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Je me suis demandé où et quand est apparue l'histoire économique, j'ai un indice sur la réponse:

 

"Tout métèque pouvait exercer un métier, quoiqu'il ne pût posséder un fonds: les naturels avaient seulement pour la vente au marché quelque avantage sur les étrangers, qui étaient obligés d'en acheter la permission. La loi de Solon qui défendait aux hommes de vendre des parfums […] avait un but purement moral, d'éloigner les hommes du travail des femmes ; elle n'était plus observée dans la suite ; Æschine le philosophe avait une fabrique de cette denrée. Au moyen d'une liberté entière, de la foule des métèques et des esclaves, de la faculté de faire de grandes exportations maritimes, enfin par l'étendue des besoins intérieurs qu'augmentait encore le concours des étrangers, tous les arts fleurirent, de nombreuses fabriques s'établirent et occupèrent un peuple d'ouvriers. Les armes et autres ouvrages en métal, les meubles, les étoffes d'Athènes étaient renommés ; les tanneurs, les armuriers, les fabricans de lampes et de tissus ; les meuniers et les boulangers mêmes, qui excellaient dans leur art, vivaient dans l'abondance. On pourrait croire que les prix des marchandises étaient proportionnellement peu élevés, puisqu'il y avait toute liberté d'industrie, et que les ouvriers et quelquefois les chefs d'atelier étant esclaves, le salaire devait être bas ; mais ils étaient augmentés par l'étendue de l'exportation, ainsi que par le taux très fort de l'intérêt que prenaient les fabricans et les négocians pour qui c'était une source de profits. Cependant plusieurs choses, comme le pain et le vêtemens, se préparaient dans l'intérieur de la plupart des familles et ne s'achetaient pas des artisans." 

-August Böckh, Économie politique des Athéniens, tome 1, Paris, A. Sautelet et Cie, 1828 (1817 pour la première édition allemande), 484 pages, pp.75-77.

  • 1 month later...
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Certains ici ont lu les livres de Graeber ? Il devient très populaire auprès de certaines connaissances à gauche. J'ai lu Bullshit jobs et j'ai été assez d'accord avec le propos général, mais la manière téléologique dont il l'amenait m'a dérangé.

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J'ai enchaîné 2 recueils d'articles du LvMI, à savoir Bourbon for Breakfast de Jeff Tucker et The Left, the Right and the State de Lew Rockwell. Le point amusant, c'est que je suis persuadé qu'en test aveugle, je serais incapable de deviner correctement l'auteur de nombreux articles (mis à part quelques éléments de style). Comme le veut le format, c'est très inégal, on passe d'articles très bons à des trucs très bofs. Notamment les articles de lifestyle de Tucker qui sont soit ennuyeux, soit WTF avec son obsession pour le day drinking. J'avais aussi oublié à quel point Lew pouvait être virulent contre le GOP qu'il traite de fascistes à plusieurs reprises. Il a une analyse intéressante du conservatisme dans cet article (https://www.lewrockwell.com/2007/04/lew-rockwell/neither-conservative-nor-progressive/), avec le besoin constant de conflit historique qui passe de l'URSS à l'Islam. Bref, la vieillesse est vraiment un naufrage dans son cas.

 

Pour passer à quelque chose de plus fun, j'ai commencé Cryptonomicon de Neal Stephenson. Je n'en suis même pas à 10% du livre et il vient déjà de sortir une énorme baffe aux post-modernistes 20 ans avant que ces derniers ne soient connus du grand public. Sacrément visionnaire.

  • Yea 1
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Travaillant sur mon prochain livre sur les maîtres de forge de la Loire, j'ai acheté un petit volume publié par la Sedif en 1945 et signé par Marcel Crozet-Fourneyron, dernier représentant ou presque d'une illustre famille de la métallurgie (apparentée à Benoît Fourneyron, l'inventeur de la turbine) : Responsabilité.

C'est un plaidoyer désespéré pour le libéralisme à un moment où triomphent les idéologies anti-libérales.

Il fait de nombreuses citations (Lippman, Lhoste-Lachaume, Bastiat, Adam Smith…) et à de nombreuses reprises un certain Ed. Julia qui semble être Édouard Julia, chroniqueur au Temps. Quelqu'un en a-t-il entendu parler ?

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Salut les lecteurs distingués, La Route de la Servitude a été écrit en anglais ou en allemand à l'origine ?

Je pense que c'est anglais, vu qu'il a été publié au Royaume-Uni en premier. Mais je garde un petit doute.

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il y a 18 minutes, Mister_Bretzel a dit :

Salut les lecteurs distingués, La Route de la Servitude a été écrit en anglais ou en allemand à l'origine ?

Je pense que c'est anglais, vu qu'il a été publié au Royaume-Uni en premier. Mais je garde un petit doute.

Oui anglais. On peut apprécier le style de Hayek et sa maîtrise de la langue d'ailleurs.

TIL:

Citation

George Orwell responded with both praise and criticism, stating, "in the negative part of Professor Hayek's thesis there is a great deal of truth. It cannot be said too often – at any rate, it is not being said nearly often enough – that collectivism is not inherently democratic, but, on the contrary, gives to a tyrannical minority such powers as the Spanish Inquisitors never dreamt of." Yet he also warned, "[A] return to 'free' competition means for the great mass of people a tyranny probably worse, because more irresponsible, than that of the state."[51]

https://en.wikipedia.org/wiki/The_Road_to_Serfdom#Reviews

  • Yea 1
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Il y a 7 heures, Dardanus a dit :

Travaillant sur mon prochain livre sur les maîtres de forge de la Loire, j'ai acheté un petit volume publié par la Sedif en 1945 et signé par Marcel Crozet-Fourneyron, dernier représentant ou presque d'une illustre famille de la métallurgie (apparentée à Benoît Fourneyron, l'inventeur de la turbine) : Responsabilité.

C'est un plaidoyer désespéré pour le libéralisme à un moment où triomphent les idéologies anti-libérales.

Il fait de nombreuses citations (Lippman, Lhoste-Lachaume, Bastiat, Adam Smith…) et à de nombreuses reprises un certain Ed. Julia qui semble être Édouard Julia, chroniqueur au Temps. Quelqu'un en a-t-il entendu parler ?

Je ne crois pas en avoir entendu parler. Mais avec un titre comme ça, il devrait plaire à un Alain Laurent. Une petite revue de lecture pour CP ? :)

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Il y a 5 heures, Rincevent a dit :

Je ne crois pas en avoir entendu parler. Mais avec un titre comme ça, il devrait plaire à un Alain Laurent. Une petite revue de lecture pour CP ? :)

Ma question ne portait pas sur Crozet-Fourneyron mais sur Édouard Julia.

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Je recherche un ouvrage de Vilfredo Pareto dont free_jazz avait parlé en ces lieux il y a de nombreuses années. Il s'agirait d'un ouvrage de sociologie qui tenterait d'expliquer pourquoi le libéralisme économique est encore combattu par certaines classes sociales alors qu'il est scientifiquement démontré qu'il permet le plus grand acroissement des richesses pour le plus grand nombre. @F. mas une idée du titre ?

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il y a 3 minutes, Johnnieboy a dit :

Je recherche un ouvrage de Vilfredo Pareto dont free_jazz avait parlé en ces lieux il y a de nombreuses années. Il s'agirait d'un ouvrage de sociologie qui tenterait d'expliquer pourquoi le libéralisme économique est encore combattu par certaines classes sociales alors qu'il est scientifiquement démontré qu'il permet le plus grand acroissement des richesses pour le plus grand nombre. @F. mas une idée du titre ?

J'ai écrit Libre-échangisme, protectionnisme et socialisme mais je crois que free_jazz a surtout apprécié mes Systèmes socialistes à ce sujet. Les dérivations des marxistes m'ont toujours amusé.

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il y a 6 minutes, Vilfredo Pareto a dit :

J'ai écrit Libre-échangisme, protectionnisme et socialisme mais je crois que free_jazz a surtout apprécié mes Systèmes socialistes à ce sujet. Les dérivations des marxistes m'ont toujours amusé.

 

Je crois qu'il s'agit du premier ! Merci !

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J'ai relevé des articles publiés à sa mort. On a publié à titre posthume une anthologie de ces chroniques dans la presse sous un titre prometteur : l'État, ce néant.

C'est visiblement quelqu'un complètement oublié.

Dans la revue Esprit en 1937, on peut lire : "sa mort nous a privés du spectacle de la froide colère dont l'avènement du front populaire eût fait vibrer ce défenseur hargneux de l'orthodoxie libérale. Hargneux mais intelligent, brillante incarnation d'un régime condamné."

  • Yea 1
  • 2 weeks later...
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"L'école des barbares" de 1985 (je ne sais pas s'il y a différence entre les éditions plus recentes).

 

https://www.amazon.fr/Lecole-barbares-Stal-Thom/dp/2260004105

 

Très intéressant et actuel.

 

Et de cette façon, déprimante.

 

Le livre parle du système d'éducation (en France mais peut servir en quelque pays du monde), la pédagogie, les syndicats, la manipulation, le socialisme.

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-Michel Brix, « L'idéalisme fin-de-siècle », Romantisme, 2004/2 (n° 124), p. 141-154. DOI : 10.3917/rom.124.0141. URL : https://www.cairn.info/revue-romantisme-2004-2-page-141.htm
 

-Myriam Roman, « Ce cri que nous jetons souvent » : le Progrès selon Hugo, Romantisme, Année 2000, 108, pp. 75-90: https://www.persee.fr/doc/roman_0048-8593_2000_num_30_108_979

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Je lis pas mal d'épistémologie en ce moment (Le Probable, le possible et le virtuel de Gilles-Gaston Granger, Introduction à la philosophie des mathématiques de Panza et Sereni) et je suis tombé sur un classique apparemment, "Is there a logic of discovery?" de N. R. Hanson. Je suis assez partagé par ses arguments et je sais qu'il y a des pointures en épistémo sur le forum ( @Lancelot, @Anton_K et @Mégille si ça vous intéresse vos commentaires sont particulièrement bienvenus) et je serais très curieux d'avoir vos avis à tous. J'ai résumé en quelques paragraphes son argumentation:

 

En gros :

Hanson distingue la logique de la justification (pourquoi telle hypothèse a été adoptée, donc après formulation) de la logique de la découverte (pourquoi l'hypothèse a été formulée) et argue qu'on peut logiquement rendre compte à la fois de la justification et de la formulation de cette hypothèse plutôt que d'une autre, alors qu'on considère généralement (Kuhn, Popper, Feyerabend) que le processus qui aboutit à la formulation seule de l'hypothèse est historique, psychologique en tout cas illogique. Ces deux logiques, sans surprise, ne fonctionnent pas de la même façon, càd que les raisons pour lesquelles on accepte l'hypothèse ne sont pas de même espèce que celles pour lesquelles on la suggère: alors que la logique de la justification est hypothético-déductive, la logique de la découverte est rétroductive:

(1) un phénomène observé est surprenant

(2) si telle hypothèse était vérifiée, le phénomène ne serait plus surprenant

(3) donc telle hypothèse expliquerait le phénomène.
 

En détails :

Ce que la logique de la découverte fait n'est pas une formalisation du processus psychologique du savant mais l'explication du processus par lequel le savant "a mis le doigt" sur cette idée. Les raisons pour lesquelles on accepte l'hypothèse sont celles qui nous font croire que h est vraie, tandis que les raisons pour lesquelles on suggère l'hypothèse sont celles qui nous font croire que l'hypothèse est plausible. Par exemple Hanson pose la question : « qu’est-ce qui a conduit Kepler à supposer que les planètes avaient une orbite elliptique pour expliquer la vitesse surprenante de Mars à 90 et 270° d’anomalie excentrique, supérieure à la vitesse qu’elle pourrait acquérir si elle était circulaire ? » Pourquoi a-t-il décidé que la bonne hypothèse était la forme de l’orbite et non les lunes de Jupiter ?

 

Hanson explique le raisonnement par analogie : l’hypothèse que Jupiter a aussi une orbite elliptique, supputée par analogie avec l’hypothèse selon laquelle Mars a une orbite elliptique (depuis Eudoxe apparemment Mars est considérée comme une planète typique donc si elle a une orbite elliptique, on peut raisonnablement penser que Jupiter aussi). Cette analogie est logique dit-il, sans pour autant qu’avant l’observation et les calculs, on puisse la considérer comme vraie/justifiée. « Logique » pour Hanson veut dire ici : l’étude des raisons et des conclusions pour savoir si les raisons sont bonnes ou mauvaises. Logique parce qu’on n’a besoin d’aucune expérience pour déterminer si ces raisons sont bonnes ou non, ce qui est différent de « vrai ou faux ». On n’établit pas l’hypothèse, on détermine de quel type l’hypothèse sera (par analogie avec une autre hypothèse, comme pour Jupiter et Mars).

(1) L’hypothèse 1 fait état d’une certaine relation entre A et B ;

(2) l’hypothèse 2 fait état d’une certaine relation entre C et D ;

(3) si la relation entre C et D est analogue à celle entre A et B, alors l’hypothèse 2 sera du même type que l’hypothèse 1.

(On notera que pour déterminer (3), il faut faire une expérience ou avoir déjà à disposition les expériences/observations qui font état des relations A-B/C-D. C’est alors qu’on établira l’hypothèse. Mais pour le moment, le raisonnement est valide même si les hypothèses sont fausses et même si l’on ne sait rien des relations A-B/C-D. C’est en cela que c’est un raisonnement logique a priori. Tout ce qu'on suggère est une hypothèse et de quel type d'hypothèse il s'agit.) Pour la loi de la gravitation par exemple, Newton savait comment estimer la force d’un petit globe sur la face intérieure d’une sphère et il connaissait la loi de Kepler sur la proportionnalité du carré de la révolution au cube de la distance et donc il en a logiquement déduit le type d’hypothèse à faire : la loi de la gravitation devait être du type : force inversement proportionnelle au carré de la distance.

 

Donc il existe des arguments logiques en faveur de ces types de lois avant même que ces lois ne soient découvertes ou justifiées/corroborées. En passant, Hanson glisse une critique de l’inductivisme comme constitutif des lois physiques : on n’explique pas pourquoi les prismes décomposent la lumière solaire en disant que tous les prismes le font. C’est au contraire après qu’on aura expliqué pourquoi un prisme donne naissance à un spectre qu’on pourra formuler des lois (la loi de Snell-Descartes par exemple). Il y a un saut qualitatif entre l’agrégation des données (induction) et la loi (explication).

 

Discuss! :icon_vert:

 

Pour lancer le débat je me demande pourquoi Hanson emploie le terme "logique" plutôt que le terme "rationnel" (qui est psychologique) pour qualifier les "bonnes" hypothèses. Ne serait-il pas plus adéquat?

  • Yea 1
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Je n'ai pas de commentaire direct mais ça me renvoie à l'Essai sur la psychologie de l'invention dans le domaine mathématique par Hadamard, dans lequel il définit ledit processus en quatre phases :

  • préparation (où le mathématicien se familiarise avec le problème, les différentes pistes de solutions proposées par d'autres, épuise les erreurs triviales... jusqu'à arriver au bout de sa capacité à progresser)
  • incubation (un temps plus ou moins long où aucun progrès n'est fait, où le mathématicien "rumine")
  • illumination (le mathématicien a soudain l'intuition d'une solution, typiquement alors qu'il était en train de faire autre chose)
  • vérification (le mathématicien travaille sur une démonstration formelle pour confirmer ou infirmer son intuition)

Il me semble que la différence établie ici entre logique de découverte et logique de justification recoupe celle entre les étapes plus psychologiques d'illumination et de vérification.

Si je me souviens bien Hadamard (ou peut-être Poincaré dont une conférence est entièrement retranscrite à la fin du bouquin) dit que le génie du mathématicien n'est pas tant de savoir formuler ou vérifier des hypothèses, ce que n'importe quelle machine peut aussi faire, mais de savoir sélectionner les hypothèses intéressantes alors qu'il y a une infinité d'options. L'analogie me semble être un bon principe dans cette optique.

  • Yea 2
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Très éclairant merci beaucoup. Tu cites souvent Hadamard & Poincaré, j'ai seulement lu La Science et l'hypothèse, je lirai aussi le bouquin que tu cites.

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Il y a 20 heures, Vilfredo Pareto a dit :

Discuss! :icon_vert:


There goes mon samedi. C'est une question passionnante sur laquelle j'ai quelque expérience puisque j'ai travaillé à une époque sur les représentations logiques du raisonnement analogique.

 

J'ai presque fini ma réponse mais j'ai juste une question : peux-tu détailler précisément, dans le cas de Mars et Jupiter, quelles sont A, B, C et D et l'hypothèse 1 et 2 ? J'ai l'impression que l'hypothèse 1 est que Mars a une orbite elliptique, donc l'hypothèse 2 est que Jupiter a une orbite elliptique. J'imagine que A et C ou B et D sont respectivement "Mars est une planète typique" et "Jupiter est une planète typique", mais il me manque l'autre couple de lettre pour vérifier un truc. Merci !

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il y a une heure, Anton_K a dit :

J'ai presque fini ma réponse mais j'ai juste une question : peux-tu détailler précisément, dans le cas de Mars et Jupiter, quelles sont A, B, C et D et l'hypothèse 1 et 2 ? J'ai l'impression que l'hypothèse 1 est que Mars a une orbite elliptique, donc l'hypothèse 2 est que Jupiter a une orbite elliptique. J'imagine que A et C ou B et D sont respectivement "Mars est une planète typique" et "Jupiter est une planète typique", mais il me manque l'autre couple de lettre pour vérifier un truc. Merci !

En fait je ne crois pas que Hanson utilise le raisonnement avec ces variables comme modélisation des hypothèses de Kepler sur Jupiter et Mars en particulier. Simplement que si les A sont des B de la façon dont les C sont des D, alors l'hypothèse 1 sur A-B sera du type de celle (la 2) sur C-D. However,

(hypothèse 1) la relation entre 'Mars' (A) et 'Jupiter' (B) est telle que Mars est un modèle pour Jupiter (planète typique)

(hypothèse 2) la relation entre 'l'orbite de Jupiter' (D) et 'celle de Mars' (C) est telle que l'orbite de Mars est un modèle pour celle de Jupiter

(hypothèse 3) donc l'hypothèse 1 est du même type que l'hypothèse 2 car toutes deux postulent une relation similaire entre leurs objets (i.e. A modèle de B / C modèle de D).

Et on a une raison valable de suggérer l'hypothèse: "Jupiter a une orbite elliptique".

Là je précise que c'est moi qui essaie d'écrire ce qu'Hanson aurait répondu. C'est tout simplement que l'hypothèse 2 est un développement analytique de l'hypothèse 1, donc pas étonnant qu'elles soient du même "type".

Merci à toi :)

 

  • Yea 1
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Il y a 13 heures, Vilfredo Pareto a dit :

Merci à toi :)

 

Bon, je vous préviens, ça va être long.

 

Le 01/05/2020 à 20:25, Vilfredo Pareto a dit :

Hanson distingue la logique de la justification (pourquoi telle hypothèse a été adoptée, donc après formulation) de la logique de la découverte (pourquoi l'hypothèse a été formulée) et argue qu'on peut logiquement rendre compte à la fois de la justification et de la formulation de cette hypothèse plutôt que d'une autre, alors qu'on considère généralement (Kuhn, Popper, Feyerabend) que le processus qui aboutit à la formulation seule de l'hypothèse est historique, psychologique en tout cas illogique. Ces deux logiques, sans surprise, ne fonctionnent pas de la même façon, càd que les raisons pour lesquelles on accepte l'hypothèse ne sont pas de même espèce que celles pour lesquelles on la suggère: alors que la logique de la justification est hypothético-déductive, la logique de la découverte est rétroductive:

(1) un phénomène observé est surprenant

(2) si telle hypothèse était vérifiée, le phénomène ne serait plus surprenant

(3) donc telle hypothèse expliquerait le phénomène.

 

Je suis plutôt d’accord avec l’énoncé mis en gras, dans un sens qui m’oppose à la vision prêtée à Kuhn et Popper (je ne connais pas trop Feyerabend), à condition de mettre des caveat concernant ce que l'on entend par « rendre compte », et ce que l’on entend par « logique ».

 

Je n'arrive pas à me débarrasser de l'impression qu’établir une séparation dans le travail scientifique entre des processus "psychologiques" et des processus "logiques" relève d'une erreur de catégorie. Deux indices de cette erreur probable : on parle de "rendre compte", une notion épistémique vague, qui n'est ni clairement la vérification, ni la formalisation, ni l'explication ou la prédiction descriptive. Ensuite, on parle de processus qui "seraient" psychologiques ou logiques, ce qui ne me semble pas clair. Ce qui me semble clair c’est qu’être psychologique ou logique est une propriété d'un énoncé, en ce qu’il appartient à une théorie psychologique ou à une théorie logique. Quand on dit que les processus qui aboutissent à la formulation de l'hypothèse « sont psychologiques », veut-on dire que l'on ne devrait, ou ne pourrait, les expliquer qu'à l'aide d'une théorie psychologique ? Veut-on dire que de même, le travail que le scientifique fait quand il justifie son explication ne pourrait ou ne devrait être « expliqué » qu’à l’aide d’une théorie logique ?


Je dirais, (c’est une condition nécessaire, pas suffisante) qu’une théorie logique est un ensemble de règles. Ici par règle j’entends quelque chose de très large : une proposition décrivant une relation. Une règle est aussi quelque chose dont il est possible de vérifier si elle est respectée ou non. Cela n’implique pas qu’une règle au sens où je l’entends n’apparaît que dans des énoncés prescriptifs, falsifier un énoncé descriptif est aussi constater qu’une règle n’est pas vérifiée. Il y a un sens restreint dans lequel une logique est un ensemble de règles qui décrivent les relations entre les valeurs de vérité d'énoncés formalisés. Par énoncé j’entends une proposition affirmée ou niée, c’est-à-dire munie d’une valeur de vérité. On pourrait appeler ça une vision sémantique de la logique. En ce sens, la vérification du respect de règles logiques s'exerce dans un cadre assez réduit : dans un document, quasiment nécessairement écrit, où l'hypothèse reçoit une seule expression, à laquelle est attachée sa valeur de vérité. Il s’agit alors de vérifier, non pas si les énoncés sont vrais ou faux, mais si la séquence d’énoncés respecte certaines règles de transmission de la valeur de vérité. Mais pour pouvoir faire cette vérification, il faut que l’objet manipulé soit susceptible de se voir attribuer sans ambiguïté une valeur de vérité, donc que ce soit une proposition formalisable.

 

C’est ce qui fait que Frege parle de la logique comme d'une théorie du vrai, c'est que pour lui, les propositions formalisées et munies d’une valeur de vérité (les énoncés), dont les relations sont décrites par la logique, ne sauraient être considérées comme des représentations mentales. Mais cela implique aussi que le but de la logique n’est pas d'expliquer la manière dont le scientifique raisonne, même lorsque celui-ci est en train de justifier sa théorie en appliquant des règles logiques. Peut-on utiliser une certaine logique pour expliquer ce que le scientifique écrit ? Oui, mais seulement s’il est déjà réputé appliquer cette logique. Si le scientifique essayait de justifier son hypothèse en violant des règles logiques, les règles logiques n’expliqueraient plus son raisonnement. Par ailleurs le respect de règles logiques par un scientifique est aussi un phénomène psychologique. Et si donner une explication psychologique de la formulation d'une hypothèse peut sembler inaccessible, donner une explication psychologique de l'application de règles logique par un scientifique ne semble ni plus ni moins inaccessible. D’une certaine manière, une théorie psychologique qui utiliserait un modèle pourrait aussi être vue comme une règle, mais cette règle (disons cette loi) porte sur des états mentaux qui ne sont pas des énoncés.


    Pour résumer, si on pose que le processus scientifique a deux étapes : formulation d’hypothèse et justification d’hypothèse, une version parcimonieuse et charitable de la position attribuée à Kuhn et Popper me semble être :

  • que les deux étapes correspondent à des phénomènes qui pourraient (mais c’est surement difficile) être décrits par des lois psychologiques.
  • que la deuxième étape, parce qu’elle se manifeste par la rédaction de documents où les hypothèses et le raisonnement qui les convoque sont formalisés, se prête, de surcroit, à une vérification logique.


Dès lors que l'on parle du travail intellectuel situé en amont de la rédaction de ce document dans lequel l’hypothèse est justifiée, se posent plusieurs difficultés. Ce travail d’élaboration de l’hypothèse se manifeste-t-il par la manipulation explicite d’énoncés ? Si ce n’est pas le cas, que l’hypothèse ne se donne pas encore à ce stade comme une unique proposition mais plutôt comme un ensemble de représentations mentales plus ou moins confuses, et que de ce fait il n’est pas possible de lui attribuer sans ambiguïté la valeur de vérité, alors il n’est pas possible d’appliquer de vérification logique à cette partie du processus, si on entend logique au sens sémantique. Donc jusqu’ici, je donne raison à Kuhn et Popper, quant au fait que la vérification logique, si on entend la logique au sens sémantique ou frégéen, ne s’applique qu’à la seconde partie du travail scientifique. En revanche je prétends que cette vérification logique ne constitue pas une explication de cette seconde partie du travail au même sens où une théorie psychologique en constituerait une explication, car cette explication logique n’est fiable que tant que le scientifique raisonne en observant des règles logiques.


Venons-en à l’exemple du raisonnement par analogie qui me semble propice à nous permettre de progresser sur cette ligne de réflexion :

 

Citation

Hanson explique le raisonnement par analogie : l’hypothèse que Jupiter a aussi une orbite elliptique, supputée par analogie avec l’hypothèse selon laquelle Mars a une orbite elliptique (depuis Eudoxe apparemment Mars est considérée comme une planète typique donc si elle a une orbite elliptique, on peut raisonnablement penser que Jupiter aussi). Cette analogie est logique dit-il, sans pour autant qu’avant l’observation et les calculs, on puisse la considérer comme vraie/justifiée. « Logique » pour Hanson veut dire ici : l’étude des raisons et des conclusions pour savoir si les raisons sont bonnes ou mauvaises. Logique parce qu’on n’a besoin d’aucune expérience pour déterminer si ces raisons sont bonnes ou non, ce qui est différent de « vrai ou faux ». On n’établit pas l’hypothèse, on détermine de quel type l’hypothèse sera (par analogie avec une autre hypothèse, comme pour Jupiter et Mars).

 

Dans le passage en gras Hanson témoigne d’une conception de la logique qui

  1. est compatible avec un aspect important de la conception sémantique de la logique : une théorie logique décrit des relations entre « raisons et conclusions », qui ne dépendent pas de si telle ou telle raison ou conclusion est vraie ou fausse. C’est une théorie de la « formelle » du raisonnement au sens de Kant.
  2. mais qui n’est prétendument pas formaliste au sens mathématique du terme.
  3. Il n’est pas clair que sa conception de la logique nécessite que l’objet manipulé soit une proposition pouvant être munie d’une valeur de vérité.

 

Citation

Pour lancer le débat je me demande pourquoi Hanson emploie le terme "logique" plutôt que le terme "rationnel" (qui est psychologique) pour qualifier les "bonnes" hypothèses. Ne serait-il pas plus adéquat?

 

C'est peut-être parce qu'il veut insister sur le fait que les règles qui amènent à formuler les "bonnes hypothèses", qui procèdent certes d'une faculté psychologique que l'on pourrait appeler rationnelles, ces règles peuvent, de surcroit, être formulées comme des règles logiques, c'est-à-dire des règles d'association de propositions indépendantes du contenu de ces propositions.

 

Citation

(1) L’hypothèse 1 fait état d’une certaine relation entre A et B ;

(2) l’hypothèse 2 fait état d’une certaine relation entre C et D ;

(3) si la relation entre C et D est analogue à celle entre A et B, alors l’hypothèse 2 sera du même type que l’hypothèse 1.

(On notera que pour déterminer (3), il faut faire une expérience ou avoir déjà à disposition les expériences/observations qui font état des relations A-B/C-D. C’est alors qu’on établira l’hypothèse. Mais pour le moment, le raisonnement est valide même si les hypothèses sont fausses et même si l’on ne sait rien des relations A-B/C-D. C’est en cela que c’est un raisonnement logique a priori. Tout ce qu'on suggère est une hypothèse et de quel type d'hypothèse il s'agit.) Pour la loi de la gravitation par exemple, Newton savait comment estimer la force d’un petit globe sur la face intérieure d’une sphère et il connaissait la loi de Kepler sur la proportionnalité du carré de la révolution au cube de la distance et donc il en a logiquement déduit le type d’hypothèse à faire : la loi de la gravitation devait être du type : force inversement proportionnelle au carré de la distance.

 

Dans l’exemple de Hanson, les représentations manipulées dans l’élaboration de l’hypothèse peuvent facilement être données comme propositions, et données, qui plus est, dans le langage de la théorie à laquelle l’hypothèse ressortit. Cette partie du travail de formulation de l’hypothèse pourrait donc être explicitée sous forme de séquence d’énoncés assez facilement. Si de plus l’enchaînement de ces énoncés respectait les mêmes règles logiques que le travail de justification de l’hypothèse, alors le problème serait résolu trivialement : il y aurait une réflexion susceptible de vérification logique en amont de la formulation de l’hypothèse. Ce n’est à mon avis pas vraiment l’aspect du problème de la description de l’élaboration d’une hypothèse que Kuhn avait en tête. Il pense à mon avis plutôt à ce qui dans cette élaboration consiste en la manipulation de représentations pas forcément propositionnelles, associées à des relations de pouvoir, l'influence de théories d'autres domaines scientifiques voire des influences culturelles non-théoriques. Donc il paraîtrait arbitraire et malheureux de chercher à identifier vérifiabilité logique et justification de l’hypothèse, si l’hypothèse elle-même n’était qu’un énoncé intermédiaire dans une preuve utilisant le même ensemble de règle avant et après elle. Il serait préférable de remonter aux hypothèses justifiant la formulation de l’hypothèse pour leur reposer la même question. Les choses ne se résument heureusement pas à ça dans notre cas.


Si Hanson explique le raisonnement analogique de la manière dont tu le rapportes, il est bien en train d’en donner une formalisation. On a plusieurs aspects d’une formalisation : les propositions sont remplacées par des symboles, on a clairement une inférence sur la base d’une règle qui peut être abstraite du contenu des énoncés. Ce qui semble inhabituel dans le cas du raisonnement amenant à formuler l’hypothèse du caractère elliptique de l’orbite de Mars, c’est qu’il ne relève pas de la logique du premier ordre, autrement dit on n’est pas en mesure d’utiliser ce que l’on sait sur une planète, et sur le fait d’être une planète, pour affirmer quelque chose sur l’orbite de Mars. Il ne s’agit pas de dire « Pour toute planète, si elle est typique, alors son orbite est elliptique », or « Jupiter est typique », donc « Jupiter a une orbite elliptique », parce que l’on n’est pas en mesure d’affirmer la première prémisse. Tout ce que l’on sait c’est qu’il y a une planète, Mars, qui a une orbite elliptique, et que Mars est une planète typique.


Un raisonnement analogique, à mon humble avis, concerne les relations entre relations « A est à B, ce que C est à D ». Il y a deux relations, R(A, B ) et Q(C, D), et une relation P(R, Q). La règle est la suivante : si M(R, Q), alors pour tout S, si R(A, B ) implique S(B), alors Q(C, D) implique S(D). Donc si S(B ) et Q(C, D), alors S(D). Par exemple : le Roi est à ses sujet ce que le père est à ses enfants. Donc si le père doit la sécurité à ses enfants, le Roi doit la sécurité à ses sujets. Détail technique : ici le raisonnement par analogique n’est pas à proprement parler présenter comme une règle logique mais une sorte d’axiome, on peut facilement en faire une règle en définissant un connecteur logique qui a la signification du prédicat M.


Je ne suis pas certain de trouver une formulation convaincante du raisonnement sur les planètes sous cette forme. Ce serait soit que l’orbite de Mars est à l’orbite de Jupiter ce que Mars et est Jupiter, et que Mars étant un modèle de Jupiter, l’orbite de mars serait un modèle de l’orbite de Jupiter. Mais avoir un prédicat « être un modèle de » en plus de la règle de raisonnement par analogie me semble lourd. Alternativement, l’orbite de Mars est à Mars ce que l’orbite de Jupiter est à Jupiter. Pour moi dans les deux cas l’aspect « relation entre relation » n’est pas assez évident, et on peut donner une formalisation plus simple du cas des planètes qui serait un raisonnement par stéréotypes. Soit un objet x un objet et P le prédicat « être une planète ». Il existe un ensemble T de prédicats tels que P(x) tel que si T(P), alors pour tout x, si P(x) alors T(x), ce sont les propriétés d’une planète. T est l’ensemble des propriétés typiques. Il suffit de supposer qu’être elliptique est une propriété typique.


Maintenant une remarque : on pourrait aussi vouloir modifier le calcul des prédicats de manière à ne pas affirmer, dans mon premier exemple, S(D) avec la même force qu’on affirme S(B), pour représenter la plausibilité. Pour ce faire il suffit d’associer des valeurs de vérité comprises dans un intervalle, ou de donner à la fois une valeur de vérité et de plausibilité. A partir de là si l’on voit les règles logiques comme des fonctions qui associent des valeurs des prémisses à des valeurs des conclusions, il suffit de concevoir ces fonctions comme on l’entend.


Si on accepte qu’une formalisation en logique du second ordre et un calcul des prédicats un peu exotique sont toujours de la formalisation logique, et que ce raisonnement fait bien partie du processus de formulation de l’hypothèse (et clairement il ne relève pas de la justification de l’hypothèse) alors oui, il peut y avoir des règles logiques de la formulation d’une hypothèse. Est-ce que c’est de la logique au même titre que la logique des prédicats du premier ordre bivaluée est de la logique ? Si par logique on entend un système de calcul symbolique, indépendamment du fait que celui manipule ou non des valeurs de vérité dans le système de la logique classique, alors oui, c’est de la logique.

 

Citation

Donc il existe des arguments logiques en faveur de ces types de lois avant même que ces lois ne soient découvertes ou justifiées/corroborées. En passant, Hanson glisse une critique de l’inductivisme comme constitutif des lois physiques : on n’explique pas pourquoi les prismes décomposent la lumière solaire en disant que tous les prismes le font. C’est au contraire après qu’on aura expliqué pourquoi un prisme donne naissance à un spectre qu’on pourra formuler des lois (la loi de Snell-Descartes par exemple). Il y a un saut qualitatif entre l’agrégation des données (induction) et la loi (explication).

 

Que sont ces arguments logiques, finalement? Ce sont l'application de manières d'enchaîner les représentations, dont on considère qu'elles ont des vertu a priori, indépendamment ou relativement indépendamment du sujet dont traite la théorie. Pour ma part, je suis favorable à formulation de règles décrivant des bonnes "habitudes de pensée", en ce qui concerne les activités non déductives du travail scientifique.

 

Est-ce que ces règles doivent approchées à travers des systèmes logiques ? Pour l’analogie ça peut paraître raisonnable. Est-il raisonnable de concevoir la logique dans un sens plus large, comme un ensemble de règles décrivant des relations entre des objets du genre de ceux manipulés encore plus en amont de la formulation d’hypothèse, des représentations qui ne pourraient pas recevoir la forme d’énoncés ? Et est-ce que cela amènerait à un effacement de la distinction entre psychologie, logique, et les différentes manières dont elles « rendent compte » du travail scientifique ? Cette question nous fait entrer dans le domaine de la modélisation formelle avec des outils logique, et pour y répondre il n’est à mon avis pas suffisant de considérer la logique simplement en tant que ce dont la logique est la théorie, mais il faut la voir comme un type d’outil formel avec des propriétés calculatoires, et les fonctions descriptives et normatives qu’on pourrait lui donner. Déjà, en introduisant dans notre théorie du raisonnement analogique l’usage d’un connecteur logique supplémentaire, au second ordre, et possiblement avec un calcul des prédicats plus que bivalué, l’on s’est un peu d’une notion de la logique axée sur la théorie du vrai. Ce qui nous intéresse c’est une notion de la logique comme un calcul symbolique, c’est-à-dire comme un système qui régule l’enchaînement des propositions, et qui permet éventuellement aussi de générer des enchaînements de propositions (comme dans la recherche de preuve). Le calcul symbolique a deux avantages : les objets qu’il manipule, des atomes propositionnels, et l’algèbre de son calcul, i.e. les opérations nécessaires pour vérifier qu’une preuve est correcte sont d’une complexité faible (attention toutefois, la recherche d’une preuve peut-être très complexe !). Si l’on abandonnait une modélisation symbolique d’une représentation mentale, et qu’il nous fallait décrire leur structure pour lui donner davantage de plausibilité psychologique, on ne pourrait peut-être pas conserver la simplicité du mécanisme calculatoire de la logique.


Les raisons qui peuvent faire que la logique comme outil de représentation de phénomènes psychologique, malgré son schématisme, reste intéressante, ont trait à l’usage que l’on veut faire de cette théorie. Si c’est un usage prescriptif, ce qui nous importe est simplement un langage suffisamment riche pour pouvoir exprimer la règle que l’on voudrait voir appliquée, et vérifier assez facilement si elle est ou non respectée. Mais il n’est pas utile d’atteindre un degré de raffinement qui permette aussi de remplir des usages descriptifs, car alors on ne serait peut-être pas capable de décrire les règles que l’on trouve souhaitable, et on ne serait pas capable d’évaluer si les états de fait, décrits dans ce langage adapté à la richesse des phénomènes psychologiques, sont souhaitables. Autrement dit, c’est pour pouvoir remplir efficacement son usage prescriptif que la logique doit éviter de son confondre avec la psychologie. En ce qui me concerne j’ai donné dans la modélisation logique de phénomènes psychologiques (outre les questions de raisonnement analogique), et le résultat était souvent des modèles logiques qui n’avaient aucun intérêt descriptif, et un intérêt prescriptif douteux.


La question n’est donc pas « y a-t-il une logique de la formulation des hypothèses », mais « pourquoi voudrait-on en faire une ? »

 

Il me semble qu'en tant qu'outil calculatoire, la logique n'est pas vraiment adaptée à la modélisation à des fin descriptives, car elles discrétise les objets qu'elle traite et schématise le relations entre eux. Pour moi les enjeux de la conception d'une bonne logique sont 

  •  est-on assez précis pour décrire ne pas oublier des aspects important du processus étudié,
  • est-on assez schématique pour exprimer simplement ses désidératas prescriptifs,
  • tire-t-on réellement parti des propriétés calculatoires du modèle?

 

Ensuite, est-il vraiment important, scientifiquement, d’être capable, par exemple, de déterminer si le processus de formulation d’une hypothèse a été correct ? Après tout, n’est-ce pas la capacité à justifier ou non son hypothèse qui compte ? Si l’hypothèse s’avérait vraie alors que le raisonnement, par exemple analogique, qui a amené à sa formulation était incorrect du point de vue de la logique du raisonnement analogique choisie, qu’est-ce que ça changerait ?

 

Mon intuition est que ce qui fait la qualité d’une tradition intellectuelle a à voir avec des habitudes de pensée non-déductives, des régularités qui ne sont pas forcément explicitées et élevées au rang de normes à respecter, mais qui gagneraient à être explicitées comme guides de la pensée. Le raisonnement analogique est un exemple, le raisonnement à partir de stéréotypes et l’abduction sont un autre exemple, la révision des croyances et d’autres approches logiques de la théorie bayésiennes sont encore un autre exemple. En mathématiques, je m’interroge souvent sur la question de savoir si l’on peut trouver des lois du meilleur choix du type de preuve face à un énoncé à démontrer.  Tout cela d’une certaine manière, ce sont des terrains possibles pour des « règles de la découvertes », et, si l’on trouve des formalisations suffisamment simples des représentations mentales manipulées, autant de « logiques de la découverte » à mettre à l’épreuve.

 

.... quelle aventure !


 

  • Yea 2
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Il y a 2 heures, Anton_K a dit :

Par exemple : le Roi est à ses sujet ce que le père est à ses enfants. Donc si le père doit la sécurité à ses enfants, le Roi doit la sécurité à ses enfants.

A ses sujets plutôt non? Je viens de finir de lire et je te remercie beaucoup d'avoir pris ton samedi pour répondre!

Je ferai une réponse détaillée demain mais j'avais peur d'oublier ce truc.

Posté
Il y a 10 heures, Anton_K a dit :

Par ailleurs le respect de règles logiques par un scientifique est aussi un phénomène psychologique. Et si donner une explication psychologique de la formulation d'une hypothèse peut sembler inaccessible, donner une explication psychologique de l'application de règles logiques par un scientifique ne semble ni plus ni moins inaccessible. D’une certaine manière, une théorie psychologique qui utiliserait un modèle pourrait aussi être vue comme une règle, mais cette règle (disons cette loi) porte sur des états mentaux qui ne sont pas des énoncés.

This has been intriguing me rather.

On dit qu'un énoncé ou un ensemble d'énoncés respecte les règles de la logique s'il satisfait à un certain nombre de principes formels (le principe de non-contradiction par exemple) mais ces principes s'appliquent à des énoncés uniquement.  J'ai donc du mal à comprendre la première phrase.

Le respect de règles logiques est un phénomène psychologique si on entend par là tout ce qui implique une succession d'états mentaux mais avec cette différence que le phénomène est vérifiable: on peut établir indépendamment de ce que dit le locuteur si son énoncé: "mon hypothèse respecte les règles de la logique" (qui décrit l'état psychologique qu'on appelle "respect de la logique") est vrai ou non; si on s'accorde sur le fait que le respect des règles logiques par le scientifique est un phénomène psychologique, cela veut-il dire que le raisonnement logique est une représentation de l'intention du scientifique? Le "respect des règles logiques" s'applique alors à un comportement qui fait naître des énoncés logiques. Par conséquent si ce comportement aboutit à la formulation de théories illogiques, la démonstration du non-respect de la logique par ces théories doit rétrospectivement identifier le comportement erronément appelé "respect des énoncés logiques" comme "non-respect des énoncés logiques". Donc en fait "respectueux des règles logiques" est un prédicat qui s'applique d'abord (et je donne à cette préséance un sens logique) à la théorie scientifique, ce qu'on peut formuler en disant que la théorie est telle qu'elle adopte une forme qu'on appelle "respect de la logique", mais cette forme est produite par les énoncés et rien d'autre, c'est pourquoi je me serais plutôt attendu à ce que tu écrives qu'il s'agit d'un phénomène sémantique. Il est bien différent de considérer que le respect de la logique soit un phénomène psychologique et que l'application de règles logiques soit un phénomène psychologique. Dans le 2e cas, on peut en effet imaginer des motivations psychologiques qui encouragent le scientifique à organiser ses énoncés sous une certaine forme sans pour autant que cette forme puisse être prédiquée des états psychologiques eux-mêmes. On peut par exemple mal appliquer les règles de la logique; l'application des règles de la logique décrit seulement alors l'intention qui préside à la formulation des théories. En gros je pense que les états psychologiques peuvent être la cause d'une théorie respectueuse de la logique. Le respect de la logique est donc un phénomène psychologique seulement si par "respect" on entend tout le processus par lequel on en arrive à formuler un énoncé respectueux de la logique. L'explication psychologique de la découverte ne me semble pas inaccessible mais elle me semble invérifiable (càd non susceptible d'être vraie ou fausse, donc dénuée de sens pour tout néopositiviste qui se respecte), mais elle se différencie de l'explication psychologique de l'application de règles logiques, qui ne nous intéresse pas vraiment du moment que les règles logiques sont effectivement appliquées. Peu importe la raison psychologique pour laquelle elles le sont, elle ne change rien à la validité logique du raisonnement, non? Ce qui veut dire qu'une explication psychologique qui dit "voilà pourquoi il a appliqué telles règles logiques dans la théorie A" (1) peut être réfutée par une démonstration du type "voilà pourquoi la théorie A est illogique" (2). Pour pouvoir formuler une explication psychologique comme (1), il faut auparavant avoir vérifié que (2) est faux. Alors qu'à l'inverse, une explication psychologique ne remettra jamais en cause un raisonnement logique. C'est ce que j'appelais prétentieusement plus haut la "préséance logique".

Par contre du coup je ne comprends pas la dernière phrase. La "théorie psychologique" imaginée est-elle une théorie scientifique? Le fait qu'elle porte sur des états mentaux qui ne sont pas des énoncés ne l'empêche pas elle d'être constituée d'énoncés potentiellement logiques ou illogiques et donc de tomber dans le même cadre que le reste :jesaispo: ou alors je peux aussi la comprendre comme concernant une théorie psychologique qui parle des états mentaux du scientifique, mais dans ce cas, comme ces états mentaux ne sont pas des énoncés (comme tu le dis), elle n'est pas susceptible de nous dire si le scientifique mène un raisonnement logique ou illogique si c'est ce que tu voulais dire, comme le suggère ton identification entre "psychologique" et "respectueux de la logique" que j'ai essayé de brainstormer juste au-dessus. Ce que je crois comprendre, c'est que ton raisonnement est: le respect de la logique est aussi psychologique, donc on peut imaginer une théorie psychologique qui distingue les états mentaux "respectueux de la logique" des états mentaux "non-respectueux de la logique" par une "loi". Ça ne colle pas trop avec ce que tu dis après.

 

Il y a 11 heures, Anton_K a dit :

Il n’est pas clair que sa conception de la logique nécessite que l’objet manipulé soit une proposition pouvant être munie d’une valeur de vérité.

 

Le 01/05/2020 à 20:25, Vilfredo Pareto a dit :

Mais pour le moment, le raisonnement est valide même si les hypothèses sont fausses

Une proposition (1) de la forme "si A alors B" est valide si A et B sont faux, vrais ou si seulement B est vrai dans le cas où l'implication signifie seulement ¬(A ∧ ¬B). Je distinguerais les propositions (A et B), qui ont une valeur de vérité mais qu'on ne connaît pas encore à ce stade, du raisonnement (1) qui est susceptible seulement de validité ou d'invalidité. Hanson ne semble commencer à parler de logique que quand plusieurs propositions entrent en jeu (dans les analogies). Pour répondre à ton point 3, il ne manipule tout simplement pas des propositions individuelles.

 

Il y a 12 heures, Anton_K a dit :

Ce qui semble inhabituel dans le cas du raisonnement amenant à formuler l’hypothèse du caractère elliptique de l’orbite de Mars, c’est qu’il ne relève pas de la logique du premier ordre, autrement dit on n’est pas en mesure d’utiliser ce que l’on sait sur une planète, et sur le fait d’être une planète, pour affirmer quelque chose sur l’orbite de Mars. Il ne s’agit pas de dire « Pour toute planète, si elle est typique, alors son orbite est elliptique », or « Jupiter est typique », donc « Jupiter a une orbite elliptique », parce que l’on n’est pas en mesure d’affirmer la première prémisse. Tout ce que l’on sait c’est qu’il y a une planète, Mars, qui a une orbite elliptique, et que Mars est une planète typique.

Le raisonnement analogique s'applique seulement à l'orbite elliptique pour Jupiter, la nature typique de Mars et donc de son ellipse étant posée. It begs the question: comment a-t-on établi ça pour Mars? En fait on ne ne peut en effet pas faire de raisonnement par analogie à l'infini, tu as raison. Mais ayant établi que Mars est typique, imaginons qu'on ne sache rien de Jupiter sauf que c'est une planète (supposition de Hanson) mais qu'on sache tout ce que tu dis que l'on sait de Mars.

(1) Jupiter est une planète.

(2) Mars est une planète et c'est une planète typique et elle a une orbite elliptique.

(3) Donc Jupiter a une orbite elliptique puisque c'est une planète.

Par contre à un moment il a bien fallu commencer par établir que Mars était typique. Je ne sais pas comment établir cela autrement que par induction. Je ne m'y connais pas du tout en astronomie et je n'ai jamais entendu parler de "planète typique" donc je ne sais pas comment on établit qu'une planète est typique (et d'ailleurs Mars n'est pas identique à Jupiter donc quelles sont les caractéristiques communes entre une planète typique et les autres planètes? Hanson écrit seulement: "les propriétés dynamiques de Mars se retrouvent dans les autres planètes" mais on n'a pas observé toutes les autres planètes donc par "planète" on entend "planète du système solaire" et tout ça sent l'induction (on n'a pas la preuve théorique que toutes les planètes qu'on observera jamais partageront les propriétés dynamiques de Mars, ce qui exclut d'avance mon premier point ci-dessous mais for the sake of the argument je vais quand même le mettre et tu me diras) mais:

  • soit on peut établir qu'une planète est typique par observation de certaines qualités intrinsèques à la planète qui la rendent théoriquement typique (rapport x entre sa taille et sa distance au soleil par exemple (j'invente hein)) et dans ce cas on peut mener le raisonnement logique suivant:

(1) Si Mars est une planète et

(2) Si distance de Mars p/r au Soleil/taille de Mars = x

(3) Alors Mars est une planète typique.

C'est un raisonnement logique dans le sens kantien formel classique (on pourrait appeler ça un KFC, Kantian formal classical reasoning) parce qu'il est valide sans qu'on ait besoin d'observer Mars, de faire des calculs et donc de vérifier la valeur de vérité des propositions individuelles.

  • soit on ne peut établir qu'une planète est typique que par observation et induction. "Planète typique" au regard de l'orbite de toute autre planète qu'elle veut dire alors la même chose que "Ohio" au regard du résultat de l'élection présidentielle US. Dans ce cas Hanson est dans la merde parce qu'il a besoin de fixer la valeur de vérité de certaines suppositions/énoncés par observation avant de formuler l'hypothèse et donc on n'est plus dans la logique pure du KFC. Le raisonnement aurait cette gueule:

(1) Si Mars est une planète et

(2) Si Mars exhibe des caractéristiques qui en font une planète moyenne au sens statistique

(3) Alors Mars est une planète typique.

Mais c'est une pure induction: on est seulement en train de dire que Jupiter (par exemple) se comportera toujours comme ça parce que Mars s'est toujours comportée comme ça (induction n°1 spotted, parce qu'on ne l'a pas "toujours" observée obviously, donc on induit d'observations actuelles un comportement passé) et que toutes les planètes se sont toujours comportées comme Mars (induction n°2 spotted) et se comporteront donc toujours comme ça (induction n°3 spotted, you're out).

 

Je ne sais pas si c'est ce que tu voulais dire mais j'espère que c'est clair. Dans le deuxième cas embarrassant, Popper aurait beau jeu de dire "vous voyez bien que c'est psychologique" puisque pour lui l'induction est une habitude qui résulte de ce penchant humain irréductible à chercher des régularités là où il n'y en a pas. Très beau passage de Objective Knowledge:

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Par psychologiquement a priori il veut seulement dire, si je le comprends bien, qu'elles dérivent d'un instinct biologique et pas formées par l'expérience du monde mais sous-tendant au contraire celle-ci. C'est très Konrad Lorenz-oriented.

 

Il y a 12 heures, Anton_K a dit :

le Roi (A) est à ses sujets (B) ce que le père (C) est à ses enfants (D). Donc si le père doit la sécurité à ses enfants, le Roi doit la sécurité à ses sujets.

La planète Mars (A') est à la planète Jupiter (B') ce que l'orbite de Mars (C') est à l'orbite de Jupiter (D').

D' est inclus dans l'ensemble des propriétés de B' comme C' dans A' tandis que ce n'est pas le cas pour A-C/B-D.

Dans ton analogie, il faudrait aussi établir le rapport entre le Roi et le père notamment. En fait c'est ce que Locke répond à Filmer :D Tandis que moi grâce à l'aide de captain obvious je n'ai pas besoin d'établir le rapport entre Mars et son orbite (parce que c'est son orbite). En fait on ne peut pas faire une analogie entre ton analogie et l'analogie de Hanson parce que le rapport entre les relations A-C/B-D n'est pas du même type que celui entre A'-C'/B'-D'. Donc ironiquement je crois que ce que je viens d'écrire veut dire que les raisonnements de Hanson ne sont pas de type analogique selon ses propres critères. Quel bg ce mec quand même.

 

Il y a 12 heures, Anton_K a dit :

Alternativement, l’orbite de Mars est à Mars ce que l’orbite de Jupiter est à Jupiter

Non pourquoi? Ce que tu peux dire de l'orbite de Mars, par exemple qu'elle est elliptique, tu ne peux pas forcément le dire de la planète Mars. On peut imaginer une planète en forme de pelle à tarte qui aurait une orbite elliptique sans que les pelles à tarte soient elliptiques.

 

Il y a 13 heures, Anton_K a dit :

Soit un objet x un objet et P le prédicat « être une planète ». Il existe un ensemble T de prédicats tels que P(x) tel que si T(P), alors pour tout x, si P(x) alors T(x), ce sont les propriétés d’une planète.

Si je comprends bien

∀x P(x) (T(P) ⊃ T(x))

Mais on a un problème parce que pour établir que la planète est typique (T(P)), il faudrait auparavant établir qu'elle a les propriétés d'une planète typique (T(x)). Donc j'inverserais

∀x P(x) (T(x) ⊃ T(P)) ce qui s'écrit aussi ∀x ((P(x) ∧ T(x)) ⊃ T(P))

Mais on a toujours un problème parce que "être une planète typique" = "avoir les propriétés d'une planète typique" <=> T(P) = T(x).

Donc on écrit: "si une planète est une planète typique, alors elle est une planète typique". Ce qui nous renvoie au problème que j'ai essayé de formuler plus haut: comment distinguer les propriétés "typiques" d'une planète autrement que: "les propriétés telles qu'elles appartiennent à une planète typique"? Formulation plus cash: quelles propriétés une planète typique devrait-elle avoir si aucune autre planète n'existait? A moins de tirer un ratio magique ou un quelconque critère distinctif platonicien de derrière les fagots qui permette de déterminer une planète typique indépendamment des autres planètes, on en reste là.

 

Il y a 13 heures, Anton_K a dit :

En ce qui me concerne j’ai donné dans la modélisation logique de phénomènes psychologiques

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Il y a 13 heures, Anton_K a dit :

Ensuite, est-il vraiment important, scientifiquement, d’être capable, par exemple, de déterminer si le processus de formulation d’une hypothèse a été correct ? Après tout, n’est-ce pas la capacité à justifier ou non son hypothèse qui compte ?

This 100 fois. En fait le principal reproche que je ferais à Hanson c'est qu'on s'en cogne, ça ne vaut pas 4h de peine.

Oh wait...

Posté

J'ai juste lu votre échange en diagonal donc désolé pour les trucs que j'ai loupé, mais il me semble que l'histoire des planètes n'est pas le meilleur exemple sur lequel se focaliser. Il est très spécifique pour au moins deux raisons : (1) l'analogie est faite entre deux phénomènes très similaires et donc pas vraiment marquante, (2) l'analogie fonctionne. Peut-être que vous auriez plus de grain à moudre en intégrant un exemple où le grand-écart est plus important et où il ne marche pas très bien, par exemple la métaphore mécaniste ou biologiste de la société. Je dirais que ces métaphores ont un potentiel de séduction disproportionné par rapport à leur succès empirique. Ça peut être intéressant de comprendre pourquoi. On pourrait aussi évoquer l'invocation abusive de métaphores mathématiques et physiques par les postmodernes, Cf. affaire Sokal, Prodiges et vertiges de l'analogie et ce qui s'ensuit.

Posté
Il y a 3 heures, Vilfredo Pareto a dit :

On dit qu'un énoncé ou un ensemble d'énoncés respecte les règles de la logique s'il satisfait à un certain nombre de principes formels (le principe de non-contradiction par exemple) mais ces principes s'appliquent à des énoncés uniquement.  J'ai donc du mal à comprendre la première phrase.

Je veux dire que respecter des règles logiques correspond à un certain nombre de phénomènes mentaux, les opérations logiques ont leur correspondant ou leur support psychologique, si tu veux, même si ce correspondant n'est pas la règle en elle même et que la règle ne se réduit pas non plus à l'ensemble de ces itérations psychologiques.

 

Citation

Le respect de règles logiques est un phénomène psychologique si on entend par là tout ce qui implique une succession d'états mentaux mais avec cette différence que le phénomène est vérifiable: on peut établir indépendamment de ce que dit le locuteur si son énoncé: "mon hypothèse respecte les règles de la logique" (qui décrit l'état psychologique qu'on appelle "respect de la logique") est vrai ou non; si on s'accorde sur le fait que le respect des règles logiques par le scientifique est un phénomène psychologique, cela veut-il dire que le raisonnement logique est une représentation de l'intention du scientifique?

Je comprends ce qui t'intrigue. Je ne parle pas du jugement "ce raisonnement respecte les règles logiques" quand je parle du respect des règles logiques. Je parle de l'ensemble des opérations mentales qui sont des conditions nécessaires au respect des règles logiques. Se concentrer, être capable de raisonner en posant un calcul, etc.

 

Citation

Le "respect des règles logiques" s'applique alors à un comportement qui fait naître des énoncés logiques.

Je ne suis pas sûr de ce que tu veux dire par des énoncés logiques, je dirais "qui fait naître des raisonnements dont la manifestation témoigne du respect de règles logiques" (quand on parle d'énoncé logiques on dirait qu'on parle d'énoncés d'une théorie logique ce qui serait autre chose).

 

Citation

Par conséquent si ce comportement aboutit à la formulation de théories illogiques, la démonstration du non-respect de la logique par ces théories doit rétrospectivement identifier le comportement erronément appelé "respect des énoncés logiques" comme "non-respect des énoncés logiques". Donc en fait "respectueux des règles logiques" est un prédicat qui s'applique d'abord (et je donne à cette préséance un sens logique) à la théorie scientifique, ce qu'on peut formuler en disant que la théorie est telle qu'elle adopte une forme qu'on appelle "respect de la logique", mais cette forme est produite par les énoncés et rien d'autre, c'est pourquoi je me serais plutôt attendu à ce que tu écrives qu'il s'agit d'un phénomène sémantique.

 

C'est une bonne observation, qui nous ramène au constat que ce sont à des documents formels que le critère de respect des règles logiques s'applique sans ambiguïté. J'aurais vraiment plutôt du parler, pour ce dont je parlais, de phénomènes psychologiques qui accopagnent, voire seulement qui favorisent le respect de règles logiques. Je voulais simplement dire que respecter les règles logiques, c'est un travail mental qui doit bien avoir un contrepartie psychologique assez spécifique. Mais en effet tu as raison de dire qu'il ne serait pas viable d'établir que des règles logiques ont été respectées par la simple observation de ces contreparties mentales. Finalement, seul le document produit, présentant explicitement la théorie, peut être l'objet d'un tel jugement.

 

Citation

L'explication psychologique de la découverte ne me semble pas inaccessible mais elle me semble invérifiable (càd non susceptible d'être vraie ou fausse, donc dénuée de sens pour tout néopositiviste qui se respecte),

 

Nous sommes d'accord sur cela et la précision était bienvenue.

 

Citation

Par contre du coup je ne comprends pas la dernière phrase. La "théorie psychologique" imaginée est-elle une théorie scientifique? Le fait qu'elle porte sur des états mentaux qui ne sont pas des énoncés ne l'empêche pas elle d'être constituée d'énoncés potentiellement logiques ou illogiques et donc de tomber dans le même cadre que le reste :jesaispo:

Oui je parle simplement d'une théorie psychologique comme une théorie scientifique générique. La seule chose que je voulais dire, c'est que l'usage normatif de la règle n'est pas contenu dans l'énoncé de la règle. Une règle est juste un modèle abstrait, qui peut être utilisé pour générer des prédictions, des descriptions, des prescriptions, ce que l'on veut. A l'extrême on pourrait utiliser la théorie de la gravitation pour générer un énoncé sur la position d'une planète et en avoir une interprétation normative. Que ce soit totalement vain est une autre question. J'essayais d'éviter que le lecteur ait une interprétation prescriptive de la notion de règle.

 

Citation

Ce que je crois comprendre, c'est que ton raisonnement est: le respect de la logique est aussi psychologique, donc on peut imaginer une théorie psychologique qui distingue les états mentaux "respectueux de la logique" des états mentaux "non-respectueux de la logique" par une "loi".

A part que le respect de la logique n'est pas une propriété d'un état mental mais d'une séquence d'énoncés, et que je parlais de théories au sens le plus général possible, c'est un peu ça. Falsifier une théorie c'est vérifier son non respect en tant que règle, ou en tant que loi si tu veux. La falsification n'est pas une conséquence du non respect de la règle, c'est une conséquence de son non respect ET d'une attitude descriptiviste de l'observateur. Au contraire, si l'on a une attitude prescriptiviste, on ne va pas abandonner une règle parce qu'elle n'est pas respectée, on dira qu'elle devrait être respectée. Mais être descriptive ou prescriptive n'est pas une propriété de la règle. Et les conditions d'observation de son non respect sont indépendantes du fait d'avoir une attitude descriptivisite ou prescriptiviste.

 

Citation

Pour répondre à ton point 3, il ne manipule tout simplement pas des propositions individuelles.

C'est ce qui m'a fait penser qu'une modélisation au second ordre pouvait être intéressantes. Mais là où sa conception de la logique me semble sympathique c'est qu'elle ne me semble pas focalisée sur la sémantique et le calcul propositionnelle, simplement sur le structure d'enchaînement des énoncés. Ce qui à mon avis est le vrai intérêt de la logique en tant qu'outil intellectuel.

 

Citation

Le raisonnement analogique s'applique seulement à l'orbite elliptique pour Jupiter, la nature typique de Mars et donc de son ellipse étant posée. It begs the question: comment a-t-on établi ça pour Mars? En fait on ne ne peut en effet pas faire de raisonnement par analogie à l'infini, tu as raison.

Je pense que tout l'intérêt c'est de générer une hypothèse sur Jupiter en admettant au moins temporairement que Mars est typique (tiens ça me fait penser à ce qu'on appelle des logiques avec raisonnement défaisable).

 

Citation

Mais ayant établi que Mars est typique, imaginons qu'on ne sache rien de Jupiter sauf que c'est une planète (supposition de Hanson) mais qu'on sache tout ce que tu dis que l'on sait de Mars.

(1) Jupiter est une planète.

(2) Mars est une planète et c'est une planète typique et elle a une orbite elliptique.

(3) Donc Jupiter a une orbite elliptique puisque c'est une planète.

 

Par contre à un moment il a bien fallu commencer par établir que Mars était typique.

  • soit on peut établir qu'une planète est typique par observation de certaines qualités intrinsèques à la planète qui la rendent théoriquement typique (rapport x entre sa taille et sa distance au soleil par exemple (j'invente hein)) et dans ce cas on peut mener le raisonnement logique suivant:

(1) Si Mars est une planète et

(2) Si distance de Mars p/r au Soleil/taille de Mars = x

(3) Alors Mars est une planète typique.

 

C'est un raisonnement logique dans le sens kantien formel classique (on pourrait appeler ça un KFC, Kantian formal classical reasoning) parce qu'il est valide sans qu'on ait besoin d'observer Mars, de faire des calculs et donc de vérifier la valeur de vérité des propositions individuelles.

  • soit on ne peut établir qu'une planète est typique que par observation et induction. "Planète typique" au regard de l'orbite de toute autre planète qu'elle veut dire alors la même chose que "Ohio" au regard du résultat de l'élection présidentielle US. Dans ce cas Hanson est dans la merde parce qu'il a besoin de fixer la valeur de vérité de certaines suppositions/énoncés par observation avant de formuler l'hypothèse et donc on n'est plus dans la logique pure du KFC. Le raisonnement aurait cette gueule:

(1) Si Mars est une planète et

(2) Si Mars exhibe des caractéristiques qui en font une planète moyenne au sens statistique

(3) Alors Mars est une planète typique.

Mais c'est une pure induction: on est seulement en train de dire que Jupiter (par exemple) se comportera toujours comme ça parce que Mars s'est toujours comportée comme ça (induction n°1 spotted, parce qu'on ne l'a pas "toujours" observée obviously, donc on induit d'observations actuelles un comportement passé) et que toutes les planètes se sont toujours comportées comme Mars (induction n°2 spotted) et se comporteront donc toujours comme ça (induction n°3 spotted, you're out).

 

Je ne sais pas si c'est ce que tu voulais dire mais j'espère que c'est clair.

 

Au passage, je ne connaissais pas le terme KFC mais j'ai l'impression que ça ressemble à un raisonnement au premier ordre. (P(mars) et  DS(mars) = x, or pour tout y, si DS(y) = x et P(y) alors Typ(y), donc Typ(mars). Je ne pense pas que l'établissement du fait que Mars est typique nous intéresse ici. L'énoncé "Mars est une planète typique" est une prémisse du raisonnement. La signification du prédicat typique permet de transférer des attributs de l'objet considéré comme typique vers le nouvel objet, au titre du fait qu'ils sont tous les deux des planète. Pour moi c'est ce transfert qui ne relève pas de la logique du premier ordre, et qui pose donc problème. La question que je pose c'est : peut-on donner une autre règle régissant ce transfert? Cette règle peut-elle être logique? Je prétends que oui, mais c'est une règle du deuxième ordre. Par contre mon interprétation du problème a un peu changé depuis hier, et mon histoire de raisonnement par stéréotype n'était vraiment clair, donc je vais reprendre depuis le début. Pour tout x, P(x) := x est une planète, T(x) := x est typique, S(x):= x a une orbite elliptique. M := Mars, J := Jupiter. Je n'utilise plus de prédicat sur les prédicats, simplement une quantification sur les prédicats.

 

Si P(x) et T(x), alors pour tout S tel que S(x), pour tout y, si P(y), alors S(y).

 

Maintenant, dire que si x est une planète et x est typique, alors tout ce qui vaut pour x vaut pour toute planète peut sembler un peu libéral. On peut aussi imaginer que par induction on ait un peur réduit l'ensemble des prédicats attribuables du fait d'être typique, c'est ce que j'avais en tête la dernière fois mais je me rends compte maintenant que c'est accessoire.

 

En tout cas, voilà, on a donné une règle logique, au deuxième ordre, certes, mais logique au sens formel et calculatoire du terme, qui pourrait représenter la raisonnement amenant à formuler l'hypothèse que jupiter est elliptique.

 

Citation

Dans ton analogie, il faudrait aussi établir le rapport entre le Roi et le père notamment.

Qu'est-ce que tu veux dire par là? Remarque que je n'ai justement pas envie de dire quelque chose du genre,  R(a, b) => M(a, b) et P(c, d) => M(c, d), et pour tout x, y, M(x, y) => S(x, y), donc S(a, b) <=> S(c, d) pour R(x, y) =: "x est le roi de y",  P(x, y) := "x est le père de y," et M(x, y) := "x est le maître de y", S(x, y) := "x doit la sécurité à y".

Tout l'intérêt du raisonnement par analogie c'est de faire un transfert d'attribut entre éléments pris dans des relations "semblables", mais sans avoir à comprendre exactement la nature de cette ressemblance en définissant précisément la relation mère de ces deux relations ! Le raisonnement analogie est un raccourci, comme dans le cas de l'analogie electro-mécanique. Parfois même l'analogie fonctionne sans que la relation mère existe. Maintenant, il est clair qu'épistémiquement, le raisonnement analogique que je propose est moins fiable que le raisonnement déductif.

 

 

Citation

Dans le deuxième cas embarrassant, Popper aurait beau jeu de dire "vous voyez bien que c'est psychologique" puisque pour lui l'induction est une habitude qui résulte de ce penchant humain irréductible à chercher des régularités là où il n'y en a pas.

Une question légitime pourrait être, est-ce que l'on peut améliorer l'induction pour la rendre scientifiquement plus valable, bien qu'elle ne soit pas déductive.

 

Dire "c'est de la psychologie" n'implique pas que la règle suivie dans l'inférence inductive n'est pas normativement valable. Considère les tests statistiques. Un test statistique n'est rien d'autre qu'une règle d'inférence inductive, un critère qui permet de décider si l'on a eu assez d'information pour affirmer un énoncé issu de l'induction ou pas (toutes les statistiques d'ailleurs sont une théorie de l'induction, si l'on veut). Est-il crédible que ce test relève d'une théorie psychologique a visée descriptive sur la manière dont l'esprit humain traite l'information des sens? Alors il y a bien des cas où les modèles utilisés de manière normative et descriptive sont similaires, et notamment en inférence causale, en statistiques bayésiennes ça peut être le cas. Mais il ne suffit pas de dire que ces modèles "sont de la psychologie" pour disqualifier l'usage normatif d'une règle. Etant donné que les tests statistiques ou les règles bayésiennes de mise à jour de probabilité ne sont pas des règles logiques, ce ne sont peut-être pas au premier abord des "logiques de la découverte", mais ce sont clairement des règles qui peuvent servir à une théorie prescriptive de la découverte. Au passage, je suis sûr qu'il y a des travaux en logique bayésienne qui essaient de baser des considérations épistémologiques sur des règles quant à la répétition d'observations.

 

Citation

Très beau passage de Objective Knowledge:

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Par psychologiquement a priori il veut seulement dire, si je le comprends bien, qu'elles dérivent d'un instinct biologique et pas formées par l'expérience du monde mais sous-tendant au contraire celle-ci. C'est très Konrad Lorenz-oriented.

Malheureusement l'image ne s'affiche pas pour moi. :s

 

Citation

La planète Mars (A') est à la planète Jupiter (B') ce que l'orbite de Mars (C') est à l'orbite de Jupiter (D').

D' est inclus dans l'ensemble des propriétés de B' comme C' dans A' tandis que ce n'est pas le cas pour A-C/B-D.

En fait c'est ce que Locke répond à Filmer :D Tandis que moi grâce à l'aide de captain obvious je n'ai pas besoin d'établir le rapport entre Mars et son orbite (parce que c'est son orbite). En fait on ne peut pas faire une analogie entre ton analogie et l'analogie de Hanson parce que le rapport entre les relations A-C/B-D n'est pas du même type que celui entre A'-C'/B'-D'. Donc ironiquement je crois que ce que je viens d'écrire veut dire que les raisonnements de Hanson ne sont pas de type analogique selon ses propres critères. Quel bg ce mec quand même.

Il me semble aussi que le raisonnement décrit par Hanson n'est pas analogique. Ou en tout cas que le représenter par une analogie n'est pas le plus naturel.

 

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Non pourquoi? Ce que tu peux dire de l'orbite de Mars, par exemple qu'elle est elliptique, tu ne peux pas forcément le dire de la planète Mars. On peut imaginer une planète en forme de pelle à tarte qui aurait une orbite elliptique sans que les pelles à tarte soient elliptiques.

Non mais je formulais cette alternative pour pouvoir l'exclure explicitement, désolé ;)
 

 

Citation

tenor.gif

Boarf c'était une usine à gaz infâme en logique modale sensée représenter un agent raisonnant sur des sous-ensembles cohérents d'une base de connaissances contradictoire.

 

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This 100 fois. En fait le principal reproche que je ferais à Hanson c'est qu'on s'en cogne,

Mon opinion en général et qu'il faudrait chercher à identifier et évaluer normativement les habitudes de pensée qui amènent à de bonnes hypothèses. Est-ce qu'on peut formaliser ces habitudes? Est-ce qu'on peut les formaliser logiquement? Cela se discute probablement.

 

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ça ne vaut pas 4h de peine.

Philosophers be philosophin'

Posté
il y a 7 minutes, Anton_K a dit :

Boarf c'était une usine à gaz infâme en logique modale sensée représenter un agent raisonnant sur des sous-ensembles cohérents d'une base de connaissances contradictoire.

 

A condition d'analyser que l'absolu ne doit pas être annihilé.

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