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L'établissement public de Versailles et l'art contemporain


Yul

Messages recommandés

je mets ici le lien d'un article de valeurs actuelles qui critique la culture promue par le ministère et ses filiales:

http://www.valeursactuelles.com/dossier-d0…rt20100916.html

et une réaction de Luc Ferry (qui en profite pour faire le lien douteux avec la "mondialisation libérale"):

http://www.valeursactuelles.com/dossier-d0…9D20100916.html

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Pour ma part, j'ai trouvé Jean-Jacques Aillagon puant dans cette affaire : parce que les critiques viendraient de gens d'extrême-droite (ex), leur avis pourrait être totalement ignoré.

Que l'on soit d'accord avec eux ou pas, ne sont-ils pas des citoyens comme les autres ?, qui ont aussi le droit d'exprimer leur vision dès lors que le lieu n'est pas privé et que cela concerne aussi, in fine, leur argent. Qui est-il, cet empaffé, pour décider en despote éclairé si la vision "traditionnelle" de Versailles est plus valable que la vision soi-disant "moderne"… Et les japonais qui viennent pour voir dans le palais de Louis XIV ce qu'ils ne voient pas chez eux, ce sont aussi des sous-hommes d'extrême-droite dont on peut se contrefoutre ?

A titre personnel, je ne sais pas quoi en penser, mais qu'une élite s'octroie le droit de penser pour les autres et décide de qui elle écoutera la voix ou pas, niant tous les principes d'égalité de droit de 1789, me révulse !

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Au final, on peut se demander si le chateau de Versailles est l'écrin approprié pour des oeuvres qui renouvellent complètement notre vision de l'art et de la société. Sans aller jusqu'à parler d'une démolition, qui bien sûr serait exposée aux réactions émotives d'un public attaché aux vieilles manières de penser et insuffisamment préparé à apprécier les subtilités de l'art contemporain, l'installation de bâches à l'intérieur et à l'extérieur du bâtiment permettrait d'en cacher l'esthétisme désuet et de mettre pleinement en valeur le génie de Jeff Koons et l'inventivité de Muratami.

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la fête que ce cadre moyen de Kyoto avait promise à sa famille en lui offrant une journée à Versailles avait été gâchée par Jeff Koons (voir Valeurs actuelles du 17 juillet 2008) : en lieu et place des splendeurs intactes de la monarchie française

Ca fait quand même des siècles que le château de Versailles est un musée, la monarchie n'y vit plus depuis longtemps. Si une expo ne plaît pas, ne la visitez pas, mais n'en dégoûtez pas les autres :icon_up:

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Un moyen comme un autre trouvé par François Pinault de se faire du fric en profitant d'un élément du patrimoine géré par l'Etat : il subventionne ses artistes débiles, qui via son homme lige Aillagon exposent à Versailles ce qui concoure à élever la valeur de son investissement sur le marché de l'art. Il ne lui reste plus par la suite qu'à empocher la différence. C'est beau les connivences entre pouvoir politique et mécénat.

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Un moyen comme un autre trouvé par François Pinault de se faire du fric en profitant d'un élément du patrimoine géré par l'Etat : il subventionne ses artistes débiles, qui via son homme lige Aillagon exposent à Versailles ce qui concoure à élever la valeur de son investissement sur le marché de l'art. Il ne lui reste plus par la suite qu'à empocher la différence. C'est beau les connivences entre pouvoir politique et mécénat.

Bof, la cote de murakami fait parti des 10 créateurs contemporains dont la cote est la plus élevé. Cette expo lui apporte une certaine notoriété au près du grand public, pas auprès des collectionneurs.

Maintenant, le propre de l'art depuis deux siècles, c'est de choquer le grand public - celui qui n'achète pas. Et pour le coup, murakami le fait assez bien. Ensuite, et bien c'est une histoire entre ces collectionneurs et lui ; Nous, nous ne sommes que le vulgum pecus qui permet de le faire mousser.

Pour ceux que ca intéresse : http://www.come4news.com/2007-mode-37.html

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En voilà un lieu commun des plus éculés.

Mais encore…

Tu as surement en tête un artiste avec une cote importante de ce siècle ou du siècle dernier et qui n'a pas fait polémique. Je t'écoute…

Hormis des fonctionnaires, qui achète ces merdes autrement qu'avec nos impôts ?

Je ne suis pas sûr que murakami soit dans une seule collection étatique française. C'est des particuliers qui achètent ses oeuvres ; Des particuliers riches :icon_up:

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Bon, quitte à parler d'art contemporain vraiment merdique…

Quelqu'un peut m'expliquer ce qu'est cette connerie ?

Sa pue la prétention vide et la suffisance des élèves en école d'art, bon à rien, donc trouvant dans l'art une voie d'avenir.

Avec leur lunette et leur fringue "à la mode", ils sont tous pareils dans ce milieu !

Et dans 2-3 ans, ne trouvant pas de boulot, ayant une vie minable qu'ils auront mérité, ils vont te dire que c'est à cause du capitalisme, de l'ultralibéralisme. :icon_up:

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Sa pue la prétention vide et la suffisance des élèves en école d'art, bon à rien, donc trouvant dans l'art une voie d'avenir.

Avec leur lunette et leur fringue "à la mode", ils sont tous pareils dans ce milieu !

Et dans 2-3 ans, ne trouvant pas de boulot, ayant une vie minable qu'ils auront mérité, ils vont te dire que c'est à cause du capitalisme, de l'ultralibéralisme. :icon_up:

Ah, toi aussi tu as eu droit à

"Moi on m'embauche pas parce que je réfléchi. Je pose des questions et ça dérange les gens."

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Tu as surement en tête un artiste avec une cote importante de ce siècle ou du siècle dernier et qui n'a pas fait polémique. Je t'écoute..

Pour rester dans le contemporain : Jasper Johns, Anselm Kieffer, Rosenquist, Richter, etc.

Ce qui est amusant, c'est que Versailles est un empilement de styles différents. Dés sa construction, il portait le gène du mélange des genres, des styles. Si Versailles était une fondation (ou si le monarque l'habitait encore), cette expo ne poserait aucun souci. Le coeur de l'affaire, c'est le fait que la culture est sous tutelle d'un ministre alors qu'il s'agit aussi d'une économie dynamique avec beaucoup de gros sous. Tout ce qui valorise des artistes n'est donc plus seulement une affaire de "démocratisation de la culture", objectif idiot affiché par les 12.000 fonctionnaires (+ 12.000 vacataires) du ministère et tous les fonctionnaires des collectivités territoriales dédiés à cette mission, c'est aussi un enjeu culturel (marquer son temps avec un artiste qu'on soutient : le rêve d'un mécène, c'est aussi d'être celui des artistes qui resteront), et accessoirement financier.

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Autant l'exposition de Jan Fabre au Louvre constituait une véritable pollution visuelle et le "dialogue" de l'artiste avec les maitres flamands une infatuation grotesque et insultante autant Versailles peut bien exposer une quinzaine de pièce de Murakami sans gêner les visiteur du palais indifférents à l'art contemporain. Il se trouve en l'occurrence que le kitsch des pièces de l'artiste s'accorde assez bien avec le ridicule naturel du cadre. Et puis Versailles, c'est un peu comme le palais de Ceauşescu à Bucarest, il pourrait accueillir la convention annuel des fabricants de balais à chiotte, c'est l'affaire du conservateur surement pas un drame national.

Sa pue la prétention vide et la suffisance des élèves en école d'art, bon à rien, donc trouvant dans l'art une voie d'avenir.

Avec leur lunette et leur fringue "à la mode", ils sont tous pareils dans ce milieu !

Et dans 2-3 ans, ne trouvant pas de boulot, ayant une vie minable qu'ils auront mérité, ils vont te dire que c'est à cause du capitalisme, de l'ultralibéralisme. :icon_up:

C'est toi le suffisant. Tu ignores donc que les artistes comme Win Delvoye ou Takashi Murakami et sa kai-kai factory sont des hommes d'affaires internationaux qui produisent en série leurs oeuvres dans leurs ateliers chinois, gèrent leurs produits dérivés et négocient avec les grandes firmes comme LVMH des contrats en millions de dollars.

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Pour rester dans le contemporain : Jasper Johns, Anselm Kieffer, Rosenquist, Richter, etc.

Ce qui est amusant, c'est que Versailles est un empilement de styles différents. Dés sa construction, il portait le gène du mélange des genres, des styles. Si Versailles était une fondation (ou si le monarque l'habitait encore), cette expo ne poserait aucun souci. Le coeur de l'affaire, c'est le fait que la culture est sous tutelle d'un ministre alors qu'il s'agit aussi d'une économie dynamique avec beaucoup de gros sous. Tout ce qui valorise des artistes n'est donc plus seulement une affaire de "démocratisation de la culture", objectif idiot affiché par les 12.000 fonctionnaires (+ 12.000 vacataires) du ministère et tous les fonctionnaires des collectivités territoriales dédiés à cette mission, c'est aussi un enjeu culturel (marquer son temps avec un artiste qu'on soutient : le rêve d'un mécène, c'est aussi d'être celui des artistes qui resteront), et accessoirement financier.

Ben, murakami fait au manga ce que faisait jasper Johns au comics, ils sont dans la continuité quand même. Et le pop art, avant de s'imposer à été définie comme "ce n'est pas de l'art" ; Pour Richter, je vous laisse juge :

http://3.bp.blogspot.com/_oJw2_ZIibZU/Swxf…stractPaint.jpg

Je ne connais pas les autres, je n'en dirais rien.

Pour le reste, je suis assez d'accord. Ce qui est dommageable, c'est le caractère étatique de la gestion du chateau de Versailles. Ce qui été rigolo, c'est qu'après les tempêtes de 1999, l'état n'avait pas les moyens de restaurer le parc et a du faire appel - avec plein de contorsions - au mécénat.

PS : je voulais mettre un tag [ img] ; ce n'est pas possible ?

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Ben, murakami fait au manga ce que faisait jasper Johns au comics, ils sont dans la continuité quand même. Et le pop art, avant de s'imposer à été définie comme "ce n'est pas de l'art" ;

Tu confonds Johns avec Roy Lichtenstein. Johns a travaillé les objets, la matières et l'iconographie américaine traditionnelle, il est5 beaucoup plus proche de Rauschenberg d'un cvertain point de vue.

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Tu confonds Johns avec Roy Lichtenstein. Johns a travaillé les objets, la matières et l'iconographie américaine traditionnelle, il est5 beaucoup plus proche de Rauschenberg d'un cvertain point de vue.

Tu as raison, mes excuses ; j'eusse du googler. Mais tu es vraiment sûr qu'il n'y a pas eu de polémique autour de la naissance du pop art ?

Ceci étant, je suis prêt à revenir sur mon affirmation initiale. Disons qu'une œuvre d'art n'a pas forcement besoin de choquer le grand public où une parti important de celui-ci. Mais elle a besoin de faire parler d'elle. Et la polémique est un bon moyen, mais pas forcement le seul.

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Il y a eu une polémique à la naissance du pop art, mais Johns a profité de l'incroyable développement de l'action painting et l'expressionnisme abstrait juste antérieurs. Au contraire, l'art devient américain sans polémique majeure dés les années 50 avec Pollocks, Rauschenberg, de Kooning, Rothko, Johns très influencés (et parfois guidés) par les artistes qui ont fui la France et l'Europe en guerre.

L'art pop cherche un peu la polémique, mais je n'ai pas l'impression qu'elle ait été très forte. La provocation de Warhol et du milieu underground ne déclenche pas de contestation réelle, juste ce qu'il faut pour susciter l'intérêt de collectionneurs friqués à la recherche de transgressions branchées.

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L'art pop cherche un peu la polémique, mais je n'ai pas l'impression qu'elle ait été très forte. La provocation de Warhol et du milieu underground ne déclenche pas de contestation réelle, juste ce qu'il faut pour susciter l'intérêt de collectionneurs friqués à la recherche de transgressions branchées.

Il y a peu de réelles transgressions dans l'art contemporain, par ailleurs "art officiel" du régime. La dernière oeuvre un peu couillue était la performance du pasteur Terry Jones, mais il semble qu'elle ait été déprogrammée au dernier moment.

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Il y a peu de réelles transgressions dans l'art contemporain, par ailleurs "art officiel" du régime. La dernière oeuvre un peu couillue était la performance du pasteur Terry Jones, mais il semble qu'elle ait été déprogrammée au dernier moment.

lorsque Warhol a joué sur les thèmes du sexe, du fric et de la drogue, sans parler de la peine de mort, c'étaient encore des tabous. Suffisamment pour donner des frissons à un public de VIP, de jet-setters en quête d'émotions. Et puis sa "Factory" a lancé nombre de talents qui ont suivi le sillage du personnage. je trouve au contraire qu'il y avait encore pas mal de transgressions possibles à l'époque. Aujourd'hui, pisser sur scène, se droguer et baiser en public constituent des scènes tristement vulgaires tant ce genre de comportements marginaux se sont banalisés. Surtout quand leurs auteurs n'ont pas le talent de leurs ainés. Tout le monde n'est pas Manet, Soutine, Duchamp, Pollocks ou Warhol.

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C'est toi le suffisant. Tu ignores donc que les artistes comme Win Delvoye ou Takashi Murakami et sa kai-kai factory sont des hommes d'affaires internationaux qui produisent en série leurs oeuvres dans leurs ateliers chinois, gèrent leurs produits dérivés et négocient avec les grandes firmes comme LVMH des contrats en millions de dollars.

Je parlais des élèves, non de "l'œuvre".

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lorsque Warhol a joué sur les thèmes du sexe, du fric et de la drogue, sans parler de la peine de mort, c'étaient encore des tabous. Suffisamment pour donner des frissons à un public de VIP, de jet-setters en quête d'émotions. Et puis sa "Factory" a lancé nombre de talents qui ont suivi le sillage du personnage. je trouve au contraire qu'il y avait encore pas mal de transgressions possibles à l'époque. Aujourd'hui, pisser sur scène, se droguer et baiser en public constituent des scènes tristement vulgaires tant ce genre de comportements marginaux se sont banalisés. Surtout quand leurs auteurs n'ont pas le talent de leurs ainés. Tout le monde n'est pas Manet, Soutine, Duchamp, Pollocks ou Warhol.

asterix-theatre1.jpg

asterix-theatre2.jpg

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Un moyen comme un autre trouvé par François Pinault de se faire du fric en profitant d'un élément du patrimoine géré par l'Etat : il subventionne ses artistes débiles, qui via son homme lige Aillagon exposent à Versailles ce qui concoure à élever la valeur de son investissement sur le marché de l'art. Il ne lui reste plus par la suite qu'à empocher la différence. C'est beau les connivences entre pouvoir politique et mécénat.

Mais qui a part la Nomenklatura germanopratine et le clergé culturel peut encore croire que ce genre d'art subventionné recèle le moindre caractère subversif? Cette grande messe confinant à la farce s'inscrit dans la lignée des festivités officielles de la culture administrée se célébrant elle-même inaugurée par l'ère mitterrandienne. L'injonction politique faite au peuple de s'esbaudir devant des impostures kitsch ou des croutes infâmes au nom du culte de la transgression festive, rappelle inévitablement combien le regard ironique de Philippe Muray sur la tyrannie des charlatans et des idolâtries reste pertinent.

On a tout essayé pour faire durer l’illusion de l’art. L’œuvre, l’absence d’œuvre, l’œuvre comme vie, la vie comme œuvre, l’œuvre sans public, le public sans œuvre, l’œuvre irrespectueuse (si irrespectueuse qu’elle n’est respectueuse que de l’irrespect), l’œuvre provocante, l’œuvre dérangeante. On a essayé l’intimidation, l’outrage, l’injure, la dérision, l’humiliation, la péroraison. En fin de compte, on le voit bien, il n’y a qu’une seule chose qui marche encore, c’est le chantage. L’art de la modernité en coma dépassé y fait entendre sa voix la plus irréfutable, en même temps qu’il s’enveloppe d’une sorte de sacré qui interdit absolument de s’interroger.

Il y a peu, les amusants responsables du musée d’art moderne de la ville de Paris résolurent d’acquérir une œuvre de l’artiste belge Marcel Broodthaers. Cette œuvre « met en scène », paraît-il, un perroquet. Pas un perroquet mort et empaillé, non, un beau perroquet vivant avec ses plumes aux couleurs multiples et son gros bec dur recourbé. Un perroquet, donc, destiné comme tout le monde, hélas, à mourir un jour. Une œuvre périssable en quelque sorte. Et même une œuvre de la nature. Un oiseau. De la famille des psitaccidés. Comme on en trouve généralement dans les régions tropicales. Ou, plus simplement, sur le quai de la Mégisserie. Ou chez des particuliers, dans des cages. Un de ces volatiles divertissants qu’on appelle d’ordinaire Coco et auxquels il arrive d’imiter le langage humain avec des voix de clowns enrhumés.

Flanqué de deux palmiers et accompagné d’un magnétophone répétant en boucle un poème qui dit « Moi je dis, moi je dis » sans fin, Coco est donc une œuvre d’art. Au même titre qu’un croquis de Michel-Ange. Le bonheur d’être art, de nos jours, est simple comme deux palmiers et un magnétophone. L’ours du Jardin de plantes, les lions de la savane et l’orang-outang de Bornéo en sont verts de jalousie : ils aspirent au magnétophone et aux palmiers en pot de la modernité. L’écureuil qui tourne sa roue attend aussi son Broodthaers. Et la grenouille dans son bocal avec sa petite échelle. Et les chiens de faïence, et les chiennes de garde. Et encore tant d’autres bestioles de compagnie comme les canaris et les crocodiles. D’autant que, ainsi artistifié, Coco a vu sa côte s’envoler : le musée d’Art moderne de la Ville de Paris l’a acquis pour la somme d’un million trois cent soixante-dix-sept mille de nos francs de l’année dernière. Et c’est là que les problèmes commencent. Ainsi que le chantage. Au-delà de quatre cent quatre-vingt-onze mille neuf cent soixante-sept francs (toujours de l’année dernière), les achats du musée d’Art moderne de la Ville de Paris doivent en effet être soumis pour approbation au Conseil de Paris. Où certains élus se sont tout de même émus. Et ont posé quelques timides questions. Du genre : est-il bien sage d’attribuer le statut d’œuvre d’art à un animal vivant et mortel, si plaisant soit-il ? Ou encore un million trois cent soixante-dix-sept mille de nos francs de l’année dernière pour l’achat d’un oiseau, même flanqué de deux palmiers, est-ce bien raisonnable ? Et aussi : une « œuvre » à laquelle il faut apporter tous les jours à manger et à boire peut-elle être considérée comme œuvre d’art au même titre que La Joconde ou La Vénus de Milo ? Et que dire de la nécessité de renouveler chaque soir le sable de sa cage ? Est-ce qu’on change le sable du Sacre de David ou des Noces de Cana de Véronèse ? Même pas celui des innombrables plages de Monet. Où pourtant il y a du sable. Du vrai. Peint.

Autant d’interrogations dangereuses, comme on voit, et tout à fait en désaccord avec la modernité moderne qui exige comme première condition, pour ne pas se fâcher, qu’on ne la discute pas. C’est d’ailleurs par là que Christophe Girard, sinistre préposé à la Culture de la Mairie de Paris, a clos la controverse. En déclarant qu’hésiter plus longtemps à reconnaître sans réserve au perroquet de Broodthaers le statut d’œuvre d’art revenait à « ouvrir la porte au fascisme ». Devant une telle mise en demeure, qui ne se dresserait pas au garde-à-vous ? Qui, surtout, aurait le mauvais goût de faire remarquer que c’est précisément ça l’essence du fascisme, le refus de la discussion sur la réalité au profit des mots d’ordre ; et qu’en se servant du Mal comme instrument de chantage on le laisse s’incruster dans le discours du Bien et s’y exprimer avec la force décuplée de l’intimidation ? Personne. Voilà donc Coco, entre ses palmiers, destiné à monter la garde à la porte de l’enfer. Chargé de veiller au salut de la civilisation contre la barbarie. En tant qu’œuvre d’art confirmée et estampillée. Cher Coco. On a quand même envie de lui dire de tenir bon. Et de bien surveiller la porte. Toutes les portes. Y compris celles de la Mairie de Paris.

Exorcismes spirituels IV, Moderne contre Moderne

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A propos des mutins et matons de panurge, un autre éclairage salutaire du bon Philippe Muray.

Contredire

Un spectre hante la société actuelle : celui d’une critique à laquelle elle n’aurait pas pensé. Dans le but de se protéger de cette menace, elle ne cesse de sécréter ses propres contestataires et les pousse en avant : objecteurs de substitution, rebelles de remplacement, succédanés de perturbateurs, ersatz de subversifs, séditieux de synthèse, agitateurs honoraires, émeutiers postiches, vociférateurs de rechange, révoltés semi-officiels, provocateurs modérantistes, leveurs de tabou institutionnels, insurgés du juste milieu, fauteurs de troubles gouvernementaux, émancipateurs subventionnés, frondeurs bien tempérés, énergumènes ministériels. C’est avec ces supplétifs que l’époque qui commence a entrepris de mener la guerre contre la liberté.

D’une façon plus générale, la civilisation qui se développe sous nos yeux ne parvient à une parfaite maîtrise et un contrôle total qu’à condition d’inclure en elle l’ensemble de ce qui paraît la contredire. C’est elle, et elle seule désormais, qui encadre les levées de boucliers et les tollés de protestation. Elle s’est attribué le négatif, qu’elle fabrique en grande série, comme le reste, et dont elle sature le marché, mais c’est afin d’en interdire l’usage en dehors d’elle. L’ « anticonformisme », la « déviance », la « transgression », l’ « exil du dedans » et la « marginalité » ne sont plus depuis belle lurette que des produits domestiqués. Et les pires « mauvaises pensées » sont élevées comme du bétail dans la vaste zone de stabulation bétonnée de la Correction et du Consensus. Ainsi toute pensée véritable se retrouve-t-elle bannie par ses duplicatas.

Désœuvrement

Les champions de l’art actuel ont épuisé leurs dernières cartouches en accusant ceux qui le dénigrent d’être aussi obtus que les spectateurs du siècle passé lorsqu’ils riaient de Manet ou de Cézanne, et s’opposaient à l’érection du Balzac de Rodin. Ils n’ont fait que poursuivre une opération de chantage et d’intimidation qui commence à sentir le renfermé. Quant aux avant-gardistes d’autrefois (de l’époque maintenant antédiluvienne où cette notion avait un sens), s’ils ont été dénoncés comme suspects de ne pas toujours avoir été là où ils devaient être, c’est-à-dire à la pointe du progrès et de la lutte pour l’émancipation, c’est que ceux qui s’occupent des avant-gardes d’aujourd’hui sont d’abord et surtout à la pointe du pouvoir. Progressistes dans le vide, émancipateurs sans risque, avant-gardistes connivents, tous les sourcilleux examinateurs de la « récupération » des mouvements révolutionnaires de jadis sont des récupérés de naissance ou de vocation dont le travail consiste à camoufler sans cesse cette récupération. Les souteneurs de l’art contemporain mènent une nouvelle guerre de l’opium pour faire accepter comme œuvres d’art la pacotille que bricolent depuis près de cinquante ans des hommes et des femmes qui ne s’intitulent artistes que par désœuvrement.

Philippe Muray, Après l’histoire, Les Belles Lettres

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