'existe pas : personne ne peut croire aujourd'hui qu'un être humain peut « désidéologiser » un autre être humain en quelques mois. C'est une illusion, qu'on a entretenue parce qu'il fallait rassurer la population après les attentats.

Le travail de désembrigadement ou de désendoctinement se fait autant en amont qu'en aval, c'est un travail qui exige beaucoup de temps. Ceux qui nous gouvernent n'étaient pas préparés aux évènements terroristes récents ; or, en politique, le temps long n'existe pas, et on a donc fait de l'affichage. D'où une sorte de bricolage, en pensant pouvoir laver le cerveau des gens en passant par des formations, en recourant aux associations. Le manque de prestataires compétents en la matière est une question majeure. Certaines personnes ont pu être dirigées vers des personnes ou des associations non compétentes, qui ont voulu profiter d'une manne financière. Beaucoup d'associations ont fait ce qu'elles ont pu, mais elles n'ont pas mené un travail qui pouvait tenir sur la durée ; le contenu et le suivi du programme proposé n'étaient pas définis clairement ; les choses sont allées un peu dans tous les sens.

On a oublié la portée religieuse du phénomène. On ne peut pas dire à un islamiste rigoriste : « ton islam n'est pas le bon, je t'en propose un autre », cela n'a jamais marché. On a misé sur les contre-discours, qui ont échoué également.

 

[..]

De ce que nous avons lu sur les expériences à l'étranger, les approches qui fonctionnent sont celles fondées sur des expériences individualisées, qui permettent de revenir sur une voie non pas de « désislamisation », mais de pratique de l'islam sans tomber dans le djihadisme. Cette orientation de socialisation et de réinsertion n'a pas été celle choisie par le Gouvernement, encore une fois car tout cela prend du temps, et qu'il fallait afficher rapidement des moyens de lutter contre la radicalisation.

 

On a donc vu des responsables d'associations incapables d'expliquer ce qu'ils faisaient vraiment. Il y a eu beaucoup de coup par coup et de bricolage en la matière.

 

Il y a également eu des problèmes avec les appels d'offres. Les associations qui avaient de l'argent ont pu présenter de bons dossiers et remporter les marchés, alors que celles qui avaient vraiment travaillé sur la question et avaient admis les limites de leurs capacités administratives pour monter, en respectant les procédures, des réponses aux appels d'offres n'ont pas été retenues. Certaines des associations qui ont remporté ces marchés ont sous-traité le travail à de petites associations, tout en gardant l'essentiel de l'argent. On peut véritablement parler de « business de la déradicalisation ».

 

 

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Autant la gestion du problème par les gouvernements socialistes a été visiblement aussi lamentable (et financièrement dispendieuse) que l'on pouvait s'y attendre, autant le rapport analyse les failles des dispositifs imaginés avec une grande lucidité.

 

Je suis d'ailleurs assez surpris de voir Mme Benbassa tenir des propos intelligents sur cette question épineuse, compte-tenu des imbécilités qu'elle a pu sortir dans d'autres circonstances.

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il y a 4 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

Autant la gestion du problème par les gouvernements socialistes a été visiblement aussi lamentable (et financièrement dispendieuse) que l'on pouvait s'y attendre, autant le rapport analyse les failles des dispositifs imaginés avec une grande lucidité.

 

Je suis d'ailleurs assez surpris de voir Mme Benbassa tenir des propos intelligents sur cette question épineuse, compte-tenu des imbécilités qu'elle a pu sortir dans d'autres circonstances.

 

On n'a pas eu les conclusions du rapport qui sont probablement : "il faut plus de moyens et mener une grande politique transversale contre la radicalisation."

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il y a 4 minutes, Tramp a dit :

On n'a pas eu les conclusions du rapport qui sont probablement : "il faut plus de moyens."

 

Réaction d'un des sénateurs à la présentation des deux rapporteurs  :

Citation

M. François Bonhomme. - Le principe du centre de déradicalisation tel qu'il est mis en oeuvre est un échec. Dans ces conditions, est-il nécessaire d'aller plus loin dans l'évaluation ? On demande aux intéressés de se défaire de leurs croyances par la raison, ce qui demanderait des années et n'exclut pas l'échec. Je comprends aussi la difficulté pour l'État qui cherche des réponses immédiates mais ce n'est pas une question de moyens qui sont ici considérables.

 

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il y a 38 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

Je suis d'ailleurs assez surpris de voir Mme Benbassa tenir des propos intelligents sur cette question épineuse, compte-tenu des imbécilités qu'elle a pu sortir dans d'autres circonstances.

Pareil. On peut se référer d'ailleurs à la vidéo de Gérald Bronner postée sur un autre fil, qui parle de ces mêmes questions suite à sa propre expérience dans un tel centre.

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Il y a 4 heures, Rincevent a dit :

Pareil. On peut se référer d'ailleurs à la vidéo de Gérald Bronner postée sur un autre fil, qui parle de ces mêmes questions suite à sa propre expérience dans un tel centre.

 

Peut-être une erreur d'attribution, si elle n'a fait que répéter des propos sensés émis par d'autres ^^

 

Il y a 4 heures, Rincevent a dit :

Pareil. On peut se référer d'ailleurs à la vidéo de Gérald Bronner postée sur un autre fil, qui parle de ces mêmes questions suite à sa propre expérience dans un tel centre.

Notamment durant ce passage : https://youtu.be/D0DmGqwnSbk?t=1h6m

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On 28/02/2017 at 6:31 PM, FabriceM said:

" personne ne peut croire aujourd'hui qu'un être humain peut « désidéologiser » un autre être humain en quelques mois. "

 

 

 

En fait, si. Mais bon. Peu importe. Après tout ce qui compte c'est d'être pour ou contre, de trouver des éléments qui permettent de dire pourquoi (on est pour ou contre) plutôt que de se demander vraiment comment faire.

 

C'est cette notion "déradicalisation" qui est elle-même beaucoup trop idéologisée.

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