Adrian Posté 27 novembre 2024 Signaler Posté 27 novembre 2024 Citation Un procès passionne ces jours-ci l'Argentine. Un éleveur patagonien, propriétaire d'une bande de littoral, vient d'être condamné pour avoir tué des manchots et détruit leurs oeufs lors de travaux d'excavation sur son terrain. Le tribunal de Chubut a invoqué un argument inattendu : le droit de propriété n'inclut pas celui de détruire « la flore autochtone et en particulier les nids des animaux sauvages ». Appelé à faire jurisprudence, ce jugement pourrait contrarier des projets de déforestation controversés ailleurs dans le pays, alors que Javier Milei, le président libertarien nouvellement élu, ne fait pas mystère de son mépris pour la question écologique. Surtout, le tribunal de Chubut ouvre un débat absolument crucial sur l'évolution de la notion de propriété à l'ère du droit environnemental. Jusqu'où puis-je être possesseur d'un terrain partagé avec une infinité d'organismes, des manchots, mais aussi des oiseaux, des insectes, des graminées, des mycorhizes dans le sol ou même des bactéries ? Le poids du droit agraire Il faut tout d'abord reconnaître que, dans ses fondements philosophiques, qu'on l'aime ou qu'on le déteste, le droit de propriété est avant tout pensé comme un droit agraire, qui ne tient aucun compte du milieu dans lequel il s'inscrit. Côté socialiste, Jean-Jacques Rousseau a dénoncé « le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : ceci est à moi ». Il en a fait le responsable des crimes, des guerres, bref de toutes les misères du « genre humain » mais aucunement, dans l'esprit de Rousseau, pourtant si sensible à la nature, de celles des vivants non humains. Côté libéral, John Locke légitime l'appropriation par le travail. Il prend l'exemple d'un homme qui cueille une pomme. « A quel moment la pomme devient-elle sienne ? demande-t-il. Quand il la digère ? Quand il la mange ? quand il la fait cuire ? Quand il la rapporte chez lui ? Ou bien lorsqu'il l'a ramassée ? » Réponse : quand il l'a ramassée, car il a produit un effort et donc mêlé son corps à la nature. C'est le début de la valeur-travail. Mais si l'on intègre tous les autres travailleurs qui ont rendu cette pomme possible, les butineurs qui ont pollinisé l'arbre, les lombrics qui ont préparé sa terre, les castors qui en ont permis l'irrigation, comment l'homme pourrait-il revendiquer un droit exclusif ? Usus, fructus, abusus La détention d'un bien est classiquement caractérisée par l'usus (la jouissance), le fructus (la mise sur le marché) et l'abusus (la possibilité de le détruire). C'est l'abusus qui fait l'essence de la propriété. Par son annihilation potentielle, l'objet devient véritablement le nôtre, soumis à notre pouvoir. Or qui peut prétendre aujourd'hui, alors que nous avons déclenché en quelques décennies la sixième extinction de masse de l'histoire de notre planète, que le propriétaire d'un terrain pourrait en abuser au point d'en supprimer la biodiversité ? Qui peut accepter l'éradication de la vie, au nom du cadastre ? J'ai toujours été un fervent partisan du droit de propriété, établi à la Révolution après un millénaire de lutte paysanne bien décrit par Georges Duby. Dans ces colonnes, j'ai vanté l'action d'Hernando de Soto pour attribuer des droits de propriété aux habitants des bidonvilles, qui se voient sinon privés de toute sécurité juridique et financière ; j'ai défendu le droit d'auteur lors des négociations européennes autour de l'IA ; j'ai proposé la patrimonialisation des données personnelles qui permettrait d'établir un véritable rapport de force entre les producteurs de data (vous et moi) et les plateformes numériques. « Science lugubre » Mais précisément pour défendre ce droit émancipateur, pour éviter qu'il ne disparaisse purement et simplement dans une écologie autoritaire, il faut renoncer à la sacralité que lui confère l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et lui poser des limites intrinsèques. Plusieurs options philosophiques et juridiques sont aujourd'hui discutées. Donner des droits à des entités non humaines, comme les fleuves ou les animaux, une innovation juridique qui prend le risque de l'anthropomorphisme. Ou bien assortir le droit de propriété d'obligations, comme la nécessité de préserver ou d'augmenter la biodiversité de toute parcelle acquise. Quand, au XIXe siècle, il a fallu exclure du droit de propriété la possession d'esclaves, certains économistes s'y sont savamment opposés, en particulier Thomas Carlyle, qui inventa bien à propos l'expression de « science lugubre » ( « dismal science ») pour désigner sa discipline. Les économistes et juristes contemporains doivent nous prouver que leur science n'est pas lugubre et nous aider à imaginer les formes nouvelles du droit de propriété, à la fois respectueuses de la liberté individuelle et protectrices des autres vivants. 1
Tramp Posté 27 novembre 2024 Signaler Posté 27 novembre 2024 Il est de moins en moins intéressant. Pourtant c’est pas la littérature libérale qui manque sur le sujet, au moins depuis Coase. 1
fm06 Posté 27 novembre 2024 Signaler Posté 27 novembre 2024 Il est de plus en plus mauvais.Il ne maîtrise même pas les notions de fructus et abusus… niveau L1 de droit. 1
fm06 Posté 9 février Signaler Posté 9 février Il récidive dans Le Point. Quote Sur le plan théorique, la doctrine libertarienne reste grossière, fermée aux autres sciences humaines et d'un systématisme trop facile. Elle est surtout rendue obsolète par la nécessité, à l'heure de la sixième extinction de masse de l'histoire de notre planète, de penser le vivant. La conception libertarienne absolutiste du droit de propriété inclut l'abusus, le droit de détruire, y compris son propre environnement. La tronçonneuse de Milei coupe les dépenses publiques et abat les arbres. https://media.licdn.com/dms/image/v2/D4E22AQG4S7VtfnImlg/feedshare-shrink_1280/B4EZTfc2yWG0Ak-/0/1738915672999?e=1741824000&v=beta&t=tEywAJx0AAAjbkUJ4o7wA3ZVrt2G41t7uOc4GwGhItI
Largo Winch Posté 11 février Signaler Posté 11 février Vous souvenez-vous de ce Monsieur qui, lors de la dernière Présidentielle, se présentait comme le candidat de la débureaucratisation ? Il allait tout simplifier en allégeant les réglementations excessives. Eh bien désormais, comme il n'a pas réussi à désactiver Copilot sur son Word, il estime urgent de réglementer l'IA en Europe, quitte à perdre la guerre économique. Plus sérieusement, comme souvent avec GK, il dit des choses justes tout en racontant en même temps de grosses bêtises. Je trouve qu'il a raison d'alarmer sur les dangers d'un renforcement de la technocratie via l'IA. De même qu'il a raison de s'inquiéter du fait qu'une IA dans les mains d'une bureaucratie peut "nudger" les comportements. Sa solution ? Confier à la bureaucratie européenne un contrôle renforcée de l'IA ! Les prémisses sont justes, la conclusion wtf. 2
Lancelot Posté 11 février Signaler Posté 11 février Je crois qu'à un moment donné il va falloir faire le deuil et admettre qu'on l'a perdu. 6
Largo Winch Posté 11 février Signaler Posté 11 février J'ai toujours considéré qu'on ne l'avait jamais gagné. 4
Lexington Posté 11 février Signaler Posté 11 février Je suis rassuré de voir que je ne suis pas le seul à me demander ce qu'il lui reste de libéral ces derniers temps. Je le vois systématiquement passer pour des idées qui n'ont rien de libéral. Il y a 1 heure, Largo Winch a dit : J'ai toujours considéré qu'on ne l'avait jamais gagné.
Johnnieboy Posté 11 février Signaler Posté 11 février C’est toujours plus que surprenant, ces libéraux qui passent leur temps à défendre des idées qui ne sont pas libérales. Ce que je veux dire, c’est que même si je partageais ses idées écologistes, je continuerais à utiliser ma tribune pour défendre des idées libérales puisque personne ne le fait. Tandis que des écolo, il n’y a plus que ça. 1
Rübezahl Posté 11 février Signaler Posté 11 février Je crois que, à moins d'une très forte personnalité, la plupart des gens finissent peu ou prou par absorber les "idées" du milieu où ils évoluent le plus souvent. C'est juste le chemin avec le gradient le plus cool, la minimisation des frictions. Et GK n'évolue pas dans un milieu libéral fort.
F. mas Posté 11 février Signaler Posté 11 février Je crois que la nouveauté, c'est qu'une partie des koeniguistes eux-mêmes en ont assez.
Lugaxker Posté 11 février Signaler Posté 11 février Il y a 8 heures, Largo Winch a dit : Je trouve qu'il a raison d'alarmer sur les dangers d'un renforcement de la technocratie via l'IA. De même qu'il a raison de s'inquiéter du fait qu'une IA dans les mains d'une bureaucratie peut "nudger" les comportements. Sa solution ? Confier à la bureaucratie européenne un contrôle renforcée de l'IA ! Les prémisses sont justes, la conclusion wtf. This. Je me demandais d'où venait ce lynchage, jusqu'à ce qu'il parle de réguler la « mouche » dans Microsoft Word ! Il n'a d'ailleurs même pas daigner évoquer la solution libérale (imparfaite) à ce problème qu'est le logiciel libre.
fm06 Posté 19 février Signaler Posté 19 février A propos du discours de Vance à Münich: Quote Une démocratie forte tolère les propos déviants. Elle préfère la réfutation à l'interdiction. Le désir de modération perpétuelle est le signe d'une société fébrile et peu sûre d'elle-même. [...] la démocratie ne saurait se réduire à la désignation d'un leader suprême. [...] la démocratie devait se protéger de sa dérive despotique inhérente en multipliant les contre-pouvoirs : associations, presse, autorités locales décentralisées, etc. [...] Les institutions, protectrices des droits individuels contre la tyrannie de la majorité, sont précisément ce qui distingue la démocratie, gouvernement du peuple, de sa forme dégénérée, baptisée "ochlocratie" par l'historien grec Polybe: le gouvernement des foules, ensorcelées par des démagogues. Finalement il n'écrit pas que des bêtises :-) https://media.licdn.com/dms/image/v2/D4E22AQFtfD1N2WENmQ/feedshare-shrink_2048_1536/B4EZUYPO97H0Ao-/0/1739868405922?e=1743033600&v=beta&t=8WbQOV0Km5kRJacW3cGb0ZAwcPCcTu9BZC74Mav9sOM
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