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Morale et convention


Boz

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Suite à certain fil, la question de la nature de la morale s'est imposée à moi. A partir du débat (certes secondaire en soi) sur les drogues et leur caractérisation, cette question fondamentale (et à laquelle j'ai eu l'impression qu'aucune réponse solide n'a été alors donnée) est naturellement apparue.

En deux mots, la morale est-elle une science au sens qu'on l'établit sur des critères objectifs et universels (à partir d'une loi naturelle commune à tous les hommes par delà leur culture), ou est-elle au contraire une pure convention sociale fluctuante selon le contexte ? Je n'ignore pas la réponse (qui est aussi la mienne en temps normal) que la majorité des libéraux de ce forum feront : la morale est une conséquence qui s'impose à la raison, et l'édifice du libéralisme est bâti dessus. Néanmoins, c'est dans l'entre-deux que ma propre raison s'est heurtée à certains cas limites (et c'est là que ça devient intéressant !). Cette dichotomie est-elle absolue, ou existe-t-il néanmoins une certaine dose de convention dans la morale ?

Le petit Robert (que j'ai consulté avant de poster, édition 2003) ne tranche pas. Il est même assez drôle de constater qu'il opte pour la définition relativiste quand il s'agit de l'adjectif moral(e), mais pour la définition absolue quand il s'agit du nom commun (j'ai conscience que ce n'est sans doute pas par hasard).

Alors, entre :

1) Qui concerne les moeurs, les habitudes et surtout les règles de conduite admises et pratiquées dans une société.

et

2) Science du bien et du mal ; théorie de l'action humaine en tant qu'elle est soumise au devoir et a pour but le bien.

Ai-je imaginé une différence qui n'est qu'apparente ? La contradiction est-elle réelle ? A moins que le mot n'ait deux acceptions différentes et qu'il faille s'en accomoder, ce qui pourrait expliquer en partie la fréquence de certaines frictions sur ce forum.

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…la morale est-elle une science au sens qu'on l'établit sur des critères objectifs et universels (à partir d'une loi naturelle commune à tous les hommes par delà leur culture…

C'est bien là le raisonnement posé par le Droit naturel. Voir Rothbard, dans L'éthique de la liberté :

La loi naturelle, par conséquent, met à jour ce qui est le meilleur pour l’homme — quelles sont les fins les plus conformes à sa nature et qu’il doit rechercher, parce qu’elles sont les plus propres à promouvoir son achèvement. Cela a donc un sens de dire que la loi naturelle fournit à l’homme une “science du bonheur”, puisqu’elle lui indique les voies qui mènent au bonheur véritable. On peut opposer cette conception à l’économie politique ou praxéologie qui, comme la philosophie utilitariste avec laquelle cette science fut étroitement associée, conçoit “le bonheur” de manière purement formelle, comme la réalisation des fins que les gens —pour une raison ou pour une autre— placent à un rang élevé sur leur échelle de valeurs. Satisfaire ces fins donne à l’homme son “utilité”, sa “satisfaction”, son “bonheur”. La valeur au sens de l’appréciation ou de l’utilité y est purement subjective et définie par chaque individu. Cette approche, tout à fait appropriée à la discipline formelle de la praxéologie ou théorie économique, ne l’est pas nécessairement dans d’autres. En effet dans la science normative de la loi naturelle on démontre au contraire que certaines fins sont bonnes ou mauvaises pour l’homme à des degrés divers : la valeur y est objective, c’est-à-dire déterminée par la loi naturelle de l’être humain ; le bonheur humain y est pris dans son sens substantiel, qui est le sens commun.

Comme l’écrit le Père Kenealy, “Cette philosophie soutient qu’il existe en réalité un ordre moral objectif, accessible à la raison, auquel les sociétés humaines sont en conscience tenues de se conformer et duquel dépendent la paix et le bonheur dans la vie personnelle, nationale et internationale”. De son côté, Sir William Blackstone, un des plus grands juristes de l’histoire d’Angleterre, résumait en ces termes la loi naturelle et son rapport avec le bonheur humain : “C’est là le fondement de ce que nous nommons l’éthique, ou loi naturelle… en démontrant que telle ou telle action conduit au véritable bonheur de l’homme et par conséquent que son exécution appartient à la loi naturelle ; ou, d’un autre côté, que telle ou telle action détruit le véritable bonheur de l’homme et que par conséquent elle est interdite par la loi naturelle.”

Sans utiliser la terminologie de la loi naturelle, le psychologue Leonard Carmichael a montré comment il est possible de définir une éthique objective et absolue pour l’homme à partir des méthodes scientifiques de la recherche en biologie et en psychologie :

[…] puisque l’homme a depuis toujours une constitution anatomique, physiologique et psychologique fixe et génétiquement déterminée, on a de bonnes raisons de croire que certaines au moins des ‘valeurs’ reconnues par l’homme comme bonnes ou mauvaises ont été découvertes ou inconsciemment choisies au cours des milliers d’années durant lesquelles les individus humains ont cohabité dans un grand nombre de sociétés. Avons-nous des raisons de croire que ces valeurs, une fois découvertes et testées, ne pourraient pas être considérées comme fixes et invariables ? Par exemple, l’assassinat au hasard d’un adulte par un autre pour le seul plaisir de l’assassin, une fois reconnu comme tombant dans la catégorie du mal, sera sans doute toujours ainsi jugé. Ce genre de meurtre entraîne des inconvénients pour l’individu comme pour la société. Ou, pour prendre un exemple moins évident dans le domaine de l’esthétique, l’homme établira sans doute toujours la même relation particulière entre deux couleurs complémentaires pour la simple raison qu’il est né avec les yeux d’un homme, qui sont faits d’une certaine manière.

http://membres.lycos.fr/mgrunert/ethique.htm

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C'est bien là le raisonnement posé par le Droit naturel. Voir Rothbard, dans L'éthique de la liberté :

J'en ai bien conscience (j'ai d'ailleurs aussi relu ce passage de Rothbard avant de poster). Qu'en est-il alors de mon dilemme ? Pour être plus prosaïque, et puisque pour moi c'est parti de là que le (léger) doute s'est installé suite à l'intervention de certains, quelle est la différence morale entre boire une pinte de bière et fumer un joint de cannabis ?

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J'en ai bien conscience (j'ai d'ailleurs aussi relu ce passage de Rothbard avant de poster). Qu'en est-il alors de mon dilemme ? Pour être plus prosaïque, et puisque pour moi c'est parti de là que le (léger) doute s'est installé suite à l'intervention de certains, quelle est la différence morale entre boire une pinte de bière et fumer un joint de cannabis ?

C'est une question de coutumes et d'usages, plus essentiellement.

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La différence morale est intrinsèquement nulle. En fait la question morale n'est pas de fumer un joint ou non, mais d'enfreindre les règles sociales en fumant un joint ou non. Et il y a une différence entre le vice pratiqué discrètement et le vice exalté par la publicité qu'on y donne.

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La différence morale est intrinsèquement nulle. En fait la question morale n'est pas de fumer un joint ou non, mais d'enfreindre les règles sociales en fumant un joint ou non. Et il y a une différence entre le vice pratiqué discrètement et le vice exalté par la publicité qu'on y donne.

Tout à fait d'accord pour ta première phrase. Mais enfreindre les règles sociales, poussé à un certain point comme tu sembles l'entendre (exalté par la publicité), est-il une faute morale, ou un simple manque de savoir-vivre ?

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La différence morale est intrinsèquement nulle. En fait la question morale n'est pas de fumer un joint ou non, mais d'enfreindre les règles sociales en fumant un joint ou non. Et il y a une différence entre le vice pratiqué discrètement et le vice exalté par la publicité qu'on y donne.

J'ai entendu récemment une réfléxion talmudique sur le sujet qui était assez étonante. L'idée de base était de dire qu'un voleur qui oeuvrait dans la discretion pensait pouvoir rouler tout le monde dans la poussière, y compris Dieu et que d'une certaine manière c'était pire que celui qui le faisait en public car ce dernier reconnaissait qu'il faisait quelque chose de mal et donc n'ajoutait pas l'insulte à la divinité à son méfait.

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J'ai entendu récemment une réfléxion talmudique sur le sujet qui était assez étonante. L'idée de base était de dire qu'un voleur qui oeuvrait dans la discretion pensait pouvoir rouler tout le monde dans la poussière, y compris Dieu et que d'une certaine manière c'était pire que celui qui le faisait en public car ce dernier reconnaissait qu'il faisait quelque chose de mal et donc n'ajoutait pas l'insulte à la divinité à son méfait.

Dans ce cas les hommes politiques qui prétendent oeuvrer pour "le bien commun" sont bien dans la merde…

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Je crois que tu as toi-même répondu à ta question; c'est bien là le champ du jugement moral.

J'aimerais comprendre comment on établit la nature morale d'une infraction "lourde" aux règles sociales. Il me semble qu'on retombe encore une fois sur le problème de la limite floue (à partir de quand est-ce lourd ?) et donc d'une définition de la morale non objective. Je pense qu'on est d'accord sur l'essentiel des cas "usuels" et il est probable que je chipote, mais ça m'ennuie, ce dernier petit recoin de flou…il y a une incohérence que je n'arrive pas à résoudre.

J'ai entendu récemment une réfléxion talmudique sur le sujet qui était assez étonante. L'idée de base était de dire qu'un voleur qui oeuvrait dans la discretion pensait pouvoir rouler tout le monde dans la poussière, y compris Dieu et que d'une certaine manière c'était pire que celui qui le faisait en public car ce dernier reconnaissait qu'il faisait quelque chose de mal et donc n'ajoutait pas l'insulte à la divinité à son méfait.

Autrement dit, l'hypocrisie, c'est mal. Je ne pense pas que ce soit toujours le cas. Encore un problème de limite et de circonstances.

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J'en ai bien conscience (j'ai d'ailleurs aussi relu ce passage de Rothbard avant de poster). Qu'en est-il alors de mon dilemme ? Pour être plus prosaïque, et puisque pour moi c'est parti de là que le (léger) doute s'est installé suite à l'intervention de certains, quelle est la différence morale entre boire une pinte de bière et fumer un joint de cannabis ?

D'une certaine façon, il n'y a pas de différence fondamentale entre les 2. Les 2 actes peuvent aboutir à une abolition de la conscience, et c'est cela moralement qui peut poser un problème. L'abolition de la conscience peut entraîner l'individu à commettre des actes irréparables qu'il regretterait ensuite. Par ailleurs, tout le monde peut remarquer que l'absorption de faibles quantités d'alcool ou de cannabis modifie le sens moral.

On pourrait dire qu'il existe un degré supplémentaire pour le cannabis, puisque l'individu qui en fait usage enfreint la loi sciemment. Il se place hors la loi de façon volontaire, et ce fait là est également répréhensible moralement. Pas forcément pour l'individu en particulier, mais pour l'ensemble de la société car les lois ne sont pas faites pour l'individu mais pour la société. Le fait de montrer qu'on peut enfreindre la loi est mauvais en soi, et cela quelque soit la nature de la loi.

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Par ailleurs, tout le monde peut remarquer que l'absorption de faibles quantités d'alcool ou de cannabis modifie le sens moral.

C'est faux. Que ça modifie légèrement tes sens et ton humeur oui, mais le sens moral, faut pas pousser mémé dans les orties.

On pourrait dire qu'il existe un degré supplémentaire pour le cannabis, puisque l'individu qui en fait usage enfreint la loi sciemment. Il se place hors la loi de façon volontaire, et ce fait là est également répréhensible moralement. Pas forcément pour l'individu en particulier, mais pour l'ensemble de la société car les lois ne sont pas faites pour l'individu mais pour la société. Le fait de montrer qu'on peut enfreindre la loi est mauvais en soi, et cela quelque soit la nature de la loi.

Ta dernière phrase me sidère ! Donc il était mal en Allemagne nazie d'aider des juifs à échapper à la mort, parce que c'était violer la loi ? (pour prendre un exemple extrême). Depuis quand loi et morale se confondent-elles ?

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C'est faux. Que ça modifie légèrement tes sens et ton humeur oui, mais le sens moral, faut pas pousser mémé dans les orties.

C'est quand même connu que l'alcool lève les inhibitions. C'est d'ailleurs une de ses propriétés les plus recherché. Fais un test : tu mets x personnes ensembles avec et sans alcools tu verras comment les liens se construisent de manière différente dans les deux groupes (c'est le propre de l'apéro non : mettre les gens dans une situation où ils oublient leur timidité grace à la sangria).

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C'est quand même connu que l'alcool lève les inhibitions. C'est d'ailleurs une de ses propriétés les plus recherché. Fais un test : tu mets x personnes ensembles avec et sans alcools tu verras comment les liens se construisent de manière différente dans les deux groupes (c'est le propre de l'apéro non : mettre les gens dans une situation où ils oublient leur timidité grace à la sangria).

Bien sûr, c'est une évidence. Mais je n'appelle pas ça une altération du sens moral. C'est une altération d'un autre ordre.

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C'est faux. Que ça modifie légèrement tes sens et ton humeur oui, mais le sens moral, faut pas pousser mémé dans les orties.

Je ne vois pas ce qui te gêne là dedans ? C'est pourtant vrai. Il suffit d'un ou deux verres pour avoir une perception différente de ce qui est bien ou mal, de ce qui se fait ou ne se fait pas.

Ta dernière phrase me sidère ! Donc il était mal en Allemagne nazie d'aider des juifs à échapper à la mort, parce que c'était violer la loi ? (pour prendre un exemple extrême). Depuis quand loi et morale se confondent-elles ?

Dans un régime totalitaire, il n'y a plus de morale, parce que c'est la force et la violence qui a valeur de loi. Et lorsque le fondement de la loi est la violence et la force, c'est comme s'il n'y avait plus de loi.

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(c'est le propre de l'apéro non : mettre les gens dans une situation où ils oublient leur timidité grace à la sangria).

De la Sangria à un apéro, voilà une attaque frontale contre toute morale qui se respecte :icon_up:

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Je ne vois pas ce qui te gêne là dedans ? C'est pourtant vrai. Il suffit d'un ou deux verres pour avoir une perception différente de ce qui est bien ou mal, de ce qui se fait ou ne se fait pas.

Ah mais là on retombe sur une distinction morale/convention. Un homme éméché qui ne sait plus où est le bien et le mal, ça existe sûrement, mais ce n'est pas la règle générale. Par contre, un homme éméché qui perd tout savoir-vivre, c'est beaucoup plus courant. Et on revient sur la question que je posais à Mélodius : comment établir l'immoralité de l'infraction aux conventions sociales de manière objective ? Où est la limite ?

C'est bien parce que je pense qu'on ne peut pas répondre à cette question de manière rigoureuse que je refuse d'employer le mot moral qui est un mot fort et fondamental dont l'emploi n'est pas justifié ici.

Dans un régime totalitaire, il n'y a plus de morale, parce que c'est la force et la violence qui a valeur de loi. Et lorsque le fondement de la loi est la violence et la force, c'est comme s'il n'y avait plus de loi.

Tu joues sur les mots et ta pensée perd en précision. La loi et la morale sont deux concepts différents. Même si dans l'idéal évidemment, toute loi est censée être morale.

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De la Sangria à un apéro, voilà une attaque frontale contre toute morale qui se respecte :icon_up:

Exactement ! J'écrivais cette phrase en imaginant précisément les apéros pourris de conférences où personne ne connait quelqu'un et où personne ose se servir en premier

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D'une certaine façon, il n'y a pas de différence fondamentale entre les 2. Les 2 actes peuvent aboutir à une abolition de la conscience, et c'est cela moralement qui peut poser un problème. L'abolition de la conscience peut entraîner l'individu à commettre des actes irréparables qu'il regretterait ensuite. Par ailleurs, tout le monde peut remarquer que l'absorption de faibles quantités d'alcool ou de cannabis modifie le sens moral.

Abolition de la conscience? On parle d'un verre de bierre là, pas de 3 bouteilles de vodka

ça ne modifie pas le sens moral mais les limites de nos actes.

On pourrait dire qu'il existe un degré supplémentaire pour le cannabis, puisque l'individu qui en fait usage enfreint la loi sciemment. Il se place hors la loi de façon volontaire, et ce fait là est également répréhensible moralement. Pas forcément pour l'individu en particulier, mais pour l'ensemble de la société car les lois ne sont pas faites pour l'individu mais pour la société. Le fait de montrer qu'on peut enfreindre la loi est mauvais en soi, et cela quelque soit la nature de la loi.

Voir ce que dis Boz, d'autant plus qu'içi on parle de loi naturelle ou d'une morale objective, qui ne se superpose pas forcément à la loi étatique.

Dans un régime totalitaire, il n'y a plus de morale, parce que c'est la force et la violence qui a valeur de loi. Et lorsque le fondement de la loi est la violence et la force, c'est comme s'il n'y avait plus de loi.

Toute loi étatique est se base sur la violence ou souvent l'agression a priori pour être respectée.

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Abolition de la conscience? On parle d'un verre de bierre là, pas de 3 bouteilles de vodka

ça ne modifie pas le sens moral mais les limites de nos actes.

Oui, c'est pour cela que j'ai dit que les deux actes peuvent aboutir à une abolition de la conscience.

C'est curieux de voir à quel point le fait de parler des effets de l'alcool dérange certains…

Toute loi étatique est se base sur la violence ou souvent l'agression a priori pour être respectée.

Non, elle se base sur le consentement plus ou moins éclairé des citoyens.

Il ne faut pas tout mélanger. Une démocratie n'est pas un régime totalitaire.

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Invité jabial

J'ai tout de même du mal à voir en quoi se droguer de façon contrôlée est mal, qu'on s'en vante ou non. Ca me passe totalement à côté. Je comprend qu'il est mal d'imposer son ivresse à autrui, mais ça ne dépend pas du type de produit ennivrant. Je prend qu'il est mal de se détruire la santé, mais même objection.

Au final, je pense qu'une morale qui met l'accent sur le caractère légal ou illégal, habituel ou inhabituel d'un produit alors même que les sociétés soi-disant répressives du 18ème siècle étaient incomparablement plus tolérantes à ce sujet, est un faux conservatisme et tout-à-fait contre-productive, dans la mesure où elle casse le lien nécessaire entre réprobation sociale et nocivité réelle des produits.

Le combat contre la drogue, et aujourd'hui de nouveau l'alcool, n'est pas un combat conservateur, c'est un combat puritain.

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J'en ai bien conscience (j'ai d'ailleurs aussi relu ce passage de Rothbard avant de poster). Qu'en est-il alors de mon dilemme ? Pour être plus prosaïque, et puisque pour moi c'est parti de là que le (léger) doute s'est installé suite à l'intervention de certains, quelle est la différence morale entre boire une pinte de bière et fumer un joint de cannabis ?

Telle quelle ta question n'a pas de réponse : une action est morale ou pas en fonction de ce qu'elle fait aux individus qu'elle impacte (toi ou les autres), j'ai besoin de cette information pour répondre.

La plupart, sinon tous, les actes considérés habituellement comme "immoraux" peuvent être de réels investissements pour ta santé, ton bien être, ou ceux de la société…

La réponse est complètement indépendante de la coutûme. La science morale se passe très bien de la coutûme pour celui qui sait la pratiquer.

Tout à fait d'accord pour ta première phrase. Mais enfreindre les règles sociales, poussé à un certain point comme tu sembles l'entendre (exalté par la publicité), est-il une faute morale, ou un simple manque de savoir-vivre ?

"enfreindre les règles sociales" dans ce sens ça peut être faire simplement preuve d'individualisme … je ne trouve pas ça critiquable.

Autrement dit, l'hypocrisie, c'est mal. Je ne pense pas que ce soit toujours le cas. Encore un problème de limite et de circonstances.

Il n'y a qu'un cas où c'est pas mal : c'est quand tu ne peux pas faire autrement : "They can't handle truth".

C'est quand même connu que l'alcool lève les inhibitions. C'est d'ailleurs une de ses propriétés les plus recherché. Fais un test : tu mets x personnes ensembles avec et sans alcools tu verras comment les liens se construisent de manière différente dans les deux groupes (c'est le propre de l'apéro non : mettre les gens dans une situation où ils oublient leur timidité grace à la sangria).

Cela dépend des gens.

Bien sûr, c'est une évidence. Mais je n'appelle pas ça une altération du sens moral. C'est une altération d'un autre ordre.

En effet, la modification est d'ordre psychologique. Les effets au niveau de la morale ou d'autre chose sont des symptômes.

J'ai tout de même du mal à voir en quoi se droguer de façon contrôlée est mal, qu'on s'en vante ou non. Ca me passe totalement à côté. Je comprend qu'il est mal d'imposer son ivresse à autrui, mais ça ne dépend pas du type de produit ennivrant. Je prend qu'il est mal de se détruire la santé, mais même objection.

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Au final, je pense qu'une morale qui met l'accent sur le caractère légal ou illégal, habituel ou inhabituel d'un produit alors même que les sociétés soi-disant répressives du 18ème siècle étaient incomparablement plus tolérantes à ce sujet, est un faux conservatisme et tout-à-fait contre-productive, dans la mesure où elle casse le lien nécessaire entre réprobation sociale et nocivité réelle des produits.

Hum, que dit l'ordo-libéralisme sur le sujet ?

Le combat contre la drogue, et aujourd'hui de nouveau l'alcool, n'est pas un combat conservateur, c'est un combat puritain.

Peux tu préciser stp ?

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Pierreyves et Jabial, je suis d'accord avec vous. Mon but était d'obtenir une réponse à la question : enfreindre les usages sociaux peut-il parfois être une faute morale, et si oui, comment l'établir et fixer une limite objective (puisque la morale est vue comme un domaine du savoir objectif par les libéraux) ? J'ai posé cette question car Mélodius et Ronnie semblaient penser que c'était le cas. Ils n'ont pas répondu (ou alors je n'ai pas compris leurs réponses) et mes quelques réflexions depuis n'ont pas arrangé le problème.

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Je tends à penser qu'il n'y a pas de lien univoque entre normes sociales et morale. Certaines normes sociales sont basées sur la morale: ainsi la réprobation de l'adultère se base surson caractère immoral. A l'inverse, les normes de savoir-vivre ne sont que cela. Ne pas porter de cravate à un entretien d'embauche n'est pas immoral, mais une faute de goût dans nos sociétés.

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  • 2 weeks later...

Bonjour,

Je viens de lire le passage du livre de Rothbard. Ces histoires de "loi naturelle" à laquelle tout le monde : société, groupes, individus, seraient tenus de se plier pour soi-disant leur bien me paraît bien fumeux, même et surtout appuyé par la biologie, la psychologie, etc.

L'erreur que je perçois est la suivante : la science (du moins ce qu'il convient d'appeler les sciences nomothétiques dont font partie la biologie et une partie de la psychologie ; et qui sont visiblement celles qui sont convoquées dans ce passage puisqu'il s'agit de fonder une loi prétendument objective) est concernée par le général, alors que la morale personnelle, comme son nom l'indique, traite du particulier.

Par conséquent, toute loi morale personnelle qui pourrait être inférée d'une étude scientifique n'aura qu'une validité statistique, et non pas absolue. Du point de vue particulier, on ne pourra que faire remarquer qu'il est très probable que telle loi morale soit pertinente pour l'individu X, Y ou Z. Très probable, mais pas absolument certain. C'est au cas par cas qu'il faudra trancher, en tenant compte de la singularité de chacun. Et c'est à chacun que reviendra le dernier mot sur sa morale personnelle.

Ainsi, peut-être que la fornication, la prostitution ou l'homosexualité seront finalement partie intégrante de l'idéal moral de l'individu Y, même si les études scientifiques montrent que ces styles de vie ne conviennent pas (en général) à l'être humain (encore que j'aimerais connaître la part de formatage social dans ces appréciations…).

Que l'on conseille, en toute humilité, et sans jugement moral, d'adopter plutôt tel comportement que tel autre parce qu'on aura remarqué qu'en général ce comportement semble plus approprié, OK. Que l'on jette l'anathème et la condamnation morale (voire juridique…) sur ceux qui s'y livrent délibéremment entre adultes conscients et consentants, c'est inacceptable.

Ensuite, pour répondre à la question de Boz, j'aurais tendance à dire que la seule morale réellement objective est sociale et qu'elle consiste à laisser à chacun la liberté de vivre selon sa conception du bien personnel (et à protéger cette liberté lorsqu'elle est menacée). Mais le reste n'est pas forcément que conventions. Une convention, dans mon esprit, c'est avant tout sociologique comme phénomène, alors qu'il y a des conceptions du bien personnel qui sont répandues et qui ont une base biologique (par exemple l'interdit de l'inceste, que l'on retrouve dans la plupart des cultures). Et même des phénomènes plus sociologiques comme la politesse ne sont conventionnels que dans leur manifestation (si, dans une peuplade, le mot "merde" correspond à l'expression d'une profonde gratitude et admiration, alors je serai content que qqn de cette peuplade me dise "merde"…).

Bien cordialement,

Mikaël

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Que l'on conseille, en toute humilité, et sans jugement moral, d'adopter plutôt tel comportement que tel autre parce qu'on aura remarqué qu'en général ce comportement semble plus approprié, OK. Que l'on jette l'anathème et la condamnation morale (voire juridique…) sur ceux qui s'y livrent délibéremment entre adultes conscients et consentants, c'est inacceptable.

N'est-ce pas un peu contradictoire ? Dire qu'il est inacceptable de former un jugement moral, c'est déjà un jugement moral.

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N'est-ce pas un peu contradictoire ? Dire qu'il est inacceptable de former un jugement moral, c'est déjà un jugement moral.

Attention, tout jugement moral n'est pas inacceptable. A mes yeux, seuls sont inacceptables les jugements moraux portant sur les conceptions du bien personnel. Pas ceux portant sur la morale sociale objective.

Ainsi, qualifier d'immorale la contrainte est acceptable selon moi (et même heureux).

Qualifier d'immorale la masturbation est inacceptable.

Peut-être me dira-t-on que je confonds droit et morale, mais pour reprendre approximativement Ruwen Ogien dans La panique morale : un haut dignitaire nazi peut fort bien boire modérement, faire du sport tous les matins, être le mari d'une seule femme, ne pas se masturber, manger équilibré, avoir une vie organisée, etc. mais on n'ira pas pour autant dire de lui que c'est qqn dont la morale est irréprochable…

Bien cordialement,

Mikaël

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