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Littérature sur les 18e & 19e siècles


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Messages recommandés

Excellent livre effectivement.

Mais je sens que le classement du ministre promoteur de l'impôt sur le revenu progressif français dans la catégorie des libéraux va en faire hurler plus d'un.

Sentiment partagé :icon_up:

Ce que j'aime bien chez Caillaux, est le fait qu'il refusait le chauvinisme imbécile de la droite nationaliste, un peu comme un Jaurès, mais dans un autre genre.

C'était un ardent défenseur du libre-échange international et il a tellement plaidé pour une "réconciliation" franco-allemande, avant comme pendant la Première Guerre Mondiale, que cela lui a valu une réputation d' "emboché", lui coutant une mise en accusation devant la Haute Cour.

Maintenant, ce qui plaira peut-être à certains membres du forum, sera de savoir que JC avait "écrasé l'impôt sur le revenu en ayant l'air de le défendre". :doigt:

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Que vous projetiez vos fantasmes contemporains sur le passé est une chose, la réalité historique en est une autre.

Je dois dire que si je devais intervenir à chaque fois que je lis des raccourcis historiques saisissants et des approximations abusives je passerais mon temps à poster sur le forum mais cela de toute façon ne servirait à rien avec des jeunes gens à la culture historique approximative.

:icon_up: Je la mets en réserve pour une prochaine signature.

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Le LvMI a consacré son Weekend Read à dire du mal de lui. :doigt:

Je suppose que c'était en conspuant cet ivrogne, colonialiste, étatiste, vaguement raciste - mais pourtant le seul (ou quasiment) à s'opposer à Hitler avant 1939 et surtout à devoir l'affronter de juin 1940 à juin 1941. :icon_up:

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Je suppose que c'était en conspuant cet ivrogne, colonialiste, étatiste, vaguement raciste - mais pourtant le seul (ou quasiment) à s'opposer à Hitler avant 1939 et surtout à devoir l'affronter de juin 1940 à juin 1941. :doigt:

Je n'ai lu que les têtes de chapitres, ça m'a suffi…

"Churchill as Icon, Opportunism and Rhetoric, Churchill and the "New Liberalism", World War I, Between the Wars, Embroiling America in War — Again, "First Catch Your Hare", War Crimes Discreetly Veiled, 1945: The Dark Side, The Triumph of the Welfare State"

Tu connais le LvMI au moins aussi bien que moi, donc. :icon_up: Dois-je ajouter que le texte est signé Ralph Raico ?

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Plus court : la 4ème de couv. Lucilio recommande la technique !

J'améliore la technique : je travaille sur l'illustration de première de couverture. Parce que, bon, la quatrième de couverture, il faut encore saisir le livre, le retourner et lire. Là, je travaille sur le contact visuel à distance, un peu à la manière de jauger une gonzesse sans devoir attendre qu'elle l'ouvre grande pour savoir que c'est une chieuse.

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  • 2 weeks later...

Dans le magazine L'Histoire de novembre 2008, une critique de ce livre :

D'après le magazine :

"JM Moriceau, grand spécialiste d'histoire rurale, consacre à la bête du Gévaudan un livre passionnant et remarquablement informé".

Je n'ai pas lu le livre. Je ne peux donc pas t'en parler.

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Je relis en ce moment la belle synthèse de Le Roy Ladurie, publiée en 1991:

Très très bien écrit.

Un petit défaut toutefois: pour mieux se faire comprendre des lecteurs, ELRL utilise parfois des concepts politiques un peu anachroniques ("opposition", "alternance", …)

Le chapitre sur le Régent est tout particulièrement intéressant (et n'est pas sans rappeler l'excellent Que la fête commence de Tavernier :icon_up: ).

Je suis en train de lire le chapitre sur la naissance de l'opinion publique - bizaremment, il ne semble pas être fait référence au célèbre chapitre de Tocqueville sur l'émergence des intellectuels à la fin de l'Ancien régime. Curieux cela pour un collaborateur de Commentaire

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  • 1 month later...
Excellent livre effectivement.

Mais je sens que le classement du ministre promoteur de l'impôt sur le revenu progressif français dans la catégorie des libéraux va en faire hurler plus d'un.

Vous m'avez convaincu, je le lirai (après le Mahoney). Caillaux est très certainement un libéral. En lisant Caillaux, j'ai eu un peu la même sensation qu'avec Mises : un homme de gauche dont les opinions se trouvent mises en porte-à-faux de l'évolution collectiviste de la gauche de son époque, de plus en plus solitaire.

Poincaré, c'est le bien. Caillaux, c'est le mal.

Je comprends pas.

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Ce fil manquerait à sa vocation si l'on n'évoquait pas le cas de Flaubert. Non seulement il se déclare un libéral enragé dans ses lettres, mais on y trouve des réflexions tranchantes sur le vieux socialisme, accompagnées de fines analyses psychologiques et historiques. Flaubert met en lumière par une étude morale approfondie les principaux caractères et moeurs socialistes, où sont décrits leur inclinaison naturelle pour la tyrannie et leur tendance au mysticisme. Ses descriptions sont remarquables grâce à son sens aigü de l'observation et la précision du style, elles n'ont rien perdu de leur pertinence.

Un site très bien tenu :

http://flaubert.univ-rouen.fr/correspondance/

Morceaux choisis.

À Mademoiselle Amélie Bosquet.

[juillet 1864]

Quant à votre ami, il continue ses lectures socialistes, du Fourier, du Saint-Simon, etc. Comme tous ces gens-là me pèsent ! Quels despotes, et quels rustres ! Le socialisme moderne pue le pion . Ce sont tous bonshommes enfoncés dans le moyen âge et l’esprit de caste ; le trait commun qui les rallie est la haine de la liberté et de la Révolution française.

Dans quelque temps, je serai fort en ces inepties.

À Michelet.

[Croisset,12 novembre 1867]

Mon cher maître,

Je ne sais de quelle formule me servir pour vous exprimer mon admiration.

La dernière pierre de votre gigantesque monument me semble un bloc d’or. J’en suis ébloui.

Voilà la première fois que je saisis nettement la fin du dix-huitième siècle. Jusqu’à vous je n’avais rien compris à M. de Choiseul, à Marie-Antoinette, à l’affaire du collier, etc. Je vous remercie d’avoir remis à sa place Calonne, dont l’exaltation par Louis Blanc me semblait une injustice. C’est pour cela qu’on vous aime. Vous êtes juste, vous.

Quant à votre jugement sur Rousseau, je puis dire qu’il me charme, car vous avez précisé exactement ce que j’en pensais.

Bien que je sois dans le troupeau de ses petits-fils, cet homme me déplaît. Je crois qu’il a eu une influence funeste. C’est le générateur de la démocratie envieuse et tyrannique. Les brumes de sa mélancolie ont obscurci dans les cerveaux français l’idée du droit.

À Madame Roger des Genettes.

[Été 1864]

[…] Je pourrais dans quelque temps faire un cours sur le socialisme : j’en connais, du moins, tout l’esprit et le sens. Je viens d’avaler Lamennais, Saint-Simon, Fourier et je reprends Proudhon d’un bout à l’autre. Si on veut ne rien connaître de tous ces gens-là, c’est de lire les critiques et les résumés faits sur eux ; car on les a toujours réfutés ou exaltés, mais jamais exposés. Il y a une chose saillante et qui les lie tous : c’est la haine de la liberté, la haine de la Révolution française et de la philosophie. Ce sont tous des bonshommes du moyen âge, esprits enfoncés dans le passé. Et quels cuistres ! Quels pions ! Des séminaristes en goguette ou des caissiers en délire. S’ils n’ont pas réussi en 48, c’est qu’ils étaient en dehors du grand courant traditionnel. Le socialisme est une face du passé, comme le jésuitisme une autre. Le grand maître de Saint-Simon était M. de Maistre et l’on n’a pas dit tout ce que Proudhon et Louis Blanc ont pris à Lamennais. L’école de Lyon, qui a été la plus active, est toute mystique à la façon des Lollards. Les bourgeois n’ont rien compris à tout cela. On a senti instinctivement ce qui fait le fond de toutes les utopies sociales : la tyrannie, l’antinature, la mort de l’âme.

À MICHELET.

[Croisset, 2 février 1869]

Mon cher Maître,

J'ai reçu avant-hier votre Préface de la Terreur et je vous en remercie du fond de l'âme. Ce n'est pas du souvenir que je vous remercie, car je suis accoutumé à vos bienveillances – mais de la chose en elle-même.

Je hais comme vous la prêtraille jacobine, Robespierre et ses fils que je connais pour les avoir lus et fréquentés.

Le livre que je finis maintenant m'a forcé à étudier un peu le socialisme. Je crois qu'une partie de nos maux viennent du néo-catholicisme républicain.

J'ai relevé dans les prétendus hommes du progrès, à commencer par Saint-Simon et à finir par Proudhon, les plus étranges citations. Tous partent de la révélation religieuse.

Ces études-là m'ont amené à lire les Préfaces de Buchez. La démocratie moderne ne les a point dépassées. Rappelez vous l'indignation qu'a excitée le livre de Guizot.

Si la République revenait demain, on re-bénirait les arbres de la Liberté, j'en suis sûr. Ils trouveraient cela «politique».

À LOUISE COLET.

[Croisset, nuit de jeudi (2-3 mars 1854)]

Je suis de l'avis de Montaigne, mon père nourricier : il me semble que nous ne pouvons jamais être assez méprisés selon notre mérite. J'aime à voir l'humanité et tout ce qu'elle respecte, ravalé, bafoué, honni, sifflé. C'est par là que j'ai quelque tendresse pour les ascétiques. La torpeur moderne vient du respect illimité que l'homme a pour lui-même. Quand je dis respect… non : culte, fétichisme. Le rêve du socialisme, n'est-ce pas de pouvoir faire asseoir l'humanité, monstrueuse d'obésité, dans une niche toute peinte en jaune, comme dans les gares de chemin de fer, et qu'elle soit là à se dandiner sur ses couilles, ivre, béate, les yeux clos, digérant son déjeuner, attendant le dîner et faisant sous elle ? Ah ! je ne crèverai pas sans lui avoir craché à la figure de toute la force de mon gosier. Je remercie Badinguet. Béni soit-il ! Il m'a ramené au mépris de la masse et à la haine du populaire. C'est une sauvegarde contre la bassesse, par ce temps de canaillerie qui court.

À MADEMOISELLE LEROYER DE CHANTEPIE.

[Paris, Lundi (30 mars 1857)]

Continuons les confidences : je n'ai de sympathie pour aucun parti politique ou pour mieux dire je les exècre tous, parce qu'ils me semblent également bornés, faux, puérils, s'attaquant à l'éphémère, sans vues d'ensemble et ne s'élevant jamais au-dessus de l’utile. J'ai en haine tout despotisme. Je suis un libéral enragé. C'est pourquoi le socialisme me semble une horreur pédantesque qui sera la mort de tout art et de toute moralité.

(…)

Toutes vos douleurs viennent de l'excès de la pensée oisive. Elle était vorace et, n'ayant point de pâture extérieure, elle s'est rejetée sur elle-même et s'est dévorée jusqu'à la moelle. Il faut la refaire, l'engraisser et empêcher surtout qu'elle ne vagabonde. Je prends un exemple : vous vous préoccupez beaucoup des injustices de ce monde, de socialisme et de politique. Soit. Eh ! bien, lisez d'abord tous ceux qui ont eu les mêmes aspirations que vous. Fouillez les utopistes et les rêveurs secs. – Et puis, avant de vous permettre une opinion définitive, il vous faudra étudier une science assez nouvelle, dont on parle beaucoup et que l'on cultive peu, je veux dire l'économie politique. Vous serez tout étonnée de vous voir changer d'avis, de jour en jour, comme on change de chemise. N'importe, le scepticisme n'aura rien d'amer, car vous serez comme à la comédie de l'humanité et il vous semblera que l'histoire a passé sur le monde pour vous seule.

À la princesse Mathilde.

[Croisset, juillet 1868]

Les patriotes ne me pardonneront pas ce livre, ni les réactionnaires non plus ! Tant pis ; j’écris les choses comme je les sens, c’est-à-dire comme je crois qu’elles existent. Est-ce bêtise de ma part ? Mais il me semble que notre malheur vient exclusivement des gens de notre bord. Ce que je trouve de christianisme dans le socialisme est énorme. Voilà deux petites notes qui sont là, sur ma table :

«Ce système (le sien) n’est pas un système de désordre, car il a sa source dans l’Évangile, et de cette source divine ne peuvent découler la haine, les guerres, le froissement de tous les intérêts ! Car la doctrine formulée de l’Évangile est une doctrine de paix, d’union, d’amour.» (L. Blanc. )

«J’oserai même avancer qu’avec le respect du dimanche s’est éteinte dans l’âme de nos rimeurs la dernière étincelle du feu poétique. On l’a dit : sans la religion, pas de poésie !» (Proudhon. )

À George Sand.

[Croisset, 29 avril 1871]

Je ne suis pas comme beaucoup de gens que j’entends se désoler sur la guerre de Paris. Je la trouve, moi, plus tolérable que l’invasion. Il n’y a plus de désespoir possible, et voilà ce qui prouve, une fois de plus, notre avilissement. «Ah ! Dieu merci, les Prussiens sont là !» est le cri universel des bourgeois. Je mets dans le même sac messieurs les ouvriers, et qu’on f… le tout ensemble dans la rivière ! – ça en prend le chemin, d’ailleurs – et puis le calme renaîtra. Nous allons devenir un grand pays plat et industriel comme la Belgique. La disparition de Paris (comme centre de gouvernement) rendra la France incolore et lourde. Elle n’aura plus de coeur, plus de centre, et, je crois, plus d’esprit.

Quant à la Commune, qui est en train de râler, c’est la dernière manifestation du moyen âge. La dernière ? Espérons-le !

Je hais la démocratie (telle du moins qu’on l’entend en France), c’est-à-dire l’exaltation de la grâce au détriment de la justice, la négation du droit, en un mot l’anti-sociabilité.

La Commune réhabilite les assassins, tout comme Jésus pardonnait aux larrons, et on pille les hôtels des riches, parce qu’on a appris à maudire Lazare, qui était, non pas un mauvais riche, mais simplement un riche. «La République est au-dessus de toute discussion» équivaut à cette croyance : «le Pape est infaillible !» toujours des formules ! Toujours des dieux !

La seule chose raisonnable (j'en reviens toujours là), c'est un gouvernement de mandarins, pourvu que les mandarins sachent quelque chose et même qu'ils sachent beaucoup de choses. Le peuple est un éternel mineur, et il sera toujours (dans la hiérarchie des éléments sociaux) au dernier rang, puisqu'il est le nombre, la masse, l'illimité. Peu importe que beaucoup de paysans sachent lire et n'écoutent plus leur curé ; mais il importe infiniment que beaucoup d'hommes, comme Renan ou Littré, puissent vivre et soient écoutés. Notre salut est maintenant dans une aristocratie légitime, j'entends par là une majorité qui se composera d'autre chose que de chiffres. Si l'on eût été plus éclairé, s'il y avait eu à Paris plus de gens connaissant l'histoire, nous n'aurions subi ni Gambetta, ni la Prusse, ni la commune. (…)

À George Sand.

[Croisset, fin septembre 1868]

Ils sont rares ceux qui n’ont pas besoin de surnaturel. La philosophie sera toujours le partage des aristocrates. Vous avez beau engraisser le bétail humain, lui donner de la litière jusqu’au ventre et même dorer son écurie, il restera brute, quoi qu’on dise. Tout le progrès qu’on peut espérer, c’est de rendre la brute un peu moins méchante. Mais quant à hausser les idées de la masse, à lui donner une conception de Dieu plus large et partant moins humaine, j’en doute, j’en doute.

(…)

Le néo-catholicisme d’une part et le socialisme de l’autre ont abêti la France. Tout se meurt entre l’Immaculée-Conception et les gamelles ouvrières.

À George Sand.

[Croisset, 29 avril 1871]

(…) Quant à la commune, qui est en train de râler, c'est la dernière manifestation du moyen âge. La dernière ? Espérons-le !

Je hais la démocratie (telle du moins qu'on l'entend en France), c'est-à-dire l'exaltation de la grâce au détriment de la justice, la négation du droit, en un mot l'anti-sociabilité.(…)

La seule chose raisonnable (j'en reviens toujours là), c'est un gouvernement de mandarins, pourvu que les mandarins sachent quelque chose et même qu'ils sachent beaucoup de choses. Le peuple est un éternel mineur, et il sera toujours (dans la hiérarchie des éléments sociaux) au dernier rang, puisqu'il est le nombre, la masse, l'illimité. Peu importe que beaucoup de paysans sachent lire et n'écoutent plus leur curé ; mais il importe infiniment que beaucoup d'hommes, comme Renan ou Littré, puissent vivre et soient écoutés. Notre salut est maintenant dans une aristocratie légitime, j'entends par là une majorité qui se composera d'autre chose que de chiffres. Si l'on eût été plus éclairé, s'il y avait eu à Paris plus de gens connaissant l'histoire, nous n'aurions subi ni Gambetta, ni la Prusse, ni la commune. (…)

À Louis Bouilhet.

[Croisset, dimanche, 3 heures 30 septembre 1855]

Nous leur prêtons là une importance qu'ils n'ont pas. Mais nous sommes leurs ennemis d'idées, note-le bien. On t'a refusé le Coeur à droite à la Revue parce qu'on n'y a pas vu d'idée morale. Si tu suis un peu attentivement leur manoeuvre, tu verras qu'ils naviguent vers le vieux socialisme de 1833, national pur. Haine de l'Art pour l'Art, déclamation contre la Forme.

À Madame Roger des Genettes.

[Croisset, 27 avril ? 1871]

L’anéantissement complet de Paris par la Commune me ferait moins de peine que l’incendie d’un seul village par ces messieurs, qui «sont charmants», etc. (…) Quant au socialisme, il a raté une occasion unique et le voilà mort pour longtemps. Le mysticisme l’a perdu. Car tout ce qui se fait à Paris est renouvelé du moyen âge. La Commune, c’est la Ligue !

À George Sand.

[Neuville, près Dieppe, vendredi, 31 mars 1871]

Que dire des socialistes qui imitent les procédés de Badinguet et de Guillaume : réquisitions, suppressions de journaux, exécutions capitales sans jugement, etc. ? Ah ! quelle immorale bête que la foule, et qu’il est humiliant d’être homme !

À George Sand.

[Paris, décembre 1875, après le 20]

Il me manque «une vue bien arrêtée et bien étendue sur la vie». Vous n’éclairerez pas mes ténèbres avec de la métaphysique, ni les miennes ni celles des autres. Les mots religion ou catholicisme, d’une part ; progrès, fraternité, démocratie de l’autre, ne répondent plus aux exigences spirituelles du moment. Le dogme tout nouveau de l’égalité, que prône le radicalisme, est démenti expérimentalement par la physiologie et par l’histoire. Je ne vois pas le moyen d’établir aujourd’hui un principe nouveau, pas plus que de respecter les anciens.

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Ce fil manquerait à sa vocation si l'on n'évoquait pas le cas de Flaubert. Non seulement il se déclare un libéral enragé dans ses lettres, mais on y trouve des réflexions tranchantes sur le vieux socialisme, accompagnées de fines analyses psychologiques et historiques. Flaubert met en lumière par une étude morale approfondie les principaux caractères et moeurs socialistes, où sont décrits leur inclinaison naturelle pour la tyrannie et leur tendance au mysticisme. Ses descriptions sont remarquables grâce à son sens aigü de l'observation et la précision du style, elles n'ont rien perdu de leur pertinence.

Un site très bien tenu :

http://flaubert.univ-rouen.fr/correspondance/

Morceaux choisis.

Muray parle de Flaubert en termes élogieux dans son 19e siècle à travers les âges, il le trouve extraordinairement lucide sur le socialo-occultisme de son temps. Muray pense que Flaubert voulait dire occultisme lorsqu'il parlait de "néo-catholicisme", "catholicisme démocratique", "évangélisme" etc… Ce dernier avait en tout cas saisi l'essence du socialisme occulte, particulièrement dans son dernier roman Bouvard et Pécuchet, l'histoire de deux cuistres indifférenciés en quête d'égalitarisme et qui finissent par faire tourner les tables.

Muray souligne souvent la fulgurance des formules de Flaubert sur le socialisme, et voit dans certaines de ses contradictions (parfois il faisait preuve de scientisme, d'anti-catholicisme) une tentative de se rapprocher du réel de son temps, de l'air du temps, donc de la superstition socialiste, pour mieux le sublimer dans ses romans.

Un autre passage d'une de ses lettres :

J’ai lu à Jérusalem un livre socialiste (Essai de philosophie positive, par Auguste Comte). Il m’a été prêté par un catholique enragé, qui a voulu à toute force me le faire lire afin que je visse combien, etc. J’en ai feuilleté quelques pages : c’est assommant de bêtise. Je ne m’étais du reste pas trompé. Il y a là dedans des mines de comique immenses, des Californies de grotesque. Il y a peut-être autre chose aussi. Ça se peut. Une des premières études auxquelles je me livrerai à mon retour sera certainement celle de toutes ces déplorables utopies qui agitent notre société et menacent de la couvrir de ruines. Pourquoi ne pas s’arranger de l’objectif qui nous est soumis ? Il en vaut un autre. À prendre les choses impartialement, il y en a eu peu de plus fertiles. L’ineptie consiste à vouloir conclure.

Paraît que la dernière phrase est connue, et généralement citée hors contexte. Je l'ai vue pour la première fois dans le livre de Muray, avec le reste de l'extrait (d'une lettre écrite en 1850).

Et une autre phrase, que j'ai déjà vue dans une signature ici, d'une pertinence rare, qu'il écrivit au crépuscule de sa vie :

La Magie croit aux transformations immédiates par la vertu des formules, exactement comme le Socialisme.

D'ailleurs, en lisant Muray, on se demande si Flaubert ne l'aurait pas largement inspiré dans son désir de cerner l'occulte derrière le socialisme/progressisme.

Il y a un autre extrait écrit par Flaubert qui m'avait marqué, il y parlait de torpeur moderne, et moquait le socialisme et son projet pour l'Humanité d'une façon très amusante (il a employé le mot couilles, c'est ce qui m'a marqué, forcément).

edit : Ah ben elle se trouve dans un de tes passages, suis-je bête.

En cherchant, j'ai trouvé ça :

Le rire : c’est le dédain et la compréhension mêlés, et en somme la plus haute manière de voir la vie.

Sublime.

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Je suis en train de lire le 19ème siècle à travers les âges et c'est très instructif. Selon Muray, Flaubert était lui-même assez progressiste mais il a eu la capacité de garder un oeil critique sur sa tendance.

Sinon j'ai l'impression que Muray aurait quand même pu faire un peu plus court, mais j'ai l'impression que c'est son style qui veut une certaine longueur.

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Muray parle de Flaubert en termes élogieux dans son 19e siècle à travers les âges, il le trouve extraordinairement lucide sur le socialo-occultisme de son temps. Muray pense que Flaubert voulait dire occultisme lorsqu'il parlait de "néo-catholicisme", "catholicisme démocratique", "évangélisme" etc… Ce dernier avait en tout cas saisi l'essence du socialisme occulte, particulièrement dans son dernier roman Bouvard et Pécuchet, l'histoire de deux cuistres indifférenciés en quête d'égalitarisme et qui finissent par faire tourner les tables.

Muray souligne souvent la fulgurance des formules de Flaubert sur le socialisme, et voit dans certaines de ses contradictions (parfois il faisait preuve de scientisme, d'anti-catholicisme) une tentative de se rapprocher du réel de son temps, de l'air du temps, donc de la superstition socialiste, pour mieux le sublimer dans ses romans.

Merci, ce thème m'intéresse beaucoup. Sur le cas Flaubert, ce n'est pas très clair en effet, il a le bon goût d'éviter de figer sa propre position. Il me paraît un de ces progressistes désabusés propres aux époques agitées, constatant que le programme des Lumières couplé aux supersitions égalitaristes ne peut conduire qu'à la pire tyrannie, devenu réactionnaire et antidémocrate par dépit, c'est-à-dire par une somme de désillusions. Il y a dans cette évolution un fil conducteur qui reste la haine de l'idolâtrie, mais celle-ci trouvant à s'appliquer plus pertinemment contre les nouvelles idoles des idées modernes et révolutionnaires. L'honnête homme conclut ensuite que le mouvement des Lumières et son engence dégénérée le socialisme sont en réalité un retour aux vieilles superstitions obscurantistes.

L'opinion de Muray se tient, à ceci près qu'on ne peut identifier le catholicisme démocratique dont parle également Nietzsche dans Par delà le bien et le mal et transposable à la religion démocratique analysée par Tocqueville, avec l'occultisme, qui recouvre un autre champ psychologique.

Je suis de plus en plus convaincu que toute réfutation du socialisme sur le terrain de la science économique est vouée à l'échec; il doit être réfuté pour ce qu'il est au plus profond, à savoir une religion occultiste productrice d'une morale primitive. Il y a justement un billet intéressant sur ce sujet du socialo-occultisme tel qu'analysé par Muray, sur le blog Nouvelle Langue Française, de fort bonne tenue lui aussi.

En exergue, Muray cite une phrase de Flaubert qui résume sa thèse : "La Magie croit aux transformations immédiates par la vertu des formules, exactement comme le Socialisme". C’est au XIXe s que se forme le socialoccultisme, ce mélange détonnant et inouï de socialisme et d’occultisme, et c’est le XXe s qui fait un triomphe éternel à cette idéologie, comme lors de la descente de Mitterrand, à peine élu, une rose au poing, dans la crypte du Panthéon. L’occultisme, c’est le culte des morts, l’Eglise Sainte-Geneviève transformée en Panthéon où sont inhumés les seuls concepteurs du monde nouveau, ce sont les tables tournantes, le dialogue avec les esprits, la nécromancie, la divination, l’astrologie, la sorcellerie, la volonté de tout guérir, fût-ce par le magnétisme ou l’imposition des mains, l’explication de tout événement par le complot, qu’il soit juif, maçonnique, religieux, obscurantiste ; le socialisme, qui se marie à cet occultisme, c’est la croyance à la possibilité de créer un ordre social parfait, surtout dans les mots, ordre conforme à l’idéal de progrès et fondé sur le culte des ancêtres, c’est un prophétisme de pacotille annonçant le bonheur de tous, c’est une confiance excessive dans les vertus du Verbe, comme l’exprime si bien le slogan "changer la vie". Ce socialoccultisme forme une nouvelle religion, admirablement bien exposée par Zola, non pas dans la saga des Rougon-Macquart, mais dans les dernières œuvres : les trois villes et les quatre évangiles, qui forment un nouveau Nouveau Testament parfaitement adapté à la nouvelle Europe, celle qui est partie à la conquête du monde et qui paraît capable de réaliser le vieux rêve prométhéen : unifier l’humanité sous une direction unique et apporter l’harmonie au monde, celle qui célèbre le culte du corps, donne libre cours à ses pulsions, exige le bonheur pour tous, pense les peuples comme des masses qu’il faut mener à la férule. Ces Evangiles nouveaux abolissent les deux Testaments précédents, en particulier celui que Zola nomme "l’évangile sémite de Jésus". Muray fait commencer cette nouvelle religion en 1786, lorsqu’il a été décidé de fermer le cimetière des Innocents et de transporter la nuit dans des tombereaux lugubres les restes exhumés pour les jeter dans les catacombes, cette exclusion des corps préfigurant les transports de prisonniers jusqu’à la guillotine et de leurs corps partagés en deux jusqu’à la fosse commune.

L’ouvrage est divisé en deux livres. Le Livre premier a pour titre "le XIXe s est devant nous", le second "le cimetière des éléphants". Le Livre premier est formé de deux chapitres intitulés "la dixneuviémité" et "homo dixneuviemis", dans lesquels Muray établit, comme l’indiquent clairement les mots dixneuviémité (ce qui fait l’essence du XIXe siècle) et homo dixneuviémis (type d’homme apparu au XIXe siècle et toujours en vigueur de nos jours) les invariants du XIXe s. "à travers les âges". Le livre second se compose de trois chapitres : "l’art de la fin", "l’école nécromantique" et "catabases" (descentes aux Enfers suivies d’une remontée illuminante). Il s’agit bien d’une nouvelle religion, formée de science positiviste, d’illuminisme, de croyance dans le progrès social et moral infini et dans l’harmonie du monde, de culte des morts ou des ancêtres, destinée à remplacer l’ancienne, la judéo-chrétienne et qui a réussi dans les faits à la remplacer, préparant ainsi les grandes catastrophes du XXe siècle qu’ont été le socialisme national, le socialisme réel, le racisme, le communisme. Pour Muray, le texte qui analyse le plus lucidement le XIXe siècle et ce qu’est la dixneuviémité, c’est le Syllabus ou "résumé renfermant les principales erreurs de notre temps qui sont signalées dans les allocutions consistoriales, encycliques et autres lettres apostoliques de Notre Très Saint Père le Pape Pie IX". Ainsi donc, le Vatican n’a pas eu d’autre rôle tout au long du XIXe siècle et aujourd’hui encore que d’analyser en termes lumineux les délires socialoccultistes, spirites, positivistes, scientistes ou nécromanciens du Siècle, qu’il a déchiffré, comme on peut le faire d’un manuscrit archaïque, dans ses profondeurs, dans sa pensée, dans son idéologie, dans ce qu’il a créé.

http://nouvellelanguefrancaise.hautetfort….-livres-15.html

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Merci, ce thème m'intéresse beaucoup. Sur le cas Flaubert, ce n'est pas très clair en effet, il a le bon goût d'éviter de figer sa propre position. Il me paraît un de ces progressistes désabusés propres aux époques agitées, constatant que le programme des Lumières couplé aux supersitions égalitaristes ne peut conduire qu'à la pire tyrannie, devenu réactionnaire et antidémocrate par dépit, c'est-à-dire par une somme de désillusions. Il y a dans cette évolution un fil conducteur qui reste la haine de l'idolâtrie, mais celle-ci trouvant à s'appliquer plus pertinemment contre les nouvelles idoles des idées modernes et révolutionnaires.

Il faudrait que je me replonge dans le bouquin, mais je ne me rappelle pas de "désillusions" ou de "dépit", Muray voit une constante chez Flaubert, je crois bien. Je n'ose pas trop m'avancer ceci dit.

Il faudrait comparer ses lettres à différentes périodes, mais je pense que 1848 a été sans doute une étape importante dans ce fameux dépit, s'il existe.

Surtout que juste avant, il a une liaison assez courte avec Louise Colet, une femme de salon infatuée, pédante et d'un cynisme rare, dont Muray pense qu'elle a été pour Flaubert une personnalisation du socialo-occultisme. Le genre à être orléaniste sous la monarchie de Juillet, bonapartiste sous l'Empire et farouchement républicaine devinez quand. A chaque insurrection, elle sentait l'ébullition socialiste et prenait partie. Elle aurait à chaque fois retourner sa veste et emmerder les nouveaux tenants du pouvoir pour obtenir ce qu'elle désirait.

Un fait qui m'a marqué parce que c'est d'une résonnance très actuelle : Louise, faisant savoir qu'elle détestait le Pape, serait allée à Rome pour provoquer celui-ci et se faire renvoyer en France. Malheureusement pour elle, le Pape n'en avait rien à foutre et elle dut repartir en France la tête basse, sans provoquer le moindre scandale.

Autre chose, Flaubert avait une admiration/répulsion pour Hugo, qui fut pour Muray quasiment le chef de fil de l'occultisme. Si Flaubert était épouvanté par Les Misérables et son romantisme social, il continuait à admirer Hugo. C'est peut-être assez emblématique de l'ambiguïté de Flaubert sur le progressisme de son temps.

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