Jump to content

Nationalisme et libéralisme


Recommended Posts

On 9/30/2024 at 4:48 PM, Mégille said:

Il me semble que d'un point de vue économique/de l'analyse rationnelle des stratégies individuelles (en laissant de coté les buts subjectifs des uns et des autres), la liberté n'est jamais autre chose qu'un simple mode de gestion du point de vue du dirigeant, qu'il dirige des concitoyens ou non.

C'est une affirmation très forte. Qui n'a rien d'évident.

Mais surtout tu bases ton affirmation sur le fait, statique ou intemporel, qu'il existe un dirigeant (un seul homme ?) Ceci me paraît complètement faux, en dehors de jeux type Civilization ou EU4.

Le dirigeant doit légitimer son pouvoir (et "je vous laisse gérer vos affaires comme vous voulez" est un argument pas trop mal). Cette légitimité doit être à minima quintuple :

  • 1/ le "dirigeant" doit être dirigeant plutôt que ses rivaux, il doit être légitime par rapport à ses rivaux
  • 2/ le "dirigeant" est à la tête d'une institution (au plus bas niveau, la tribu ou le clan) dont il coiffe le mode de gouvernance. Ce mode de gouvernance est forcément une institution, sinon on aurait des luttes de pouvoir tout les jours. Cette institution peut être aussi simple que "la monarchie de droit divin" ou "la dictature du parti communiste" ou "l'empire de Pharaon"
  • 3/ le "dirigeant" doit être légitime face aux menaces extérieures, et à même de défendre les frontières de l'état
  • 4/ le "dirigeant" doit être légitime face aux menaces intérieures, et notamment être en mesure de contrôler même partiellement à toute tentative d'instituer une institution concurrente (par exemple si une minorité demandait la mise en place d'une théocratie régie par la chariah, ou à être exemptée de l'impôt)
  • 5/ comme Rome ne s'est pas construite un seul jour, il doit assurer la pérenniser de son institution, y compris par rapport à son propre vieillissement. On ne peut chaque jour toute la société. Je rappelle que je ne suis pas anarchiste, et que j'ai observé bien peu de tentatives de libéraux souhaitant rejoindre les rares anarchies (Somalie, zones tribales du Pakistan, ... ). Par ailleurs, toute société qui aurait comme politique de "tuer les enfants, ca sert à rien" aurait une espérance de vie évidemment limitée. De même, toute société vaste ayant comme règle le "refus de la mise en palce d'infrastructures agricoles ou économique" raisonnablement efficace.

Le "dirigeant" a donc énormément de problèmes a résoudre, et doit utiliser une part plus ou moins importante de son pouvoir politique et physique pour répondre à chacun de ces challenges EXISTENTIELS.

 

Lorsqu'un dirigeant dirige ses concitoyens, il part avec de gros atouts pour résoudre à ces questions, notamment les points 2 et 4

 

On 9/30/2024 at 4:48 PM, Mégille said:

Le reste est pas mal une question de sentiments subjectifs des uns et des autres. Je reconnais que cette subjectivité dans la reconnaissance de l'autre comme un élément de la même communauté est un fait humain qu'on ne peut pas ignorer...

C'est un point anthropologique fondamental. Tout dirigeant perçu comme étranger est à priori perçu comme un oppresseur.

 

On 9/30/2024 at 4:48 PM, Mégille said:

mais je pense qu'il a un effet assez ambivalent. Autant il peut se traduire par une plus grande exigence de liberté individuelle... autant, puisqu'il suppose que les individus aient un certain degré d'identification au groupe, il peut prendre la forme de l'exigence d'une "liberté collective" au regard de laquelle les libertés individuelles divergentes seront vues comme traitresses. Par là, le nationalisme peut donner un enthousiasme qui peut renforcer tout aussi bien le libéralisme que certains de ses pires antagonistes. 

Il est parfaitement possible d'être nationaliste sans être libéral. Sparte est un archétype de société nationaliste et strictement anti-libérale. Le nationalisme peut donc s'accompagner de liberté individuelle, de "liberté collective' (Xi Jinping style) ou d'un projet collectif totalitaire (sauce Sparte). Mais il évite l'écueil de la mise en coupe réglée des gens, perçus comme simple ressources, par un dirigeant "éleveur de bétail"

 

Notes que je ne considère pas comme nationale une société dans laquelle des "castes" supérieures se considèrent comme ethniquement et héréditairement distinctes des "castes inférieures", et à l'inverse bien plus proches de leurs homologues des pays voisins.

 

On 9/30/2024 at 4:48 PM, Mégille said:

Je vois un autre problème, sur un plan plus théorique. A te lire (ou à lire généralement les discours natio), on pourrait croire qu'il y a d'abord une existence pré-politique des nations, comme faisant partie du paysage, et ensuite les états, avec pour mission de les servir. Il me semble au contraire que la construction culturelle de cette idée d'appartenir à un groupe commun est toujours la conséquence, et non pas la cause, de l'identification à un projet politique : soit soutenir un état existant et créé

sans soucis des nationalités, soit soutenir la création d'un état à partir d'une population qui ne s'est reconnu comme nation que par ce projet.

Les familles, tribus et clans sont apparus bien avant les états.

La nation, c'est une structure qui porte l'appartenance à un groupe collectif sans prérequis liée au liens du sang ou au liens familiaux.

L'état national a pour ambition ET LEGITIMITE de servir la nation.

 

On 9/30/2024 at 4:48 PM, Mégille said:

Ce qui sépare un empire cosmopolite d'une méga-nation (à propos de laquelle tout ce qu'on dit sur les états nations devient vrai) au fond, ce n'est rien d'autre qu'une question de temps.

Non. L'empire ne "dégénère" pas forcément en méga-nation. C'est d'ailleurs une divergence fondamentale entre nos points de vue.

Une nation est une cause pour laquelle les citoyens en armes sont prêt à aller au front.

Par ce qu'en fait ta méga-nation ressemble plus à un état providence en phase décadente.

 

Je pense que l'évolution est plutôt

 

Nation  ( --> Nation coloniale  --> ) Empire --> Blob (méga-nation dans ta terminologie) --> éclatement ou conquête subie

 

La Nation coloniale, c'est une nation qui a conquis des territoires peuplées, mais dont les "colonisés" n'ont pas le statut de citoyen, ni de pouvoir  politique non-local, et dont les élites dirigeantes ne se considèrent loyale qu'à la seule nation mère.

 

Elle peut redevenir une nation ( par exemple, la France a annexé la Provence  et IMPOSEE sa culture) en assimilant les populations occupées au projet national, rester temporairement une nation coloniale (comme la Chine occupant le Tibet ou Athènes encaissant ses tribus de la ligue de Délos) ou devenir un empire quand Macron Sylla puis César font entrer des non-romains aux Sénat. La Nation n'est pas détachable de la préférence nationale dans le domaine politique, contrepartie de la conscription. 

 

Notes que je considère le projet de Mélenchon ou Sandrine Rousseau comme totalement impérial.

 

On 9/30/2024 at 4:48 PM, Mégille said:

Est-ce que l'empire romain est devenu plus libéral quand tout le monde s'est mis à parler grec ou latin en oubliant ses anciennes langues, est-ce que l'empire arabe est devenu plus libéral quand les syriens et les égyptiens se sont mis à se considérer comme arabes eux aussi... je n'en suis pas sûr. 

Non, évidemment. Mais il y a un très bon bouquin la dessus

https://www.amazon.fr/Rome-libéralisme-socialisme-Leçon-antique/dp/2865532496

 

On 9/30/2024 at 4:48 PM, Mégille said:

Il me semble que ce qui fait que tu vois la nation comme une meilleure garante de la liberté est que tu vois mieux en quoi elle peut être prise comme une source de légitimité, et donc, quelques stratégies pour exiger une liberté individuelle en s'appuyant sur elle.

Pour moi, il y a deux arguments distincts

  • le "dirigeant" d'une nation a besoin d'user de moins de coercition pour affirmer la légitimité de son régime, il est donc moins enclin à "mater les populations rebelles"
  • la nation est un projet collectif visant à l'intérêt de ses membres, la liberté du citoyen est donc un bien en soi (et pas simplement un moyen).
On 9/30/2024 at 4:48 PM, Mégille said:

Mais il me semble que tous les états durables doivent se trouver une source de légitimité quelconque, et qu'avec suffisamment d'inventivité, on pourra toujours s'en servir pour cour-circuiter l'autoritarisme. Donne moi même une théocratie de n'importe quelle confession, je te trouve un bidule dans leur texte qui devrait impliquer le libéralisme. 

Tu as beaucoup parlé d'empires. La théocratie, c'est pas toujours top, mais c'est une bestiole différente.

Notes que toute théocratie ayant une religion différente de ses voisins es de-facto une nation très nationaliste (sentiment très clair de qui est étranger).

C'est par exemple le cas d'Israël ou de l'Iran.

 

On 9/30/2024 at 4:48 PM, Mégille said:

D'ailleurs, même la théorie du droit naturel s'est d'abord développé essentiellement pour justifier les prétentions à dominer le monde de Rome.

L'héritage romain me semble très fécond, bien plus libéralisant que l'héritage Assyrien ou islamique.

 

On 9/30/2024 at 4:48 PM, Mégille said:

La France de 1914, qui allait de Lille à Brazzaville, en passant par Alger et Tombouctou, n'avait pas grand chose d'une nation hors de sa petite partie centrale, effectivement.

La démographie et les communications étaient très différentes, la partie centrale n'était pas "petite" vue de Paris ou de l'hexagone.

 

On 9/30/2024 at 4:48 PM, Mégille said:

Mais je répétait ici l'analyse de Arendt, qui va dans ton sens : les états européens auraient cessé d'être des nations en devenant des empires coloniaux, et les totalitarismes seraient nés non pas par excès de nationalisme, mais simplement par application dans les métropoles des logiques administratives (dé-politisées et dé-nationalisées) issues de la gestion des colonies.

lol ...

L'Italie, le Japon, la Russie ou l'Allemagne n'ont pas été entraînées dans le totalitarisme par la gestion leurs colonies.

Le Royaume-Uni et la France non plus

 

On 9/30/2024 at 4:48 PM, Mégille said:

Et c'est bien joli... mais ça omet que c'est bien le nationalisme qui nous a poussé à subjectivement accepter les totalitarismes, et que c'est en essayant de transmettre notre identité subjective aux colonisés qu'on a essayé de pérenniser leur domination. 

Encore une fois, le projet soviétique est explicitement antinational, le projet nazi n'est ni colonial ni évangélisateur (il est par contre national et détestable). Le seul point sur lequel je peux vaguement te rejoindre, c'est qu'une nation qui a conquis une colonie doit au choix l'assimiler, en faire un protectorat (US et Philipinnes ou Japon, par exemple) ou devenir un empire. 

  • Yea 1
Link to comment

Create an account or sign in to comment

You need to be a member in order to leave a comment

Create an account

Sign up for a new account in our community. It's easy!

Register a new account

Sign in

Already have an account? Sign in here.

Sign In Now
×
×
  • Create New...