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TIL - today I learnt...


Hayek's plosive

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Il y a 4 heures, PABerryer a dit :

suffrage quasi universel (de mémoire, à deux degré mais avec le premier degré quasi universel

C'est un peu plus compliqué, en gros lors de loi electorale, ils voulaient abaisser le cens necessaire pour pouvoir voter, pour inclure les propriétaires agricoles/fonciers qui constituaient leur base de soutien tout en conservant les restrictions sur conditions pour pouvoir se présenter (réservés à eux, l'aristocratie fonciere). Ils voulaient aussi un suffrage direct (vs le systeme des conseils de grands notables d'auparavant)  car ils se pensaient en représentants de la nation. 

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TIL (enfin, hier) que quand il était enfant, Élie Wiesel avait peur de rentrer dans une église. Et qu'apparemment, c'était un sentiment assez commun chez les Juifs d'Europe de l'Est. :online2long: 

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sur les abris antiatomiques de la Suisse (plus de 300.000 et suffisamment pour  protéger la totalité de la population en cas de menace nucléaire)

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Il y a 1 heure, Rincevent a dit :

TIL (enfin, hier) que quand il était enfant, Élie Wiesel avait peur de rentrer dans une église. Et qu'apparemment, c'était un sentiment assez commun chez les Juifs d'Europe de l'Est. :online2long: 

Pourtant de memoire les évêques protégeaient les juifs pendant les pogroms en les accueillant dans leurs églises  (contre de l'argent ou une promesse de conversion cependant, on n'oublie pas de faire tourner son fonds de commerce), du moins pendant la croisade populaire (et après aussi j'imagine)  

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Il y a 7 heures, Pelerin Dumont a dit :

Pourtant de memoire les évêques protégeaient les juifs pendant les pogroms en les accueillant dans leurs églises  (contre de l'argent ou une promesse de conversion cependant, on n'oublie pas de faire tourner son fonds de commerce), du moins pendant la croisade populaire (et après aussi j'imagine)  

:jesaispo: 

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TIL Alexandre Dougine. Il va falloir que je creuse un peu, je n'arrive pas à déterminer s'il a une réelle influence ou s'il est seulement le nerd de la court, ni s'il est original ou un simple mystico-conservateur parmi d'autres.

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il y a 42 minutes, Mégille a dit :

TIL Alexandre Dougine. Il va falloir que je creuse un peu, je n'arrive pas à déterminer s'il a une réelle influence ou s'il est seulement le nerd de la court, ni s'il est original ou un simple mystico-conservateur parmi d'autres.

Citation

Il soutient que les notions de libéralisme, liberté et démocratie sont étrangères à la culture russe et que les sciences exactes, telles la chimie et la physique, devraient être bannies.

Cela commence vite et fort

Citation

Il rejette ainsi « la prétention à l’universalité du modèle occidental et la « modernisation exogène », prétextes à l’esclavage, au colonialisme et au racisme

L'URSS ne disposait pas de l'Internationale ? Et une partie des dirigeants soviétiques (au moins Trotski) prétendait à l'universalité. Enfin, niveau esclavage, colonialisme et racisme la Russie n'a pas attendu l'occident pour s'y mettre : https://fr.wikipedia.org/wiki/Colonisation_russe_de_l'Amérique, https://journals.openedition.org/asiecentrale/3072,https://fr.wikipedia.org/wiki/Servage_en_Russie

Citation

La civilisation thalassocratique, anglo-saxonne, protestante, d’esprit capitaliste, serait donc irréductiblement opposée à la civilisation continentale, russe-eurasienne, orthodoxe et musulmane, d’esprit socialiste.

? Le vieux refrain de la civilisation commerciale matérialiste et corrompue (Athènes, Carthage, les cités italiennes/flamandes, la Hollande, les USA) face à la société militaire vertueuse et spirituelle (Sparte, Rome, la France, les Mongols). En plus d'être intrinsèquement contradictoire (el famoso cohabitation orthodoxe-musulmane et russo-asiatique :https://fr.wikipedia.org/wiki/Joug_tatar

Citation

L’Occident, là où le soleil se couche, représente le déclin, la dissolution.

Admirons la force de l'argumentation et la profondeur savante de la pensée

Citation

L’Eurasie représente la renaissance, c’est le pays des dieux, puisque c’est là que le soleil se lève

Raté c'est au Japon, ça doit être pour ça qu'ils vous ont mis une belle raclée en 1905

Citation

À terme, l'Eurasie devrait englober toute la masse continentale, allant du Portugal au Détroit de Béring

Toujours plus ! (bizarrement ces velléités de conquête ne semblent pas englober la Chine ou le Japon, courageux mais pas téméraire)

Citation

Dans le contexte strictement russe, c’est une sorte de troisième voie située entre les réformes pro-marché et la nostalgie du passé communiste, tout en évitant les excès démagogiques du populisme extrémiste et du nationalisme étroit

Ah oui un véritable juste milieu , il me semble nonobstant tremper dans le même bain que les fous furieux Grigori Semenov, Roman von Ungern-Sternberg ou les révisionnistes russes comme Anatoli Fomenko

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il y a une heure, Mégille a dit :

TIL Alexandre Dougine. Il va falloir que je creuse un peu, je n'arrive pas à déterminer s'il a une réelle influence ou s'il est seulement le nerd de la court, ni s'il est original ou un simple mystico-conservateur parmi d'autres.

Ps tres original. C’est du Schmittisme pas tres intéressant 

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Les Slaves ont longtemps appelé Constantinople "Tsargrad". Et ce vocable semble encore pas mal utilisé en ex-Yougoslavie.

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il y a 46 minutes, Rincevent a dit :

Les Slaves ont longtemps appelé Constantinople "Tsargrad". Et ce vocable semble encore pas mal utilisé en ex-Yougoslavie.

J'ai entendu ce nom dans le cadre des 2 empires bulgares pour ma part (ça ressemble un peu à l'appelation nordique Miklagard) mais où l'as tu lu de ton côté ?

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il y a 8 minutes, Pelerin Dumont a dit :

J'ai entendu ce nom dans le cadre des 2 empires bulgares pour ma part (ça ressemble un peu à l'appelation nordique Miklagard) mais où l'as tu lu de ton côté ?

Dans L'Histoire, numéro de Juillet-Août 2021, vers le début du dossier "Les Russes et leur empire".

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On 3/15/2022 at 5:18 PM, Pelerin Dumont said:

Le vieux refrain de la civilisation commerciale matérialiste et corrompue (Athènes, Carthage, les cités italiennes/flamandes, la Hollande, les USA) face à la société militaire vertueuse et spirituelle (Sparte, Rome, la France, les Mongols). En plus d'être intrinsèquement contradictoire (el famoso cohabitation orthodoxe-musulmane et russo-asiatique :https://fr.wikipedia.org/wiki/Joug_tatar

 

JRML : Il y a une bonne dizaine d'années je fais la rencontre d'une étudiante en philo d'origine ukrainienne vivant à Paris. On discute et je lui demande plus précisément sur qui/quoi elle travaille et elle me répond "Platon".

Apparemment, ma façon d'acquiescer trahit le fait que je ne suis pas un grand fan du personnage. Elle me demande donc ce que je reproche à ce grand philosophe et je lui réponds que je suis de l'avis de Popper tel qu'il l'exprime dans "La société ouverte et ses ennemis". Comme souvent quand on parle de Popper à qqun qui a passé des années à étudier Platon, on a le droit au choix à un peu de condescendance, d'argument d'autorité ou de ad hominem plutôt qu'une réponse sur le fond.

Le sujet Platon/Popper reste longtemps un sujet de taquinerie entre nous, et il a fallu que récemment, l'influence de Douguine (ou de ses idées) devienne perceptible dans les discours de Poutine pour que je finisse par entendre "en fait tu avais raison sur Popper" ?

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Mais à une époque je me rappelle qu'on disait ici (je ne sais plus qui) que Platon était en fait ironique. Alors ?

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il y a 43 minutes, Boz a dit :

Mais à une époque je me rappelle qu'on disait ici (je ne sais plus qui) que Platon était en fait ironique. Alors ?

 

Socrate, pas Platon.

 

Par exemple (sauf erreur de ma part, à la fin du Livre VII de la République, je cite de mémoire) :

Socrate Et là, le philosophe va dire aux habitants de la Cité : "hé, les loulous, maintenant qu'on a commencé à bien réformer la Cité, qu'on a établi un programme super solide, vous allez vous casser bosser dans les champs loin d'ici et me laisser avec vos mioches de moins de 10 ans pour qu'on puisse finaliser le tout et enfin avoir la Cité bonne attendue". Et les habitants de la Cité seront genre "Mais oui, mais c'est bien sûr" ;

Adimante, Glaucon et les autres : Ouah, trop fort Socrate, t'es vraiment le meilleur, le boss du game philosophique ;

Le lecteur un minimum critique : Wait a minute...

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Il y a 2 heures, Ultimex a dit :

 

Socrate, pas Platon.

 

Par exemple (sauf erreur de ma part, à la fin du Livre VII de la République, je cite de mémoire) :

Socrate Et là, le philosophe va dire aux habitants de la Cité : "hé, les loulous, maintenant qu'on a commencé à bien réformer la Cité, qu'on a établi un programme super solide, vous allez vous casser bosser dans les champs loin d'ici et me laisser avec vos mioches de moins de 10 ans pour qu'on puisse finaliser le tout et enfin avoir la Cité bonne attendue". Et les habitants de la Cité seront genre "Mais oui, mais c'est bien sûr" ;

Adimante, Glaucon et les autres : Ouah, trop fort Socrate, t'es vraiment le meilleur, le boss du game philosophique ;

Le lecteur un minimum critique : Wait a minute...

Oui en réalité Platon souhaite mettre en place un système de marché libre de l'enfance, et c'est pour cela qu'il a besoin de remettre en cause le modèle traditionnel grecque de la famille. D'ailleurs il attribue aux ames une forme de prix : or, argent, plomb donc cela implique une intention d'échanger ?

 

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Le Platon de Schrödinger : il est dans une superposition d'états d'être sérieux et ironique.

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Ça m'intéresse, j'ai jamais trop accroché à cette lecture straussienne. J'avais plutôt la position que la République était un modèle critique des constitutions existantes réellement (Sparte, Athènes), sans aucune indication de détail (juste l'éducation, le reste suivra), et donc à aucun moment un programme. On trouvera plus de détails dans les Lois, dont la seule lecture suffit à ridiculiser les inepties de Popper. La cité modèle est celle du communisme intégral, qui n'est pas la République, puisque dans la République, il est limité aux gardiens. Il faut arrêter avec le mythe de Platon, Rousseau totalitaires.

 

Cela dit (après avoir lu l'article) c'est intéressant que les critiques "libérales" de Platon viennent justement de dogmatiques qui s'attendent à ce que la philosophie ressemble à un livre de Rand. Popper le premier bien sûr, qui fait souvent dans ses livres les catalogues "listes de course" de positions (Descartes dit ça, Platon dit ça, Héraclite dit ça). Ce que Strauss pointe, c'est en fait une incapacité à lire de la philosophie (toute cette thématique straussienne du problème de l'éducation, de l'enseignement des humanités).

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Il y a 9 heures, Solomos a dit :

Le sujet Platon/Popper reste longtemps un sujet de taquinerie entre nous, et il a fallu que récemment, l'influence de Douguine (ou de ses idées) devienne perceptible dans les discours de Poutine pour que je finisse par entendre "en fait tu avais raison sur Popper" ?

Par pitié non, ne me forcer pas à lire Douguine pour y chercher du Platon !

 

Il me semble que Platon était réellement "totalitaire" dans la mesure où il voulait un état total, régissant chaque aspect de la société. Mais il n'a absolument rien à voir avec les totalitarismes historiques et leurs idéologies. Difficile d'imaginer quoi que ce soit de plus éloigné d'un éloge de la rationalité et de la modération. Si on se donne une définition plus substantielle du totalitarisme, à la Arendt, comme un certain mouvement de masse au sein duquel tout ordre est aboli, et gravitant autour de l'arbitraire individuelle d'un guide charismatique, alors ce que prône Platon en est même le stricte opposé.

Et il se trouve que les tyrans réels n'ont pas vraiment pour habitude de se revendiquer de Platon. Des trois "ennemis de la société ouverte" de Popper, le seul dont l'étendard est réellement brandi par les sauvages est Marx. J'ai l'impression que Popper essaie de le rattacher à une tradition rationaliste et spéculative justement parce que ça l'arrange, de pouvoir ranger avec les nazis ses adversaires en épistémologie. Mais Marx est justement le moins rationaliste des trois, puisqu'il voit dans l'idéalité de sa propre théorie un simple reflet de la matérialité du rapport de force réel en train de se jouer et de sa propre pratique révolutionnaire.

Même si c'est avec de l'approximation (et ça l'était pour Marx aussi), les tyrans aiment généralement beaucoup plus Nietzsche que Platon ou Hegel.

 

Il y a 1 heure, Vilfredo a dit :

Ça m'intéresse, j'ai jamais trop accroché à cette lecture straussienne. J'avais plutôt la position que la République était un modèle critique des constitutions existantes réellement (Sparte, Athènes), sans aucune indication de détail (juste l'éducation, le reste suivra), et donc à aucun moment un programme.

Ca reste un détail de la République. On oublie que toute la discussion politique est enclavé dans une discussion psychologique. C'est toujours de la "république" (ou plutôt, de la constitution) intérieur d'un individu dont il s'agit. La partie sur les autres formes de régimes (les livres VIII et IX principalement), chacun provenant de la décomposition du précédent, est en fait une forme de psychopathologie morale. Le renvoie de chaque type de cité à un certain type d'âme, de moins en moins heureux, est même explicite. 

On peut considérer que c'est bien la partie politique la plus importante, bien qu'elle soit contenue dans la partie psychologique, par exemple, en considérant que la psychologie n'était qu'une prétexte pour aborder cette grosse parenthèse. Mais il faut alors considérer que la partie politique n'était elle-même qu'un prétexte pour aborder la partie épistémo-ontologique qu'elle contient.

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Il y a 2 heures, Mégille a dit :

Difficile d'imaginer quoi que ce soit de plus éloigné d'un éloge de la rationalité et de la modération. Si on se donne une définition plus substantielle du totalitarisme, à la Arendt, comme un certain mouvement de masse au sein duquel tout ordre est aboli, et gravitant autour de l'arbitraire individuelle d'un guide charismatique, alors ce que prône Platon en est même le stricte opposé.

L'Idée se trouve toujours un Guide pour la faire advenir, c'est même en cela que l'idéocratie appliquée devient le totalitarisme. Il n'y a opposition entre les deux que dans le sens où les côtés pile et face d'une même pièce sont censés être opposés ; ils sont l'un contre l'autre, tout contre.

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Surtout pourquoi aller chercher Platon et Hegel quand on a des penseurs directement impliqués dans ces totalitarismes? Que Popper aille lire Schmitt! Pour un seul des livres duquel je donne toute l'oeuvre politique de Popper. Ce qui me plaît dans Popper politique c'est la théorie ultraconservatrice implicite dans son épistémologie. Pas les homélies prog de Open Society. Je n'ai pas lu The City and Man de Strauss comme le recommande @F. mas mais j'ai eu à lire Platon et sur Platon souvent cette année et j'ai eu cours dessus (notamment par un spécialiste de Platon que FMAs connaît peut-être, El-Murr) et si vous me permettez de partager ce que j'en ai tiré, qui répondra d'ailleurs au post de @Rincevent je crois

 

Sur Platon, comme le dit @Mégille je soulignerais le rôle de la rationalité dans la politique pour Platon et son opposition totale à toute forme d'analyse politique à partir des rapports de domination. La question est: La rationalité d’une principe suffit-elle à le faire accepter? La réponse de Platon est non, et pour la motiver, il invente la notion de "préludes législatifs". Les Lois distinguent deux approches de la législation (722b-c) : 1° la force, 2° la persuasion. Les Lois expliquent qu’il faut utiliser les deux, en précédant les lois d’un prélude. La loi prescrit ou interdit, le prélude prépare la réception de la loi dans l’esprit des gouvernés. Platon introduit cette différence avec une comparaison célèbre : les docteurs esclaves et les docteurs hommes libres (720c). Comme le médecin persuade le malade d’adopter le remède de son plein gré, le prélude doit persuader le citoyen d’adopter les lois. Les préludes sont les arguments qu’un citoyen doit pouvoir intégrer pour accepter la loi, et qui auraient été obtenus, dans des conditions idéales, par le dialogue socratique (sans qu'il faille s'imaginer que le dialogue soit une sorte d'espace habermassien d'intersubjectivité à la oui-oui). Les citoyens sont libres d’être persuadés et de devenir volontairement des esclaves de la loi ; sans cela, ils ne sont pas des esclaves de la loi mais des esclaves tout court. Ils consentiront à l’être (persuadés) s’ils sont rationnels. Ce n’est pas du tout un contrat comme on le trouve chez les sophistes, mais un rapport entre persuadant et persuadé pour sortir du rapport dominant/dominé ou exploitant/exploité. L’idée centrale est la liberté rationnelle. De ce point de vue, les Lois sont en continuité avec la République, puisque les gardiens sont gardiens parce qu’ils sont persuadés du bien public et du bien que les autres citoyens veulent sans le savoir. L'organisation hiérarchique de la R découle en fait d'un souci de penser la politique hors des rapports de domination, contre Thrasymaque, pour qui il y a des dirigeants et des dirigés, des exploitants et des exploités, et (ajout crucial) il doit en être ainsi. Dans un passage fameusement commenté par Foucault, T soutient que le dirigeant est un expert et qu'il ne fait jamais que ce qui est bon pour lui, comme le berger avec les moutons. Socrate lui retourne l'argument: l'expert a un salaire en compensation qu'il satisfait l'intérêt des autres. C'est parce que Platon refuse la domination de l'homme par l'homme qu'il est anti-démocrate. Il y a beaucoup à apprendre des Lois pour penser la politique aujourd'hui (beaucoup plus que des tartines de Popper).

 

Par contre, contrairement à @Mégille, je ne dirais pas que c'est "psychologique et pas politique". Le régime politique fabrique son anthropologie. L'homme démocratique est déterminé par ses désirs. Il fait une chose puis une autre, puis encore une autre. C'est un peu ce que décrit Heidegger dans Qu'appelle-t-on penser? quand il fait l'étymologie (fantasmée) d'"intérêt": être mû par l'intérêt, c'est être dans un état intermédiaire: être entre (inter-esse). C'est exactement cet étant pauvre qu'incarne l'homme démocratique. Une sorte de truc pas fini. Mon voisin disait l'autre jour quelque chose d'extrêmement juste sur la "psychologie" du tyran dans Platon (il commentait République 571c-d): le tyran est incestueux => désordre dans la société, il est parricide => rejet de l'origine, de la continuité entre les régimes, infanticide => refus de la descendance et de la succession, bref, l'epithumia manifeste les tendances politiques du gouvernement tyrannique.

 

Dans le livre de Popper, ce qui est avant tout reproché à Platon est d'être anti-démocrate (c'est the spell of Plato), même si Popper identifie un anti-démocrate avant lui, Héraclite (le ridicule de cette espèce de généalogie anhistorique est total). Il se trouve toutefois que les Grecs parlaient moins de "démocratie" que d'"isonomie", qui est une question d'égalité de tous plutôt que de pouvoir de tous. Pour J Ober le mot "démocratie" signifiait sans doute originellement non le monopole des charges par certains membres du peuple mais la capacité collective de décision du peuple. Et ce seraient les critiques de la démocratie qui auraient fait évoluer le sens vers : le pouvoir du nombre, et du nombre dans un sens négatif. Le mot démocratie a donc probablement été forgé par les critiques de l’isonomie. Et Popper comprend démocratie comme "rationalité collective", ce qui n'a rien à voir.

 

Donc Popper ne sait pas du tout de quoi il parle. D'autant qu'il ne parle pas dans mon souvenir du Protagoras, qui contient pourtant un argument développé sur la démocratie. Le commentaire de Protagoras sur son mythe répond à 2 objections : 1) il est normal que chacun prenne une part égale à l’expérience politique. 2) Puisque la vertu politique a été également répartie entre tous, il n’y a pas qu’un seul maître pour l’enseigner : tout le monde est maître, à tous les niveaux, à tous les âges ! Mais l’objection est toujours là : à quoi sert Protagoras ? Il est seulement meilleur maître que les autres, mais les autres sont maîtres aussi ! Pour les interprétations des conséquences du mythe sur la démocratie : cf. F Rosen, “Did Protagoras Justify Democracy?”, Polis (présente les deux réponses possibles : Protagoras défendait la démocratie, ou Protagoras ne la défendait pas, comme le pense P Nicholson). Selon Nicholson, l’argument de Protagoras est très différent des autres défenses de la démocratie (oraison funèbre de Périclès, Hérodote, Aristote).

  • Le sujet du grand mythe, c’est la possibilité de l’enseignement de la vertu, et pas la démocratie.
  • Protagoras s’intéresse dans son mythe à la question des constitutions en général, et pas de la démocratie.
  • Enfin, Protagoras était relativiste, donc il ne défend pas la démocratie plutôt qu’autre chose.

On peut répondre à ces objections : (ici je reprends le cours de El-Murr)

  • la question de l’enseignement de la vertu n’est pas étrangère à celle de la démocratie, puisqu’on parle spécifiquement de l’enseignement de la vertu politique. Quand Socrate dit que la vertu politique ne s’enseigne pas, il fait une critique implicite de la démocratie (qui deviendra explicite dans la République et le Politique, avec l’analogie du navire). La réponse à ça de Protagoras est que nous nous enseignons tous la politique. L’analogie de Socrate ne marche pas : c’est quelqu’un d’autre qui nous enseigne la flûte et la voile, mais la flûte et la voile n’ont rien à voir avec la politique, pour laquelle nous naissons avec des aptitudes égales, alors que nous naissons avec des aptitudes inégales pour la flûte.
  • La critique qui consiste à dire que Protagoras parle de la constitution en général, elle ne fonctionne pas non plus : Protagoras parle bien des pauvres et des riches dans ses assemblées.
  • La dernière objection, sur le relativisme, est la meilleure : dans le Théétète, Protagoras se présente comme un relativiste conventionnaliste : ce que chaque société considère comme bon l’est (pour elle). Toutes les opinions se valent sous le rapport de la vérité mais pas sous le rapport de la valeur : certaines choses sont bonnes pour nous et d’autres non. Mais on ne peut pas savoir si on peut passer, pour Protagoras, de : l’homme est la mesure de toute chose à : tous les hommes sont la mesure de toute chose. Mais le relativisme n’est-il pas le meilleur argument pour la démocratie ? Certes, les hommes pourraient choisir la tyrannie, mais une tyrannie acceptée par le peuple n’est plus une tyrannie.

Autre remarque : on peut distinguer des défenses du principe démocratique et des défenses des valeurs démocratiques (discussion, rotation des charges etc.). Protagoras défend aussi les principes (et non la forme… puisqu’il est relativiste). Et peut-être que c’est ça, la démocratie : une discussion continuelle sur la forme que le régime doit prendre. Bien sûr ça ne veut pas dire que je suis démocrate.

 

Le plus drôle, c'est que Popper retrouve avec sa défense de la démocratie (no bloodshed, la rationalité collective) des arguments déjà lus et relus dans Platon. Sauf que sa version est auto-contradictoire (on ne peut pas réformer toute la société parce qu'on n'a pas la connaissance, mais on peut réformer des petits bouts par magie, ou alors il explique qu'on peut pas et qu'on va se planter, se replanter et se rereplanter, ce qui est effectivement un programme politique très attrayant; ou alors: on ne peut jamais savoir que quelque chose marche mais on peut savoir qu'une réforme ne marche pas, ce sophisme absolu). Le vrai penseur "totalitaire", comme Jasay l'a bien montré dans The State, c'est bien sûr Popper lui-même.

 

Un point qui me vient pour finir, bien ennuyeux et histoire des idées mais nécessaire: Il n'y a pas d'Etat en Grèce antique, a fortiori pas d'Etat total. La Cité-Etat peut être comprise comme un mélange d’Etat et d’Eglise (c'est bien développé par Passerin d'Entrèves dans son livre que j'ai déjà eu l'occasion de recommander) : toute la destinée de l’homme y est contenue. L’époque romaine, en plus d’élargir considérablement l’unité politique, y ajoute l’élément légal : avec Cicéron, l’attention est déplacée de la fin (le souverain bien) au moyen (le droit) de la politique. Le mot d’Etat, dont la paternité est attribuée avec quelque raison à Machiavel, vient du latin status, qui signifie un état de choses, notion assez vague, qui évolue pour désigner une classe de la population (c’est l’origine du français Tiers-Etat), mais aussi et surtout pour désigner la structure légale particulière d’une communauté, sa "constitution". La parution du Prince, qui semble entendre par "Etat" la même chose que par république ou principauté, n’empêche pas Bodin de parler de "République" et les Anglais de "Commonwealth" ou "body politic". La distinction est clairement faite avec Pufendorf et Montesquieu, à partir de qui république ne désigne plus qu’un type d’Etat, par opposition à la monarchie. Mais il faut nuancer ce tournant, car les Anglais, précisément, ne l’ont jamais vraiment pris, de même que les Américains (qui parlent plus volontiers de country, federal government etc.). Il n'y a pas non plus de vérité construite, il n'y a que de que ma référence appelle la vérité factuelle ou révélée, et qui n'est pas une vertu politique. Popper veut nous faire croire qu'il n'est pas totalitaire parce qu'il ne veut ni reconnaître que la vérité existe mais ne doit pas être dite, ni qu'elle existe et qu'elle doit être l'étalon de la politique, mais qu'il n'y a que le faux et la réfutation. Sauf que si on sait que telle réforme ne marche pas, on sait qu'il est vrai qu'elle ne marche pas. Donc c'est idiot.

 

Par association d'idées @Anton_K en écho à notre discussion sur l'évolution culturelle et Hayek, voici l'article de J Gray dont je t'avais parlé (pour une fois que le MI publie un truc bien) https://cdn.mises.org/4_2_1_0.pdf C'est un peu long et je regrette qu'il passe la moitié de son article à nous paraphraser DLL mais la fin est bien. Si ça te plaît tu vas passer du côté obscur du scepticisme nihiliste conservateur.

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Le 17/03/2022 à 22:27, Rincevent a dit :

L'Idée se trouve toujours un Guide pour la faire advenir, c'est même en cela que l'idéocratie appliquée devient le totalitarisme. Il n'y a opposition entre les deux que dans le sens où les côtés pile et face d'une même pièce sont censés être opposés ; ils sont l'un contre l'autre, tout contre.

Je ne suis pas sûr qu'il faille un guide chez Platon, pas individuel en tout cas. Dans la Rep, il se montre indifférent à ce que sa cité idéale soit une aristocratie ou une monarchie, mais il me semble en général plutôt partisan d'un mode collégial de gouvernement (dans les lois, il propose un système électoral qu'on pourrait presque qualifier de démocratie, mais qui était aristocratique à ses yeux).

Et il n'est pas clair qu'il ait cru possible de transformer un régime préexistant en un régime idéal. Dans la Rép, on a une théorie du déclin, mais aucune théorie du retour en arrière. Dans le politique, il faut littéralement qu'une intervention divine retourne les lois de la nature pour que l'on espère revenir à un état proche de l'idéal, et dans les Lois, on a un programme pour créer une nouvelle cité à partir de rien, et toutes ses institutions ont pour vocation à empêcher son changement, étant donné que celui-ci ne pourrait être qu'un déclin.

Ca fait une autre grosse différence entre les utopies platoniciennes et les totalitarismes historiques : ceux là étaient des mouvements vers un futur fantasmé, alors que le fantasme politique de Platon n'est projeté que dans le passé pour permettre de juger le présent. Toute tentative de faire advenir quoi que ce soit de neuf, en particulier de la part d'un guide charismatique, semble condamner à tirer le monde vers la tyrannie.

 

Le 17/03/2022 à 23:11, Vilfredo a dit :

Ce qui me plaît dans Popper politique c'est la théorie ultraconservatrice implicite dans son épistémologie.

Je ne l'ai sans doute pas assez étudié, mais je trouve sa politique assez cohérente avec son épistémo. Dans les deux cas, on a une certaine forme de progrès qui avance par la négation des vieux trucs trop fermés, et à la fois, forte méfiance envers les systèmes progressistes dogmatiques qui se présentent comme porteurs de certitudes définitives sur bien.

 

Le 17/03/2022 à 23:11, Vilfredo a dit :

un contrat comme on le trouve chez les sophistes

On est sûr d'avoir clairement cette idée là chez les sophistes ? 

 

Le 17/03/2022 à 23:11, Vilfredo a dit :

L'organisation hiérarchique de la R découle en fait d'un souci de penser la politique hors des rapports de domination, contre Thrasymaque, pour qui il y a des dirigeants et des dirigés, des exploitants et des exploités, et (ajout crucial) il doit en être ainsi.

Remarque que la domination devient le fin mot de l'histoire à partir du moment où c'est la partie désirante qui règne, c'est à dire, à partir de l'oligarchie. A partir du moment donc où le pouvoir n'est plus fondé sur un vrai système de valeur, on ne peut plus voir les choses autrement qu'en terme de rapport de force entre multiples composantes de la cité, et la domination devient alors un fait. 

 

Le 17/03/2022 à 23:11, Vilfredo a dit :

Par contre, contrairement à @Mégille, je ne dirais pas que c'est "psychologique et pas politique".

Je me contente là dessus de suivre le texte. On s'interroge d'abord sur la justice comme vertu, et pour ça, sur la constitution de l'âme juste. Les considérations sur la cité juste ne sont introduitent qu'en tant que vaste analogon de l'âme juste, parce que plus facile à étudier. Et par la suite, non seulement les retours au niveau de l'âme individuelle sont constant (elle n'est pas perdue de vue, c'est toujours elle qu'il s'agit de comprendre), notamment au livre IV sur les parties de la cité et au livre VIII sur ses formes corrompues, mais en plus, la partie proprement politique s'achève avec la théorie de la tyrannie, qui devient très vite essentiellement une théorie de l'état de malheur dans lequel est plongé l'âme tyrannique (qui est très exactement 729 fois moins heureuse que l'âme aristocratique du philosophe). 

D'ailleurs, dans le livre IV, Platon nous dit grosso modo que la cité juste respecte le NAP vis-à-vis des autres cités, mais parvient à se défendre quand même. Et les cités ne sont que des âmes individuelles, en plus gros. Donc...

(suggestion de lecture absolument hérétique, je sais)

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il y a 19 minutes, Mégille a dit :

Je ne suis pas sûr qu'il faille un guide chez Platon, pas individuel en tout cas.

Marx pensait que les sociétés les plus avancées aboutiraient en premier à la révolution, contredit par Lénine et Mao qui ont montré que les plus susceptibles d'y arriver étaient au contraire les plus arriérées. L'incarnation de l'Idée contredit parfois (voire souvent) les idées qui gravitent autour de l'Idée centrale.

 

(Je ne dis pas que Platon est marxiste, hein, je ne suis pas Popper. :lol: )

Posté

Oui bon, on attend encore le fasciste qui prétendra avoir le platonisme comme idéologie officielle ! 

Posté
il y a 2 minutes, Mégille a dit :

Oui bon, on attend encore le fasciste qui prétendra avoir le platonisme comme idéologie officielle ! 

Le fasciste, non. Le totalitaire ou l'idéocrate, en revanche...

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