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Archéologie de l’intérêt


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Rarement élaboration conceptuelle n’aura été si manquée, ni si tragiquement nécessaire, que dans le cas du concept d’intérêt. C’est à partir de l’idée qu’il faut imposer à autrui de poursuivre ce que l’on sait mieux que lui être son intérêt que ce sont bâties les pires tyrannies de l’histoire :

« Il n’est besoin de contrainte au sein de la classe ouvrière que dans la mesure où les individus composant la classe ouvrière ne sont pas capables d’agir comme le commandent leurs propres intérêts ou n’y sont pas disposés. »
-Gyorgy Lukács, Le rôle de la morale dans la production communiste, Szocialis Termelés [Production Sociale] 20 juillet 1919.

Et aujourd’hui, le débat enflamme jusqu’à Liborg :
 

Les gens sont libéraux quand ça ne les menace pas. Mais si ça menace leur vie, ils ne seront pas libéraux. C'est pas beaucoup plus compliqué. Et tant qu'on sera un pays fonctionnarisé, il faudra être très fin pour expliquer aux gens que la libéralisation, c'est mieux pour eux :).


C'est évident, nous savons mieux qu'eux ce qui est bon pour eux. Tout comme les socialistes et les communistes.
Même chez les libéraux les vices politiciens sont bien ancrés.


N’arrivant pas à retrouver les posts récents sur la question, je reprends ce que j’avais proposé dans « Je raconte ma life », savoir à peu près :

« Si l’on ne pouvait connaître les intérêts d’autrui (au double sens de ses centres d’intérêts, ce qui l’intéresse, et de ce qui lui serait avantageux), éventuellement plus clairement qu’il ne les perçoit lui-même, on ne pourrait jamais offrir de bons conseils (qui traduisent justement ce degré de discernement, ou de capacité à se mettre à la place d’autrui). Or les bons conseils existent.
Donc Ludwig von Mises se trompe en affirmant que l’individu est le meilleur juge de son propre intérêt (car il peut bien se tromper ou se faire des illusions sur lui-même, pas besoin de la psychanalyse pour comprendre ça). »

Ce à quoi Ultimex (il me semble que c’était lui), avait proposé une résolution intéressante du problème, hélas évaporée par ma faute.

Mais avant de discuter de l’intérêt, de l’intérêt propre, de l’intérêt d’autrui, de l’existence (ou la non-existence) de l’intérêt général, distinct (ou pas) des intérêts particuliers, il faudrait déjà se mettre d’accord sur ce dont on parle.

Si j’en crois cet article de Richard Swedberg (cf: http://people.soc.cornell.edu/swedberg/2005%20Can%20there%20be%20a%20sociological%20concept%20of%20interest.pdf), le concept d’intérêt à d’abord sur origine chez les économistes, avant d’être intégré, à la fin du dixième-siècle, dans la sociologie (avec le sociologue australien Gustav Ratzenhofer, Albion Small et E. A. Ross aux USA, Max Weber et Georg Simmel en Allemagne. Durkheim utilise aussi le terme mais selon l’auteur « [he] was less enthusiastic about the use of the concept of interest ». Le concept tombe en relative désuétude à partir de l’Entre-Deux Guerres, Talcott Parsons le critique âprement paraît-il. Quelques décennies plus tard, il devient central dans les sociologies de James Coleman et Pierre Bourdieu).

Pour Ratzenhofer et Small, le concept d’intérêt relève du naturel aussi bien que du social. Je cite l’article de Swedberg : « Like Ratzenhofer, Small saw interest as part of the cosmos : « in the beginning were interests”. Just as the physicist makes the assumption that something called atoms constitute the basic units of matter, so the sociologist should make the assumption that interests constitute the basic units of human behavior. “The notion of interest is accordingly serving the same purpose in sociology that the notion of atoms has served in physical science”. No one ever seen an atom, and it is the same with interest ; they should be used because they constitute a useful abstraction.” (p.6)

Le concept d’intérêt chez Small a deux caractéristiques: il correspond aux motivations que l’on peut attribuer a posteriori a un agent pour rendre compte de son action [et dans cette optique on voit mal comme l’on pourrait connaître l’intérêt d’autrui autrement que sous la forme d’un savoir portant sur le passé] ; il désigne aussi bien des nécessités physiologiques que des comportements qui semblent plus « libres » : « Every act that every man performs is to be traced back to an interest. We eat beacause there is a desire for food ; but the desire is set in motion by a bodily interest. We sleep because we are tired ; but the weariness is a function of the bodily interest in re-building used-up tissue. We play because there is a bodily interest in the use of the muscles. We study because there is a mental interest in satisfying curiosity…We go to the market to supply an economic interest, and to war because of some social interest of whatever mixed or simple form.” (p.6-7).

De plus, les différents intérêts des individus peuvent être en conflits “or support one another ». Small explique ainsi le soutien ou l’hostilité à la loi de prohibition de l’alcool comme une contradiction d’intérêts. Il affirme également l’existence d’ intérêts immoraux (« immoral interests »), tels que la poursuite du gain aux dépens des autres.

[Je passe un peu de temps sur ce point, puisque, comme vous le savez, dans le libéralisme et en particulier chez Mises [et chez Aron], il est posé que les intérêts bien compris des individus sont nécessairement convergents, au moins sur le moyen et long terme. Par conséquent, face à une contradiction d’intérêts quelconque, ces auteurs devraient logiquement soutenir que l’une au moins des parties n’a pas conscience de son véritable intérêt].

C’est Ross, le concept d’intérêt est un dérivé complexe de forces impulsives premières, qu’il nomme désirs.

Athur Bentley semble procéder à une collectivisation du concept, puisqu’il identifie les intérêts à ceux des groupes : « There is no group without its interest. An interest, as the terme will be used in this work, is the equivalent of a group. We may speak also of an interest group or of a group interest, again merely for the sake of clearness in expression. The group and the interest are not separate. There exists only one thing, that is, so many men bound together in or along path of a certain activity.” (p.9)

Pour Small et Simmel (mais pas Ross), l’intérêt est une force d’impulsion présociale, qui sert justement à expliquer pourquoi il y la vie en société. En outre, les intérêts peuvent selon Simmel être « sensuous or ideal, momentary or lasting, conscious or unconscious, causal or teleological ».

Pour Coleman, influencé par la pensée économique (vraisemblablement néoclassique, Swedberg ne précise pas) l’intérêt est un concept central. Il part du principe que chaque individu cherche à maximiser son propre intérêt, et qu’il faut étudier la société à partir de là. L’intérêt n’est plus décrit comme présocial ; en revanche il est toujours un principe explicatif de l’action. L’action et les interactions sociales surviennent parce que l’individu ne contrôle pas les ressources qui lui permettraient de satisfaire son intérêt. Des groupes sociaux distincts ont des intérêts distincts (Coleman utilise l’exemple des travailleurs et des bureaucrates).

Chez Weber, l’intérêt ne sert qu’à expliquer un certain type d’action sociale, celle « determined by self-interest », qui a une visée instrumentale, et diffère de l’usage et la coutume. L’intérêt est ce qui détermine une fin calculée et rationnellement poursuivie [ici, impossible de parler d’intérêts « inconscients » ou irrationnels], il peut être matériel (ex : économique) ou idéel (ex : religieux). Ce type d’action caractérise de façon prédominante le comportement économique, mais peut-être trouvé dans d’autres sphères de l’action. L’intérêt s’oppose donc à la coutume acceptée inconsciemment et à la dévotion à des normes ou values absolues. L’individu qui agit en suivant son intérêt ne se sent pas lié par quelque chose. Ce type de comportements se développe avec le marché et l’effacement des coutumes au profit d’une rationalisation croissante. Weber affirme également (dans Économie et Société) qu’un ordre ne peut être stable sur la seule base de l’intérêt (ou de la violence), il ne peut fonctionner que si des normes sont perçues comme valides ou contraintes. On s’éloigne donc d’un modèle où la coopération sociale est expliquée en termes d’intérêts bien compris. Chez Weber, les intérêts peuvent s’opposer (entre les individus, et au sein d’un même individu), et l’ordre social n’est possible que parce qu’il existe à côté des relations d’intérêts des relations communautaires, et parce que les relations intéressées qui durent finissent par créer un sentiment de communauté.

Bourdieu s’inspire de Weber. Il utilise le concept d’intérêt pour éviter d’expliquer les faits sociaux par des concepts psychologiques comme les motivations ou les impulsions. Les agents ne participent à un champ (religieux, économique, littéraire) que s’ils ont un intérêt dans celui-ci. Cependant, pour Bourdieu, l’intérêt n’est pas un (comme l’affirme selon lui les économistes) mais multiples, relatifs aux champs. De plus, le rapport du sujet au monde dépend de son habitus, l’agent n’est pas rationnel mais « raisonnable ». Sa recherche de son intérêt n’est donc pas calculé mais plutôt instinctive. Il ne délibère pas avant de faire (modèle délibérationniste de l’action inspiré d’Aristote), il fait. L’influence de la société peut transformer n’importe quoi en un intérêt.

Pour Parsons (qui critique Locke et la tradition utilitariste, et dont la démarche ressemble ici un peu à Weber), l’ordre social ne tient pas grâce à l’intérêt, mais grâce aux normes, qui évitent la guerre de tous contre tous.

Swedberg conclut (d’une manière qui montre toute l’obscurité qui demeure encore autour de cette notion) : « The discussion in this article of the works of Ratzenhofer and others shows that there has been little continuity over time in the sociological literature when it comes to interest, in the sense that sociologists have not been aware of the way in which other sociologists have used this concept. » (p.27)

Dernière remarque intéressante: “Thinkers who start with the individual must face the problem of explaining how an individual can survive, and this usually leads to a discussion of work, interest, or the like. Systems theoreticians and holists, in contrast, do not find it equally urgent to address this question, because a system is an abstract entity and easily lends itself to an analysis exclusively in terms of symbols, culture, and the like”. (p.29)

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N’arrivant pas à retrouver les posts récents sur la question, je reprends ce que j’avais proposé dans « Je raconte ma life », savoir à peu près :

« Si l’on ne pouvait connaître les intérêts d’autrui (au double sens de ses centres d’intérêts, ce qui l’intéresse, et de ce qui lui serait avantageux), éventuellement plus clairement qu’il ne les perçoit lui-même, on ne pourrait jamais offrir de bons conseils (qui traduisent justement ce degré de discernement, ou de capacité à se mettre à la place d’autrui). Or les bons conseils existent.

Donc Ludwig von Mises se trompe en affirmant que l’individu est le meilleur juge de son propre intérêt (car il peut bien se tromper ou se faire des illusions sur lui-même, pas besoin de la psychanalyse pour comprendre ça). »

Voici les différentes réponses qui t’avaient été faites ;) :

Je pense surtout que le terme "meilleur juge" est source de confusion si on ne sait pas à quoi on le rattache. ;)

Un individu X pourra, de par son expérience, son savoir, son intelligence, décider un individu Y à effectuer une action dans un contexte quelconque, action tout-à-fait pertinente dans ce contexte et à laquelle Y n’aurait pas pensé ou qu’il aurait négligée initialement pour certaines raisons.

Cependant, la personne la plus à même de savoir si cette action répondait bien au besoin dans le contexte donné, le meilleur juge, c’est bien Y, on est dans la pure subjectivité.

(Je crains de ne pas être très clair dans mon explication).

Admettons qu'un individu puisse se tromper sur son propre intérêt. C'est a fortiori encore plus vrai pour tous les autres individus du monde qui ne le connaissent pas mieux qu'il se connaît lui-même. Sans compter qu'on nage dans l'opinion la plus totale puisque par définition son intérêt c'est lui et personne d'autre qui le détermine. Tavu ?

Le conseillé a davantage d'informations sur sa propre situation que le conseilleur (c'est le point de vue misesien). En revanche, le conseilleur peut apporter l'information agrégée par autrui et notamment par les générations précédentes (c'est le point de vue hayékien). Mais même dans ce cas, ce n'est que le conseillé qui peut juger si ces nouvelles informations sont pertinentes ou non dans son cas, et personne d'autre ne peut le faire (c'est un peu le point de vie watzlawickien).

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Voici les différentes réponses qui t’avaient été faites ;)

Merci beaucoup, ça va servir de fil directeur. Je ne vais pas y répondre minutieusement pour le moment mais je pense avoir trouver un exemple, un peu insidieux il est vrai (mais qu'on pourrait rendre plus général au besoin), qui en pointe les limites.

Supposons que je sois un enfant en train de jouer sur les lignes d'un train à grande vitesse, inconsciemment du danger. Un train approche. Un adulte passe par là et me crie de venir vers lui. Admettons que je ne comprenne pas pourquoi il me dérange. Ne défendrait-il pas mieux que moi mon propre intérêt en m'empêchant de me faire écraser ? Et par conséquent, ne comprenait-il pas mieux que moi mon intérêt ?

(bien sûr cet exemple repose sur une scission dans le concept d'intérêt entre: 1): ce qui m'intéresse, ce que j'ai envie de faire, pôle subjectif ; 2): ce qui est intéressant pour moi, ce qui m'est avantageux, et qui est donc relativement indépendament de mes préférences immédiates, de la conscience que je peux avoir de ce qui m'est avantageux, pôle objectif).

 

(Je laisse de côté le fait que dans la situation décrite, l'adulte est, en droit français, obligé d'intervenir, sous peine de "non-assistance à personne en danger", délit qui mériterait un fil de débat dédié).

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Le problème c'est surtout que l'intérêt d'un être humain n'est pas forcément le but, mais plutôt le chemin qu'il parcoure.

En clair, il faut pouvoir se tromper pour progresser, donc même si on sait qu'un individu se plante, on ne va pas forcément l'aider en ne le laissant pas faire. 

Le cas de l'enfant est différent car il n'est pas responsable pleinement de ses actes, donc ceux qui sont responsables pour lui doivent veiller à ce qu'il ne dépasse pas les limites qui mettrait sa vie en danger.

  • Yea 1
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 Qu'il soit possible qu'autrui connaisse mieux ton intérêt que toi-même, c'est évident. Mais je ne comprends pas bien le sens de la question...

 

 Car même si c'est le cas, forcer quelqu'un à faire quelque chose dont il n'a pas envie - même dans son intérêt - c'est mal.

 

 De plus, mieux vaut une multitude d'erreurs individuelles qu'une seule erreur d'un Etat centralisé. Les conséquences ne sont pas comparables. En aucun cas cela ne remet en question le paradigme libéral. 

 

 Donc au final, l'ordre spontané, c'est assez cool ; l'Etat, c'est plutôt chiant.

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Le problème d'imposer à autrui quelque chose pour son intérêt c'est qu'il est difficile d'imaginer qu'il soit de l'intérêt de quelqu'un de lui prendre son argent, de le séquestrer voir de l'assassiner s'il n'obéit pas.

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Bah déjà si tu crois au Paradis Éternel pas offert à tout le monde, son intérêt propre et celui d'autrui n'aura strictement rien à voir que si tu crois en la Grande Absurdité Transcendantal. Après il y a ces histoires de gens qui votent communiste dans le seul but d'offrir un monde meilleur à leurs enfants, ceux qui cherchent le Paradis Pour Leur Gueule en envoyant les flics chez les fans de Johnny Hallyday, et ceux qui aideront personne tant qu'il n'auront pas un tout petit indice sur le sens de tout ce merdier.

Comment ça ça vous aide pas ?!

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Par avance, désolé si mon analyse est peu claire, brouillonne :

 

Qu'il soit possible qu'autrui connaisse mieux ton intérêt que toi-même, c'est évident.

Justement, ça n'est pas si évident que ça sinon il n'y aurait pas de débat à ce sujet. ;)

De mon point-de-vue, il conviendrait de décomposer le problème qui nous intéresse de la façon suivante :

1) Il est possible qu'autrui ait des informations que tu n'as pas ;

2) Ces informations supplémentaires pourraient t’amener à modifier ta façon d'agir de façon à être plus conforme à tes intérêts.

Au final, cela ne veut pas dire qu'autrui a une meilleure connaissance de toi-même, ça reste bien toi qui la conserve, tu modifies seulement ta façon d'agir de manière à mieux servir ton intérêt qui est une notion entièrement subjective.

La réponse de Rincevent résume d'ailleurs les choses de façon bien plus claire :

 

Le conseillé a davantage d'informations sur sa propre situation que le conseilleur (c'est le point de vue misesien). En revanche, le conseilleur peut apporter l'information agrégée par autrui et notamment par les générations précédentes (c'est le point de vue hayékien). Mais même dans ce cas, ce n'est que le conseillé qui peut juger si ces nouvelles informations sont pertinentes ou non dans son cas, et personne d'autre ne peut le faire (c'est un peu le point de vie watzlawickien).

Supposons que je sois un enfant en train de jouer sur les lignes d'un train à grande vitesse, inconsciemment du danger. Un train approche. Un adulte passe par là et me crie de venir vers lui. Admettons que je ne comprenne pas pourquoi il me dérange. Ne défendrait-il pas mieux que moi mon propre intérêt en m'empêchant de me faire écraser ? Et par conséquent, ne comprenait-il pas mieux que moi mon intérêt ?

Tu triches un peu en prenant le cas d'un enfant, ce dernier ne se caractérise pas par son expérience et sa capacité de raisonnement en général. ;)

 

(bien sûr cet exemple repose sur une scission dans le concept d'intérêt entre: 1): ce qui m'intéresse, ce que j'ai envie de faire, pôle subjectif ; 2): ce qui est intéressant pour moi, ce qui m'est avantageux, et qui est donc relativement indépendament de mes préférences immédiates, de la conscience que je peux avoir de ce qui m'est avantageux, pôle objectif).

Il me semble que par définition la notion d'intérêt qui fasse débat ici soit ton point 1), ton point 2) correspondant à ce que Rincevent qualifie d'information agrégée par autrui et notamment par les générations précédentes (ce qui n'en fait donc pas forcément un pôle objectif d'ailleurs mais plutôt un pôle que l'on pourrait qualifier de "subjectif agrégé").

Dire que tu es la personne la plus à même de connaître ton intérêt (ton point 1) ne me semble pas contradictoire avec le fait que ton intérêt, ce que tu juges bon pour toi puisse être en opposition avec ce qui devrait t'être avantageux (ton point 2) d'ailleurs. Cette dernière situation reflète de mon point-de-vue les deux possibilités suivantes :

- Soit que tu manques d'informations pour pouvoir prendre la décision qui est jugée par autrui comme t'avantageant, soit que tu aies commis une erreur de raisonnement. Néanmoins, cela ne remet pas en cause le fait que tu sois le plus à même de connaître ton intérêt, cela souligne juste que tu manques d'informations ou de logique ;

- Soit tu as décidé pour une raison qui t'aies propre d'aller à contre-courant de ce qu'autrui juge comme t'avantageant.

Dans tous les cas, retour à l'explication de Rincevent. ;)

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L'intérêt d'un être humain n'est pas forcément le but, mais plutôt le chemin qu'il parcoure.

Le problème du Yoda style c’est qu’on comprend rien :D

 

En clair, il faut pouvoir se tromper pour progresser, donc même si on sait qu'un individu se plante, on ne va pas forcément l'aider en ne le laissant pas faire.

C’est pas faux mais si on reste dans mon exemple, on ne progresse plus une fois mort…

Mais au fond je m’intéresse ici moins à la façon dont il faut agir avec autrui qu’à l’intérêt d’autrui : peut-on le connaître ou pas ?Et peut-on méconnaître son propre intérêt ou pas ?

 

Le cas de l'enfant est différent car il n'est pas responsable pleinement de ses actes, donc ceux qui sont responsables pour lui doivent veiller à ce qu'il ne dépasse pas les limites qui mettrait sa vie en danger.

Certes, mais la distinction enfant/adulte est elle-même problématique, vu que c’est une construction sociale. Il y a des cultures où tu es un adulte à douze / treize ans. Et même en laissant ça de côté, la radicalité de la différence de comportement que tu proposes mérite d’être interrogée : pourquoi à 19 ans te tirer du danger contre ta volonté viole ta liberté et pas à 17 ans (ou l’inverse) ?

 

Car même si c'est le cas, forcer quelqu'un à faire quelque chose dont il n'a pas envie - même dans son intérêt - c'est mal.

POE à l’air de dire que c’est acceptable vis-à-vis d’un enfant. Toi tu penses qu’il vaut mieux le laisser se faire écraser pour ne pas agir de façon coercitive avec lui ?

 

Ton intérêt [...] est une notion entièrement subjective.

Si c’est le cas, comment autrui (une autre subjectivité) peut-il en avoir une connaissance même partielle ? A partir du moment où il connaît mon intérêt (au sens de ce qui m’est avantageux, même si je ne l’ai pas encore perçu), il émet bien un jugement sur la réalité. Mon intérêt est pour sa conscience un objet du monde (même si ce n’est pas un objet matériel évidemment).

 

- Soit que tu manques d'informations pour pouvoir prendre la décision qui est jugée par autrui comme t'avantageant, soit que tu aies commis une erreur de raisonnement. Néanmoins, cela ne remet pas en cause le fait que tu sois le plus à même de connaître ton intérêt, cela souligne juste que tu manques d'informations ou de logique ;

Dans ce cas que veut dire l’énoncé « connaître son intérêt » une fois qu’on en extériorise le contenu (les informations) et la méthode (logique). Comment peut-on connaître quoi que ce soit dans ces conditions ?

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Si c’est le cas, comment autrui (une autre subjectivité) peut-il en avoir une connaissance même partielle ? A partir du moment où il connaît mon intérêt (au sens de ce qui m’est avantageux, même si je ne l’ai pas encore perçu), il émet bien un jugement sur la réalité. Mon intérêt est pour sa conscience un objet du monde (même si ce n’est pas un objet matériel évidemment).

Je ne nie pas qu'il soit possible d'avoir une connaissance poussée d'autrui mais celle-ci sera toujours partielle : il me semble en effet strictement impossible de se mettre à la place de quelqu'un d'autre, de connaître ses pensées les plus intimes, de raisonner exactement de la même façon, de percevoir et d'analyser les choses de manière identique bref, d'être dans sa tête.

Si on est capable d'être de bon conseil, c'est donc en se basant sur "l'information agrégée" que l'on aura accumulé et qu'on aura estimé adaptée à la fois à la personne concernée et au contexte donné. C'est pour cela que j'estime que la personne la plus à même de juger de son propre intérêt est la personne que l'on conseille car il est parfaitement possible que l'on se trompe sur son compte, sur sa façon de voir les choses, etc.

 

Dans ce cas que veut dire l’énoncé « connaître son intérêt » une fois qu’on en extériorise le contenu (les informations) et la méthode (logique). Comment peut-on connaître quoi que ce soit dans ces conditions ?

Je considère "la connaissance de son intérêt" comme synonyme de la connaissance d'un objectif que l'on cherche à atteindre dans le but de satisfaire un besoin. Ma définition est peut-être foireuse ceci-dit.
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La réponse de Rincevent résume d'ailleurs les choses de façon bien plus claire :

[...]

Il me semble que par définition la notion d'intérêt qui fasse débat ici soit ton point 1), ton point 2) correspondant à ce que Rincevent qualifie d'information agrégée par autrui et notamment par les générations précédentes

[...]

Dans tous les cas, retour à l'explication de Rincevent. ;)

Je vais rougir. :wub:
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..

Mais au fond je m’intéresse ici moins à la façon dont il faut agir avec autrui qu’à l’intérêt d’autrui : peut-on le connaître ou pas ?Et peut-on méconnaître son propre intérêt ou pas ?

 

..

 

Si tu ne définis pas ici ce que tu entends par intérêt, c'est difficile de te répondre. L'intérêt d'autrui est ce qui est bon pour lui ou est ce simplement les buts qu'il donne à son action ?

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Mais au fond je m’intéresse ici moins à la façon dont il faut agir avec autrui qu’à l’intérêt d’autrui : peut-on le connaître ou pas ?Et peut-on méconnaître son propre intérêt ou pas ?

Dans les 2 cas, il faut déjà bien comprendre que le mot "intérêt" est un mot-enveloppe, vaste fourre-tout qui :

- désigne en fait un package/arbre de plusieurs sous-intérêts importants (penser eg à la pyramide de Maslow), sous-intérêts parfois cohérents, parfois en opposition.

- concerne des temporalités différentes (on parle souvent ici de la "préférence temporelle"). Et là aussi les intérêts à court-terme sont très fréquemment en opposition avec les intérêts à long-terme

- déborde en général un peu l'individu concerné. L'intérêt d'un individu, c'est souvent aussi que ses proches se portent bien.

- et d'autres considérations

 

Comme tous les trucs multi-dimensionnels, il est rare d'arriver à faire des progrès simultanément sur tous les critères. C'est même souvent l'inverse. Et donc à chacun de choisir ce qu'il privilégie à un instant donné.

 

En tout état de cause, pour un individu responsable, la question de méconnaitre son propre intérêt me semble un peu oiseuse. En effet, si c'est le cas (et c'est fréquent), si le principal intéressé (avec toute la connaissance locale de sa propre personne, historique, et contexte) n'y arrive pas ... qui donc peut faire mieux ?

 

Et sur la connaissance de l'intérêt d'autrui, il faut aussi avoir à l'esprit que le monde biologique (et pas juste humain) est, pour des raisons d'efficacité des prédateurs et des proies, un monde de mimétisme, mensonges, leurres, dissimulations, fausses intentions, feintes, diversions, etc. Et cela 24h/24, minute par minute. Arriver à trier les moments de sincérité au milieu du flot d'insincérité permanent ... c'est un vrai travail. Et sans aucune garantie de succès.

La connaissance de l'intérêt d'autrui m'apparait assez comme une illusion de se hausser en rabaissant les personnes visées. Et d'ailleurs quand l'individu supérieur pense comprendre l'intérêt d'autrui, c'est en général pour aussitôt étendre cette prétendue connaissance à un ensemble de personne.

Le constructivisme est partout moins performant que l'émergence. C'est pour moi la preuve de l'inanité et l'inintérêt de la prétention d'une connaissance exogène des intérêts d'autrui

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Le problème d'imposer à autrui quelque chose pour son intérêt c'est qu'il est difficile d'imaginer qu'il soit de l'intérêt de quelqu'un de lui prendre son argent, de le séquestrer voir de l'assassiner s'il n'obéit pas.

Pour la séquestration, je vois bien comment cela peut-être pour son bien.

Et je serais prêt à le faire.

 

Un copain saoul comme un coing chez moi qui ne peut rentrer qu'en voiture, il va rester chez moi jusqu'à ce qu'il dessaoule.

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En clair, il faut pouvoir se tromper pour progresser, donc même si on sait qu'un individu se plante, on ne va pas forcément l'aider en ne le laissant pas faire.

Je plussoie beaucoup.

Sinon, d'une façon générale, il m'apparaît tout à fait possible que dans certains cas, on sache mieux qu'autrui ce qui est dans son propre intérêt.

Mais il faut bien distinguer : Je peux, le cas échéant, savoir mieux que mon voisin comment il devrait agir dans son propre intérêt, tout en ayant tort de croire qu'il est dans son intérêt que je le contraigne à agir de la sorte. Dit autrement, une action peut être dans l'intérêt d'un individu, mais forcer cette action peut ne pas être dans son intérêt.

Il n'est cependant pas impossible que dans certains cas, forcer certains individus adultes (irresponsables et demeurés) à agir d'une certaine manière soit dans leur intérêt et qu'on le sache. Il y a des gens qui sont ravis d'être forcés à ceci ou cela. Mais cela ne justifie pas de mesure politique.

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 Est-ce qu'il est dans l'intérêt d'un individu d'être guidé par un autre ? N'est-ce pas plutôt dans l'intérêt de l'individu de faire des erreurs pour progresser ? Que se passera-t-il quand le conseilleur ne sera plus là pour conseiller ? Ou qu'il donnera un mauvais conseil ? 

 

 Au final, le futur est trop bien incertain. Prétendre connaître l'intérêt - si on voit à long terme - d'un individu est d'une incroyable prétention. 

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Prétendre connaître l'intérêt - si on voit à long terme - d'un individu est d'une incroyable prétention.

En règle général oui. Il y a probablement des cas bien précis et particuliers où ce n'est pas si prétentieux que ça.
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Dans le monde parfait des néo-classiques, pourquoi pas. Dans le vrai monde... Hum, je demande des exemples ^^

Justement, parce que le monde n'est pas parfait, en cherchant bien tu trouveras certainement des individus parfaitement demeurés et irresponsables, qui dans certains cas bien précis, agissent à l'évidence contre leur intérêt, seraient ravis d'avoir été forcés à agir autrement, et n'auraient de toute façon jamais rien appris si on les avait laissé faire. Il n'y a aucun "exemple type", puisque cela ne concernera que des cas particuliers.

Rien à voir avec les hypothèses néoclassiques où les individus sont bien informés et agissent toujours rationnellement.

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C'est un faux problème. 

Peu importe qu'un individu agisse dans son intérêt ou pas, ce qui compte pour nous c'est que l'on considère qu'il est libre et responsable de ses actes, et si c'est le cas, nous n'avons pas le droit de le contraindre fut ce dans son intérêt.

Le problème ce sont les cas limites : la maladie, le handicap qui font que l'individu peut être temporairement ou définitivement privé de son libre arbitre, cas ou il est nécessaire qu'un tiers se substitue à sa volonté afin de sauvegarder sa vie et ses intérêts. Ces cas sont normalement prévus par la loi.

Autrement, sur le débat de connaître ou pas l'intérêt d'un individu, à l'extrême, un être omniscient  a probablement connaissance de l'intérêt d'un individu mieux que lui, mais probablement aussi qu'il n'interviendra pas pour contraindre l'individu. C'est l'exemple des saints, des sages, des êtres réalisés.

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Le gars qui se soucie réellement de l'intérêt des gens, c'est l'entrepreneur.

Il s'efforce de proposer des trucs qui intéressent les gens. Et sans coercition.

 

Et quand ça fonctionne, qu'un marché existe librement pour son produit ou service,

tous les pourceaux politiques lui tombent dessus car eux savent mieux ce qui est bon pour les autres.

 

  • Yea 1
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