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Éthique et tac


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Le 27/02/2021 à 21:32, Mister_Bretzel a dit :

Salut @Johnathan R. Razorback , cette ligne m'intéresse, tu aurais un petit développement succinct ou un lien intelligible par un profane sur le sujet ?

 

Pas vraiment.

A la rigueur je pourrais penser à Macherey (philosophe post-althussérien) lorsqu'il dit qu'une action modifie de proche en proche l'ensemble du monde: "

Chaque action, si insignifiante soit-elle au premier abord, est potentiellement bouleversement de l’ordre du monde : non seulement elle change quelque chose dans le monde, mais elle change le monde en tant que tel, et à l’occasion en modifie les lois, ou du moins modifie certaines des conditions sous lesquelles ces lois s’appliquent, aucune loi ne s’imposant jamais dans l’absolu, mais seulement « toutes choses égales par ailleurs ». A travers chaque action particulière, pour autant que celle-ci ne peut être résumée à son seul événement ponctuel mais est un avènement prenant place dans un contexte qui le détermine et qu’il modifie, se profile la figure d’un autre monde saisi dans son intégralité, quoique ce soit en perspective, sous une forme particulière, provisoire et biaisée.

 

A ce point de vue, une action n’est telle, c’est-à-dire n’est cette action-là dont aucun paradigme universel ne peut épuiser la singularité, que parce que, étant du monde ou dans le monde, elle est prise dans des rapports, donc dans des réseaux de relations, qui interdisent de la traiter comme un absolu. Elle change le monde, elle en bouleverse l’ordre dans la mesure où elle se situe quelque part à l’intérieur de cet ordre auquel elle est liée par des rapports nécessaires, rapports qu’elle contribue pour la part qui est la sienne, certo ac determinato modo, d’une certaine manière déterminée, à remodeler." ( Pierre Macherey, « Sur l'action », Archives de Philosophie, 2005/4 (Tome 68), p. 629-635. DOI : 10.3917/aphi.684.0629. URL : https://www.cairn.info/revue-archives-de-philosophie-2005-4-page-629.htm ) 

 

Ensuite tu as des débats autour du "principe de non-nuisance" de Mill ; certains contestent son utilité parce qu'il présuppose une sphère où mon action n'affecte que moi (la sphère du vice pour les actions nuisibles à soi), présupposé qui s'avère bien souvent faux (par exemple, m'enivrer semble à première vue ne me nuire qu'à moi-même, mais si je deviens un ivrogne par habitude de m'enivrer, je deviendrais peut-être plus sûrement un mauvais père, un mauvais voisin, un mauvais citoyen, etc. La frontière entre me nuire et nuire à autrui est donc poreuse). 

 

Tu peux peut-être aussi jeter un œil aux critiques du conséquentialisme

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Quelques questions de noob, @Vilfredo Pareto (désolé, elles ne sont pas particulièrement intéressantes mais m'apporteraient certains éclaircissements) :

 

Révélation


Le 27/02/2021 à 17:55, Vilfredo Pareto a dit :

à la volonté

 

Tiens, il me semblait que c'était une notion inconnue chez les grecs (du moins chez Platon et Aristote), qu'elle ne faisait son apparition que chez les stoïciens (avant d'être véritablement définie chez St. Augustin). Non ?

 

Le 07/03/2021 à 23:45, Vilfredo Pareto a dit :

Je ne sais pas, je pense qu'Aristote dirait quand même que la vertu est le Souverain Bien et que tout doit lui être sacrifié (et ne ferait pas un calcul de coût-bénéfice). La vertu est plutôt vue comme un truc qualitativement incomparable.

 

Pour le coup, n'est-ce pas le bonheur le Souverain Bien et la vertu (ou plutôt les vertus) le moyen nécessaire (mais non suffisant) pour l'atteindre ?

 

Le 07/03/2021 à 23:45, Vilfredo Pareto a dit :
Le 07/03/2021 à 21:24, Lancelot a dit :

Corriges-moi si je me trompe mais il me semble que d'après Aristote quelqu'un de véritablement vertueux n'a pas besoin de faire des efforts pour être vertueux, donc il n'y a pas d'abnégation à considérer (à la limite plus il y a d'abnégation, moins il y a de vertu).

 

Oui c'est comme ça que je comprends aussi

 

Dernière question : il me semblait que, chez Aristote, un homme est vertueux, soit naturellement soit, dans le cas contraire, par apprentissage (et habitude). Donc, dans ce dernier cas, ne pourrait-on pas nuancer par "plus il y a d'abnégation, moins il y a de vertu mais plus on devient vertueux i.e. on en prend les habitudes" ?

 

 

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il y a 15 minutes, Ultimex a dit :

Tiens, il me semblait que c'était une notion inconnue chez les grecs (du moins chez Platon et Aristote), qu'elle ne faisait son apparition que chez les stoïciens (avant d'être véritablement définie chez St. Augustin). Non ?

Et selon Ricoeur, ça commence avec Descartes :D On peut parler de volonté dans Aristote juste pour le champ éthique: la différence entre les actions volontaires (vider la cargaison pour sauver le bateau dans la tempête) et involontaires (être poussé par le vent), qui permet de déterminer de quoi on est responsable. Après la notion moderne de volonté, peut-être, et surtout quand on commence à penser la volonté en termes métaphysiques (tout concept de volonté étant absent de la métaphysique d'Aristote). Mais il faut bien traduire boulomai.

il y a 23 minutes, Ultimex a dit :

Pour le coup, n'est-ce pas le bonheur le Souverain Bien et la vertu (ou plutôt les vertus) le moyen nécessaire (mais non suffisant) pour l'atteindre ?

J'avais d'abord écrit

Citation

On voit donc que la prudence n'est pas tant une vertu morale que ce qui nous permet d'adopter le bon moyen pour atteindre la fin, que la vertu morale, elle, nous permet d'atteindre.

, qui est plus clair, si on garde bien à l'esprit que la fin n'est pas une fin ultime mais la fin de notre action individuelle, la bonne fin (étant donné qu'il n'y a pas de bons ou de mauvais moyens). Mais le Souverain Bien est toujours défini comme une activité, ce n'est pas un truc qu'on atteint et qui est extérieur à l'action en situation (à une praxis). Ce n'est pas l'ataraxie. Être vertueux, c'est une forme d'excellence, mais un flûtiste est excellent parce qu'il pratique la flûte, même si l'apprentissage de la flûte n'est pas totalement analogue à l'apprentissage de la vertu.

il y a 25 minutes, Ultimex a dit :

Dernière question : il me semblait que, chez Aristote, un homme est vertueux, soit naturellement soit, dans le cas contraire, par apprentissage (et habitude). Donc, dans ce dernier cas, ne pourrait-on pas nuancer par "plus il y a d'abnégation, moins il y a de vertu mais plus on devient vertueux i.e. on en prend les habitudes" ?

Je ne suis pas sûr que l'apprentissage soit de l'abnégation, parce qu'être vertueux n'est pas contraire à être heureux. En outre, c'est ce qui parachève la nature humaine, qui est la fin heureuse. Il peut y avoir de l'abnégation dans la mesure où il peut être nécessaire de renoncer à des biens extérieurs (mais en même temps j'ai dit que pour Aristote, ce côté-là était un peu limité). Mais ça me fait penser que la vertu est toujours sociale aussi dans Aristote, et qu'on est d'autant plus vertueux qu'on vit dans une Cité vertueuse (et donc que la boucle de rétroaction positive n'est pas limitée à l'échelle individuelle).

 

Enfin ce ne sont pas des questions de noob, ça me force à préciser des trucs qui pour moi non plus ne sont pas forcément clairs. Pour continuer la discussion d'ailleurs, et vérifier des trucs, https://plato.stanford.edu/entries/moral-character/

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il y a 4 minutes, Vilfredo Pareto a dit :

Mais le Souverain Bien est toujours défini comme une activité, ce n'est pas un truc qu'on atteint et qui est extérieur à l'action en situation (à une praxis). Ce n'est pas l'ataraxie. Être vertueux, c'est une forme d'excellence, mais un flûtiste est excellent parce qu'il pratique la flûte, même si l'apprentissage de la flûte n'est pas totalement analogue à l'apprentissage de la vertu.

 

Ah tiens, effectivement, c'était une clarification nécessaire effectivement, merci. Donc, autre question, peut-être bêtement sémantique : bonheur = fin ultime de l'homme <> Souverain bien ou suis-je à côté de la plaque (et Fin ultime de l'homme = Souverain bien <> bonheur) ?

 

il y a 11 minutes, Vilfredo Pareto a dit :

Il peut y avoir de l'abnégation dans la mesure où il peut être nécessaire de renoncer à des biens extérieurs

Mmmh je pensais à de l'abnégation dans la mesure où corriger ses "mauvaises" dispositions nécessite un travail qui peut être difficile (si j'ai un tempérament lâche et que j'en ai conscience, devenir courageux sera un travail plutôt fastidieux, non ?).

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Note 1: la vertu n'a pas le même sens dans la Politique, parce qu'on distingue d'autres classes de vertus sociales (vertu du gouvernant/vertu du gouverné).

Aristote écrit qu’il y a une différence entre la vertu de l’homme de bien (que tous les hommes libres ne peuvent avoir) et celle du citoyen (que tous les citoyens ont, mais elle dépend de la constitution, alors que la vertu de l’homme de bien est invariable) et que tous les citoyens ne sauraient être des hommes de bien (Politique, III, 4; mais il dira le contraire au chap. 18) : en effet, la cité est formée d’éléments dissemblables et ne peut donc être composée de citoyens tous hommes de bien, car il n’y a qu’une seule manière d’être un homme de bien. Mais dans le cas particulier du chef, la vertu du citoyen et celle de l’homme de bien se confondent : c’est la prudence (tiens!), alors que le bon citoyen n’est pas nécessairement prudent. Aristote est donc quand même cohérent, la prudence reste la vertu rectrice. La vertu du bon citoyen, quant à lui, consiste simplement à bien gouverner et bien obéir. La définition du citoyen change donc selon les régimes (III, 5), considère Aristote, alors qu’il affirme que dans l’Etat idéal, les artisans ne devraient pas être citoyens. Ils ne le seraient pas dans une aristocratie, car la vie d’homme de peine est incompatible avec la pratique de la vertu, mais ils le seraient dans une oligarchie, car ils peuvent fort bien être riches.

 

Note 2 : il faut peut-être avoir en tête les concepts de la Métaphysique pour comprendre cette notion d'habitude. Dans quelle mesure le flûtiste, qui a la puissance de jouer de la flûte, peut-il être comparé au vertueux qui aurait la puissance de bien agir? La différence est que l'action vertueuse n'est pas seulement une question de savoir faire mais d'état (ou de "caractère"; la justice est définie comme un "état" par exemple, et comme la vertu finale, dans Nicomaque V). Well c'est pas étonnant parce que la puissance au sens de dynamis c'est la puissance du bien comme du mal, et c'est pourquoi il faut qu'intervienne le choix de la fin (bonne ou mauvaise). Je distinguerais pour être synthétique le bonheur comme une actualité (energeia, par contraste avec la puissance, dynamis), rendue possible par des vertus qui sont dynamiques mais stables, développées par l'habitude (un peu comme savoir jouer de la flûte).

 

Mais pour @Ultimex, je vais essayer d'articuler puissance et habitude, à partir surtout de Théta, 1.

Alors la dynamis a deux sens :

  • d’abord la puissance pour A de produire un changement dans B
  • et ensuite la possibilité de ce changement d’état.

On parle de puissance d’être ou de puissance de devenir. Aristote s’oppose à Parménide et à sa métaphysique dépourvue de changement ("l’Être est ; le non-être n’est pas"), à quoi Aristote oppose le non-être relatif qu’est le devenir sensible qui se distingue aussi de la matière platonicienne qui n’était que pure réceptivité alors qu’elle tend, dans Aristote, vers la forme comme la femelle désire le mâle. La matière est indéterminée mais elle n’est pas une confusion purement négative : la forme permet de la doter d’une positivité que le platonisme lui nie. Le possible n’est pas seulement le pensable, c’est donc "un réel du second degré" (Tricot).

L’energeia est l’acte qui réalise la dynamis et fixe son ambiguïté. L’energeia peut être hors de l’agent (la maison bâtie), auquel cas il y a un mouvement qui se distingue de l’acte (on n’a pas bâti la maison avant d’avoir fini le bâtiment), ou dans l’agent (la vue), auquel cas on ne distingue pas l’acte de l’actualisation (vivre et avoir vécu sont une même chose, bâtir et avoir bâti, non). Elle peut être activité immanente ou transitive. Mais l’actualisation de l’ambiguïté de la dynamis a plusieurs degrés. La possibilité pure s’actualise dans une hexis (habitude) et on a une double analogie entre la science/l’ignorance d’une part et l’acte/la puissance de l’autre et l’habitude pratique de la science (theoria) et la science simplement possédée et non mise en pratique (à l’image des oiseaux de la volière dans le Théétète, mais Aristote préfère évoquer dans De l’âme l’image d’un homme qui dort (et qui n’a que la science non pratique, épistémè) et d’un homme qui veille).

 

De là, on peut développer l'articulation entre habitude et prudence (plus précis que "vertu") mais ça je crois que j'ai déjà un peu fait le boulot non? Enfin outre le schéma de mon "post de référence" (so proud), il faut juste bien garder l'idée que les deux sont rassemblées dans la décision.

 

Citation

It has been argued that Aristotle's description of excellence (aretê) as a capacity (dynamis) in Rhetoric 1.9 is inconsistent with his treatment of excellence in Nicomachean Ethics 2.5, where he specifically argues that aretê is not a dynamis, but a hexis (i.e., a state or condition). 1 Certainly, the word that Aristotle uses throughout the Nicomachean Ethics to both describe and categorize aretê is hexis, and he uses this word at Rhetoric 1.6.1362b13, where he says that several of the virtues, and all other such states (kai hai allai hai toiautai hexeis), are excellences of the soul. However, as part of his discussion of the ethical aspects of oratory, Aristotle states that aretê is "a capacity (dynamis) of providing and preserving good things, and a capacity of conferring many great benefits (euergetikê)" (Rh. 1.9.1366a36-1366b1). 2 This discussion is set in language similar to that used to discuss excellence and goodness in Rhetoric 1362b2-4 and 1361a28-30; this suggests that Aristotle intentionally identifies aretê with dynamis in this text, and, to some degree at least, with the dynamis to benefit others. In the former passage, Aristotle claims that "the excellences, too, must be a good thing, for those who possess them are in a good condition, and they are productive of good things and good actions" (Rh. 1.6.1362b2-4). In the latter passage, Aristotle states that honor (timê) can be paid, not only to those who have already done good, but also to those who have the capacity to do good (dynamenos euergetein) in the future. Indeed, in the Rhetoric 1.9.1366b3-7, Aristotle further unites the concepts of excellence, capacity, and beneficence by stating, "If excellence is the capacity of conferring benefits (dynamis euergetikê), then the greatest virtues must be those which are the most useful to others, and, for this reason, justice and courage are the most honored; for the latter is useful to others in war, and the former both in war and in peace" (1366b3-7).

https://muse.jhu.edu/article/25950/pdf

 

il y a 8 minutes, Ultimex a dit :

bonheur = fin ultime de l'homme <> Souverain bien ou suis-je à côté de la plaque (et Fin ultime de l'homme = Souverain bien <> bonheur) ?

Oui. D'ailleurs la cause finale de la Cité est le bonheur.

il y a 10 minutes, Ultimex a dit :

Mmmh je pensais à de l'abnégation dans la mesure où corriger ses "mauvaises" dispositions nécessite un travail qui peut être difficile (si j'ai un tempérament lâche et que j'en ai conscience, devenir courageux sera un travail plutôt fastidieux, non ?).

Oui je comprends. J'ai envie de dire oui mais je ne vois pas de passage où Aristote parle de la réforme morale d'un homme au tempérament lâche (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a pas), en revanche, j'ai en tête les passages où il dit qu'on est responsable de développer telle ou telle habitude ou tel ou tel caractère. Il ne faut juste pas faire d'Aristote un ascétique ou un intellectualiste. L'action morale résulte d'une orientation positive du désir raisonnable (la volonté si on veut) de l’agent vers le bien.

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il y a 7 minutes, Vilfredo Pareto a dit :

J'ai envie de dire oui mais je ne vois pas de passage où Aristote parle de la réforme morale d'un homme au tempérament lâche

 

Exemple sorti de nul part mais qui me semblait parlant. ;)

 

il y a 8 minutes, Vilfredo Pareto a dit :

Il ne faut juste pas faire d'Aristote un ascétique ou un intellectualiste

Oui, ça j'en ai bien conscience.

 

Merci pour l'explication générale en tout cas.

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il y a 4 minutes, Ultimex a dit :

Exemple sorti de nul part mais qui me semblait parlant. ;)

Ça dépasse mes connaissances mais c’est dans doute qqch qui a du occuper Thomas et ses copains so maybe look into that 

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  • 2 weeks later...

Huhu ce n'est pas du Aristote mais je peux pas m'empêcher de penser à @Ultimex en lisant Descartes:

Citation

Ainsi, lorsqu’un chien voit une perdrix, il est naturellement porté à courir vers elle ; et lorsqu’il oit tirer un fusil, ce bruit l’incite naturellement à s’enfuir ; mais néanmoins on dresse ordinairement les chiens couchants en telle sorte que la vue d’une perdrix fait qu’ils s’arrêtent, et que le bruit qu’ils oient après, lorsqu’on tire sur elle, fait qu’ils y accourent. Or ces choses sont utiles à savoir pour donner le courage à un chacun d’étudier à régler ses passions. Car, puisqu’on peut, avec un peu d’industrie, changer les mouvements du cerveau dans les animaux dépourvus de raison, il est évident qu’on le peut encore mieux dans les hommes, et que ceux même qui ont les plus faibles âmes pourraient acquérir un empire très absolu sur toutes leurs passions, si on employait assez d’industrie à les dresser et à les conduire.

Passions de l'âme, 50

L'éthique de Descartes est probablement l'une des plus cheloues, mais je ne sais pas si ça vaut la peine que j'essaie un topo dessus parce que si on commence à faire une méta-étude des différentes conceptions de la vertu en philosophie on va jamais s'en sortir.

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Il y a 1 heure, Vilfredo Pareto a dit :

L'éthique de Descartes est probablement l'une des plus cheloues, mais je ne sais pas si ça vaut la peine que j'essaie un topo dessus parce que si on commence à faire une méta-étude des différentes conceptions de la vertu en philosophie on va jamais s'en sortir.

 

Ca fait très stoïcien mixé avec la physique moderne, non ?

Dans tous les cas go for it !

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il y a 1 minute, Ultimex a dit :

 

Go for it !

Ok

Descartes dans le prochain épisode alors

Il n'y a pas trop de logique à part que globalement Descartes est une machine de guerre anti-Aristote et anti-scolastique

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Il y a 1 heure, Ultimex a dit :

Ca fait très stoïcien mixé avec la physique moderne, non ?

Désolé je n'avais pas vu cette partie de ton message donc je réponds mtn.

Superficiellement, certains passages de D. ressemblent à du stoïcisme ("changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde"), une insistance sur la distinction de ce qui dépend de nous et ce qui n'en dépend pas, mais il faut éviter de le tirer trop dans cette direction. L'idée de D. est plutôt de promouvoir un bon usage de nos facultés, qui ne sont pas naturellement faussées, mais que nous, nous faussons en les combinant mal (dans nos jugements). Il ne s'agirait donc pas de renoncer à quoi que ce soit dans D., mais d'arrêter de considérer comme privation ce qu'il est dans notre nature de ne pas être, et de nous réjouir d'être ainsi faits que nous pouvons toujours ne pas nous tromper, quand bien même nous nous trompons parfois. Même dans cet extrait, il incite plutôt à apprivoiser les passions qu'à les annihiler. Je me demande si on ne pourrait pas même arguer, les Passions de l'âme (206 par ex) et la Méditation I à l'appui (le passage sur lui en robe de chambre confortablement installé près du feu), que D. défend la douceur de vivre et non un modèle ascétique.

Dans le Discours de la méthode, il accuse les stoïciens d'orgueil: (Première partie)

Citation

Je me plaisois surtout aux mathématiques, à cause de la certitude et de l’évidence de leurs raisons : mais je ne remarquois point encore leur vrai usage ; et, pensant qu’elles ne servoient qu’aux arts mécaniques, je m’étonnois de ce que leurs fondements étant si fermes et si solides, on n’avoit rien bâti dessus de plus relevé : comme au contraire je comparois les écrits des anciens païens qui traitent des mœurs, à des palais fort superbes et fort magnifiques, qui n’étoient bâtis que sur du sable et sur de la boue : ils élèvent fort haut les vertus, et les font paroître estimables par-dessus toutes les choses qui sont au monde ; mais ils n’enseignent pas assez à les connoître, et souvent ce qu’ils appellent d’un si beau nom n’est qu’une insensibilité, ou un orgueil, ou un désespoir, ou un parricide.

Par "orgueil", D. désigne la tendance du sage stoïcien à se croire l'égal de la divinité, ce qu'il n'est pas du tout, quoique Dieu m'ait certainement fait à son image; je n'en suis pas moins une substance finie et lui une substance infinie (on pourrait même dire que, ontologiquement, Dieu est le seul être dont on puisse dire qu'il est une substance, càd qu'il persévère de lui-même dans son être, sans être créé par quiconque).

A un niveau plus fondamental, ils divergent dans leur conception de Dieu (le Dieu de D. n'est pas le Dieu de la Bible cela dit) et surtout de la liberté, comme on peut peut-être commencer à le deviner.

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  • 4 months later...

Je suis plutôt oisif ces jours-ci, et quand ça m'arrive je me mets à ruminer sur des trucs. Là par exemple il m'est venu une question en méta-éthique : Quel est le rapport entre un jugement moral positif sur une action et le souhait que cette action soit généralisée ?

Au minimum il me semble que trouver une action particulière bonne revient à exprimer que, si on revenait dans le passé pour rejouer la même scène, on trouverait souhaitable que la même action y soit répétée. Dans le cas potentiel où plusieurs actions alternatives pourraient être choisies avec une valence morale équivalente, disons que chacune se voit attribuer une désirabilité équivalente également. Dit d'une autre manière, une action bonne est une action dont on ne regrette pas qu'elle ait eu lieu (on peut en regretter le contexte) mais sans implication pour n'importe quelle autre action potentielle.
À l'autre extrême trouver une action bonne revient à exprimer que l'on souhaite que tout le monde agisse de cette manière en permanence. On retombe alors dans une sorte de principe d'universabilité à la Kant par exemple. Ça ne peut marcher qu'à condition de s'extraire du contexte pour traduire les actions spécifiques en catégories très larges (e.g. "il est bon de payer ses dettes" plutôt que "il était bon pour Jean-Michel Dupont de rendre le 23 juillet 2020 les 50 euros que son beau-frère Jean-Jacques Dubois lui avait prêté deux mois auparavant pour régler une note d'hôtel à l'occasion du mariage de leur amie Joceline qui...").
Je dirais qu'en pratique les jugements moraux se placent sur un continuum entre ces deux extrêmes : on dit qu'une action est bonne quand on souhaiterait qu'une action suffisamment équivalente soit répétée dans les contextes suffisamment similaires. Bien entendu le diable se cache dans ce "suffisamment", c'est-à-dire dans la manière dont on va catégoriser plus ou moins bien les actions et les contextes.
Ce processus de catégorisation peut du coup s'égarer (au moins) de deux manières. Soit en ne généralisant pas assez (par exemple en faisant intervenir dans le jugement des catégories moralement non pertinentes comme la couleur de peau des personnes impliquées), soit en généralisant trop (par exemple en confondant moralement deux actions qui sont en fait fondamentalement différentes, disons "donner une pièce à un mendiant" et "augmenter les impôts pour aider les pauvres"). Vous pourrez facilement concevoir que les erreurs de ce genre sont assez omniprésentes dans la nature et que nous tombons tous dedans. À la limite on pourrait même dire que tout jugement moral en souffre à différents degrés (comme n'importe quel modèle scientifique souffre de limite dans une perspective épistémologique faillibiliste maintenant que j'y pense, sauf que la réalité empirique existe alors que la réalité normative c'est pas clair).
La conclusion est la même que d'habitude : l'acte de prononcer un jugement moral n'est pas lui-même moralement neutre, il est faillible et il est complexe. Dans la plupart des cas on ferait probablement mieux de s'en abstenir ou au moins d'y réfléchir à deux fois. Et paf je finis sur de l'éthique normative.

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Le 04/08/2021 à 17:05, Lancelot a dit :

Je dirais qu'en pratique les jugements moraux se placent sur un continuum entre ces deux extrêmes : on dit qu'une action est bonne quand on souhaiterait qu'une action suffisamment équivalente soit répétée dans les contextes suffisamment similaires

La question que je me pose est: est-ce que la "valence morale" de l'action est une propriété de l'action ou de l'agent (quoiqu'on puisse rabattre le second ensemble sur le premier et vice-versa, surtout dans un cadre virtue ethics)? La raison pour laquelle je pose cette question est qu'il y a une tendance à définir un archétype d'agent moral (l'homme de bien e.g.) qui fonctionne, dans la théorie morale en question, comme une simulation, dans la mesure où son trait distinctif est: faire de bonnes actions, et à ce titre, il devient effectivement archétypique. Je parle de simulation parce que la manière dont ça fonctionne est: je prends un individu, je lui fous en 'attributs' whatever I need pour le faire agir moralement, et une fois que je l'ai programmé pour agir moralement comme on remonterait une petite voiture, je le laisse évoluer et je regarde. C'est tautologique et ça ne fait que déplacer le problème d'un cran si l'on se demande ce qu'il faut faire ou pas faire, mais ça change l'orientation de la réflexion si on cherche où regarder pour identifier dans le monde réel ce qu'est une bonne action. Dans une perspective un peu NT, je crois que c'est cette fonction archétypique qui est remplie par les saints et, avant, par les exempli latins (Plutarque, la Vie des hommes illustres), de façon radicalement inutile en fait, parce que le problème de l'application de l'action à des circonstances différentes, ou du degré auquel l'action peut-être abstraite (quelque chose qui ressemble à la question: "y a-t-il une "action" indépendante des circonstances? ce qui nous déplace de la métaéthique à la métaphysique, puisque c'est la même question que: y a-t-il quelque chose comme le concept de "chien" ou une différence entre "chien" et "tel chien" etc.?) reste entier. Cela dit, pour être honnête, ce problème est en fait au coeur de la casuistique... à laquelle je ne connais malheureusement rien :mrgreen:

 

Je remonte à la question qui occupe ton oisiveté: la première chose qui me vient à l'esprit est une analogie avec une théorie de la vérité qui dirait quelque chose comme: est vrai un fait dont l'occurrence me force à produire un jugement vrai à son propos. Par exemple: si une version radicale du déterminisme matérialiste (:= absolument toutes nos actions sont déterminées par des réactions physiques et, pourquoi pas, programmées dans notre essence individuelle à notre naissance) est vraie, alors elle l'est aussi nécessairement, et donc dans le jugement porté sur la théorie est déjà déterminé par la théorie. J'imagine un truc pareil pour une théorie de l'action morale. C'est pas absurde pour une classe d'actions mauvaises (je pense aux explications darwiniennes du dégoût, et JBP aurait des choses à dire sur le rapport de tout ça avec le péché originel) mais surtout ça réconcilie l'interrogation sur la nature de l'action avec celle sur la nature de l'agent: une action bonne est telle qu'elle est nécessairement considérée comme bonne, voire réalisée, par un homme (de nature) bon. Si je reprends mon analogie avec la théorie de la vérité, la valence des actions serait un être ontologiquement accessible uniquement à certains êtres comme... les êtres bons. Donc généralisable, dans une certaine mesure, et par définition pas universalisable, parce que les hommes ne sont pas tous égaux. Que ce soit généralisable ne veut pas dire qu'on ait la recette pour le généraliser. Le jugement sur l'action 'bonne' n'étant accessible qu'aux hommes 'bons', à partir du moment où l'un des attributs de 'bon' est le souhait de généraliser l'action, le souhait de généraliser l'action est une conséquence de sa constitution.

 

Ça peut se comprendre dans une perspective à la Nietzsche où les théories morales sont des systèmes de valeurs qui sont tout ce qu'il y a de plus réel, et par là façonnent, au niveau biologique, notre perception du monde. A cet égard, les métaphores qui tournent autour de l'idée de perception et de myopie dans N sont légion (un seul exemple dans Le Cas Wagner: "on ne réfute pas le christianisme, on ne réfute pas une maladie des yeux"). Cette contrainte déterministe qui te force à reconnaître la bonté de l'action morale quand elle se présente à toi pourrait être un sens de l'expression 'loi morale' non pas de façon analogue à la loi juridique, qui peut toujours être désobéie, mais à la loi physique, du coup. On pourrait l'appeler 'la loi des corps moraux'. La modernité a vraiment foutu le bordel en distinguant les faits et les valeurs.

 

That's my theory

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Le problème maintenant, c'est que ça n'empêche pas d'autres hommes de produire des jugements moraux positifs sur des actions qui ne le méritent pas. On peut toujours botter en touche analytiquement et dire que bah ce sont pas des vrais jugements moraux positifs alors, mais le problème est que ça y ressemble drôlement. Je ne suis pas sûr que ce soit un gros problème cela dit: l'autre point commun entre la valeur de vérité d'une proposition et la valence morale d'un jugement est qu'elles présupposent l'intention de l'agent, donc oui on peut produire des propositions vrais sans s'en rendre compte ou par hasard (c'est le fameux Gettier problem) mais ça n'empêche pas l'ensemble de la théorie de fonctionner. Par ailleurs, si qqn produit un jugement moral erronné, la discrepancy entre ce qu'il dit et ce qu'il fait apparaîtra à ceux à qui elle est 'accessible' et ne cessera donc pas d'exister (pour eux (après on peut avoir un débat pour savoir si des choses existent quand personne ne peut les voir... je ne cesse de me poser la question)).

 

Ça pose quand même un risque dans la théorie, ces faux jugements moraux. Du coup le facteur que je voudrais interroger est la valence morale du prédicat 'généralisable'. On pourrait par exemple considérer que le souhait de généraliser une action, même bonne, est moralement mauvais, précisément à cause du risque de se tromper. Une sorte de prudence épistémologique appliquée à l'action morale. Je fais encore un peu du Nietzsche pour NT avec son histoire de créer ses valeurs, qui coupe l'herbe sous le pied, là aussi, à toute généralisation (Le Gai Savoir, 335). On retombe donc sur une théorie de la nature de l'agent comme présupposée par l'action: un agent est défini comme un être tel qu'il est capable de produire plutôt tel ou tel type d'action, c'est pourquoi la plupart des attributs moraux sont des termes dispositionnels. Je pense un peu à Ryle ici, dans la mesure où il écrit que ce qui est apprécié dans une action est le savoir-faire (skill) qu'elle manifeste. Personne ne conteste qu'une action soit réelle (au sens néopositiviste bateau), mais le savoir-faire n'est pas occulte non plus, pas plus que n'importe quelle disposition en fait (prenons 'soluble' par exemple). Le propre d'une disposition est de se manifester naturellement dans un certain contexte: c'est même la définition logique d'une disposition, et c'est la forme que prennent les énoncés de réduction bilatéraux qu'utilise Carnap dans Testability and Meaning pour réduire 'soluble' en termes observationnels. Donc si on pousse jusqu'au bout mon naturalisme moral, il doit exister une manière de formuler des énoncés de réduction bilatéraux pour 'courageux' et 'bon' de façon analogue à 'soluble' sans qu'on ait à se préoccuper activement de la possibilité d'une généralisation du comportement individuel comme critère définitoire de la valence morale de l'individu agent.

Maintenant une raison de ne pas valuer positivement le prédicat 'généralisable' (qui a à voir avec mon point métaphysique du début sur la difficulté d'abstraire une action comme on ferait pour un concept: la différence évidente est que l'action n'est pas là dehors, elle est effectuée par un agent, et l'agent est tel qu'il est disposé à effectuer tel type d'action): je suis profondément convaincu que la bonne action dans le dilemme du trolley est de changer de voie et de causer proximalement la mort d'un ouvrier. La raison pour laquelle je pense ça est que cette action n'est pas un meurtre, dans la mesure où mon intention n'est pas de tuer l'ouvrier. On peut vérifier ça (dispositionnellement) en imaginant le contrefactuel où l'ouvrier saute au dernier moment de la voie et échappe à la mort. Dans la 'simulation', est-ce que je dégaine alors mon fusil à lunette pour achever le sonofabitch pendant qu'il détale? Non. Si on revient donc à la première 'simulation', celle où il meurt, force est de constater que, comme je suis la même personne dans cette simulation (ou ce monde possible, pour prendre une terminologie plus morale) que dans l'autre, je ne suis pas un meutrier et donc mon action n'est pas un meurtre (parce que, pour être bien clair, manque l'intention de tuer). Maintenant, qu'est-ce qui est généralisable dans ma bonne action? Bah franchement, j'en sais rien.

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23 hours ago, Vilfredo Pareto said:

je suis profondément convaincu que la bonne action dans le dilemme du trolley est de changer de voie et de causer proximalement la mort d'un ouvrier. La raison pour laquelle je pense ça est que cette action n'est pas un meurtre, dans la mesure où mon intention n'est pas de tuer l'ouvrier. On peut vérifier ça (dispositionnellement) en imaginant le contrefactuel où l'ouvrier saute au dernier moment de la voie et échappe à la mort. Dans la 'simulation', est-ce que je dégaine alors mon fusil à lunette pour achever le sonofabitch pendant qu'il détale? Non. Si on revient donc à la première 'simulation', celle où il meurt, force est de constater que, comme je suis la même personne dans cette simulation (ou ce monde possible, pour prendre une terminologie plus morale) que dans l'autre, je ne suis pas un meutrier et donc mon action n'est pas un meurtre (parce que, pour être bien clair, manque l'intention de tuer). Maintenant, qu'est-ce qui est généralisable dans ma bonne action? Bah franchement, j'en sais rien.

C'est généralisable au minimum de par le fait que tu choisirais de le répéter dans les deux instances identiques (c'est ce minimum que je visais dans mon second paragraphe). Présumément tu le répéterais aussi dans des situations aux conditions initiales comparables même si légèrement différentes (disons un brin d'herbe en moins dans le paysage), et c'est le critère pour définir ce "comparable" (tu peux parfaitement me dire "non ce n'est valable que si la situation est exactement pareille") qui déterminera exactement où tu te situes sur le continuum.

 

Je comprends ton objection sur le fait qu'une action n'existe pas indépendamment d'un agent. Je n'envisagerais pas mes options d'action de la même manière selon mes compétences physiques et mentales, mon entourage social, mes connaissances y compris sur les facteurs précédents (ce qui donne une autre saveur à "connais-toi toi-même"), et également selon mon éducation morale si on croit en une telle chose (on n'aura qu'à dire à Nietzsche que ce sont des lunettes). Effectivement ça résonne pas mal avec la virtue ethics où ton rôle serait alors de te cultiver de manière à devenir quelqu'un qui puisse viser les meilleures actions, inaccessibles au commun des mortels. C'est valable que ce soit un archétype précis qui soit visé ("What Would Jesus Do?") ou la réalisation de toi-même sans modèle particulier ("créer ses valeurs" peut-être).

 

Mais pour en revenir à mon point initial, si tu me permets de te traduire dans mes termes, ce que tu dis c'est que la généralisation d'un agent à un autre (par exemple juger quelqu'un d'autre en se basant sur ce qu'on aurait fait soi-même) est un exercice périlleux. Je ne peux qu'approuver. Ensuite si tu me dis que chaque circonstance d'une action doit être considérée comme unique, et qu'on ne peut pas généraliser du tout au delà de simulations exactement identiques, je serai plus dubitatif.

 

23 hours ago, Vilfredo Pareto said:

la première chose qui me vient à l'esprit est une analogie avec une théorie de la vérité qui dirait quelque chose comme: est vrai un fait dont l'occurrence me force à produire un jugement vrai à son propos. Par exemple: si une version radicale du déterminisme matérialiste (:= absolument toutes nos actions sont déterminées par des réactions physiques et, pourquoi pas, programmées dans notre essence individuelle à notre naissance) est vraie, alors elle l'est aussi nécessairement, et donc dans le jugement porté sur la théorie est déjà déterminé par la théorie. J'imagine un truc pareil pour une théorie de l'action morale. C'est pas absurde pour une classe d'actions mauvaises (je pense aux explications darwiniennes du dégoût, et JBP aurait des choses à dire sur le rapport de tout ça avec le péché originel) mais surtout ça réconcilie l'interrogation sur la nature de l'action avec celle sur la nature de l'agent: une action bonne est telle qu'elle est nécessairement considérée comme bonne, voire réalisée, par un homme (de nature) bon. Si je reprends mon analogie avec la théorie de la vérité, la valence des actions serait un être ontologiquement accessible uniquement à certains êtres comme... les êtres bons. Donc généralisable, dans une certaine mesure, et par définition pas universalisable, parce que les hommes ne sont pas tous égaux. Que ce soit généralisable ne veut pas dire qu'on ait la recette pour le généraliser. Le jugement sur l'action 'bonne' n'étant accessible qu'aux hommes 'bons', à partir du moment où l'un des attributs de 'bon' est le souhait de généraliser l'action, le souhait de généraliser l'action est une conséquence de sa constitution.
[...]
Cette contrainte déterministe qui te force à reconnaître la bonté de l'action morale quand elle se présente à toi pourrait être un sens de l'expression 'loi morale' non pas de façon analogue à la loi juridique, qui peut toujours être désobéie, mais à la loi physique, du coup. On pourrait l'appeler 'la loi des corps moraux'. La modernité a vraiment foutu le bordel en distinguant les faits et les valeurs.

Là tu pars sur un autre type de généralisation un peu orthogonal que je n'avais pas envisagé dans mon premier message (individualiste que je suis): le fait que le même jugement soit (potentiellement ou nécessairement) fait par différentes personnes. C'est un critère que je considère comme fondamental pour définir l'objectivité en épistémologie (en une phrase quelque chose peut être qualifié d'objectif pour les êtres humains dans la mesure où n'importe quel être humain a la capacité de constater cette chose en supposant sa bonne foi, des facultés et une éducation suffisantes), mais je le vois mal se traduire dans le domaine moral sauf pour des exceptions très bourrines (odeur de pourri => dégoût). Ou alors à un niveau plus méta avec des réflexions de type droit naturel ("les gars à chaque fois que des normes de ce type ont été adoptées ça a foutu une merde pas possible, peut-être bien qu'elles ne sont pas compatibles avec la nature humaine ?").

 

23 hours ago, Vilfredo Pareto said:

Ça pose quand même un risque dans la théorie, ces faux jugements moraux. Du coup le facteur que je voudrais interroger est la valence morale du prédicat 'généralisable'. On pourrait par exemple considérer que le souhait de généraliser une action, même bonne, est moralement mauvais, précisément à cause du risque de se tromper. Une sorte de prudence épistémologique appliquée à l'action morale.

Ça me paraît tout à fait sain à la fois d'éviter la généralisation excessive et d'être prudent par rapport à ses propres jugements.

  • Yea 2
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il y a 8 minutes, Lancelot a dit :

Mais pour en revenir à mon point initial, si tu me permets de te traduire dans mes termes, ce que tu dis c'est que la généralisation d'un agent à un autre (par exemple juger quelqu'un d'autre en se basant sur ce qu'on aurait fait soi-même) est un exercice périlleux.

Ce que je voulais surtout dire est que peut-être tous les êtres humains ne sont pas susceptibles d'agir moralement. Sinon on n'aurait pas d'exempli, on ferait juste comme tout le monde et on appellerait ça "agir moralement", ou on créerait tous nos propres valeurs, et ça ne risque pas d'arriver.

 

il y a 13 minutes, Lancelot a dit :

C'est un critère que je considère comme fondamental pour définir l'objectivité en épistémologie ... mais je le vois mal se traduire dans le domaine moral sauf pour des exceptions très bourrines (odeur de pourri => dégoût). Ou alors à un niveau plus méta avec des réflexions de type droit naturel ("les gars à chaque fois que des normes de ce type ont été adoptées ça a foutu une merde pas possible, peut-être bien qu'elles ne sont pas compatibles avec la nature humaine ?").

Well je pense qu'on peut faire plus de choses que ça avec le dégoût. Je ne veux pas parler des livres que j'ai pas lus *mais* Haidt en fait la pierre de touche de ses études sur les fondements psychologiques des orientations politiques si je me souviens de son podcast chez jbp. Et il a aussi un rôle dans le comportement sexuel. Mais au-delà de ça, ce à quoi je voulais tendre était plutôt un mécanisme tel que la théorie implique les jugements qui sont portés sur elle (et c'est pour ça que je prenais comme illustration les théories de la vérité). A partir du moment où seuls certains êtres d'une constitution précise peuvent porter des jugements sur la théorie, par proxy (le proxy étant ces êtres), la théorie implique les jugements qui sont portés sur elle. Nous ne sommes que les outils de la théorie pour réaliser le bien moral sur Terre. Dites-moi si je délire.

 

En revanche, je suis d'accord qu'il est sans doute difficile de faire pour 'courageux' ce que Carnap a fait pour 'soluble'. Ni très fascinant d'ailleurs. Mais c'était joli dans le raisonnement.

 

il y a 24 minutes, Lancelot a dit :

C'est généralisable au minimum de par le fait que tu choisirais de le répéter dans les deux instances identiques (c'est ce minimum que je visais dans mon second paragraphe). Présumément tu le répéterais aussi dans des situations aux conditions initiales comparables même si légèrement différentes (disons un brin d'herbe en moins dans le paysage), et c'est le critère pour définir ce "comparable" (tu peux parfaitement me dire "non ce n'est valable que si la situation est exactement pareille") qui déterminera exactement où tu te situes sur le continuum.

On pourrait aussi dire que je choisirais de la répéter dans une autre vie (l'éternel retour). Mais ça laisse ouverte la question: qu'y a-t-il de spécifiquement moral dans cette action? Il y a beaucoup de choses que je choisirais de répéter dans deux instances identiques modulo le nombre de brins d'herbe mais qui ne sont pas morales. Ni immorales d'ailleurs. 99% des trucs que je fais ces jours-ci par exemple. On en revient bien au problème de caractérisation de la moralité des actions.

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16 hours ago, Vilfredo Pareto said:

On pourrait aussi dire que je choisirais de la répéter dans une autre vie (l'éternel retour). Mais ça laisse ouverte la question: qu'y a-t-il de spécifiquement moral dans cette action? Il y a beaucoup de choses que je choisirais de répéter dans deux instances identiques modulo le nombre de brins d'herbe mais qui ne sont pas morales. Ni immorales d'ailleurs. 99% des trucs que je fais ces jours-ci par exemple. On en revient bien au problème de caractérisation de la moralité des actions.

Je pense que nos objectifs diffèrent un peu ici dans le sens où je me m'intéresse pas tellement à la question de trouver un critère pour définir toute action comme objectivement morale ou pas. Les questions qui m'intéressent principalement sont:

  1. Comment se définit un jugement éthique du point de vue des mécanismes cognitifs/psychologiques impliqués ? Là dessus je suis assez satisfait par la thèse de Sauer "moral judgements as educated intuitions" qui à mon avis inclut et complète ce qu'il y a d'intéressant chez Haidt. Note que c'est agnostique sur la question du réalisme moral même si par ailleurs Sauer s'accommode très bien de son absence.
  2. Comment se définit un jugement éthique d'un point de vue de l'expérience, disons, phénoménologique, de la personne qui fait ce jugement ? C'est ce que j'essaie de capturer avec mes histoires de généralisation "on considère qu'une action est bonne quand on considère comme souhaitable qu'une action suffisamment équivalente soit répétée dans les contextes suffisamment similaires". C'est agnostique sur les mécanismes, quels qu'ils soient, partagés par d'autres personnes ou pas, qui nous ont fait adopter ce jugement et pas un autre.
  3. Quel est le statut moral de l'action de l'acte même d'exprimer des jugements moraux ? La conclusion en quelques mots de mon wall of text de la page précédente est que l'acte même d'exprimer un jugement moral n'est pas moralement neutre et que nous avons une obligation morale de moyens (c'est-à-dire d'être raisonnablement experts dans la situation que nous jugeons et dans les solutions que nous proposons pour éviter que nos jugements moraux aient des conséquences contradictoires avec leurs intentions, ce qui sera un échec moral de notre point de vue indépendamment de la question du réalisme moral, c'est ce que je peux offrir de mieux pour l'instant en termes de principe de non-contradiction).
  4. Ensuite effectivement il y a la question de l'objectiv(abil)ité des normes morales. Je considère que c'est une question d'épistémologique et donc j'adopte le même critère que pour le reste, qui est celui que j'ai décrit dans mon message précédent. Ça permet d'arriver à de grosses lignes directrices pour les types de normes qu'il est judicieux ou pas d'adopter au vu de ce que nous savons de la manière dont les sociétés humaines fonctionnent, de nos expériences historiques etc. Dit autrement, une forme de DN. Certes ça ne va pas t'avancer beaucoup pour faire des choix dans ta vie quotidienne. De mon point de vue it's not a bug, it's a feature (cf. point 3).
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Ou alors est-ce que tu te demandes ce qui différencie les jugements moraux par rapport à d'autres types de jugements ?

C'est vrai que si on prend, disons, les jugements esthétiques, on peut aussi les définir comme des "educated intuitions". Enfin je suppose, si on part du principe que le goût esthétique peut être éduqué, je n'ai pas encore commencé à lire là-dessus sérieusement. Je peux aussi ne pas regretter d'avoir lu un bouquin sans forcément considérer que lire ce bouquin était une bonne action d'un point de vue moral. Je ne sais pas dans quelle mesure les jugements esthétiques sont objectivables mais je suppose forcément un minimum.

Du coup on se retrouve avec des trucs pas très satisfaisants comme "un jugement est éthique à  condition de porter sur une action dont on reconnaît qu'elle a une valence éthique", mais ça ne fait que repousser le problème un peu plus loin. Qu'est-ce que c'est que cette valence éthique ? Par quel moyen est-elle perçue ? Comment expliquer que la même action puisse avoir une valence éthique pour une personne et pas pour une autre ?

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il y a 44 minutes, Lancelot a dit :

Ou alors est-ce que tu te demandes ce qui différencie les jugements moraux par rapport à d'autres types de jugements ?

Oui en effet, et je reconnais que ça commence à sortir du champ de la question que tu posais.

il y a 45 minutes, Lancelot a dit :

C'est vrai que si on prend, disons, les jugements esthétiques, on peut aussi les définir comme des "educated intuitions". Enfin je suppose, si on part du principe que le goût esthétique peut être éduqué, je n'ai pas encore commencé à lire là-dessus sérieusement.

Bah j'ai commencé à m'intéresser à cette question justement. Peut-être qu'inconsciemment ma première réponse visait à orienter le débat vers ce qui moi m'intéresse :lol: mais puisque tu me tends la perche je crois que c'est vraiment l'optique de Kant dans la Critique de la faculté de juger. L’interrogation centrale de Kant peut être résumée comme suit : comment un jugement singulier peut-il, sans règle, prétendre à l’universalité? L’universalité du jugement de goût ne provient pas de l’objet mais de la communicabilité du jugement à lui tout seul. Pour Kant, le jugement esthétique, dans la mesure où il est "réfléchissant," est une propédeutique à la moralité et la socialité/vie sociale. Je peux développer :mrgreen:

 

Comment se peut-il que j’affirme que River Phoenix est beau, supposant donc que mon affirmation est universelle et nécessaire, alors que, contre toute apparence, elle ne porte pas tant sur l’apparence de River Phoenix que sur le sentiment de plaisir que j’ai à le regarder, càd la chose la plus intime ? Il convient ici de préciser que Kant distingue le sentiment, intellectuel, de la sensation, physique, parce que le propre du sentiment esthétique est d’être détaché de la question de l’existence de son objet, contrairement à Hume, qui relie la contemplation du beau à un sentiment agréable du corps et à une disposition confortable de l’esprit, qu’il nomme pride, par opposition à l’humility. Hume est en cela plus proche de Nietzsche, qui rejette le dualisme et l’intellectualisme de Kant. Pour Kant en effet, le beau n’est ni un concept (connaissance), ni un agrément (plaisir) : il est bien plutôt une invitation à la recherche conceptuelle, par le libre jeu de l’entendement sous la conduite de l’imagination. L’entendement ne cesse de proposer des concepts sans pouvoir arriver à satiété. Cette voie ouverte, qui rend possible la discussion entre gens instruits, est la « forme de la finalité d’un objet sans représentation d’une fin ». La discussion suppose le partage, comme l’expérience partagée de l’œuvre, dans la postulation d’un sens commun : le plaisir esthétique est donc tout différent du désir érotique, qui aspire à la possession exclusive. La beauté, pour finir au sujet du sens que lui accorde Kant, ne pourrait être expliquée ni en termes de finalité objective, à savoir par la perfection de l’objet en son genre (même si, et je ne plaisante pas, on pourrait présenter comme ça la beauté physique, et Dieu sait si on l'a fait, et puis il faudrait aussi aborder la magnifique idée grecque que la beauté du corps et la santé de l'âme se reflètent), ce qui suppose une connaissance de l’objet pour pouvoir le trouver beau, et donc un jugement déterminant, ni en termes de finalité subjective.

 

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Symétriquement, seul ce qu’on ne peut produire, même en le connaissant parfaitement, relève de l’art : le génie ne connaît pas les règles de sa production, car il est l’intermédiaire par lequel la nature donne ses règles à l’art. La nature est le concept qui permet d’articuler, dans Kant, le jugement esthétique et le jugement moral : elle nous permet de postuler notre accord avec nos semblables, mais seulement en termes d’art. L’art est comme le moyen par lequel nous approchons la compréhension de la nature. L’idée selon laquelle l’art nous permet de voir la nature autrement, ou de la voir telle qu’elle est vraiment, est promise à une longue postérité : Wilde et Bergson défendent la première option, tandis que Schopenhauer, en écrivant dans le livre III du Monde comme volonté et représentation, que l’art nous révèle la force de la volonté dans le cosmos, défend plutôt la deuxième.

 

Kant renverse donc totalement la perspective métaphysique qui prévalait jusqu’alors, qui posait une cause initiale dans le monde (Timée, 29e–30c). Kant effectue ce renversement en distinguant la fin naturelle (Naturzweck) de la fin de la nature (Zweck der Natur) : la première suppose la connaissance des intentions du créateur, ce que la Critique de la raison pure nous a appris à considérer comme dépassant largement notre entendement, tandis que la seconde désigne quelque chose qui nous paraît internement organisé, simultanément moyen et fin, qui ne nous force pas à concevoir la nature comme un tour objectivement organisé, même si, subjectivement, il nous y incite ; c’est d’ailleurs ce qui explique les postulats de Kant sur l’histoire comme processus de moralisation de la nature humaine, ce qui nous incite semblablement à ne pas nous attarder sur les massacres ou les erreurs, qui ne sont que des errements en chemin (cf. Idée d’une histoire universelle…, 7e proposition). Il s’agit in fine d’un impératif moral : il faut que je veuille un règne des fins pour obéir à mon devoir (ou pour que l’obéissance à mon devoir ait un sens, même si Kant ne le dirait pas comme ça).

 

Ainsi définie, la beauté n’a de valeur que pour les hommes, êtres raisonnables. On peut relever (enfin moi je vais pas me gêner) une consonance entre l’argumentation kantienne, qui fait du sentiment esthétique le propre de l’homme, et celle d’Aristote sur la citoyenneté, en tant qu’elle exclut bêtes et dieux, car le beau, pour Kant, « n’intéresse empiriquement que dans la société », et offre un modèle de disposition à la morale, dans la mesure où il suppose de s’affranchir de l’intérêt au monde physique (et pour Kant, la morale est une question métaphysique). Quoique désintéressé, le sentiment esthétique peut donc produire un intérêt social, moral, avec cette différence que le jugement esthétique produit un intérêt « libre », alors que le jugement moral produit un intérêt « fondé sur une loi objective ». Le jugement de goût présente donc une analogie avec le jugement moral (Kant parle « de la beauté comme symbole de la moralité ») : il rend possible le passage de l’ « attrait sensible » (déconstruit par le désintéressement que suppose l’expérience esthétique) à l’ « intérêt moral habituel ». On peut pousser l’esthétique de Kant jusqu’à dire, sans contresens, que ce n’est pas l’objet mais le jugement qui nous plaît. En cela, Kant nous éloigne radicalement du rapport entre beauté sensible et monde intelligible de Platon, en faisant de la contemplation esthétique une activité plaisante pour elle-même pour tout homme.

 

Bien sûr on peut reprendre tout ce que j'ai dit et ajouter comme un ado attardé "... ou pas!" Ça vous donnera l'oeuvre de Nietzsche.

 

Pour continuer mon aventure je lirais bien L'Art et l'illusion de Gombrich, bien sûr, mais aussi The Sense of Beauty de Santayana.

 

Ce qui m'importe c'est que j'aie réussi à argumenter en faveur d'une "éthicité" des jugements esthétiques, ce qui était, je crois, ta question.

 

Pour tes 4 questions d'hier, je ne suis pas assez instruit en sciences cognitives ou psycho pour répondre ou apporter des éléments sur (1) mais j'espère que le présent wot apporte des éléments sur (2).

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Je veux bien discuter esthétique mais plutôt dans le thread dédié :

 

 

Et sans doute plus tard parce que là je n'ai pas encore commencé à m'y pencher sérieusement. Là j'ai un gros bouquin généraliste à lire (avec, joie, des chapitres sur "l'esthétique féministe" et "l'esthétique intersectionnelle" :rolleyes:).

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Il y a 1 heure, Vilfredo Pareto a dit :

Bien sûr on peut reprendre tout ce que j'ai dit et ajouter comme un ado attardé "... ou pas!" Ça vous donnera l'oeuvre de Nietzsche.

 

:D 

 

(Je veux bien que tu développes sur la philosophie de l'art de Nietzsche dans le fil d'esthétique, si ça te dit). 

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  • 3 months later...

@Vilfredo sur la question du rapport entre éthique et esthétique (oui c'est long mais je continue de ruminer) je suis tombé sur un filon de publications récentes. Visiblement tu n'es pas le seul à t'intéresser au sujet et il est même assez trendy.

 

Deux exemples (mais cf. aussi ce qu'ils citent et ce par quoi ils sont cités):

Quote

Whiting, D. (2021). Aesthetic reasons and the demands they (do not) make. The Philosophical Quarterly, 71(2), 407-427.

 

What does the aesthetic ask of us? What claims do the aesthetic features of the objects and events in our environment make on us? My answer in this paper is: that depends. Aesthetic reasons can only justify feelings – they cannot demand them. A corollary of this is that there are no aesthetic obligations to feel, only permissions. However, I argue, aesthetic reasons can demand actions – they do not merely justify them. A corollary of this is that there are aesthetic obligations to act, not only permissions. So, I conclude, the aesthetic asks little of us as patients and much of as agents.

 

Quote

Kubala, R. (2020). Aesthetic obligations. Philosophy Compass, 15(12), 1-13.

 

Are there aesthetic obligations, and what would account for their binding force if so? I first develop a general, domain-neutral notion of obligation, then critically discuss six arguments offered for and against the existence of aesthetic obligations. The most serious challenge is that all aesthetic obligations are ultimately grounded in moral norms, and I survey the prospects for this challenge alongside three non-moral views about the source of aesthetic obligations: individual practical identity, social practices, and aesthetic value primitivism. I conclude by raising questions for further work in this area.

 

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Ah ca a l’air très intéressant en effet. De mon côté j’ai un ami qui m’a parlé d’un bouquin de Foisneau sur Hobbes qui défendrait la thèse qu’il y a un lien entre ses travaux sur l’optique et son relativisme moral so…

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  • 2 months later...
On 8/7/2021 at 2:46 PM, Lancelot said:

Du coup on se retrouve avec des trucs pas très satisfaisants comme "un jugement est éthique à  condition de porter sur une action dont on reconnaît qu'elle a une valence éthique", mais ça ne fait que repousser le problème un peu plus loin. Qu'est-ce que c'est que cette valence éthique ? Par quel moyen est-elle perçue ? Comment expliquer que la même action puisse avoir une valence éthique pour une personne et pas pour une autre ?

Je me réponds à moi-même parce que je suis tombé sur ceci : http://ontology.buffalo.edu/smith/articles/searle.pdf

Un débat où Searle discute d'ontologie et écrit par exemple ici :

Quote

For me, we are all animals, biological beasts; we share with all sorts of other animals the capacity for collective intentionality, and with collective intentionality you get social facts automatically. For me, a social fact is simply any case of collective intentionality involving two or more animals. Institutional facts are more interesting, because they involve a deontic component, and with that deontic component comes the requirement of language.
[...]
I presuppose a society of biological beasts capable of collective intentionality, and evolution gives me that for free. I also presuppose another capacity given to us by evolution, namely, the capacity to symbolize. That is an interesting and essential capacity, and one I have attempted to analyze in some depth (see John R. Searle, Intentionality). But now what I want to know is: How do we get from these basic biological capacities to cultural institutional phenomena such as money, property, marriage, and government?
[...]
Remember, my analysis originally started with speech acts, and the whole purpose of a speech act such as promising is to create an obligation that will continue to exist after the original promise has been made. I promise something on Tuesday, and the act of uttering ceases on Tuesday, but the obligation of the promise continues to exist over Wednesday, Thursday, Friday, etc. And that is not just an odd feature of speech acts; it is characteristic of the deontic structure of institutional reality. Think, for example, of creating a corporation. Once the act of creation of the corporation is completed, the corporation exists. It need have no physical realization; it may be just a set of status functions.

 

Ce qui me donne des éléments pour me sortir de mon problème, à savoir que "une situation dont on reconnaît qu'elle a une valence éthique" peut être redéfini en "une situation qui comporte une composante déontique, et donc qui a trait à la réalité institutionnelle". On n'est plus dans un raisonnement circulaire. C'est clair, c'est tranchant, c'est productif, on peut être d'accord ou pas mais moi j'aime bien.

 

Pour @Vilfredo le critère déontique permet aussi de différencier ce qui relève de l'éthique et de l'esthétique dans une situation donnée. C'est envisagé dans les papiers que j'ai cité dans mon dernier message.

Dans le second c'est clair : "The most serious challenge is that all aesthetic obligations are ultimately grounded in moral norms"

Dans le premier : "Hence, it can be the case that we ought to act, specifically, to act so as to maintain aesthetic value, not only that we may do so." On pourrait lui répondre que ce dont il parle est une justification esthétique à une obligation morale mais pas une obligation esthétique.

Voici un autre extrait de Searle qui se rapproche énormément du sujet :

Quote

Because he does not see that the analysis is really about institutional facts and not about social objects, he fails to see the distinction between genuine institutional facts and all sorts of other social phenomena that do not fit the category of institutional facts. Thus he takes me to task because my account does not deal with works of music. But works of music are not matters of status function. A piece of music performs its function in virtue of its physical structure, in virtue of the sounds in question. A work of music by itself is not a matter of obligations, rights, duties, or other status functions being imposed on the set of sounds in question. This misunderstanding, I believe, reveals a fundamental misunderstanding of my entire project and of the analysis of institutional facts. The crucial notions for me involve rights, duties, obligations, and various other sorts of powers. Institutional reality, broadly speaking, is about power, remembering of course that some of these are negative powers, and some are so attenuated that they have evolved into mere honors or dishonors. But the structure of institutional reality is a structure of power. And that is not the case with works of music. Works of music are just acoustical phenomena on which we have imposed a function, but not a status function.

 

Et pour finir un point classieux sur la méta-éthique :

Quote

In the course of Smith’s paper he gives a fairly large number of examples that he thinks create difficulties for me. I am extremely puzzled by these examples, because it seems to me they create no difficulties for my analysis at all. There are cases in which there is, for example, a dispute about the ownership of a piece of property or a painting. These arise all the time. Now, the point I am making is that in order for us to even have an analysis of the nature of the dispute, we have to understand that what is in dispute is the assignment of status functions. That is, the difficulties he raises about the Nazi expropriation of property, or disputes about the ownership of a painting, or about the boundary line between two countries, are real-life disputes among people competing for the right to assign status functions to objects. They are not problems for philosophical analysis of the ontology of institutional facts; they are real-life problems to be settled by judges and lawyers, and in the end perhaps by armies and political movements. It is amazing to me that he seems to think that I am trying to provide an algorithm for resolving political and legal disputes about boundaries and property ownership. I am doing nothing of the sort. I am trying to describe the logical structure of the dispute itself, not to resolve it. The fact that there are such disputes is not an objection to my account, it is a further illustration of its strength.

[...]
I think he fails to see the need for a naturalistic acount of institutional facts. Sometimes when discussing the difference between what people count as an institutional fact and what really is an institutional fact, he assumes that there must be some real observer-independent truth about institutional facts. There must, for example, be some fact totally independent of human observers about whose property the painting really is. If my account is right, this is a fundamental mistake.

 

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