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Le libéralisme est-t-il nécessairement nominaliste ?


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En propos liminaire, je tiens à préciser que, comme beaucoup de monde ici, j'ai arrêté le catéchisme au CM2 et la philosophie en mathématiques spéciales. Je parle donc de choses que je ne maîtrise que partiellement, et je serai forcément limité dans mes interventions au delà de ce premier message.

 

Dans le dernier numéro du Figaro est paru un article de Chantal Delsol, "Pourquoi est-t-il devenu impossible en Europe d'avoir un vrai débat sur l'immigration ?", où elle écrit ceci, entre autres :

 

Citation

Autrement dit on ne peut alors parler que des individus : il faut être nominaliste.

 

Je retombe alors sur la page Wikibéral du nominalisme (https://www.wikiberal.org/wiki/Nominalisme ) et quelle ne fut pas ma surprise de voir que, sous le paragraphe "nominalisme et libéralisme", on ne faisait que l'éloge dudit nominalisme, sans jamais envisager un libéralisme qui ne serait pas nominaliste. Pourtant, il me semble que le droit naturel, que l'on sort à tort et à travers, ne découle pas vraiment d'une tradition nominaliste ; cet article ne serait-t-il donc pas quelque peu péremptoire ?

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Hayek était de l'opinion que le libéralisme était indissolublement lié au nominalisme ; toutefois, Rothbard et Rand étaient réalistes (et ceux qui les ont suivi aussi), et Mises était probablement conceptualiste (kantisme oblige). Je soupçonne que la question mérite une analyse un peu plus fine...

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il y a 9 minutes, Rincevent a dit :

Mises était probablement conceptualiste (kantisme oblige)

 

Pourtant, sur Wikibéral, qui n'est pas la Bible, on lit :

 

Citation

Ludwig von Mises se réclame explicitement d’une approche nominaliste (au sens classique du terme) :

Les pouvoirs établis, qui ne veulent pas succomber, trouvent dans la philosophie collectiviste des armes pour la défense de leurs droits. Mais même ici, le nominalisme est une force sans répit qui cherche toujours à progresser. Tout comme dans le domaine de la philosophie il dissout les vieux concepts de la spéculation métaphysique, ici aussi il met en pièces la métaphysique du collectivisme sociologique. (Ludwig von Mises[3])

 

Mais oui, la question nécessite des connaissances que je n'ai pas ; et peut être même que la question est mal posée. On pourrait se demander si la querelle des universaux a un quelconque intérêt dans le cadre des pensées libérales par exemple, pour poser un problème plus "faible".

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Hmmm, on va dire que Mises n'était pas un grand philosophe (ni un grand théoricien des relations internationales, mais ça n'a rien à voir). Il va nous falloir des philosophes, des vrais. @F. mas ?

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Il y a 1 heure, Rincevent a dit :

1): Rand étaient réalistes

 

2): Mises était probablement conceptualiste (kantisme oblige).

 

1): Réaliste en ontologie ! => https://fr.wikipedia.org/wiki/Réalisme_(philosophie)

 

Mais anti-réaliste (et anti-nominaliste) en épistémologie, cf l'Introduction à l'épistémologie objectiviste): "Whereas Aristotle's moderate realism assumes a rather passive approach to cognition (since universals exist in the world and can therefore imprint themselves on the mind), both Abelard [...] and Rand held that human conceptual consciousness plays a more active role by drawing concepts out of the particulars through a process of abstraction."

"Conceptualism. The conceptualists hold that the only universals are human abstractions or concepts. While concepts are human creations, the process of concept-formation is one of abstraction from the actual features of particular entities, and therefore concepts (in general) contain nothing that does not exist in reality. On this view, there are no universal entities: universals exist neither in a separate realm nor in particular entities. However, human concepts are based on abstraction from particular entities, so that the names we give to things are neither arbitrary nor subjective, but directly grounded in the features of entities. Thus both existence and consciousness contribute to the process of concept-formation: reality contributes the particular entities and their features, while human cognition contributes the abstractions that unite those entities and features into universal concepts.

Based on this five-fold system of classification, it is clear that both Abelard and Rand are conceptualists
."
-Peter Saint-André, First published in the Journal of Ayn Rand Studies, Volume 4, Number 1 (Fall 2002), pp. 123-140.

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Conceptualisme

 

2): Non, du tout.

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Il y a 1 heure, Bézoukhov a dit :

Chantal Delsol

 

Élève de Freund (type brillant, là n'est pas la question) donc influence aristotélicienne et probablement thomiste. Or le sport favori des thomistes consiste à imputer tout le mal du monde aux philosophies postérieures à Thomas d'Aquin. La vérité était connue mais voilà que sont venus les vils nominalistes => Luther => Hobbes => contractualisme et philosophie moderne => Révolution française et déclin du christianisme.

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il y a 50 minutes, Lancelot a dit :

Qu'est-ce que ça impliquerait, dans un sens ou dans l'autre ?

 

Si le libéralisme découlait du nominalisme, la position thomiste (André de Muralt & autres), qui consiste à taper sur le premier en tant que conséquence du second, serait plus solide qu'elle ne l'est en réalité.

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Il y a 1 heure, Bézoukhov a dit :

On pourrait se demander si la querelle des universaux a un quelconque intérêt dans le cadre des pensées libérales par exemple, pour poser un problème plus "faible".

 

Il n'est pas invraisemblable qu'il existe un lien mais plutôt que de voir dans le nominalisme la source première du libéralisme (thèse d'Alain de Benoist & autres), les deux phénomènes sont plus vraisemblablement concomitants que liées par une relation causale à sens unique:

 


Ce n'est qu'aux alentours des XIIIe et Xlv" siècles que se font ressentir les premiers effets de l'immersion de l'individualisation chrétienne de la foi dans les mentalités, la philosophie politique et l'organisation sociale européenne. A cette époque charnière apparaissent des changements sociaux et culturels significatifs qui tendent à faire de l'individu l'acteur de base « visible» de la société. Une nouvelle ontologie de l'individuel s'élabore tandis que le sujet individualisé devient une catégorie fondamentale du droit - d'abord théologique puis laïque. Un peu partout en Europe occidentale, l'établissement puis la consolidation des premières véritables villes provient de la coopération de volontés individuelles agissant de leur propre initiative. En France, dès les XIe et XII" siècles, Roscelin puis Abélard inaugurent la théologie de l'individuation. Mais l'épicentre de ces surgissements spontanés, simultanés et
interactifs, semble surtout se situer en Angleterre où Guillaume d'Ockham va accomplir la révolution épistémologique donnant naissance au cours du Xlv" siècle à un second courant nominaliste plus puissant et aux implications politiques et sociétales considérables. [...]

Dans la mesure où les thèses nominalistes (selon lesquelles n'existent d'une manière générale que des êtres singuliers dont chacun est absolument un) ne commencent à s'étendre à la conception des relations homme/société qu'au cours du XIVème siècle, elles ont sans doute plus traduit ou accompagné le changement culturel déjà à l'œuvre qu'elles ne l'ont suscité. A cette époque en tous cas, le résultat intellectuel de la confrontation théologico-politique d'Ockham avec la papauté est que pour la première fois dans l'Histoire, le paradigme individualiste commence à prendre forme dans le champ épistémologique, puis « sociologique » et éthique, en s'opposant à la philosophie réaliste et holiste alors dominante de saint Thomas. Pour G. d'Ockham, les universaux et autres « substances secondes » aristotéliciennes dont le thomisme affirme la réalité primordiale ne sont que des signes, des abstractions,
et n'existent littéralement pas. Il n'y a rien d'ontologiquement réel au-delà de l'être particulier, de l'individuum - terme du latin scolastique apparu alors depuis peu dont Ockham retourne la logique pour en faire non plus l'aboutissement d'un processus d'individuation à partir du genre ou de l'espèce, mais l'objet d'une intuition originelle et empirique de la réalité nécessairement singulière et une. L'individu est un tout unique et séparé qui existe par lui-même, et cela vaut aussi dans l'ordre de l'humain. En conséquence, les totalités que semblent être les institutions et les corps sociaux (universitas) perdent tout droit de cité et sont réduites à n'être que la simple collection (societas) des parties qui les composent et seules existent: les individus
humains. Ainsi, tel ordre religieux ou l'Eglise en elle-même n'existent pas, ils sont simplement le nom (d'où le ... nominalisme) donné à l'ensemble des Frères ou des fidèles individuels. Par là même s'enclenche le processus d'individualisation et de recomposition de la société, avec une séparation du spirituel et du séculier légitimant l'autonomisation du politique - et par l'attribution au sujet individuel du droit naturel de choisir, de s'associer volontairement et contractuellement, et de se livrer à l'appropriation privée des biens.

Selon l'analyse que l'un des plus grands historiens mondiaux de la philosophie, le P. Coppleston, fait de l'ouvrage d'Ockham intitulé Opus nonaginta dierum. le franciscain d'Oxford pose explicitement que « L'individu a son droit naturel à la propriété. Dieu a donné à l'homme le pouvoir de disposer des biens sur la terre selon un mode dicté par la droite raison et, depuis la Chute, la droite raison montre que l'appropriation individuelle des biens temporels est nécessaire. Le droit de propriété privée est ainsi un droit naturel voulu par Dieu et il est donc inviolable, au sens que personne ne peut être dépouillé de ce droit par un pouvoir terrestre» (A history of philosophy).

 

-Alain Laurent, Histoire de l'Individualisme.

 

Quand à l'idée que toute pensée libérale présuppose une épistémologie nominaliste, l'Objectivisme est là pour prouver le contraire. Idem des initiatives récentes pour fonder un libéralisme aristotélicien ( https://wombatron.wordpress.com/2009/01/29/aristotelian-liberalism/ ).

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il y a 20 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

Il est génial en épistémologie des sciences.

En épistémologie de l'économie, c'est indubitable. Mais je me demande si il s'est spécialement exprimé sur les autres sciences.

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il y a 3 minutes, Rincevent a dit :

En épistémologie de l'économie, c'est indubitable. Mais je me demande si il s'est spécialement exprimé sur les autres sciences.

 

Tout le début de L'Action Humaine, en visant à distinguer ce qu'est la science économique, contient nombre de remarques utiles sur la nature de la science et celles d'autres sciences. Et il y a aussi Théorie et Histoire.

 

Sinon, pour revenir au sujet: Locke est le philosophe considéré comme le premier libéral, le plus classique et l'un des mieux connus ; or selon certaines sources il est nominaliste comme Hobbes (mais je ne connais pas directement son épistémologie).

 

Enfin, les thomistes ne mettent pas seulement en cause le libéralisme ; pour eux l'individualisme nominaliste est voué à se dégrader jusqu'à des formes d'individualisme libertaire / anarchique (le libéralisme n'étant qu'une étape de la chaîne de dégénérescence): 

 

"Les slogans de mai 68 illustrent par leur radicalité remarquablement ce conflit entre « moi » et « non-moi », tiraillant l'individu confronté à la gestion de sa propre puissance. La tension qui en résulte s'exprime par un rejet de toutes les structures d'ordre (« le sacré, voilà l'ennemi » ; « Je ne suis au service de personne (pas même du peuple et encore moins de ses dirigeants) », l'affirmation de la prévalence de l'individu (« Jouissez ici et maintenant » ; « Je décrète l'état de bonheur permanent »), un rapprochement de la morale et du droit au point de les incorporer (« La paresse est maintenant un crime oui, mais en même temps un droit »). Deux inscriptions murales résument la quintessence de notre modernité : « La liberté commence par une interdiction : celle de nuire à la liberté d'autrui » ; « Ni maître, ni Dieu. Dieu, c'est moi ». Bien que la finalité de ces slogans soit fondamentalement étrangère aux intentions d'Ockham, ils affirment comme son nominalisme l'inexistence de l'ordre, la primauté du singulier, la proximité de la morale et du droit. Ils sont une des conséquences possibles, en l'occurrence extrême et entièrement laïcisée, d'une métaphysique dont l'homme, entendu comme individu, est le centre."  => https://www.memoireonline.com/01/14/8694/Le-nominalisme-de-Guillaume-d-Ockham-et-la-naissance-du-concept-de-droits-de-l-homme.html

 

Occam est ainsi un proto Suarez Locke: "En définitive, les éléments clefs de la théorie contractualiste à venir se trouvent déjà chez Ockham. Le politique découle du décret d'une volonté divine et relève de l'artefact, non d'une nature transcendante et éternelle. Cette théorie fait preuve d'un souci constant d'efficacité, d'adéquation au réel, et laïcise l'exercice du pouvoir temporel en faisant des hommes la cause unique de l'institution du pouvoir. Elle accompagne ainsi le mouvement de différenciation des sphères religieuse et politique caractéristique de la modernité occidentale. Le pouvoir politique permet aux hommes de vivre au mieux malgré leur imperfection. Sa finalité est de respecter la liberté et d'oeuvrer en vue du bien de tout un chacun. L'étendue du pouvoir est ainsi redéfinie. Si le souverain temporel et les individus s'obligent réciproquement, la source de l'imperium réside dans la souveraineté du peuple qui consent. L'individu est désormais au fondement de l'ordre social. Il peut exiger de l'autorité qu'elle protège ses droits. Dans le cas contraire, chacun est en droit d'exercer son pouvoir politique occasionnellement (casualiter) souverain. Ce constructivisme politique annonce le contractualisme à l'âge classique. La Chute préfigure l'état de nature, le jus poli les droits naturels subjectifs, il s'agit à présent d'extraire le commun du singulier, le politique de l'individu, les relations de l'isolement, le tout de la partie. Les théories des droits de l'homme à venir s'efforceront elles aussi de définir l'individu avant de l'intégrer à un corps social artificiel."

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Hm, ça me semble un peu tiré par les cheveux. Je vois deux justifications (approximatives) :

 

- Le nominalisme rejette, en esprit, la réalité de choses abstraites subsumant les choses individuelles et concrète, ce qui a un air de parenté avec le libéralisme qui rejette, en pratique, la légitimité d'entité collective auxquels seraient subordonnés les individus.

 

- Les premiers libéraux, Locke en particulier, étaient nominaliste, et joignait à leur attaque de l'autoritarisme politique une attaque de l'autorité de l'Ecole qui était plutôt réaliste.

 

Le deuxième point est une très faible justification, il nous donne une coïncidence, mais pas de lien de causalité. De plus, le nominalisme, c'est un truc qu'on retrouve chez presque tous les modernes, libéraux ou non. Je suis sûr qu'on peut trouver des interprétations qui mettent le marxisme à la suite du nominalisme et qui font du réalisme une idéologie au service de la classe dominante.

Et le premier point est très superficiel. Déjà, il ne faut pas confondre une entité collective, comme "la société", "un tas de sable" ou "une collection de timbre" avec les universaux, comme l'Homme, l'idée du sable, l'idée du timbre, à laquelle participe tous les timbres... Toute plurielles qu'elles soient, les collections restent des choses particulières, contingentes et changeantes. Un universel au contraire est sensé être nécessaire et immuable. Ensuite, même en réifiant des choses comme "la société", je ne vois pas en quoi ça rendrait nécessaire de leur donner de l'autorité sur les individus. Ni en quoi il serait nécessaire de refuser l'existence de X pour contester son autorité.

 

J'ai tendance à croire que le jusnaturalisme se fonde mieux dans un réalisme métaphysique, mais il y a tellement d'étapes intermédiaires, toutes intéressantes (et donc discutables) par elle-même que je me garderais bien de poser une identité entre les deux. De plus, les lectures de l'Histoire de la pensée qui s'efforce de tout séparer en deux camps, les gentils/les méchants, les idéalistes/les réalistes, etc, me semblent assez grossières, et engendre toujours des rapprochements douteux.

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7 hours ago, Johnathan R. Razorback said:

Si le libéralisme découlait du nominalisme, la position thomiste (André de Muralt & autres), qui consiste à taper sur le premier en tant que conséquence du second, serait plus solide qu'elle ne l'est en réalité.

J'ai l'impression (et @Mégille semble d'accord) que cette position est de toute façon à côté de la plaque quoi qu'il en soit.

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Il y a 3 heures, Mégille a dit :

Je suis sûr qu'on peut trouver des interprétations qui mettent le marxisme à la suite du nominalisme

 

Le marxisme lui-même me paraît peu bavard sur l'épistémologie proprement dite, par contre au niveau "historique" le nominaliste est clairement progressiste-bourgeois pour eux:

 

« Le matérialisme est le vrai fils de la Grande-Bretagne. Déjà son scolastique Duns Scot s'était demandé « si la matière ne pouvait pas penser ».

Pour opérer ce miracle, il eut recours à la toute-puissance de Dieu; autrement dit, il força la théologie elle-même à prêcher le matérialisme. Il était de surcroît nominaliste. Chez les matérialistes anglais, le nominalisme est un élément capital, et il constitue d'une façon générale la première expression du matérialisme ».

-Karl Marx et Friedrich Engels, La Sainte Famille, « La Critique critique absolue » ou « la Critique critique » personnifiée par Mr. Bruno.

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Il y a 4 heures, Mégille a dit :

J'ai tendance à croire que le jusnaturalisme se fonde mieux dans un réalisme métaphysique

 

Mais encore une fois ça n'a rien à voir, le nominalisme aussi est un réalisme ontologique, mais comme le dit très bien l'article de @Reykjavik, les seuls entités réelles sont individuelles.

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Il y a 10 heures, Mégille a dit :

Ensuite, même en réifiant des choses comme "la société", je ne vois pas en quoi ça rendrait nécessaire de leur donner de l'autorité sur les individus. Ni en quoi il serait nécessaire de refuser l'existence de X pour contester son autorité.

 

Ceci est le point important (quoique l'absence de nécessité n'empêche que l'hypostase de catégorie collective semble une précondition au collectivisme, puisqu'il rend possible de poser un intérêt du groupe supérieur aux intérêts des parties. Ceci dit, le libéralisme ne s'oppose pas uniquement au collectivisme, une tyrannie "fondée" sur le caprice individuel plutôt que sur une abstraction serait elle-aussi liberticide).

 

Factuellement, il y a des nominalistes non libéraux et des libéraux non nominalistes, donc l'association des deux est abusive (mais le peu que je connais de Delsol ne m'incite pas à lui reconnaître beaucoup de mérite intellectuel). Ce qui répond à la question du fil.

 

De surcroît, le libéralisme est une doctrine politique, beaucoup de libéraux ont échoué à développer une approche thick se sont souciés uniquement de philosophie politique et de questions pratiques. Chercher le nominalisme de Tocqueville, de Bastiat, ou d'un militant libéral ordinaire n'a certainement guère de sens, même si on soutient que tout individu dispose forcément d'une épistémologie implicite / non-consciente. Les doctrines comme le nominalisme ont justement ceci de notable qu'elles ne sont pas implicites.

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11 minutes ago, Johnathan R. Razorback said:

l'hypostase de catégorie collective semble une précondition au collectivisme, puisqu'il rend possible de poser un intérêt du groupe supérieur aux intérêts des parties

Je dubite. Il ne me semble pas qu'un nominaliste s'interdise de parler de groupe ou même de raisonner en termes de groupes, le débat comme je le comprends est bien en amont de ça et n'intervient pas à ce niveau (en gros, est-ce que parler de peuple c'est faire référence à une essence objective).

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  • 4 months later...

Etonnant comme le type déroule sans faille le plan énoncé par @Johnathan R. Razorback :

 

"le sport favori des thomistes consiste à imputer tout le mal du monde aux philosophies postérieures à Thomas d'Aquin. La vérité était connue mais voilà que sont venus les vils nominalistes => Luther => Hobbes => contractualisme et philosophie moderne => Révolution française et déclin du christianisme."

 

Visiblement, il pense que le libéralisme est contractualiste et tout aussi étonnement il semble ne jamais avoir entendu parler de l'école de Salamanque, qui se présente comme un renouveau de la pensée thomiste et fonde le libéralisme moderne. 

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il y a 33 minutes, Drake a dit :

il pense que le libéralisme est contractualiste

 

Alain de Benoist aussi, parmi beaucoup d'autres: http://oratio-obscura.blogspot.com/2018/11/remarques-sur-la-critique-de-lideologie.html

 

L'objection suivant laquelle l'homme est un animal social (vérité triviale que les collectivistes récitent ad nausaum) fait partie des hommes de paille que croisera tôt ou tard tout libéral.

 

Si je voulais embêter @PABerryer je pourrais faire remarquer que toutes ces belles personnes de droite nous récitent du Michel Villey (ou quelque chose que Villey a puisé chez quelqu'un que j'ignore). Avant lui, on avait bien Maistre, les contre-révolutionnaires et Maurras qui faisaient sortir le libéralisme du protestantisme (exit la tradition de Salamanque et Spinoza, du coup...), mais la chaîne généalogique interprétative n'allait pas encore jusqu'au nominalisme médiéval.

 

« Le caractère scandaleux de la doctrine d’Occam est une découverte toute moderne ; du XIVème au XVIIème siècle, personne ne s’en est aperçu. » 

-Étienne Gilson, « La philosophie franciscaine », in Saint François d’Assise : son œuvre, son influence, Paris, 1927, pp.148-75, p. 171.

 

Cela dit il y a certainement une part importante de vérité dans cette interprétation, comme Alain Laurent lui-même le reconnaît. L'erreur est de croire que libéralisme et nominalisme (ou contractualisme) serait inséparables. On peut trouver des contre-exemples avant même la Révolution française.

 

Ce qui est drôle c'est que les réactionnaires croient que le libéralisme sort du nominalisme, alors que les objectivistes pensent qu'ils sort d'un retour en force du réalisme conceptuel d'Aristote à partir de la fin du Moyen-âge / Renaissance... A mon avis les deux se plantent, fondamentalement. Sans compter que ça revient à donner un poids démesuré aux rôles des idées philosophiques dans l'explication des phénomènes politiques ; presque à en faire regretter le bon vieux mauvais marxisme et la lutte dialectique des modes de production.

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  • 5 months later...

Je poste ça là faute d'un meilleur fil.

 

Pour Jean-Paul II le cartésianisme mène à l'individualisme, au subjectivisme relativiste et in fine au totalitarisme par la médiation des Lumières.

 

J'en ai connu des généalogies foireuses en histoire des idées, mais alors une vulgarité de ce niveau-là...

 

D'un certain côté la position du pape est bcp plus réactionnaire que celles d'un Maistre ou d'un Maurras, vu que même eux ne rejetaient pas le cartésianisme dans les ténèbres extérieures. Mais maintenant même Descartes et les nominalistes sont jugées intolérables en regard de l'orthodoxie thomiste.

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