Aller au contenu

« Allo, bonjour… Je voudrais donner de l'argent à l'Etat »


Messages recommandés

http://www.rue89.com…letat-12-218156

Pour réduire la dette publique, les citoyens peuvent donner de l'argent à l'Etat. Mais l'Etat ne le sait pas. Enquête en deux parties.

La petite musique du standard téléphonique du ministère de l'Economie et des Finances s'interrompt enfin. Une voix de femme.

« Allo ?

– Bonjour ! C'est pour faire un don à l'Etat. Je voudrais savoir à qui m'adresser ?

– Quel genre de don ?

– De l'argent. J'aimerais donner de l'argent. »

La standardiste se tait, je m'y attendais. Elle chuchote quelque chose à sa collègue.

« Pourquoi vous voulez faire ça ?

– Pour réduire la dette publique.

– Mais… »

Finalement, elle ne dit rien. Après la musique d'attente, elle me demande ce que « je veux réduire ». Je redis « la dette ». Elle me demande de patienter. Une autre voix :

« Bonjour ! Vous souhaitez faire un don à l'Etat ?

– Oui.

– Dans ce cas, il faut vous adresser à votre centre d'impôts. Je vais vous donner les numéros. Vous verrez avec eux.

– Très bien, merci.

– Si vous souhaitez avoir plus de renseigments, les inspecteurs d'impôts de Bercy peuvent vous expliquer au 08 10 46 76 87. »

« Vous souhaitez donner beaucoup ? »

Les deux premiers numéros sont ceux de messageries indiquant les dates limites de déclarations d'impôts. Au centre de renseignements, « Impôts Service », on me répond.

« Bonjour ! Je souhaite faire un don à l'Etat. »

Nouveau silence. Assez long.

« Allo ?

– L'Etat n'est pas habilité à recevoir des dons. Vous pouvez faire des dons à des organismes d'utilité publique. Ou pas d'ailleurs, mais les dons ne sont déductibles que pour les organismes d'utilité publique. »

Je sens bien que de l'autre côté, il est agacé. J'explique :

« Je voudrais donner de l'argent à l'Etat…

– Je vous dis que ce n'est pas possible. »

Silence.

« Vous souhaitez donner beaucoup ?

– Je ne sais pas.

– De toute façon, ce n'est pas possible. »

Il n'a pas l'air de vouloir poursuivre la conversation mais j'insiste.

« J'ai lu que ça l'était.

– Non ! »

Aux Etats-Unis, ça existe

Il a raccroché. Je rappelle. C'est la même voix. Je dis qu'on a été coupés et que je le soupçonne de m'avoir raccroché au nez. Ça l'énerve.

« Ce n'est pas mon genre. Vous pensez vraiment que c'est mon genre ?

– Je ne sais pas.

– Ce n'est pas mon genre.

– Bon. Et pour les dons ?

– Mais je vous dis que ce n'est pas possible…

– Je suis certaine que oui. J'aimerais juste savoir quelles démarches entreprendre. J'ai lu qu'on appelait ça le “don en remboursement de la dette”, c'est l'article… »

Il soupire vraiment fort puis il me met en attente. L'article existe bien. On le trouve dans le code général de la propriété des personnes publiques.

Il n'y a nulle trace de cet article ailleurs que dans Le Figaro daté du 28 mai 2010 et sur une dizaine de personnes contactées pour ce sujet (haut fonctionnaires, historiens, notaires…), pas une n'en avait connaissance.

L'idée n'est pas extravagante pourtant : aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, les citoyens ont la possibilité de verser de l'argent à l'Etat pour éponger la dette. De façon évidemment plus symbolique qu'utile.

« Ce n'est pas du tout diffusé parce que c'est très compliqué »

« Oui ? »

Je me dis que cette fois-ci, mon interlocuteur sera au courant. Je pense alors encore qu'à Bercy, cet article est connu. J'explique à nouveau :

« Je veux faire un don à l'Etat.

– Un don à l'Etat ? Et pour quel motif ?

– Pour réduire la dette.

– Ce n'est pas possible en France.

– Si. Comme aux Etats-Unis…

– On n'est pas aux Etats-Unis.

– Ecoutez, je pense que oui. Il y a cet article sur le “don en remboursement de la dette publique”. »

Il a l'air surpris. Il répond qu'il va vérifier. Quelques minutes plus tard :

« Madame ?

– Ah ! Vous avez trouvé ?

– Oui. C'est pas du tout diffusé parce que c'est très compliqué. Les personnes qui veulent donner doivent aller chez le notaire et établir un acte avec mentions légales. Ledit acte est ensuite envoyé au ministère compétent, à savoir celui du Budget. Après l'acceptation expresse des services administratifs compétents, sera publié un arrêté ministériel signifiant que le don est accepté. »

Il lit exactement les mêmes phrases que celles de l'article du Figaro.

« Mais pourquoi c'est si compliqué ?

– Ce n'est pas dans les caractéristiques classiques du don. Là, il n'y a pas d'exonération d'impôt. L'Etat n'est pas un organisme d'utilité publique. Donc, la première étape, c'est le notaire.

– Il y a un minimum ?

– Non, ce n'est pas précisé. Et c'est le ministère qui publie l'arrêté qui donnera foi à l'acte de donation. Voilà. Au revoir. »

Alors qu'aux Etats-Unis, les citoyens peuvent réduire la dette publique sur le site PayPal du gouvernement, en France, non seulement il faut attendre la publication d'un arrêté ministériel, mais personne ne sait que ça existe.

Un ancien ministre du Budget, qui juge l'outil intéressant, ignorait lui aussi son existence. Mais qui donne de l'argent à l'Etat ? Pourquoi cet article existe-t-il ? Si tous les Français versaient de l'argent, pourrait-on réduire efficacement la dette publique ? Les Américains sont-ils moins radins que les Français ?

Les réponses de haut fonctionnaires et de chercheurs à ces questions seront publiées jeudi sur Rue89.

Extrait du code

Sous-section 1 : dons et legs faits à l'Etat.

Art. L1121-1. Sous réserve des dispositions de l'article L. 1121-3, les dons et legs faits à l'Etat sont acceptés, en son nom, par l'autorité compétente, dans les formes et conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Sous-section 2 : dons et legs faits aux établissements publics de l'Etat.

Art. L1121-2. Les établissements publics de l'Etat acceptent et refusent librement les dons et legs qui leur sont faits sans charges, conditions ni affectation immobilière.

Lorsque ces dons ou legs sont grevés de charges, de conditions ou d'affectation immobilière, l'acceptation ou le refus est autorisé par arrêté du ou des ministres de tutelle de l'établissement public.

Sous-section 3 : dispositions communes à l'Etat et à ses établissements publics.

Art. L1121-3. Dans tous les cas où les dons et legs donnent lieu à des réclamations des héritiers légaux, l'autorisation de les accepter est donnée par décret en Conseil d'Etat.

Lien vers le commentaire

Amusante, cette démarche.

On imagine bien un fonctionnaire puant de l'autre côté du fil, irritable et pressé de raccrocher avec ce maudit serviteur qui ose le déranger entre deux parties de Démineur pour lui poser des questions.

L'Etat n'est pas un organisme d'utilité publique.

Mais, mais ? :calimero:

Si c'est pas un organisme d'utilité publique, c'en n'est pas un non plus d'utilité privée. Donc c'est d'inutilité publique. CQFD.

Lien vers le commentaire

Si c'est pas un organisme d'utilité publique, c'en n'est pas un non plus d'utilité privée. Donc c'est d'inutilité publique. CQFD.

En même temps, en tant que fonctionnaire, elle est bien placée pour savoir que l'état n'est pas d'utilité publique ^^

Lien vers le commentaire

Rigolo, cet article et ce fil viennent à point nommé pour mon billet du jour :

rt :

direct : http://h16free.com/2011/08/18/9580-quand-les-riches-socialistes-aiment-tendrement-limpot

wikio : (badurl) http://www.wikio.fr/vote?url=http://h16free.com/2011/08/18/9580-quand-les-riches-socialistes-aiment-tendrement-limpot (badurl)

-> n'hésitez pas à RT et liker, ça fera baver quelques socialauds qui croient encore aux fadaises de l'impôt généreux & citoyen.

Lien vers le commentaire

Si c'est pas un organisme d'utilité publique, c'en n'est pas un non plus d'utilité privée. Donc c'est d'inutilité publique. CQFD.

Stop ! C'est bien d'utilité privée : as-tu pensé à ceux des fonctionnaires qui ont un salaire, sans avoir de travail à fournir ?

Oui, ce n'est pas d'utilité publique, mais cela a un intérêt pour certains : ceux qui vivent de subventions.

Lien vers le commentaire

Pardon, mais on s'en tape un peu que ce ne soit pas déduit des impôts, non ?

J'veux dire, il suffit de faire un calcul pour savoir combien donner afin que, une fois tes impôts payés, au final tu te retrouves à avoir donné exactement ce que tu voulais donner au départ.

Pour simplifier, imaginons que l'impôt en France soit une flat tax de 20%. Tu a gagné un million d'euros, et tu souhaites qu'au final tu aies donné 600k€.

Ben dans tous les cas tu paieras 200k€. Il te suffit donc de donner 400k€.

Bien sûr en réalité c'est plus compliqué puisque l'impôt est progressif, mais ça doit se calculer.

Lien vers le commentaire

En France on préfère quand c'est imposé. La coercition fait perdre le côté désormais désuet de la "charité" (quel gros mot !) et de la volonté des individus.

Non vraiment, le don c'est bien, l'obligation c'est mieux.

Oui, tout l'intérêt est dans l'acte de voler. Si l'argent tombe tout cuit dans la bouche, ça n'est pas marrant.
Lien vers le commentaire

Archivé

Ce sujet est désormais archivé et ne peut plus recevoir de nouvelles réponses.

×
×
  • Créer...