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  Le 31/07/2021 à 09:09, Vilfredo Pareto a dit :

Ce mois-ci (les romans m’avaient manqué)

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J'aime tellement Hesse... je suis en train de lire l'intégrale des romans et nouvelles.

A single man, j'ai beaucoup aimé aussi mais alors faut prendre du Xanax sinon tu finis pendu tellement c'est triste.

Puis les russes, jamais réussi à accrocher, je préfère les germains (Stifter notamment) et les suisses (Keller par exemple)...

 

Bonne lecture !

Posté
  Le 31/07/2021 à 09:14, frl a dit :

J'aime tellement Hesse... je suis en train de lire l'intégrale des romans et nouvelles.

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J'avais jamais lu. C'est un très beau roman, un peu curieux du point de vue narratif (on a du mal à penser que le Traité du Loup de Steppes se trouve dans le Manuscrit de Harry Haller par exemple, ou à distinguer les deux niveaux de narration, l'un étant un commentaire de l'autre sans pour autant que ça tombe dans le roman à thèse du genre "la psychanalyse jungienne illustrée") et très symbolique: par exemple je commence à penser que Hermine n'existe pas vraiment en dehors de la tête de Harry et j'ai pas mal de raisons de penser ça, le fait qu'il la confonde parfois avec son ami Hermann n'étant pas la moindre. Au sujet de la sexualité de Harry d'ailleurs je regrette de plus pouvoir lire l'allemand vu que j'en fais plus depuis deux ans (mais je vais m'y remettre) parce qu'il y a un passage où il dit qu'aucun homme ne peut exiger de lui ce qu'Hermine exige de lui mais que Hermine n'est pas un homme justement ou qqch d'approchant, et en allemand "homme" mâle et "homme" humain ce sont deux mots (Mann ou Mensch).

 

  Le 31/07/2021 à 09:14, frl a dit :

A single man, j'ai beaucoup aimé aussi mais alors faut prendre du Xanax sinon tu finis pendu tellement c'est triste.

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C'est curieux que tu dises ça parce que je ne trouve pas du tout. Certes c'est un roman sur le deuil mais la fin où il résiste à la tentation de coucher avec son étudiant et les nombreux passages insistant sur la santé, sur son corps qui résiste à la vieillesse (j'adore la scène dans la salle de sport), m'ont justement laissé avec une très forte envie d'aller dans un pub d'après-guerre rencontrer un Jim. C'est un roman très sain, George s'accroche à son existence, à son corps surtout, à tel point que j'avais l'impression que son squelette et sa peau étaient des personnages secondaires, en dépit de toutes les pensées morbides qui s'emparent de lui par exemple dans la scène de l'autoroute. Je me suis pas encore acheté The Berlin Novels. J'ajoute que lire en Vintage edition c'est un plaisir incommensurable avec quoi que ce soit d'autre sur Terre. Avec le sexe peut-être. (Et note pour moi-même: maintenant quand je lis en anglais je lis avec la voix suave et sensuelle de BEE dans ma tête... je crois que je suis en train de nourrir un fantasme sur lui.)

 

  Le 31/07/2021 à 09:14, frl a dit :

Puis les russes, jamais réussi à accrocher, je préfère les germains (Stifter notamment) et les suisses (Keller par exemple)...

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Tolstoï et Dostoïevski c'est quand même deux univers. Je préfère largement Dosto, Tolstoï me saoule avec son christianisme misérabiliste. Ça veut pas dire que ce ne sont pas des grands romans ces deux-là mais la grande résolution finale en Dieu qui sape toutes les finesses psychologiques accumulées au cours du roman me fait soupirer très fort. Anna Karénine est moins moralisateur que Résurrection (c'est dire) mais même pour un gros bouquin comme ça, il y en a trop. Pas mal de scènes font rajoutées, la satire politique est traitée par-dessus la jambe, l'intermède sur le peintre tombe aussi comme un cheveu sur la soupe, et dans la mesure où le roman est loin d'être centré sur Anna (au contraire à la limite Anna est seulement l'agent perturbateur qui fait dévier de leurs trajectoires respectives les autres personnages de l'histoire qu'elle ne fait que traverser en longueur), je trouve difficile de vraiment être impliqué quand elle fait ses crises de jalousie à Wronsky à la fin. Bien sûr que je préfère les pages sur Levine qui fauche le blé avec ses paysans (Nekhlioudov dans Résurrection est à bien des égards une version un peu modifiée de Levine), qui sont à mon avis les plus belles du roman. Le monologue nihiliste final de Anna est somptueux, mais justement it had me wondering: mais bordel pourquoi est-ce qu'on en avait pas plus des comme ça pendant le roman?

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  Le 31/07/2021 à 10:43, Rübezahl a dit :

Siddhartha de Hesse est très bien.

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un super livre que j'ai lu en alternance de La Communauté de l'Anneau. Très beau bouquin et très bien écrit. 

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Je sors de Enquiry concerning political justice de William Godwin. De l'anarchisme 50 ans avant celui de Proudhon, en plus cohérent et systématique (enfin un vieux philosophe anar un peu rigoureux !), mais pas forcément plus réaliste. On y retrouve beaucoup d'éléments plaisants pour nous. Rejet total de la coercition, jusqu'au rejet de l'état. Défense de la propriété privée et rejet total de la propriété commune. Et surtout, grande insistance sur l'importance de l'autonomie pour le bon développement intellectuel et moral de l'individu. Mais il part tout de même de prémisses différentes des ancaps, et les suit jusqu'à des conclusions surprenantes. En gros, il part d'un utilitarisme assez classique (mais un peu avant Bentham) associé à une sorte de perfectionnisme moral et intellectuel, le tout tartiné de beaucoup d'optimisme. C'est en réfléchissant par nous même, et en étant guidé par la raison, que l'on fait les choix qui nous sont les plus utiles, et donc, tout ce qui vient freiner ça est à rejeter, ce qui inclut aussi bien la contrainte que les influences néfastes de la société. Et avec beaucoup d'optimisme par dessus tout ça. Il prône une société absolument sans violence, et sans droit, où la loi serait remplacée par d'occasionnels et rares conseils communautaires au sein de "parish" de petites tailles, jugeant au cas par cas. De façon seulement consultative évidemment, le but étant uniquement d'aider les gens à se mettre d'accord, ce que veulent des individus rationnels. Plus gênant pour nous, sa propriété privée n'est que provisoire, et ne vaut que tant qu'elle est directement utile à son propriétaire, elle doit (moralement, et va l'être, parce que les gens seront moralement supérieurs) être donnée lorsqu'elle est en surplus. Donc, pas d'échange. Mais le plus surprenant et original (je ne pense avoir lu ça nul part ailleurs) est son rejet catégorique de la coopération, qu'il voit comme un dangereux renoncement à l'autonomie individuelle. Ce qui inclus, en vrac, de rejeter : le travail d'équipe, le mariage, les partis politiques, et même le théâtre et les orchestres (quoi que s'il avait précisé "les sports d'équipe", j'aurais eu du mal à être en désaccord). Coté travail, il s'attend à ce qu'en demandant toujours moins de travailleurs pour les opérer, les machines, voire les usines toutes entières, finiront par pouvoir se contenter d'un ouvrier chacune. Il se montre un tout petit peu plus conciliant envers les activités de groupe au détour d'une fin de chapitre en précisant qu'il s'y oppose seulement lorsqu'elles sont rendus nécessaires, et qu'elles peuvent être à la limite tolérables en tant que loisirs.

 

C'est à 90% une simple curiosité historique. Mais il y a quelques passages rigolos. J'ai presque envie de bricoler un petit cours autour d'un de ces fameux passages sur la coopération. Ca devrait être suffisamment couillu comme thèse pour susciter un peu d'intérêt. (J'ai aussi envie d'utiliser les beaux passages où il s'attaque à "l'engin brutal" et inutile qu'est l'état, mais je risquerais de perdre ma neutralité trop facilement !)

 

J'ai l'impression qu'on l'a encore plus oublié lui que les deux autres ayant donné une réponse à Burke, Wollstonecraft et Paine. C'est dommage, parce qu'il est clairement le plus original de la bande, en plus d'occuper en fait une position intermédiaire dans le débat, voire plus proche de celle de Burke même s'il est pour l'abolition immédiate du mariage, pour le reste, il est contre la révolution violente, contre les groupes de pressions politiques, et seulement pour une amélioration continue de l'humanité grâce aux intellectuels (pour l'instant, c'est mal barré...). 

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  Le 31/07/2021 à 10:43, Rübezahl a dit :

Siddhartha de Hesse est très bien.

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Voilà un bouquin qui ne m'a pas donné envie de continuer à creuser Hesse... Bon, je retenterai ma chance une autre fois malgré tout (probablement le Loup des steppes).

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Merci. Bon, un auteur qui redescend encore un peu dans ma liste des priorités. 

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Ah mais on m'a dit le plus grand bien du Jeu des perles de verre (comme ça je le fais un peu remonter et il se retrouve à la même place de ta liste de priorités, qu'est-ce qui est au sommet de la liste d'ailleurs?)

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  Le 31/07/2021 à 09:47, Vilfredo Pareto a dit :

Tolstoï et Dostoïevski c'est quand même deux univers. Je préfère largement Dosto, Tolstoï me saoule avec son christianisme misérabiliste. Ça veut pas dire que ce ne sont pas des grands romans ces deux-là mais la grande résolution finale en Dieu qui sape toutes les finesses psychologiques accumulées au cours du roman me fait soupirer très fort. 

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J'ai un faible pour Dosto. L'Idiot est mystère : il ne se passe rien, et pourtant l'un de mes romans préférés, lu 2-3fois. Comprends pas.

 

Tolstoi est trop "déterministe" pour moi. Digression sur le sujet - Tolstoi parlait très bien français et il y a un enregistrement de lui qui traine sur le web. M'avait fait bizarre quand je suis tombé dessus - un peu le même problème que quand j'ai réalisé que l'on était plus proche de Cléopatre que Cléopatre des pyramides : les échelles de temps..

 

  Le 31/07/2021 à 09:47, Vilfredo Pareto a dit :

. Bien sûr que je préfère les pages sur Levine qui fauche le blé avec ses paysans (...), qui sont à mon avis les plus belles du roman. Le monologue nihiliste final de Anna est somptueux, mais justement it had me wondering: mais bordel pourquoi est-ce qu'on en avait pas plus des comme ça pendant le roman?

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  Le 02/08/2021 à 12:50, MXI a dit :

 Digression sur le sujet - Tolstoi parlait très bien français et il y a un enregistrement de lui qui traine sur le web. M'avait fait bizarre quand je suis tombé dessus - un peu le même problème que quand j'ai réalisé que l'on était plus proche de Cléopatre que Cléopatre des pyramides : les échelles de temps..

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Je suis le seul qui a l'impression d'entendre Francis Blanche dans le sketch du Sâr Rabindranath Duval?

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  Le 02/08/2021 à 18:31, Johnathan R. Razorback a dit :

C'est très bien, sauf peut-être la toute fin.

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Bah zut alors on est d'accord sur un truc. Je déteste que le romancier me dise ce qu'il faut que je lise et la fin du roman c'était un peu Hesse qui me prend le doigt et me montre ce dont chaque truc est le symbole. Gné.

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  Le 02/08/2021 à 12:32, Vilfredo Pareto a dit :

Ah mais on m'a dit le plus grand bien du Jeu des perles de verre (comme ça je le fais un peu remonter et il se retrouve à la même place de ta liste de priorités, qu'est-ce qui est au sommet de la liste d'ailleurs?)

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En roman ? Faut que je finisse les Frères K de Dosto. Le feu de d'Annunzio pour la suite, peut-être. Ou Faust de Goethe ? Journal d'une femme de chambre de Mirbeau sinon ?

Le problème ? Le temps...

Posté
  Le 03/08/2021 à 14:02, Ultimex a dit :

Ah ? Tant que ça ? (= développe).

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Well de loin ça ressemble à un de ces fachos qui écrivent le petit doigt en l'air sur des tourtereaux qui s'aiment sans baiser. Qqn capable d'écrire "sur cette tristesse flottait encore le souvenir de Constance Landbrooke, vaguement, comme un parfum évaporé.... Mais le gazouillement mélodieux de Constance Landbrooke avait passé sur l'âme d'André comme une de ces musiques légères qui pour un temps laissent dans l'esprit une ritournelle." (dans L'Enfant volupté (ouais, rien que le titre hein)). Je ne suis plus très sûr mais je crois que Malaparte le parodie dans un personnage d'un de ses romans. Je peux me tromper bien sûr mais voilà je me méfie.

Posté
  Le 03/08/2021 à 17:58, Vilfredo Pareto a dit :

Well de loin ça ressemble à un de ces fachos qui écrivent le petit doigt en l'air sur des tourtereaux qui s'aiment sans baiser.

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Ah, déçu je suis... Étant donné son parcours, je m'attendais à du proto-Malaparte (puisque tu le cites), du (proto)-facho qui romance sa vie (mais sans trop forcer pour le coup).

Bon, on verra bien ce que donne le Feu.

D'ailleurs, en parlant de Curzio, à part Kaputt et La Peau, y a d'autres livres de recommandables chez lui ?

Posté
  Le 03/08/2021 à 20:34, Ultimex a dit :

je m'attendais à du proto-Malaparte

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Ah non pas du tout. Malaparte est cynique, mytho, très, très drôle et souvent glaçant. Il a un style sublime, très visuel. Ses romans sont atroces. Bizarrement ils me donnent faim. Si je devais faire un cauchemar comme quoi je suis un juif en Ukraine en 1942, le paysage ressemblerait à Kaputt. J'ai lu La Peau en premier et j'en ai un souvenir encore plus marquant. Mon père les lit en ce moment et apprécie beaucoup aussi. En en parlant avec lui je me faisais la réflexion que ce qui est particulièrement brillant dans ces deux romans (Kaputt et La Peau) est que le cynisme du narrateur empêche de trouver le moindre repère moral ou émotionnel. ♪ There is no decent place to stand ♫ in a massacre ♫. Non seulement les images sont indélébiles (les huîtres qui sont des yeux arrachés, les têtes de chevaux sur un lac qui a gelé et aussi d'autres scènes burlesques comme le passage au sona avec Himmler qui perd sa serviette) mais tu n'as aucun appui pour en réchapper comme tu peux en avoir même dans les livres de Primo Levi si je prends un compatriote qui écrit sur la même période. Et bizarrement, entre un écrivain dont le témoignage est factuel et historique et un mytho qui invente tout même si la toile de fond est vraie, je préfère le mytho. Il me fait beaucoup penser aux romans de Steiner (Le Transport de A.H. est quasiment du sous-Malaparte.)

 

Ses autres livres sont moins bien. J'ai lu le Journal d'un étranger à Paris, où il raconte ses soirées chez Maria Casarès. Il croise Nimier, apparemment charmant (je veux bien le croire). Il y a quelques pages où il drague une prolo à la piscine de je sais plus où (j'ose pas croire la piscine Deligny) qui sont pas mal et d'autres où il explique comment il convient de traverser la place de la Concorde quand on est un gentleman comme il faut. Rien de bien passionnant. Voyage en Ethiopie est très ennuyeux, je me souviens pas en détails pour le coup, à part d'une note sur un Ethiopien dont il écrit sympathiquement: "sa présence n'humanisait en rien le paysage." J'aime pas particulièrement faire le malin avec ça mais si on cherche un exemple d'orientalisme... Ensuite il a écrit plusieurs pamphlets qui se lisent vite fait (Technique du coup d'Etat, où il me semble qu'il parle de "bovarysme insurrectionnel" de Trotsky ce qui m'avait bien fait rigoler même si, comme souvent quand Malaparte parle politique, je sais pas trop pourquoi il dit ça, et Le Bonhomme Lénine). Il a écrit un truc avec Caméléon dans le titre qui serait une satire du régime mussolinien mais je l'ai pas lu celui-là. Il y a aussi Le Bal du Kremlin et ses articles recueillis par Zylberstein dans sa collection aux Belles Lettres sous le titre Prises de bec qu'on m'avait offerts quand j'avais reçu un prix à un concours de nouvelles des lycées du quartier latin parce que j'avais consacré la mienne à... Malaparte! Et c'était en 2016 donc c'est une vieille marotte.

 

Dans l'ensemle ces autres textes secondaires sont un peu de la provoc de bac à sable. Quand tu sors de romans aussi magistraux que son diptyque sur la WWII et que tu tombes dans ces trucs, bon c'est un peu dommage. Il est tout à fait possible qu'une perle m'ait échappé ou que j'aie mal lu son Voyage en Ethiopie par exemple puisque j'en ai peu de souvenirs et que comme tu vois ça remonte à plusieurs années. Je signale qu'il existe une biographie de lui qui, vu le personnage, pourrait valoir la peine. C'est Maurizio Serra qui l'a écrite.

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  Le 03/08/2021 à 21:00, Vilfredo Pareto a dit :

C'est Maurizio Serra qui l'a écrite.

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Ah oui, j'avais entendu du bien de son Les Frères séparés. Drieu La Rochelle, Aragon, Malraux face à l'histoire.

Je vois qu'il a écrit une biographie de d'Annunzio aussi (on y revient).

Bon, je note pour Malaparte. Dommage, j'avais beaucoup aimé ses deux classiques, j'en resterai là. 

Posté
  Le 03/08/2021 à 21:24, Vilfredo Pareto a dit :

Il faudrait demander les avis de @Fagotto (qui ne vient plus?) et de @Johnnieboy peut-être

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C'est vrai que l'on ne voit plus Fagotto. Faudrait nous demander quoi, sinon ? J'apprécie ce que dit ton père de Malaparte, c'est tout à fait correct. Cette neutralité du narrateur devant l'horreur de la Seconde Guerre mondiale est déconcertante. J'y vois une sorte de renoncement nihiliste devant l'horreur mais peut-être me trompé-je et peut-être qu'il n'en avait rien à foutre, mais j'en doute.

  Citation

"J’étais las de voir tuer des gens. Depuis quatre ans je ne faisais que voir tuer des gens. Voir mourir les gens est une chose, les voir tuer en est une autre. On a l’impression d’être du côté de ceux qui tuent, d’être soi-même l’un de ceux sui tuent. J’étais là, je n’en pouvais plus. (…) Je commençais à haïr les cadavres. La pitié ayant cessé, je la haine commençait. Haïr les cadavres ! Pour comprendre dans quel abîme de désespoir peut tomber un homme, il faut comprendre ce que signifie haïr les cadavres

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Cependant, ce renoncement, ce manque de vitalité (on ne ressent pas vraiment sa haine des cadavres, selon moi) me dérangent de plus en plus en littérature. Lorsqu'il s'agit d'À Rebours et qu'il s'agit d'une illustration critique de ce manque de vitalité, ça me va très bien. Quand bien même on s'emmerde un peu, il faut le reconnaître. Mais lorsque l'auteur ne se positionne pas, par son propos ou par son style, en faveur de la vie, alors ça ne m'intéresse plus. Je trouve ça trop hypocrite de prendre la plume pour dire, in fine, que prendre la plume ne sert à rien. Je pense que cela peut explique mon amour pour Céline. J'accepte plus facilement toutes les tares, l'hystérie, le mensonge, le racisme que l'abandon devant la vie.

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Je pensais: vous demander ce que vous pensez de Malaparte et de ses romans et nouvelles moins connus. Dans le cas de Malaparte je pense qu'il ne pourrait pas être drôle (et il l'est souvent) si son narrateur n'était pas aussi cynique. En plus, ça maintient l'idée inquiétante, propre à la fois au grotesque et à l'horreur, que tout peut arriver d'une page à l'autre.

 

Sur ton point plus général, je trouve au contraire que ça ouvre beaucoup plus de possibilités de ne pas se coller sur les réactions humainement naturelles (comme l'horreur devant les cadavres), parce que le monde fictionnel peut fonctionner de façon totalement différente. Sinon ça répète juste ce que je pourrais vivre. Ce n'est pas que j'apprécie particulièrement les narrateurs sentimentaux (Céline oui) ou particulièrement froids (Ellis) ou complètement autre chose d'ailleurs parce que tous les romans ne rentrent pas dans cette dichotomie (Nabokov), c'est plutôt que je n'aime pas que la voix qui parle, que ce soit un personnage ou le narrateur ou les deux à la fois, me dise ce que je dois penser. Cela dit, c'est là-dessus que beaucoup de controverses se sont crispées dans la littérature contemporaine je remarque, que ce soit ceux qui ne comprennent pas l'apparente froideur de Joan Didion quand elle parle de la mort de son mari et de la maladie de sa fille dans The Year of Magical Thinking (alors que ce détachement apparent coupe à la racine tout sentimentalisme pour rendre le récit et les images beaucoup plus poignantes; même je trouve que le récit tend à faire une sorte d'anatomie du deuil comme on écrivait des "anatomies de la mélancolie" au XVIIe) ou ceux qui n'ont pas aimé le roman de Littell pour cette même raison.

 

Pour Huysmans, moi j'adore A rebours mais surtout ce n'est pas tellement le narrateur qui est détaché ou blasé, c'est le personnage, et encore, pas toujours! Si tu relis la scène où il est excité à regarder les gosses se battre pour une tranche de pain dégueu, il se lance intérieurement dans une tirade sur la vanité de procréer et la misère de l'existence en général qui ne manque pas de vitalité ou de "position" par rapport à la vie, même si c'est une position pessimiste. Je préfère très largement la modernité de la narration de Huysmans à la furie casse-couilles de son pote Bloy.

Posté
  Le 04/08/2021 à 12:48, Vilfredo Pareto a dit :

Je pensais: vous demander ce que vous pensez de Malaparte et de ses romans et nouvelles moins connus. 

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Je ne le connais pas plus que toi ou Ultimex, désolé.

 

  Le 04/08/2021 à 12:48, Vilfredo Pareto a dit :

 

Sur ton point plus général, je trouve au contraire que ça ouvre beaucoup plus de possibilités de ne pas se coller sur les réactions humainement naturelles (comme l'horreur devant les cadavres), parce que le monde fictionnel peut fonctionner de façon totalement différente. Sinon ça répète juste ce que je pourrais vivre. Ce n'est pas que j'apprécie particulièrement les narrateurs sentimentaux (Céline oui) ou particulièrement froids (Ellis) ou complètement autre chose d'ailleurs parce que tous les romans ne rentrent pas dans cette dichotomie (Nabokov), c'est plutôt que je n'aime pas que la voix qui parle, que ce soit un personnage ou le narrateur ou les deux à la fois, me dise ce que je dois penser. Cela dit, c'est là-dessus que beaucoup de controverses se sont crispées dans la littérature contemporaine je remarque, que ce soit ceux qui ne comprennent pas l'apparente froideur de Joan Didion quand elle parle de la mort de son mari et de la maladie de sa fille dans The Year of Magical Thinking (alors que ce détachement apparent coupe à la racine tout sentimentalisme pour rendre le récit et les images beaucoup plus poignantes; même je trouve que le récit tend à faire une sorte d'anatomie du deuil comme on écrivait des "anatomies de la mélancolie" au XVIIe) ou ceux qui n'ont pas aimé le roman de Littell pour cette même raison.

 

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Oh, je ne parle pas de réactions humainement naturelles. Je parle de réactions vivantes. Je ne parle pas d'une voix qui te dirait ce que tu dois penser ; je parle d'une voix qui te dit ce qu'elle ressent (que ce soit beau ou laid, bon ou mauvais). On retrouve souvent cela chez Fante, par exemple. Son narrateur, dans la tétralogie Bandini est souvent un horrible petit personnage, mais il a le mérite d'être vivant. C'est ce que Bukowski admire et copie chez Fante. C'est ce que doit être la littérature, selon moi. Elle doit aspirer à être plus vivante que la vie elle-même. Sinon, elle a peu d'intérêt (du moins, pour moi). Quant à Joan Didion ou Littell, je dois avouer que je ne les ai pas lus.

 

  Citation

Pour Huysmans, moi j'adore A rebours mais surtout ce n'est pas tellement le narrateur qui est détaché ou blasé, c'est le personnage, et encore, pas toujours! Si tu relis la scène où il est excité à regarder les gosses se battre pour une tranche de pain dégueu, il se lance intérieurement dans une tirade sur la vanité de procréer et la misère de l'existence en général qui ne manque pas de vitalité ou de "position" par rapport à la vie, même si c'est une position pessimiste. Je préfère très largement la modernité de la narration de Huysmans à la furie casse-couilles de son pote Bloy.

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Disons que j'aime beaucoup plus l'idée d'À Rebours que son exécution. Un peu comme Madame Bovary. Et j'ai bien noté que c'était le personnage qui était détaché, le narrateur l'utilise comme illustration de ce qu'il souhaite rejeter (s'ensuit la conversion au catholicisme après la rédaction de ce roman). 

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