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Archéologie de la valeur & entropie liborgienne


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... mais sinon on est quand même d'accord que c'est un peu pourri ce qu'ils racontent, et le marxisme en général ?

 

Je ne peux pas répondre à ta question parce qu'elle est binaire et n'invite pas à la nuance.

 

Est-ce que tout est faux dans le marxisme ou chez Deleuze / Lordon ou whatever ? Sans doute que non. J'applique la méthode d'Aristote, qui consiste à se demander ce qui a pu être pensé dans le passé.

 

Et une fois admis qu'il n'y a pas grand-chose à sauver là-dedans, est-ce impardonnable d'y adhérer, d'y avoir un jour adhéré ? J'éviterai d'être si définitif. En tout cas, pas plus (et même moins) que de "croire" au lepénisme, aux ovnis ou au millénium...

 

Du reste j'aime beaucoup l'histoire des idées indépendamment du degré de pertinence des doctrines en elle-même. Je trouve ça utile, éclairant et même sain, intellectuellement parlant. On comprend mieux sa thèse en se confrontation à la thèse inverse.

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Oui Lordon est marginalost, je l'ai déjà fait remarqué à mes collègues qui ont eu un bug.

La triple logique : fétichisation de la marchandise marxiste, société du spectacle deborienne, désir lordonnien fait le grand saut marxisme marginalisme. C'est rigolo

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London est plus keynésien que marxiste.

 

Il n'est ni l'un ni l'autre, mais malgré ses envolées lyriques sur Roosevelt, il se situe plutôt dans une perspective anticapitaliste (donc marxienne) que régulationniste. Le salariat comme domination, ce n'est pas très keynésiano-compatible...

« Les keynésiens ne se sont jamais préoccupés de transformer l’ordre des choses. » -Frédéric Lordon, aux rencontres Déconnomiques d'Aix en Provence, août 2011.

Par ailleurs, Lordon ne cite pas Debord (à l'inverse d'Agamben par exemple). Dans une conférence, il explique que son cadre théorique spinoziste exclu la notion d'aliénation, fondamentale chez ce dernier (re-conceptualisé en spectacle). A mon avis, on a encore affaire ici à une lointaine conséquence de Mai 68 sur l'intelligentsia anticapitaliste, à savoir l'anti-intellectualisme (ou l'anti-théoricisme). S'il y a aliénation, il y a donc un sujet en surplomb (le Parti, l'intellectuel engagé à la Sartre, etc) qui dit à autrui qu'il est aliéné. Donc il y a une forme d'inégalité fondamentale liée à un savoir, et une possibilité de domination des sachants sur les non-sachants, que vont rejetter un paquet d'ex ou post-marxistes (Rancière, Foucault, Deleuze, Castoriadis, le dernier Althusser, Negri / Hardt, Philippe Coutant, sans doute aussi E. P. Thompson, etc.), en développant une forme d'anti-intellectualisme, avec comme corollaire la créativité rebelle intrinsèque de la Multitude, des "Sans-parts", etc.

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... mais sinon on est quand même d'accord que c'est un peu pourri ce qu'ils racontent, et le marxisme en général ?

 

Il faut évaluer le marxisme (comme n'importe quoi d'autre) à l'aune de ce qui a existé avant, pendant et ensuite.

 

Par exemple, trouve-t-on un équivalent du concept de mode de production dans l'économie politique classique ? Si non, alors on peut dire que Marx a produit au moins un concept utile. Et ainsi de suite.

 

On peut parfaitement faire des emprunts limités chez des penseurs très différents et de qualité inégale, du moment que cela se justifie.

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Je dirais pas anti intellectualisme (c'est plutôt de la démocratie radicale chez Rancière l'immanence pure chez Deleuze etc...) mais c'est plutôt sympathique d'un point de vue libéral (et encore plus anarchiste).

 

Anti-intellectualisme est trop fort ; parlons plutôt d'anti-rationalisme. Il y a l'idée que le savoir n'est plus nécessaire pour se débarrasser de l'idéologie. Il n'est plus une pré-condition de la radicalité politique, ou un facteur décisif pour faire la Révolution (laquelle n'est plus toujours une perspective revendiquée). C'est le contraire du communisme orthodoxe ("pas d'action révolutionnaire sans théorie révolutionnaire" disait Lénine) et plus généralement du marxisme, qui est un rationalisme (ou plutôt un scientisme).

 

Philosophiquement, ça passe en général par un rejet de Hegel (chez Deleuze et Althusser tout particulièrement), ce qui entraîne donc un rapport problématique à Marx (dont Foucault est probablement le plus éloigné). Il y a effectivement une affinité de cette mouvance avec l'anarchisme ou plus généralement les groupes "gauchistes". Pour ce qui est du rapport au libéralisme, hé bien, dans la mesure où il admet l'Etat, et où, suivant Mises, il est un rationalisme, il n'y a pas vraiment de points communs (n'en déplaise aux pourfendeurs des "libéraux-libertaires"). A la limite, il y a de commun une certaine valorisation de l'individu (ou plutôt, de la subjectivité) mais c'est terriblement lâche comme attache, et d'ailleurs ça vaut surtout pour Deleuze / Foucault et pas vraiment pour les autres.

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Il faut évaluer le marxisme (comme n'importe quoi d'autre) à l'aune de ce qui a existé avant, pendant et ensuite.

 

Sans doute. Ce qui me fait tiquer c'est le discours en filigrane du type "si seulement les mecs des nuits de bourre étaient marxistes" et la volonté de sauver quelque chose de Marx à tout prix alors qu'il y aurait tant d'autres penseurs de seconde zone à repêcher.

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Ce qui me fait tiquer c'est le discours en filigrane du type "si seulement les mecs des nuits de bourre étaient marxistes"

 

Il ne me semble pas avoir dit ça, mais si la question implicite est "trouves-tu qu'il serait préférable que l'extrême-gauche s'intéresse à Marx plutôt qu'à la french theory (en gros)", je dirais que ça me semblerait moins indigent intellectuellement (sur certains points), et plus dangereux politiquement. Marx avance une justification à son anticapitalisme (théorie de l'exploitation, toussa), qu'il prétend fondée sur une analyse économique. C'est censée expliquer la réalité (la crise, etc.). Les autres gugus n'apportent pas de motif plausible, ils sont dans le pur conformisme, la posture, l'antagonisme "existentiel" (cf l'avant dernier billet de Lordon ou le socialisme mystique du Comité invisible). Je trouve donc ça terriblement moins rationnel (et donc moins pardonnable). La modernité a produit aussi bien le libéralisme que le marxisme, mais le postmodernisme se pose en rupture avec tout cela.

 

et la volonté de sauver quelque chose de Marx à tout prix.

 

Pourquoi à tout prix ? Je suis plus intéressé à déterminer ce que Marx peut avoir de pertinent dans la mesure où j'ai adhéré à sa doctrine pendant un moment, mais ça n'a rien de désespéré. Si ça ne débouche sur rien, ce n'est pas dramatique, j'aurai juste perdu mon temps.

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"[Vilfredo Pareto] se refuse à toute analyse de la valeur, concept non scientifique à ses yeux qu'il propose d'exclure des ouvrages d'économie politique."

-François Schaller, La notion de productivité: essai critique (cf: https://books.google.fr/books?id=Qp5KONk2nhcC&pg=PA13&lpg=PA13&dq=marx+productivit%C3%A9+du+capital&source=bl&ots=P7I_LyVC1u&sig=V-n0JxLkbadj66aGVPymUpf4JQQ&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjK68m_h4_MAhUDuBoKHYCDBuEQ6AEIRjAH#v=onepage&q=marx%20productivit%C3%A9%20du%20capital&f=false).

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J'ai déjà cité un texte de Bourdieu qui dissociait valeur économique (valeur-travail) et valeur artistique, ce qui aboutissait à une vision passablement non unifiée de la valeur... Dans le texte suivant, Bourdieu s'en prend à l'approche substantialiste, et donc à Marx (on peut ainsi faire de Bourdieu un autre précurseur direct des positions de Lordon sur cette question, influence que Lordon revendique lui-même). Il adhère à une conception agonistique de la valeur, dont le domaine d'effet dépasse la seule formation des prix:

« La structure du champ économique détermine tout ce qui se passe dans le champ, et en particulier la formation des prix ou des salaires. En sorte que la lutte que l’on dit politique pour modifier la structure du champ économique est partie intégrante de l’objet de la science économique. Il n’est pas jusqu’au critère de la valeur, enjeu central des conflits entre les économistes, qui ne soit un enjeu de luttes dans la réalité même du monde économique. Si bien que, en toute rigueur, la science économique se devrait d’inscrire dans la définition même de la valeur le fait que le critère de la valeur est un enjeu de lutte au lieu de prétendre trancher cette lutte par un verdict prétendument objectif et de tenter de trouver la vérité de l’échange dans une propriété substantielle des marchandises échangées. Ce n’est pas un mince paradoxe en effet que de retrouver le mode de pensée substantialiste, avec la notion de valeur-travail, chez Marx lui-même, qui dénonçait dans le fétichisme le produit par excellence de l’inclination à imputer la propriété d’être une marchandise à la chose physique et non aux relations qu’elle entretient avec la producteur et les acheteurs potentiels. »
-Pierre Bourdieu, Homo academicus, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun »,‎ 1984, 302 pages, p. 127.
 
Soit dit en passant, le rejet de la valeur-travail conduit Bourdieu à rejeter la théorie marxiste de l'exploitation: « Bourdieu utilise peu le concept d’exploitation et ne l’emploie jamais dans le sens de Marx, c’est-à-dire dans le sens de plus-value, de surtravail. Il l’utilise dans une acception aujourd’hui courante : il y a exploitation quand les personnes ont des conditions de travail singulièrement difficiles, quand leurs salaires sont particulièrement faibles – alors que pour Marx, il y a exploitation dès qu’il y a du profit, même si les salaires sont élevés. Il n’y aucune exception à ce refus d’utiliser le concept d’exploitation dans le sens de Marx. » -Eric Gilles, Regard de Bourdieu sur Marx et sur sa théorie de la sphère économique.

 

On peut donc se demander pourquoi Lordon, à partir de prémisses semblables, en arrive à vouloir renverser le capitalisme... Ce qui rejoint la discussion précédente sur l'incohérence de l'intelligentsia anticapitaliste contemporaine.

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  • 2 weeks later...

Le mystère s'épaissit...

"Marx made this fundamental point very clear in his theory of exchange: the individual commodity never contains the substantial value that classical economists claimed was immanent in it. It cannot have a value (or even use value) if it is not sold (exchanged). And, if not sold, it is a thing to be simply discarded. The "selling" position is subordinated to the "choice" of the buyer (the possessor of money), and their mutual relationship is the epitome of asymmetricity."
-Kōjin Karatani, Transcritique: On Kant and Marx, London, The MIT press, 2005 (2003 pour la première édition), p.72.

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The "selling" position is subordinated to the "choice" of the buyer (the possessor of money), and their mutual relationship is the epitome of asymmetricity."

-Kōjin Karatani, Transcritique: On Kant and Marx, London, The MIT press, 2005 (2003 pour la première édition), p.72.

Mais c'est complètement con. Chaque partie a des réserves pour effectuer la transaction (utilité marginale pour l'acheteur, coût de production pour le vendeur par exemple). Ce n'est pas asymétrique puisque les deux parties en tirent un bénéfice (sinon elles ne feraient pas l'échange). Or le bénéfice retiré de la transaction est incomparable (contrairement à l'utilité marginale), donc on ne peux absolument pas prétendre à une quelconque asymétrie ou symétrie de l'échange sur le "montant" du bénéfice.
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  • 2 weeks later...

Mais c'est complètement con.

C'est surtout la première partie du passage qui m'intéresse. Comme diable peut-on concilier une théorie de la valeur-travail avec l'idée que le bien ne prend sa valeur qu'une fois échangé ? ...

Sinon, j'ai trouvé ça:

"Il vaut d'être noté que Keynes accepte, dans la Théorie générale (1936), le concept de valeur travail: "Nos préférences vont par conséquent à la doctrine préclassique que c'est le travail qui produit toute chose... avec l'aide du travail passé incorporé dans les biens capitaux" (éd. Payot, 1969, p. 223, souligné par Keynes). C'est, stricto sensu, la théorie marxiste de la valeur travail qui identifie le capital comme du travail accumulé."

-Bernard Marris, Le suicide du libéralisme économique, Alternatives Economiques n° 211 - février 2003 (cf: http://www.alternatives-economiques.fr/le-suicide-du-liberalisme-economiqu_fr_art__17960.html).

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  • 5 years later...

@Extremo @Vilfredo @Mégille @UltimexArticle qui vise à réfuter les critiques de Lordon envers la théorie de la valeur chez Marx : Valentin Soubise, "La condition anarchique et les affects de Frédéric Lordon peuvent-ils donner une théorie de la valeur ?", Attac, 2 octobre 2019: https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-21-ete-2019/debats/article/la-condition-anarchique-et-les-affects-de-frederic-lordon-peuvent-ils-donner-7018 

 

André Orléan, proche de Lordon, a subi le même type de contre-argumentation: Mark Hunyadi,  « Marx, substantialiste ? », Revue européenne des sciences sociales [En ligne], 50-2 | 2012, mis en ligne le 01 janvier 2016, consulté le 09 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/ress/2310 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ress.2310 

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il y a 56 minutes, Johnathan R. Razorback a dit :

@Extremo @Vilfredo @Mégille @UltimexArticle qui vise à réfuter les critiques de Lordon envers la théorie de la valeur chez Marx : Valentin Soubise, "La condition anarchique et les affects de Frédéric Lordon peuvent-ils donner une théorie de la valeur ?", Attac, 2 octobre 2019: https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-21-ete-2019/debats/article/la-condition-anarchique-et-les-affects-de-frederic-lordon-peuvent-ils-donner-7018 

 

André Orléan, proche de Lordon, a subi le même type de contre-argumentation: Mark Hunyadi,  « Marx, substantialiste ? », Revue européenne des sciences sociales [En ligne], 50-2 | 2012, mis en ligne le 01 janvier 2016, consulté le 09 février 2022. URL : http://journals.openedition.org/ress/2310 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ress.2310 

 

Je trouve Lordon trop inintéressant pour mériter une réfutation. A propos de cet article, je n'en ai lu que le début, mais j'ai l'impression qu'il défend la théorie des "ciseaux de Marshall", selon laquelle la détermination du prix impliquerait une offre (objective) et une demande (subjective), d'une façon analogue aux deux lames d'une paire de ciseaux, toutes deux nécessaires pour couper. De cela découlerait que les conceptions objectives et subjectives de la valeur seraient toutes les deux vraies et indissociables.

Contrairement à ce que prétend l'article, qui semble très heureux de se croire très hégélien et très hétérodoxe et très profond en allant par là, il me semble que c'est bien la thèse néoclassique orthodoxe. En tout cas, c'est celle que j'ai vu dans les premiers chapitres de tous les manuels d'économie pour étudiants de L1 que j'ai potassé quand je n'avais que ça à faire.

Si Lordon accuse la majorité des économistes de rester attaché à la valeur travail, alors il n'a pas tout à fait tort. Quel dommage qu'il n'ait pas entendu parler de l'école autrichienne (mais j'imagine que ça ne l'empêche pas de prétendre attaquer Hayek de temps en temps quand il lui faut un vilain).

 

La réponse autrichienne à ça (avec laquelle Lordon serait d'accord ?) est que les deux cotés de la pair de ciseaux sont subjectifs, puisque lorsqu'il s'agit d'attribuer un coefficient à chaque heure de travail (une heure d'un ingénieur n'a pas la même valeur qu'une heure d'un ouvrier non-qualifié chez Marx), il s'agit en fait d'évaluer subjectivement la valeur de ce travail (enfin, d'une unité ajouté à la marge de ce type de travail). Les théories "objectives" de la valeur, en faisant découler celle-ci de l'offre, cherchent en fait à faire de la valeur d'une chose son coût (et à long terme, comme les marxistes aiment le dire, effectivement, celle-ci tend vers celui-là... à la condition que l'on ait une concurrence pure et parfaite, ce que les marxistes évitent de mentionner). Mais le coût n'est rien d'autre que la valeur subjective que l'on sacrifie. 

 

Un autre angle mort est que la limitation objective de l'offre ne vient pas seulement du travail, mais aussi de la nature, comme aime le rappeler Jancovici. Mais qui commet à son tour une nouvelle forme de théorie de la valeur objective, en donnant une petite cousine à la vieille physiocratie.

 

J'ai arrêté de lire de l'économie autrichienne depuis un moment, puisque j'ai l'impression qu'on finit très vite par y tourner en rond et y répéter les mêmes banalités. Pourtant, à chaque fois que je tombe sur une nouvelle tribune d'un génie, en général français, qui prétend prendre un peu de hauteur sur l'économie en générale, on tombe toujours dans les mêmes écueils facilement réfutables par nos vieux autrichiens. Si seulement il y avait ne serait-ce qu'un ou deux cours, par-ci par-ci, sur Mises et Hayek au programme des licences d'économie en France !

  • Yea 1
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