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Marxisme et postmodernisme : les aventures de la superstructure


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Bon, l’honnêteté intellectuelle me pousse à infléchir la thèse que j'ai défendue initialement.

 

Je pense avoir dit en quoi le post-modernisme constitue une rupture significative, à gauche, vis-à-vis du marxisme.

 

Néanmoins, suite à un gio-débat, l'intéressé m'a fait remarquer que les "nouveaux mouvements sociaux" post-68 conservent, à défaut de la chair de la doctrine de Marx, une espèce de squelette intellectuel, qui s'énonce selon le schéma suivant. Je cite @Gio :

 

"Réification d'une catégorie, d'une situation ou d'un groupe auquel appartient l'individu. Cette catégorie / ce groupe / cette situation prédomine et prime sur l'homme en tant que tel, lequel n'existe pas chez Marx, comme tu le signales à juste titre. C'est donc ceci qui est l'objet de l'analyse, la source d'explication, et non plus l'homme. On analyse celle-ci dans son/ses rapport(s) (de force nécessairement) avec les autres catégories ou les autres groupes. Les usages humains sont déterminés par des catégories. Ce ne sont plus les hommes qui font des choix, pensent ou agissent d'après leurs idées, ce sont les catégories (et leurs rapport mutuels) qui agissent à travers les individus. Comme les usages et les codes humains (tel que le droit, la justice...) ne sont que des produits arbitraires des catégories (des conventions) le mal ou l'injuste réside dans la "domination" d'une catégorie sur une autre. (Domination = Oppression ; la notion d'oppression, de violence ou d'esclavage n'est plus nécessairement associé à la force physique) Si une catégorie souffre (car ce ne sont plus des humains qui souffrent, mais des catégories) c'est donc qu'elle est légitimement victime et qu'elle est ce pourquoi (et pour qui) il faut changer la société. A ce titre, on doit lui fournir, non pas des droits égaux (masque de la domination, donc de l'oppression), mais davantage de pouvoir. C'est le sens du progrès. A terme, il faudrait abolir les catégories, lesquelles sont finalement la source du mal."

 

Du coup il est exact que les deux mouvements partagent ce qu'on pourrait appeler un "abolitionnisme de structure" (beaucoup plus lourd à dire mais conceptuellement plus juste que "marxisme culturel"). Il y a donc une continuité minimale, ce qui n'est finalement pas illogique.

 

Ce qui tend à valider la position de @Lancelot (si l'abolitionnisme de structure est une erreur qui ruine le marxisme, il ruine aussi le féminisme, le communautarisme ou l'animalisme qui le reproduisent).

 

J'aimerais bien l'opinion de @poney du coup.

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Je ne sais pas ce qu'est le post modernisme en dehors de l'anthropologie, ça ne ressemble pas à ce qui est décrit.

Et ce que est décrit ne ressemble pas au Marx que je viens de lire (l'idéologie allemande, plusieurs chapitres du capital) a moins de faire du cherry picking chee Marx (y a beaucoup de trucs individualistes dans "idéologie allemande".)

 

Bref du Gio.

 

Non j'ai pas le temps de développer je suis en vacances pour encore 10 jours et j'ai déjà rompu mon serment de ne pas venir sur ce forum durant mes vacances.

 

Bisous du Sud à tous.

 

Je suis en train de lire "Karl Marx" de Isaiah Berlin que j'ai acheté ce matin, si j'y trouve qqchose je te dirai quoi.

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Il y a 4 heures, poney a dit :

1): Je ne sais pas ce qu'est le post modernisme

2): Et ce que est décrit ne ressemble pas au Marx que je viens de lire

 

Outre mon intervention au début du topic, je peux te renvoyer à cet excellent texte de Mary Klages: http://psythere.free.fr//postmoderne.htm

 

2): Le schéma me semble correspondre à ce qu'on trouve dans le Manifeste (L'idéologie traite surtout de l'histoire, le Capital d'économie):

 

-Le capitalisme industriel aboutit à la séparation entre producteurs et moyens de productions, donc à la formation de classes sociales définis en termes de rapports de production.

 

-La nature humaine est réductible aux rapports sociaux, eux-mêmes déterminés par les rapports de production (c'est ce qu'énonce et le Manifeste, et la 6ème thèse sur Feuerbach, qui pose un antinaturalisme philosophique radical: "L'essence de l'homme n'est pas une abstraction inhérente à l'individu isolé. Dans sa réalité, elle est l'ensemble des rapports sociaux."). Le prolétaire est donc beaucoup moins un individu qu'un membre de la classe prolétarienne. Son être, sa pensée sont déterminés par son appartenance de classe, par l'évolution de la classe et le devenir téléologique de celle-ci:

 

« Il ne s'agit pas de savoir ce que tel ou tel prolétaire, ou même le prolétariat tout entier, se propose comme but momentanément. Il s'agit de savoir ce que le prolétariat est et ce qu'il doit faire historiquement, conformément à son être. Son but et son action historiques lui sont tracés, de manière tangible et irrévocable, dans sa propre situation historique, comme dans toute l'organisation de la société actuelle. » -Marx & Engels, La Sainte Famille, 1845.

« Marx y a maintes fois insisté: ce n'est pas l'observation empirique des prolétaires qui permet de connaître leur mission de classe. C'est, au contraire, la connaissance de leur mission de classe qui permet de discerner l'être des prolétaires dans sa vérité. Peu importe, par conséquence, le degré de conscience que les prolétaires ont de leur être ; et peu importe ce qu'ils croient faire ou vouloir: seul importe ce qu'ils sont. Même si, présentement, leurs conduites sont mystifiés et les fins qu'ils croient poursuivre contraires à leur mission historique, tôt ou tard l'être triomphera des apparences et la Raison des mystifications. Autrement dit, l'être du prolétariat est transcendant aux prolétaires ; il constitue une garantie transcendantale de l'adoption par les prolétaires de la juste ligne de classe.

Une question se pose aussitôt: qui est capable de connaître et de dire ce que le prolétariat est quand les prolétaires eux-mêmes n'ont de cet être qu'une conscience brouillée ou mystifiée ? Historiquement, la réponse à cette question est : seul Marx a été capable de connaître et de dire ce que le prolétariat et sa mission historique sont en vérité. Leur vérité est inscrite dans l'œuvre de Marx. Celui-ci est l'alpha et l'oméga ; il est le fondateur.

Cette réponse n'est évidemment pas satisfaisante. En effet: pourquoi et comment l'être transcendant du prolétariat a-t-il été accessible à la conscience de Marx [et de lui seul] ?
» -André Gorz, Adieux du prolétariat.

 

Bref, "Ce ne sont plus les hommes qui font des choix, pensent ou agissent d'après leurs idées, ce sont les catégories (et leurs rapport mutuels) qui agissent à travers les individus."

 

-Or les classes prolétaire et bourgeoise sont antagonistes, les prolétaires exploités, la justice ne repose pas sur une nature humaine (normativement impuissante puisque réduite au social-historique, à la contingence) ni sur des droits bourgeois formels, mais sur la lutte politique pour renverser l'exploitation de classes et à terme abolir les catégories/classes elles-mêmes. Prolétaires de tous les pays, etc.

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  • 6 months later...
il y a 10 minutes, Bézoukhov a dit :

Je ne me souviens plus exactement de la problématique initiale de ce fil, ni de celles qui ont suivi (sic), mais un article intéressant sur le post-modernisme et ses relations avec les conneries qui nous empoisonnent aujourd'hui : https://areomagazine.com/2018/02/07/no-postmodernism-is-not-dead-and-other-misconceptions/

 

Aero a publié quelques articles sur la question, il semble qu'ils aient lancé un débat chez les intello de centre gauche qui lisent la revue aux USA

 

 

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Depuis l'ouverture de ce fil on avait commenté ce bon article sur le post-modernisme: https://areomagazine.com/2017/03/27/how-french-intellectuals-ruined-the-west-postmodernism-and-its-impact-explained/

 

On pourrait élargir le sujet en traitant du constructivisme (au sens d'anti-essentialisme) radical. Car du coup la question du lien entre Marx et les post-modernes, voire entre la pensée moderne et le post-modernisme des 50/60 dernières années, pourrait se poser.

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  • 4 weeks later...

Bon, voilà un moment que je voulais à la fois écrire sur ce sujet et réagir aux articles de Pluckrose, ce qui s’est transformé en programme de lecture dantesque (Lyotard, Foucault, Butler). Mais à la faveur d’un tweet de la même Pluckrose je suis entré dans la discussion sur une question à la formulation très pop « si le savoir est socialement construit, peut-il aussi être vrai ? ». Comme je me faisais taunter pour le caractère soit disant incompréhensible de mes tweets j’ai accouché de cinq pages et ravivé mon projet de blog. 

https://marbledagger.wordpress.com/2018/03/05/25/ (liens vers la conversation Twitter dans l’article).

 

Le début d’une belle aventure.

  • Yea 1
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Ah bon? Qu’est-ce qui te gêne?

 

edit : par contre à la relecture ce matin je me rends compte qu’il y a pas mal à refaire, notamment la discussion de la deuxième version du claim, dans laquelle il me semble avoir dérivé hors du sujet.

edit 2 : bon ça y est, la fin est beaucoup plus claire, je pense.

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19 hours ago, Anton_K said:

Bon, voilà un moment que je voulais à la fois écrire sur ce sujet et réagir aux articles de Pluckrose, ce qui s’est transformé en programme de lecture dantesque (Lyotard, Foucault, Butler). Mais à la faveur d’un tweet de la même Pluckrose je suis entré dans la discussion sur une question à la formulation très pop « si le savoir est socialement construit, peut-il aussi être vrai ? ». Comme je me faisais taunter pour le caractère soit disant incompréhensible de mes tweets j’ai accouché de cinq pages et ravivé mon projet de blog.

Et alors ils sont convaincus ?

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1 hour ago, Anton_K said:

Je crois pas, mais comme tu l'imagines ce n'était plus tellement l'enjeu. :)

 

Toi ça t'a convaincu?

Les prémisses sont un peu étroites à mon goût, et je trouve que ça nuit au final à la démonstration. En un sens partir du principe qu'il y a une vérité unique et des méthodes plus ou moins efficaces pour l'atteindre c'est faire comme si la problématique post-moderne était déjà résolue à la base. Pour ma part, étant déjà convaincu (en gros) de ces deux points par ailleurs, je n'ai pas de mal à suivre le reste.

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1 hour ago, Lancelot said:

En un sens partir du principe qu'il y a une vérité unique et des méthodes plus ou moins efficaces pour l'atteindre c'est faire comme si la problématique post-moderne était déjà résolue à la base.

 

Ce n'est pas vraiment de ça que l'article traite. L'article essaie de montrer que la description des déterminismes sociaux qui s'exercent sur la recherche scientifique ne justifie le scepticisme, du point de vue d'une personne défendant une norme épistémologique quelle qu'elle soit (mais qui de son point de vue est la bonne), qu'à condition que ces déterminismes empêchent l'application de ces normes épistémologiques.

 

Il ne s'agit pas tant de partir du principe de l'existence d'une "vérité unique" que de replacer à la fois les déterminants sociaux et les règles épistémologiques sur le même plans : l'influence de normes.

 

Le claim que j'ai essayé de réfuter me semble commun à la fois aux scientifiques qui craignent l'appel au scepticisme généré par la déconstruction, ET à certains postmodernes qui croient que la sociologie des sciences justifie une forme de scepticisme. Ce qui amène les premiers à nier que la "connaissance soit socialement construite", et les second à nier que la "connaissance puisse être justifiée". Deux attitudes également erronées.

 

Du coup, il semble que mon article n'était vraiment pas assez clair. :(

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20 minutes ago, Anton_K said:

Ce n'est pas vraiment de ça que l'article traite.

Oui, je parle des prémisses.

 

Quote

L'article essaie de montrer que la description des déterminismes sociaux qui s'exercent sur la recherche scientifique ne justifie le scepticisme, du point de vue d'une personne défendant une norme épistémologique quelle qu'elle soit (mais qui de son point de vue est la bonne), qu'à condition que ces déterminismes empêchent l'application de ces normes épistémologiques.

Pour défendre une norme épistémologique il faut admettre d'une part que toutes ces normes ne se valent pas, donc qu'il y a une vérité vers laquelle on peut tendre plus ou moins bien, et d'autre part qu'elles sont comparables, donc qu'il existe des méthodes plus ou moins efficaces pour l'atteindre.

 

Sinon comme je l'ai déjà dit je suis d'accord avec le reste (que je pense ne pas avoir trop mal compris, mais bien sûr je peux me tromper :mrgreen:).

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10 hours ago, Lancelot said:

Pour défendre une norme épistémologique il faut admettre d'une part que toutes ces normes ne se valent pas, donc qu'il y a une vérité vers laquelle on peut tendre plus ou moins bien, et d'autre part qu'elles sont comparables, donc qu'il existe des méthodes plus ou moins efficaces pour l'atteindre.

 

Je suis d’accord, mais le point fait dans l’article n’utilise pas le fait qu’une norme soit la bonne. Il ne nécessite de se prononcer la sur la justification, l’évaluation ou la comparaison d’aucune normes. 

 

Tout ce que je dis c’est que quelqu’un qui adhère à une norme épistémologique, quelle qu’elle soit, ne peut être réduit au scepticisme que si on lui montre (que l’on adhère ou pas à cette norme) que cette norme n’a pas été respectée. Faire l’observation que je viens de faire ne requière pas de croire qu’il y a une norme épistémologique ultime. Seulement que la personne dont le scepticisme est en jeu le croie.

 

Peut-être que l’article insiste trop sur le second aspect et pas assez sur cette distinction elle même. Mais c’est bien qu’on en parle, ça va me permettre d’ajuster la formulation.

 

edit : en fait c’est vrai que je dis dans l’article que je suppose qu’il y a une « bonne norme » mais il faut que je corrige ça car c’est superflu.

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Il y a 2 heures, Anton_K a dit :

Ça y est,  je crois que c’est plus clair.

 

Sur la forme pure, faudra fignoler ton blog, que ce soit le thème, l'organisation (distinguer la page d'accueil du reste, prévoir plusieurs catégories si tu comptes écrire sur plusieurs sujets), et dans l'article lui-même il faudra distinguer les titres avec les balises prévues à cet effet. Ajoute des tags, aussi.

Pense aussi à mettre la balise <!--more--> (ou le petit logo prévu à cet effet, si tu écris via l'éditeur de texte), cela permet de distinguer l'accueil pour tes différents articles du contenu de tes articles (là, tu n'en as qu'un, mais si tu veux vraiment te mettre au blog et produire plusieurs articles, les distinguer sera pratique et plus agréable pour le visiteur).

 

Tu es sur wordpress.com, tu peux gérer les widgets pour améliorer l'esthétique & renvoyer, sur la colonne latérale, à des liens divers et variés. Si tu écris plusieurs articles, n'oublie pas les renvois internes de l'un à l'autre, pour améliorer ton référencement (car être lu, c'est bien).

Voili voilou.

 

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13 minutes ago, NoName said:

Tu devrais le proposer à quilette 

 

J’aime pas tellement Quilette. Areo peut-être. J’attends encore quelques retours de « beta-testeurs » avant de le diffuser.

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1 minute ago, Flashy said:

 

Sur la forme pure, faudra fignoler ton blog, que ce soit le thème, l'organisation (distinguer la page d'accueil du reste, prévoir plusieurs catégories si tu comptes écrire sur plusieurs sujets), et dans l'article lui-même il faudra distinguer les titres avec les balises prévues à cet effet. 

Pense aussi à mettre la balise <!--more--> (ou le petit logo prévu à cet effet, si tu écris via l'éditeur de texte), cela permet de distinguer l'accueil pour tes différents articles du contenu de tes articles (là, tu n'en as qu'un, mais si tu veux vraiment te mettre au blog et produire plusieurs articles, les distinguer sera pratique et plus agréable pour le visiteur).

 

Tu es sur wordpress.com, tu peux gérer les widgets pour améliorer l'esthétique & renvoyer, sur la colonne latérale, à des liens divers et variés. Si tu écris plusieurs articles, n'oublie pas les renvois internes de l'un à l'autre, pour améliorer ton référencement (car être lu, c'est bien).

Voili voilou.

 

 

Merci des conseils. Je pense que j’aurai des questions à te poser. Pour l’instant je dois pas avoir trouvé la bonne page de customization car la seule sur laquelle je sois tombé était vraiment nulle et mal foutue.

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il y a 15 minutes, Anton_K a dit :

Merci des conseils. Je pense que j’aurai des questions à te poser. Pour l’instant je dois pas avoir trouvé la bonne page de customization car la seule sur laquelle je sois tombé était vraiment nulle et mal foutue.

 

N'hésite pas. J'ai l'offre premium, pas l'offre de base, mais je pense que les menus restent les mêmes.

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13 hours ago, Anton_K said:

Tout ce que je dis c’est que quelqu’un qui adhère à une norme épistémologique, quelle qu’elle soit, ne peut être réduit au scepticisme que si on lui montre (que l’on adhère ou pas à cette norme) que cette norme n’a pas été respectée. Faire l’observation que je viens de faire ne requière pas de croire qu’il y a une norme épistémologique ultime. Seulement que la personne dont le scepticisme est en jeu le croie.

Prenons les choses par un autre angle : montrer ça ne constitue pas une réponse satisfaisante à "if knowledge is culturally constructed, then it cannot be true" dans la mesure où, précisément, cette affirmation est utilisée pour soutenir la position qu'il n'y a pas de norme ultime.

Si quelqu'un dit "je ne pense pas qu'une vérité objective existe car la vérité est culturellement construite" et qu'on lui répond "si tu croyais qu'une vérité objective existe alors le fait que la vérité puisse être culturellement construite ne devrait pas te poser de problème", il est en droit de répondre "mais je ne crois pas une telle chose donc ça me fait une belle jambe".

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59 minutes ago, Lancelot said:

Prenons les choses par un autre angle : montrer ça ne constitue pas une réponse satisfaisante à "if knowledge is culturally constructed, then it cannot be true" dans la mesure où, précisément, cette affirmation est utilisée pour soutenir la position qu'il n'y a pas de norme ultime.

 

Pas forcément, d’ailleurs c’est à mon avis une affirmation plus fréquente chez des gens qui veulent défendre l’idée que la connaissance n’est pas socialement construite, parce que si elle l’était, elle ne serait pas vraie. D’ailleurs c’est précisément à cette affirmation par Pluckrose et certains de ses followers que je répondais. C’est une affirmation qui est plus rare chez les postmodernes (pour l’instant je n’ai pas pu l’isoler dans des textes de référence), dont le travail consiste plus à déplacer l’objet du discours, de la justification des normes vers leur construction sociale. Peut-être sentent ils qu’au fond ce sont des questions indépendantes même si certains utilisent, implicitement, ce changement de focalisation pour susciter un scepticisme. C’est une autre question à laquelle je consacrerai aussi un article. Toujours est-il que l’affirmation dont on parle là, je la tiens pour un préjugé des deux « camps ».

 

Quote

Si quelqu'un dit "je ne pense pas qu'une vérité objective existe car la vérité est culturellement construite" et qu'on lui répond "si tu croyais qu'une vérité objective existe alors le fait que la vérité puisse être culturellement construite ne devrait pas te poser de problème", il est en droit de répondre "mais je ne crois pas une telle chose donc ça me fait une belle jambe".

 

En effet, c’est ce que le postmoderniste sceptique pourrait répondre.

 

Mais moi je lui montre que le fait qu’il ait montré qu’elle est socialement construite n’oblige logiquement personne à ne plus « y croire ». Son « car » est donc non avenu. Car les effets de la déconstruction sur le scepticisme ne dépendent que des croyances de celui dont le scepticisme est en jeu.

 

Autrement dit, non, pour accepter mon argument, le constructionniste n’a pas besoin d’être lui même commis à « l’existence » d’une vérité objective. Ce serait le cas si je disais que l’analyse social-constructionniste nécessitait qu’il croie lui même à une norme ultime du vrai, ce n’est précisément pas l’argument que je veux faire.

 

Est ce que tu vois la différence ? Si tu ne la vois pas j’en passerai par une formalisation de ma proposition et de la tienne, qui la fera apparaître plus clairement mais je ne peux pas le faire tout de suite, car je suis sur mon téléphone, et sensé faire autre chose. :) Tu peux aussi relire si tu n’as pas lu la version de ce matin, car je crois que ce qui amenait sûrement à ton interprétation a été corrigé.

 

 

 

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Essayer de réfuter les sophismes post-modernes n'a qu'une utilité limitée car les post-modernes sont généralement dans l'assertion gratuite. Que répondre à des énoncés du genre "le simulacre a remplacé la simulation" (Baudrillard), ou aux propos crâneurs de Deleuze, au sectarisme de Derrida ?

 

« 

Les objections n’ont jamais rien apporté. » (p.7)

« Il ne faut pas chercher si une idée est juste ou vraie. » (p.16)

-Gilles Deleuze, Dialogues, (Entretien avec Claire Parnet), Flammarion, 1996, 184 pages.

 

« A la philosophie, donc, les "concepts", et à la science les "fonctions", selon une répartition en laquelle, un peu hypocrites sur les bords, Deleuze et Guattari demandent de ne voir aucune hiérarchie de dignité. A les lire en tout cas, tout décourage les sciences sociales de s'approprier le concept, présenté comme l'arme même de la problématisation philosophique, dans une conception de la philosophie entièrement thétique, procédant par positions, et même par positions unilatérales de problèmes fondamentalement incommensurables, qui ne laissent de place qu'à des opérations de relance créative ou de réappropriation singulière (toujours déformante), mais aucune à la discussion (dont on sait combien Deleuze l'avait en horreur), réduite à l'absurdité d'un parfait contresens: "il est vain de demander si Descartes a tort ou raison". »

-Frédéric Lordon, La Société des affects. Pour un structuralisme des passions, Éditions du Seuil, coll. L'ordre philosophique, 2013, 284 pages, p.44.

 

« Je dirais pas que Derrida était quelqu’un qui répondait volontiers aux objections. […] On ne peut pas discuter avec Derrida et les derridiens, ce n’est pas possible. Si quelqu’un a essayé, je peux vous assurer que c’est moi.  »

-Jacques Bouveresse.

 

« [Foucault et Derrida] ont conféré une nouvelle vigueur […] à la vieille critique philosophique des sciences, et des sciences sociales en particulier, et favorisé, sous la couverture de la Déconstruction et de la critique des textes, une forme à peine masquée de nihilisme irrationaliste. »

-Pierre Bourdieu, « Le sociologue et la philosophie », entretien avec H. Ichizaki, in Klaus Wagenbach (dir), Satz und Gesensatz. Uber die Verantwortung des Intellektuellen, Berlin, Klaus Wagenbach, Verlag, 1989.

 

"Tous mes livres ne sont que des fictions" comme disait Foucault.

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1 minute ago, Johnathan R. Razorback said:

Essayer de réfuter les sophismes post-modernes

 

Note que je dis explicitement dans mon message précédent que ce n’est pas le but de mon article.

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Foudforfought à ce sujet

 

Citation

Paul Veyne

186— Prenez les grandes invasions. Quand on les étudie dans le détail, c’est une poussière d’événements tragiques, meurtriers… Mais ça n’est pas le déversement d’un peuple dans un autre, la Germanie se retrouvant vide! Ce sont des opérations politiques, avec des groupes de 10000 ou 20000 hommes! Vous avez Alaric qui traverse l’Empire romain avec 15000 hommes et s’y promène pendant quinze ans comme s’il était chez lui, en pillant les greniers militaires… Et les Romains ne peuvent rien faire, c’est une sorte de chasse au lièvre. Voilà le drame des grandes invasions. De plus, ce qui inquiétait l’empereur, ça n’était pas de perdre des terres, c’était plutôt qu’on conteste le fait que c’était lui l’empereur! Il était prêt à larguer tout le sud de la Gaule à Alaric, pourvu qu’on ne lui oppose pas un autre empereur! Ce n’était pas la défense du territoire, c’était la défense du trône. Alors, pour en revenir à votre question, du coup l’événement «grandes invasions» s’effrite… Comme dirait Derrida, il est déconstruit!

187Nathalie Heinich

188— Seulement, quand on entend une phrase de ce genre, elle est devenue évidente aujourd’hui! Qui aujourd’hui, dans nos disciplines, croit encore à une transparence du discours scientifique, à une immédiateté du rapport au réel, etc.?…

189Paul Veyne

190— Très bonne nouvelle…

191Nathalie Heinich

192— … Mais, votre discours, qui apparaissait provocant voire hérétique il y a trente ans, paraît aujourd’hui presque doxal! Est-ce une bonne mauvaise ou une mauvaise nouvelle?

193Paul Veyne

194— J’en suis ravi, mais je ne savais pas que j’y étais pour quelque chose! Enfin, merci… Je vous paierai le champagne en sortant!

195Nathalie Heinich

196— Le problème est qu’en même temps, votre discours est repris de façon naïve et déformée par des gens qui, notamment outre-Atlantique, affirment que tous les discours se valent, qu’il n’y a ni référentialité ni vérité… C’est le postmodernisme dans ce qu’il a de plus obtus!

197Paul Veyne

198— Ah, ça me rappelle quelque chose du même genre. Contre le discours cent fois entendu, comme quoi une œuvre se réduit à la somme de ce que les critiques successives y ont vu, quelqu’un a heureusement rétorqué à cela une évidence très simple: l’œuvre elle-même n’est pas sa propre critique! De toute manière, beaucoup d’universités américaines ne sont guère que des écoles Pigier! Au fin fond du Texas, vous avez trois types qui s’excitent sur des idées mal comprises, et qui forment des sténo-dactylos!

199Jean-Marie Schaeffer

200— Cela dit, aux États-Unis le postmodernisme s’est imposé davantage dans les départements de littérature que de philosophie! Derrida pour nous est un philosophe, alors qu’aux États-Unis, il est souvent considéré comme un littéraire!

201Paul Veyne

202— Ah bon! Vous me rassurez…

203Jean-Marie Schaeffer

204— Les philosophes américains n’ont pas adhéré en masse au courant de la déconstruction. D’ailleurs Derrida voyait dans les positions de la philosophie du langage, et plus précisément dans celles de Searle, une expression typique du capitalisme américain, avec l’utilitarisme, le pragmatisme, etc. Inutile de vous dire que Searle avait répondu de manière un peu énervée! En gros, ce courant a séduit surtout les départements de littérature, et a essaimé ensuite dans les départements d’anthropologie et de sociologie…

205Nathalie Heinich

206— Et du coup, dans les librairies, il n’y a plus de rayon sociologie, mais seulement des Cultural Studies! Je passe à une autre phrase de Comment on écrit l’histoire: «Subjectivité ne veut pas dire arbitraire. L’histoire est subjective; il demeure que tout ce que les substances-hommes font dans la rue, de quelque manière qu’on le considère, est parfaitement objectif». Il me semble que là, vous vous opposez à trois illusions. D’abord, l’illusion positiviste, selon laquelle l’histoire serait un reflet de la réalité objective – on vient d’en parler. Ensuite, l’illusion naturaliste, selon laquelle les déterminations humaines seraient arbitraires – seule la nature serait porteuse de nécessité. Enfin, l’illusion idéaliste (ou postmoderne), selon laquelle ce n’est pas seulement le compte rendu de l’expérience qui n’a pas de consistance objective, mais aussi l’expérience elle-même. Vous traciez là un programme qui allait s’avérer très productif dans les années 1980-1990…

207Paul Veyne

208— Je le crois, puisque vous le dites! Mais vous savez, à cette époque-là, je faisais de l’histoire romaine!

209Nathalie Heinich

210— Cela dit, aujourd’hui, l’illusion positiviste me semble relativement bien dissipée, contrairement à l’illusion idéaliste, dont nous venons de parler… Reste l’illusion naturaliste: on trouve encore beaucoup de gens, dans les sciences sociales, qui pensent que, puisque c’est socialement construit, c’est arbitraire. Comme si seul ce qui était naturel avait une nécessité… On est encore dans la théologie!

211Paul Veyne

212— Est-ce que vous pouvez m’expliquer cela? Je ne me comprends pas moi-même!

213Nathalie Heinich

214— Si vous dites aujourd’hui de quelque chose que c’est subjectif, pour beaucoup de gens – y compris pour pas mal de sociologues – cela voudra dire que ça n’a aucune valeur, que c’est arbitraire, parce que ce n’est pas rendu nécessaire par une instance toute puissante, qui serait le «social». Alors que vous, vous dites que certes, le social a ses règles propres, qu’il n’est pas naturel, mais que ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas d’objectivité dans l’expérience humaine?

215Paul Veyne

216— D’accord. Les créations humaines les plus subjectives – par exemple la peinture abstraite, ou l’impressionnisme, qui était encore plus imprévisible que la peinture abstraite –, on ne peut pas leur faire dire n’importe quoi. Et pourtant, c’est une création qui ne doit rien à la lourdeur des choses!

217Nathalie Heinich

218— Je crois que si cette illusion naturaliste est si difficile à éradiquer, c’est qu’elle vient tout droit de la tradition théologique: il y a toujours cette nostalgie du paradis perdu d’une nécessité transcendante. Et une bonne partie de l’énergie déployée par les sciences sociales consiste à courir après ça, en remplaçant la nécessité divine par des instances transcendantes telles que la «nature» ou le «social», avec la certitude que si les phénomènes humains ne sont pas dictés par elles, ils sont arbitraires, c’est-à-dire sans nécessité, sans consistance!

219Paul Veyne

220— Il y a autre chose: le social dont vous parlez est vu comme une transmutation matérialiste d’une idée dont on a oublié l’importance: le Zeitgeist, ou l’esprit du temps. L’autre jour, je lis une chose marrante d’un jeune peintre plein d’enthousiasme, qui explique que la peinture non-figurative et les installations sont évidemment contemporaines d’Einstein et des incertitudes d’Heisenberg. C’est le même Zeitgeist, le même style spenglerien, le même esprit du temps! La grande causalité! Il y a bien les Allemands qui sont revenus d’une telle idée, mais ici on y croit encore beaucoup!

221Jean-Marie Schaeffer

222— Je me demande si cette illusion naturaliste n’est pas due surtout à la survie de la dichotomie nature/culture, dichotomie très ancienne et presque constitutive de la culture occidentale? Ce qui fait que, bizarrement, les sciences humaines sont naturalistes d’une manière qui n’est plus depuis longtemps celle de la biologie! En effet, pour les sciences biologiques, au moins depuis Darwin, il n’y a pas de vraie détermination naturelle, ni de téléologie, ni même de Zeitgeist biologique… Ce sont plutôt des interactions individuelles entre organismes, et l’aléatoire des recombinaisons génétiques qui font l’histoire du vivant. On a donc l’impression que, dans le champ des sciences humaines, on vit sur un modèle de la nature qui n’existe plus dans les sciences de la nature! Alors que c’est ce domaine-là qui a servi de fondement à l’évolution des sciences humaines…

223Paul Veyne

224— Effectivement, il y a une inversion des rapports entre exister par nature et exister par convention…

225François Flahault

226— L’idée subsiste toujours que si c’est construit, c’est contestable, et que le sujet humain est un noyau naturel, environné d’artificialité…

227Paul Veyne

228— Et qui est manipulé!

229Nathalie Heinich

230— Exactement. On voit beaucoup ça dans les Gender Studies, où les féministes s’évertuent à démontrer que la différence des sexes n’est pas naturelle mais socialement construite, avec l’idée sous-jacente que puisqu’elle est socialement construite, elle est arbitraire, produit d’un méchant complot machiste pour opprimer les femmes – et qu’on peut donc s’en débarrasser… Alors que la bonne formule consisterait à dire qu’elle est, bien sûr, socialement construite (en partie), comme toute notre réalité, et que c’est justement parce qu’elle l’est qu’elle a une nécessité! C’est aussi parce qu’elle est une construction humaine qu’elle s’impose à nous, et non pas en dépit de cela!

231François Flahault

232— On retrouve toujours l’idée du sujet-substance à qui on impose des formes qui l’aliènent…

233Paul Veyne

234— Oui: tous les accidents sont arbitraires, ils ne reposent sur rien…

235Nathalie Heinich

236— … Et du coup, la seule nécessité serait le sujet naturel, le droit naturel, etc.

237Jean-Marie Schaeffer

238— C’est bien là qu’on trouve une forme d’inversion un peu absurde, puisque la biologie ne prétend pas être le domaine du naturel opposé à l’artificiel, ni surtout du déterminisme opposé à l’accident: l’histoire du vivant est une suite d’«accidents», si l’on veut.

239Nathalie Heinich

240— Le pire, c’est de voir des chercheurs en sciences sociales – qui devraient être les premiers persuadés des nécessités de la vie sociale et du fait que si on a fabriqué des règles, ça n’est pas pour rien – qui discréditent tout ce qui est censé être socialement construit comme si ça n’avait aucune importance, aucune valeur! Ce qui engendre non seulement beaucoup d’apories, de problèmes mal construits par des chercheurs, mais aussi l’utilisation d’une argumentation pseudo-scientifique au service de combats politiques sans doute légitimes, mais qui seraient beaucoup mieux étayés par des arguments politiques ou moraux!

241François Flahault

242— Effectivement, on a là une croyance persistante dans le sujet-substance, croyance fondamentale dans le monde occidental. De même que l’astronomie s’est édifiée sur une base théologique, on a construit les sciences sociales sur la base de certaines croyances.

243Nathalie Heinich

244— En linguistique, Saussure a montré que l’arbitraire du signe fonctionne justement parce qu’il est arbitraire: on devrait dire la même chose en sociologie… La vie sociale fonctionne parce qu’elle se base sur autre chose que des réalités naturelles! Or il me semble que c’est en partie en vous lisant que j’ai compris tout ça…

245Paul Veyne

246— Eh bien, j’en suis ravi! Je devrais essayer de me lire, si j’y arrive!

http://journals.openedition.org/lhomme/29548

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"On a là une croyance persistante dans le sujet-substance, croyance fondamentale dans le monde occidental."

 

Moui, je crois que ça c'est le contraire même de la réalité. Depuis Nietzsche au moins, le sujet et la substance en prennent plein la figure, a fortiori chez les post-modernes ( @Mégille aurait sûrement des choses à nous dire là-dessus). De Saussure jusqu'à Simondon en passant par Sartre, Barthes ou Castoriadis, tout n'est que course à la désbustantialisation et croisade anti-essentialisme (et l'excès de toute bonne chose est un poison, dirait H. Bloom). Et d'ailleurs Heinich ratifie en loucedé le "féminisme*" post-moderne en contestant seulement la pertinence morale de ses thèses.

 

*Entre guillemets car féminisme sans sujet (puisque le sexe est un arbitraire social) et donc absurde.

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