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Nationalisme et libéralisme


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Après m'être surpris à ressentir une pointe de nationalisme européen (paradoxalement, sans pour autant avoir d'affection pour l'UE sous sa forme actuelle), je repense à l'idée de nation.
 

Je crois que j'avais défendu dans ce fil que l'état-nation, plutôt que l'empire (supra-national) ou la cité-état (infra-nationale) était indifférent du point de vue du libéralisme, et que la nation ou l'identité nationale n'était qu'un jugement de valeur subjectif ne méritant aucun traitement de faveur. Peut-être étais-je allé jusqu'à le voir comme même fondamentalement dangereux pour le libéralisme, en tant qu'idéologie collectiviste.

Je ne suis toujours pas convaincu d'avoir eu tort à tous ces sujets là, on peut y revenir ou non, peu importe. Je m'interroge maintenant sur les conditions pour qu'un nationalisme *puisse*, au moins, être compatible avec le libéralisme. J'en vois, grosso modo, trois. 

 

La première : il faut endosser les hontes collectives aussi bien que les fiertés collectives. Il y a d'abord une simple raison de cohérence à ça. Etre fier d'appartenir au pays des Lumières sans avoir honte d'appartenir à la nation coupable des massacres en Algérie est tout aussi absurde que le contraire, puisque de toute façon, l'individu actuel n'est ni plus ni moins responsable de l'un que de l'autre. D'un point de vue libéral, cette précaution est surtout nécessaire pour ne pas que la création de l'identité nationale collective ne serve d'outil pour se déresponsabiliser moralement (ce que font généralement les collectivismes). 

 

La deuxième, peut-être la plus importante pour le libéralisme : comprendre que si l'individu est une partie de la nation, l'identité nationale n'est tout de même qu'une partie de l'identité individuelle de chacun. Je ne crois pas avoir besoin de justifier ça, l'excès de nationalisme s'opposant à ça est une claire contradiction de ce en quoi on croit tous ici. 

 

La troisième, qui serait un peu plus inhabituelle pour un nationalisme, mais qui n'est pas foncièrement impossible, serait de reconnaître que l'identité nationale n'existe que par sa relation avec les autres nations, et pas en en étant hermétiquement séparée. Les grands récits qui définissent une nation en font généralement intervenir quelques autres, mais la plupart du temps, seulement par l'histoire militaire : il y a l'empire tout puissant qui a vaincu nos ancêtres barbares, mais à la fois, qui nous a civilisé, faisant de nous son héritier ; il y a l'ennemi digne que l'on a vaincu, prouvant notre encore plus grande noblesse ; et puis il y a l'ennemi indigne qui nous a agressé illégitimement, et dont on devra exiger réparation un jour ou l'autre...

Mais c'est tout autant, peut-être même plus, par les échanges volontaires, de biens et d'idées, qu'une nation se construit. Nos trois couleurs sont importées d'Amérique, et même avant ça, notre fleur de lys est piquée à Noradin. Reconnaître ça, que l'on est un noeud dans un réseau plutôt qu'une monade parfaitement autonome, ce n'est pas se diluer dans l'autre, c'est au contraire une condition pour pouvoir exister pour l'autre. 

Mais aussi, une nation définie par un récit fait de guerre plus que d'échanges volontaires risquera toujours de tirer vers une exigence de "liberté des anciens" plus que de "liberté des modernes".

 

Je crois que je pourrais endosser un nationalisme modéré qui respecterait ces trois précautions. Peut-être même pourrais-je admettre qu'il serait meilleur pour le libéralisme que d'autres idéologies visant à fonder un pouvoir politique.

(mais rien a faire, je ne ressens toujours pas la moindre once de nationalisme français)

  • Yea 1
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il y a une heure, Mégille a dit :

La première : il faut endosser les hontes collectives aussi bien que les fiertés collectives. Il y a d'abord une simple raison de cohérence à ça. Etre fier d'appartenir au pays des Lumières sans avoir honte d'appartenir à la nation coupable des massacres en Algérie est tout aussi absurde que le contraire, puisque de toute façon, l'individu actuel n'est ni plus ni moins responsable de l'un que de l'autre. D'un point de vue libéral, cette précaution est surtout nécessaire pour ne pas que la création de l'identité nationale collective ne serve d'outil pour se déresponsabiliser moralement (ce que font généralement les collectivismes). 

Oui et non. Constituer une nation, plus encore que pour tout affectio societatis, c'est avant tout être d'accord sur les sujets sur lesquels on accepte de ne pas s'engueuler (et notamment pas trop haut ni en public). C'est en cela (et peut-être en cela seulement) qu'une nation peut être conçue comme une grande famille. 

 

il y a une heure, Mégille a dit :

La troisième, qui serait un peu plus inhabituelle pour un nationalisme, mais qui n'est pas foncièrement impossible, serait de reconnaître que l'identité nationale n'existe que par sa relation avec les autres nations, et pas en en étant hermétiquement séparée.

Je ne crois pas qu'aucune nation se conçoive comme hermétiquement séparée. Déjà, parce que si les empires ont des marches, les nations ont des frontières, et que ces frontières ont toujours été des lieux d'échanges (et tout physicien sait que l'échange est d'autant plus vivace que le gradient est localement fort).

 

il y a une heure, Mégille a dit :

(mais rien a faire, je ne ressens toujours pas la moindre once de nationalisme français)

C'est dommage, parce que la France est une nation, tandis que l'Europe n'en est pas une (et ne le sera pas de sitôt).

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6 minutes ago, Rincevent said:

Je ne crois pas qu'aucune nation se conçoive comme hermétiquement séparée. Déjà, parce que si les empires ont des marches, les nations ont des frontières, et que ces frontières ont toujours été des lieux d'échanges (et tout physicien sait que l'échange est d'autant plus vivace que le gradient est localement fort).

Et parfois il y a des désaccords sur où devraient se placer lesdites frontières qui amènent à des échanges plus musclés.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Frontières_naturelles_de_la_France

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Le nationalisme c'est juste une forme de tribalisme à grande échelle. Tant que personne ne se déclare voix de la nation c'est orthogonal au libéralisme. 

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il y a 9 minutes, Lancelot a dit :

Et parfois il y a des désaccords sur où devraient se placer lesdites frontières qui amènent à des échanges plus musclés.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Frontières_naturelles_de_la_France

Oui, évidemment que les frontières sont parfois contestées et qu'elles bougent en faisant souvent des morts (et parfois beaucoup). Mais la différence est que la norme, pour une frontière, est de limiter les escarmouches, alors que la violence politique de basse à moyenne intensité est la norme pour une marche.

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Il y a 2 heures, Mégille a dit :

Je crois que j'avais défendu dans ce fil que l'état-nation, plutôt que l'empire (supra-national) ou la cité-état (infra-nationale) était indifférent du point de vue du libéralisme

 

M'est avis qu'au moins en termes de libre-échange l'empire et la cité-état semblent de prime abord préférables à l'état-nation, pour des raisons opposées. L'empire pouvant être en soi une large zone de libre-échange, et la cité-état ne pouvant évidemment pas vivre en autarcie donc toute mesure protectionniste y est extrêmement coûteuse.

  • Yea 2
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Il y a 2 heures, Rincevent a dit :

Oui et non. Constituer une nation, plus encore que pour tout affectio societatis, c'est avant tout être d'accord sur les sujets sur lesquels on accepte de ne pas s'engueuler (et notamment pas trop haut ni en public). C'est en cela (et peut-être en cela seulement) qu'une nation peut être conçue comme une grande famille. 

Je pense que dans une famille saine, il faut être capable de s'engueuler respectueusement !

Mais surtout, que ce soit inédit ou non, et faisable ou non, ça me semble nécessaire. Et si c'est impossible, c'est qu'il est impossible que la nation soit bonne. 

 

Outre le cohérence de la mémoire et la prévention de la déresponsabilisation, je pense aussi que c'est la seule façon de faire face à l'histoire "critique", qui ne va chercher que les hontes nationales. J'ai du mal à croire qu'on puisse tout simplement l'ignorer ou l'oublier. 

 

Il y a 2 heures, Rincevent a dit :

Je ne crois pas qu'aucune nation se conçoive comme hermétiquement séparée. Déjà, parce que si les empires ont des marches, les nations ont des frontières, et que ces frontières ont toujours été des lieux d'échanges (et tout physicien sait que l'échange est d'autant plus vivace que le gradient est localement fort).

C'est évidemment vrai, mais ce n'est pas ce que racontent habituellement les récits nationaux. Ce qui est un gros problème avec le nationalisme habituel.

 

Il y a 2 heures, Rincevent a dit :

C'est dommage, parce que la France est une nation, tandis que l'Europe n'en est pas une (et ne le sera pas de sitôt).

Bah. Ce qui fait une nation est l'adhésion subjective à elle. Et du coté des aspects objectifs sur lesquels cette adhésion peut porter, il y a beaucoup plus à prendre du coté de l'Europe que de la France.

Tout ce qui est intéressant en France est partagé par le reste de l'Europe, et tout ce qui est distinctement français est ou bien plat et médiocre, ou bien inutilement sophistiqué et pompeux, ou bien strictement inférieur à ce que fait au moins un voisin. Sauf peut-être le pain et le vin. Et encore, pas sûr pour le vin. 

Alors que l'Europe a énormément en commun, même si on refuse de le voir. L'humanisme et les guerres de religion, les lumières et le romantisme, la naissance du capitalisme et du mouvement ouvrier, le point de départ des guerres mondiales... Tout ça fait partie de la construction commune de toute l'Europe, et spécifiquement de l'Europe.

 

Il y a 3 heures, Mathieu_D a dit :

Le nationalisme c'est juste une forme de tribalisme à grande échelle. Tant que personne ne se déclare voix de la nation c'est orthogonal au libéralisme. 

Je reste fondamentalement d'accord avec ça. Mais à la fois, je suis en train de glisser vers un anarchisme descriptif : le pouvoir n'existe pas, et de ce constat, qu'il est donc une sorte de grand mensonge, et d'un autre, qui est que tout le monde va sans doute continuer à y croire, j'en suis à me demander quel peut être le meilleur mensonge. 

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il y a 30 minutes, Mégille a dit :

Et du coté des aspects objectifs sur lesquels cette adhésion peut porter, il y a beaucoup plus à prendre du coté de l'Europe que de la France.

Non. Le seul truc vraiment commun aux Européens, c'est leur fractionnement politique. C'est un trésor dont seul un monstre voudrait souhaiter la disparition. 

  • Yea 3
Posté

De mémoire, une thèse marxiste (Perry Anderson ? puis Gellner ?) estime que la constitution des nations modernes (via un Etat) ont été une étape indispensable à la création des marchés en "déféodalisant" les pays. En abaissant les pouvoirs locaux, elle aurait permet la constitution des premiers réseaux de commerce étendus puis des marchés nationaux. L'émergence des marchés étant une condition matérielle nécessaire pour l'éclosion des théories libérales, il me semble donc que la nation est préférable à la cité état ou à l'empire pour celui qui fait du libéralisme un bien.

 

Sinon sur le 3, nécessairement, je pense à Hegel (mais un peu à rebours de ce que tu dis). Pas d'identité sans différence, elle-même condition de la reconnaissance des deux termes au phénomène de dévoilement dans l'histoire (et boum ressort dialectique). En termes plus clairs, on ne prend conscience de son identité qu'en se comparant, ou en prenant conscience de sa spécificité. L'identité anglaise s'affirme après la victoire d'Azincourt, celle américaine après la Tea Party, etc. Même la liberté des Anglais est différentes des autres et renvoient à un caractère national selon ses défenseurs les plus chauvins.

Je ne suis pas sûr qu'il y ait bcp de nations forgées par les échanges volontaires : l'identité agit plutôt comme un prisme qui réarrange les emprunts étrangers pour tisser sa propre tunique.

  • Yea 1
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Il y a 15 heures, Mégille a dit :

Je ne suis toujours pas convaincu d'avoir eu tort à tous ces sujets là,

 

Parfois je me dis qu'il faudrait que tu arrêtes de prendre des douches.

 

Il y a 10 heures, Mégille a dit :

Et si c'est impossible, c'est qu'il est impossible que la nation soit bonne. 

 

Vas-y ; au lieu de prendre l'exemple de l'Algérie, prends l'exemple des guerres de religion. J'ai encore rencontré personne qui défende la Saint-Barthélémy, même dans les monuments de fierté nationale qu'a été la production culturelle romantique ; il y a des méchants expiatoires (Catherine, les Guise). Le roman national toujours positif, ça n'existe pas. En politique extérieur, le traitement de l'Espagne par les armées napoléoniennes est toujours vu négativement.

 

Après, l'Algérie, tant qu'on ne reconnaîtra pas les communistes de merde qui tuaient des enfants pour des criminels, évitons de désigner les gentils et les méchants.

 

Il y a 10 heures, Rincevent a dit :

Non. Le seul truc vraiment commun aux Européens, c'est leur fractionnement politique. C'est un trésor dont seul un monstre voudrait souhaiter la disparition. 

 

Fractionnement politique conjugué à un principe universel ;) . L'Europe, c'est seulement la façon moderne de dire la Chrétienté.

Le principe universel sans fractionnement, tu as la Chine.
Le fractionnement sans principe universel, tu as le monde islamique (là je vais me prendre les demi-habiles ; dîtes vous juste que jusqu'à très tardivement, il y a d'énormes minorités ethnico-religieuses en Orient).

 

 

 

 

  • Yea 1
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Il y a 2 heures, Bézoukhov a dit :

tant qu'on ne reconnaîtra pas les communistes de merde qui tuaient des enfants pour des criminels

Putain de parcours, dis-donc. :online2long:

 

Citation

Il s'exile en France après le coup d'État militaire de 1965

Il y a des demandes d'asile qui devraient être refusées avec en PJ une lettre d'insultes.

 

Citation

Il est le mari de Monique Antoine.

Qui se ressemble s'assemble, je suppose.

 

Citation

Un centre médical porte son nom à Gennevilliers.

Nan mais là, à un moment... :icon_kotze:

  • Sad 2
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Il y a 2 heures, Bézoukhov a dit :

Fractionnement politique conjugué à un principe universel ;) .

Moui, ça dépend du principe je suppose.

 

Il y a 2 heures, Bézoukhov a dit :

L'Europe, c'est seulement la façon moderne de dire la Chrétienté.

Non, la Chrétienté historique c'est aussi le monde slave (dont la partie orthodoxe est hors de l'Occident) ainsi que le monde des Chrétiens d'Orient (qui ne sont pas européens, point).

 

Il y a 2 heures, Bézoukhov a dit :

Le fractionnement sans principe universel, tu as le monde islamique (là je vais me prendre les demi-habiles ; dîtes vous juste que jusqu'à très tardivement, il y a d'énormes minorités ethnico-religieuses en Orient).

Quel fractionnement politique en Islam ? Politiquement, cette civilisation a toujours activement recherché l'empire ; et rares sont les puissances islamiques qui 1- se reconnaissaient des frontières plutôt que des marches, et 2- étaient fermement enracinées dans un coin avec le peuple qui va bien (à part peut-être ce qui tournait autour du Maroc et surtout de la Perse, qui sont de vieux peuples ayant conscience d'eux-mêmes).

Au fond, il ne peux pas y avoir de fractionnement politique stable sans 1- concurrence entre pouvoir temporel et spirituel, ni 2- féodalité (voire ni 3- nations distinctes côte à côte, mais ça c'est bonus).

  • Yea 3
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il y a 10 minutes, Rincevent a dit :

Putain de parcours, dis-donc. :online2long:

 

 

C'est un truc assez fou. Sauf les gens qui ont une culture historique poussée ou une culture familiale directement liée à l'Algérie française, les gens n'ont aucune idée du terrorisme à l'époque.

 

il y a 4 minutes, Rincevent a dit :

Non, la Chrétienté historique c'est aussi le monde slave (dont la partie orthodoxe est hors de l'Occident) ainsi que le monde des Chrétiens d'Orient (qui ne sont pas européens, point).

 

 

Si tu veux, on peut substituer chrétienté par la Sainte Eglise Apostolique et Romaine :D . Les patriarches orthodoxes du monde slave ayant plus pris exemple sur Rome, dans le fond, que sur Antioche.

 

il y a 6 minutes, Rincevent a dit :

Quel fractionnement politique en Islam ?

 

Tu as plusieurs empires assez lâches sans administration centralisée. C'est une organisation quasi-féodale jusqu'à assez tard.

 

il y a 41 minutes, Tramp a dit :


J’ai le sentiment que lorsque @Mégilleparle de l’Algerie, il parle de l’épisode de la « pacification ». 

 

J'ai encore jamais vu personne défendre Bugeaud (que ce soit en Espagne, comme je disais au-dessus, en Algérie, ou à Paris, où il a utilisé des méthodes similaires d'ailleurs). La romanticisation d'Abd-el-Kader est même une réponse contemporaine et symétrique aux horreurs de la guerre. 

  • Yea 1
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il y a 12 minutes, Bézoukhov a dit :

J'ai encore jamais vu personne défendre Bugeaud (que ce soit en Espagne, comme je disais au-dessus, en Algérie, ou à Paris, où il a utilisé des méthodes similaires d'ailleurs). La romanticisation d'Abd-el-Kader est même une réponse contemporaine et symétrique aux horreurs de la guerre. 


Je pense que c’est plus oublié que romanticisé. 

Posté
24 minutes ago, Bézoukhov said:

J'ai encore jamais vu personne défendre Bugeaud 

Tu as raté Zemmour alors.

 

Quote

Quand le général Bugeaud arrive en Algérie, il commence à massacrer les musulmans et même certains juifs. Eh bien moi, je suis aujourd’hui du côté du général Bugeaud. C’est ça être français

 

Bon, cela a fait une petite polémique à l'époque.

 

  • Huh ? 2
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Il y a 1 heure, Bézoukhov a dit :

Si tu veux, on peut substituer chrétienté par la Sainte Eglise Apostolique et Romaine :D .

Nettement mieux. Une des trois limites géographiques que je donne à l'Occident consiste précisément en la frontière du Grand Schisme.

Posté

@Rincevent Ca me rappelle un début de discussion que nous avions eu. On peut en gros lier l'identité européenne à la Romanité. Selon Rémi Brague, c'est assez difficile à penser parce que la Romanité n'a pas vraiment de contenu, mais est  contenant, une manière de transmettre (en admirant des sources qui sont extérieures à elle-même, comme les Grecs et plus tard la tradition Biblique), et de se dissocier des barbares. 

Posté
Il y a 2 heures, F. mas a dit :

la Romanité n'a pas vraiment de contenu, mais est  contenant

Oui, c'est un empire.

 

Il y a 2 heures, F. mas a dit :

une manière de transmettre (en admirant des sources qui sont extérieures à elle-même, comme les Grecs et plus tard la tradition Biblique), et de se dissocier des barbares. 

Et ce n'est pas n'importe quel empire, c'est probablement le meilleur de son époque. ;)

 

Sinon, la romanité est un des débuts (indispendables) de l'Europe / l'Occident, mais Nemo dans son opuscule sur l'Occident va plus loin.

  • Yea 1
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En fait, la Romanité, c'est aussi la République (lato sensu, puisque les nations modernes vont piocher dans le droit romain conservé par l'Eglise pour se construire leur propre légitimité), le droit de l'Eglise puis le droit commun. C'est l'organisation sociale et politique qui s'est transmise bien au-delà de la forme politique de l'Empire, et qui va persister durant le Moyen âge jusqu'à maintenant. 

  • Yea 1
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il y a 1 minute, F. mas a dit :

En fait, la Romanité, c'est aussi la République, le droit de l'Eglise puis le droit commun. C'est l'organisation sociale et politique qui s'est transmise bien au-delà de la forme politique de l'Empire, et qui va persister durant le Moyen âge jusqu'à maintenant. 


C'est pas mal pour un truc vide de contenu ! La citoyenneté romaine, c'est aussi un concept universaliste inédit, non ?

Posté
10 minutes ago, Batcap said:


C'est pas mal pour un truc vide de contenu ! La citoyenneté romaine, c'est aussi un concept universaliste inédit, non ?

 

Oui, comme la République d'ailleurs (ce n'est pas la démocratie athénienne). Les Romains sont des juristes, des soldats, des paysans et des architectes, mais pas des philosophes, des scientifiques ou des artistes. Ils louchent vers les Grecs et sont bons pour transmettre, codifier et intégrer les peuples soumis à sa loi. 

Posté
il y a 40 minutes, Batcap a dit :


C'est pas mal pour un truc vide de contenu ! La citoyenneté romaine, c'est aussi un concept universaliste inédit, non ?

 

Que à partir de Caracalla, donc assez tard. Les romains faisaient la différence entre les deux (droits différents, un juge spécialisé, etc...).

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Il y a 2 heures, F. mas a dit :

En fait, la Romanité, c'est aussi la République (lato sensu, puisque les nations modernes vont piocher dans le droit romain conservé par l'Eglise pour se construire leur propre légitimité), le droit de l'Eglise puis le droit commun. C'est l'organisation sociale et politique qui s'est transmise bien au-delà de la forme politique de l'Empire, et qui va persister durant le Moyen âge jusqu'à maintenant. 

Bien entendu. C'est beaucoup plus qu'un simple empire, c'est aussi une manière de faire du droit d'une part et de bâtir de la légitimité d'autre part. Deux choses qui par elles-mêmes permettent et faconnent le reste.

  • Yea 1
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Sur l'héritage romain : les ottomans en étaient tout autant dépositaires que la chrétienté romaine. Après la crise du IIIème siècle, le centre de gravité de l'empire bascule vers l'Orient, et après que les arabes en aient intégrés le plus gros morceaux lors du haut moyen-âge, les turcs absorbent progressivement le tout au cours du bas moyen-âge. Et si on voit très facilement ce que l'occident a gardé de Rome que l'orient en a abandonné, il suffit de corriger un peu son regard pour s'apercevoir que beaucoup de "caractères ancestraux" romains ont bien mieux survécus chez les ottomans, d'un certain cosmopolitisme jusqu'aux bains publics.

Sur la chrétienté : elle s'étend aux chrétiens d'orient, et ne couvre pas la totalité de l'Europe. Outre les juifs et les païens, l'islam a aussi une place très importante dans l'histoire et la culture européenne. Pour sa longue histoire en Espagne et dans les Balkans (et pour son histoire plus courte dans le sud de l'Italie, et en Europe de l'est - il y a encore des tatars musulmans jusqu'en Roumanie), mais aussi pour son influence sur la chrétienté occidentale. Que ce soit en philosophie (scolastique), en architecture (le gothique doit énormément à l'architecture arabe), en musique et en poésie...

 

Il me semble plutôt que l'Europe naît vraiment avec la modernité, au point que "européen" et "moderne" soient presque synonymes. Presque toutes les grandes étapes de l'histoire moderne ont été vécues parallèlement et de façon assez similaire par tous les européens, sans que ce ne soit du tout le cas dans le reste du monde.

Quant à l'histoire anté-moderne de l'Europe, ce n'est qu'un morceau de l'histoire méditerranéenne, rétrospectivement amputée du reste, et rendue incompréhensible par ça. Au moyen-âge, l'Europe, c'est le petit coin en bas à gauche de la carte, et le Moyen-Orient, presque toute la moitié du haut. Ca en dit long sur la façon dont le chrétien occidental médiéval se voyait lui-même, et se situait mentalement dans le monde. 

 

Et il me semble que l'Europe a aussi gardé une identité distincte de celles de ses colonies de peuplement extra-européennes, anglo-saxonnes, hispaniques ou autre. Ca se sent à l'urbanisme, aux mentalités, au rapport à la nature et à la culture... Bref, j'ai bien l'impression que "européen" est une catégorie pertinente, qui ne se réduit pas à "occidental".

Posté
4 minutes ago, Mégille said:

Sur l'héritage romain : les ottomans en étaient tout autant dépositaires que la chrétienté romaine.

 

Jusqu'au 16-17e siècle il me semble. Ensuite c'est l'Islam qui devient l'élément constitutif principal de l'empire. Et ce qui reste de romanité, que tu évoques, me semble assez résiduel (comparé à la place du droit ou à l'organisation institutionnelle comme en Occident). 

 

J'ajoute tout de même (pour éviter toute ambiguité) que la Romanité me semble essentielle à la culture européenne parce qu'elle fait le lien entre culture biblique et culture grecque.

 

Sinon dans la prise de conscience de ce qui fait l'identité de l'Europe, il a peut être effectivement certaines grandes découvertes comme la Chine ou les Amériques, qui par leur 'étrangeté' ont eu pour effet de renvoyer aux européens leur singularité culturelle.

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il y a 23 minutes, F. mas a dit :

Jusqu'au 16-17e siècle il me semble. Ensuite c'est l'Islam qui devient l'élément constitutif principal de l'empire. Et ce qui reste de romanité, que tu évoques, me semble assez résiduel (comparé à la place du droit ou à l'organisation institutionnelle comme en Occident). 

 

J'ajoute tout de même (pour éviter toute ambiguité) que la Romanité me semble essentielle à la culture européenne parce qu'elle fait le lien entre culture biblique et culture grecque.

 

Oui... mais à la fois, l'islam ne vient pas de nul part, et son droit ne tombe pas du ciel. Il me semble qu'une bonne partie des textes juridiques dans le Coran viennent directement du droit justinien. Flagellation des adultères, droit de l'héritage, etc... Une autre grosse partie, le voile pour les femmes par exemple, est issue du droit coutumier des chrétiens syriens d'alors, qui faisaient partie du monde romain. Ce qui reste (droit alimentaire, par exemple) est principalement une simplification du droit talmudique, qui a lui aussi eu son bout d'histoire en Europe ensuite.

 

Tout comme les romains ont réécrit et se sont réapproprié la culture grecque, les musulmans ont réécrit et réinventé le monde romain tardif. Peut-être que cette réinvention est intrinsèquement plus opaque et originale, justifiant une rupture avec cette antiquité plus forte qu'en occident... mais il me semble bien que cette exclusion des orientaux (ou auto-exclusion des occidentaux) de l'héritage méditerranéen commun est aussi dû à une révision de l'histoire. 

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il y a 20 minutes, Mégille a dit :

Sur l'héritage romain : les ottomans en étaient tout autant dépositaires que la chrétienté romaine.

En en ayant purgé ou largement amuï l'élément rationaliste-grec et l'élément prophétique-biblique. Donc le contenu est modifié... mais le contenant aussi au sens où dans l'héritage même qu'ils ont reçu, le droit byzantin d'origine impériale a progressivement étouffé le processus de "droit émergent" typique du droit romain classique (le seul Justinien aurait promulgué de son seil fait 600 lois, mais on pourrait aussi évoquer les modifications juridiques dont témoignent l'Ecloga de Léon III et plus encore les codes suivants). Ajoute à ça le césaropapisme, et tu comprendras qu'Occident et Orient étaient sur des trajectoires différentes. 

 

il y a 34 minutes, Mégille a dit :

Il me semble plutôt que l'Europe naît vraiment avec la modernité, au point que "européen" et "moderne" soient presque synonymes.

Non, tu oublies l'importance des réformes grégoriennes de la seconde moitié du XIème siècle (puis de la pensée de Thomas d'Aquin), que l'orthodoxie n'a évidemment pas suivi. 

 

il y a 41 minutes, Mégille a dit :

Presque toutes les grandes étapes de l'histoire moderne ont été vécues parallèlement et de façon assez similaire par tous les européens,

Comme je viens de l'exposer, non. Si tu considères que l'histoire moderne commence à la Renaissance, ne serait-ce que le rapport à l'Islam et à la Sublime Porte est radicalement différent : héritage direct pour les Albanais, oppresseur et ennemi identitaire pour les Roumains ou les Serbes, rival à repousser pour l'Autriche au sens large, élément exotique (allié ou non) pour la France... et si tu prends "moderne" dans un sens plus récent, alors considère un instant les cartes d'alphabétisation de l'Europe : la majorité des hommes du monde anglo-germanique (presque jusqu'en Livonie) savait lire avant la fin du XVIIIème siècle, alors qu'en Pologne aussi tardivement qu'en 1900 seuls les Juifs et les nobles avaient appris.

 

Encore une fois, pour Nemo, l'Occident c'est cinq choses et pas une seule de moins : Athènes, plus Jérusalem, plus Rome dont le creuset les hybride, plus la révolution papale et thomiste, plus les révolutions atlantiques (ou inspirées d'elles). Si il en manque, ce n'est plus l'Occident. 

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Il y a 21 heures, Rincevent a dit :

En en ayant purgé ou largement amuï l'élément rationaliste-grec et l'élément prophétique-biblique. Donc le contenu est modifié... mais le contenant aussi au sens où dans l'héritage même qu'ils ont reçu, le droit byzantin d'origine impériale a progressivement étouffé le processus de "droit émergent" typique du droit romain classique (le seul Justinien aurait promulgué de son seil fait 600 lois, mais on pourrait aussi évoquer les modifications juridiques dont témoignent l'Ecloga de Léon III et plus encore les codes suivants). Ajoute à ça le césaropapisme, et tu comprendras qu'Occident et Orient étaient sur des trajectoires différentes. 

 

Certes, mais attention à ne pas confondre tout l'islam avec ce qu'il tend à être aujourd'hui. L'islam ottoman avait quand même continué son bout de chemin hors de son substrat antique, mais avec sa mystique, son culte des tombes, son droit "émergent" d'une certaine façon aussi (mais avec peu de lien avec le précédent) etc

 

Il y a 21 heures, Rincevent a dit :

Non, tu oublies l'importance des réformes grégoriennes de la seconde moitié du XIème siècle (puis de la pensée de Thomas d'Aquin), que l'orthodoxie n'a évidemment pas suivi. 

 

Tu veux dire, en gros, le moment (gros moment, du XIème à Thomas d'Aquin) où on adopte les chiffres arabes, où on rénove notre architecture avec de l'architecture arabe (croisée d'ogives, arche en trèfle et en pointe, vitre teintée...), où on se met à imiter la musique arabe (poème/chanson en rimes, accompagné au luth...), et où les intellos se convertissent massivement à l'avicénisme ou à l'avérroisme ? Je ne pense pas qu'on puisse vraiment dire que ce soit un moment d'autonomisation de l'Europe par rapport à la méditerranée !

 

Il y a 21 heures, Rincevent a dit :

Comme je viens de l'exposer, non. Si tu considères que l'histoire moderne commence à la Renaissance, ne serait-ce que le rapport à l'Islam et à la Sublime Porte est radicalement différent : héritage direct pour les Albanais, oppresseur et ennemi identitaire pour les Roumains ou les Serbes, rival à repousser pour l'Autriche au sens large, élément exotique (allié ou non) pour la France... et si tu prends "moderne" dans un sens plus récent, alors considère un instant les cartes d'alphabétisation de l'Europe : la majorité des hommes du monde anglo-germanique (presque jusqu'en Livonie) savait lire avant la fin du XVIIIème siècle, alors qu'en Pologne aussi tardivement qu'en 1900 seuls les Juifs et les nobles avaient appris.

 

Encore une fois, pour Nemo, l'Occident c'est cinq choses et pas une seule de moins : Athènes, plus Jérusalem, plus Rome dont le creuset les hybride, plus la révolution papale et thomiste, plus les révolutions atlantiques (ou inspirées d'elles). Si il en manque, ce n'est plus l'Occident. 

 

Je voulais bien dire à partir de la Renaissance. 

 

Les trois premières de ces cinq choses ne sont pas spécifiquement européenne/occidentale. D'ailleurs, je pense qu'il faudrait ajouter les phéniciens à notre substrat antique (qu'on devrait peut-être nommer punico-greco-romain). Après tout, on leur doit quelques villes (Lisbonne, Barcelone, Monaco...), quelques dieux (Aphrodite, Adonis...), et surtout, l'alphabet. Et Thalès, notre premier philosophe/physicien. Même si rien de plus ne se cachait dans notre ignorance à leur sujet, ça ferait déjà pas mal.

La quatrième étape, ce moment central du moyen-âge occidental, se pense difficilement hors d'un monde élargie en contact étroit avec le monde musulman. A cause des apports que j'ai évoqué plus haut, mais aussi des croisades, coup de force du Pape pas indépendant de ses réformes, et qui fait que Jérusalem se met à faire partie (et quelle partie !) de l'histoire de "l'Europe" "occidentale".

D'accord pour la cinquième chose, et si je ne veux en enlever aucune, j'en ajouterais bien quelques unes, qui font que l'Europe a gardé/s'est créé une certaine unité que ne partage pas forcément le reste de "l'occident", notion que je trouve plus vague (l'Europe de l'est en fait-elle partie ? l'Amérique latine en fait-elle partie ?...).

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